Il y a deux ans de cela, les Suédois de Ghost Games opéraient une délicate opération : rendre à la série Need For Speed ses lettres de noblesse, en revisitant une de ses plus glorieuses périodes. C'est-à-dire la période tuning, courses de nuit et concours de drift des Need for Speed Underground. Si le résultat ne fut pas au goût de tous, il a toutefois donné des idées au studio qui, pour 2017, entend bien creuser la formule. Avec plus d'action, plus de tuning, plus de policiers... Bref, plus de tout : le projet semblait rouler sur les bons rails. Et là, comme l'a dit un grand homme, « the thing goes skraaaah ».
Notre vidéo-test de Need For Speed Payback
En 2015, le petit Need for Speed n'a pas convaincu tous les amateurs de jeux de course. La faute à un monde ouvert peut-être trop limité, à une conduite trop glissante, ou à son scénario et ses acteurs insupportables ? Chacun se fera son idée. Le soft reposait néanmoins sur de bonnes idées, exécutées avec soin, à commencer par le système de customisation visuelle des autos, ou sa diversité d'épreuves. Need For Speed allait bien entendu avoir une suite : le studio n'avait alors qu'à capitaliser sur les points forts de son dernier bébé, et mettre les bouchées doubles sur le reste. Présenté à l'E3 2017 via une séquence de jeu hyper dynamique, Need for Speed Payback donnait l'impression de lorgner méchamment du côté d'Hollywood et des derniers Fast & Furious, tout en revoyant les bases admises d'un jeu de course. Quelques jours de test auront suffi à doucher notre enthousiasme.
Du vin dans le diesel
Pourtant nos premiers pas, ou plutôt nos premiers coups de volant, dans le monde de Need For Speed Payback, augurait du meilleur. Payback s'installe dans un Las Vegas factice (enfin, plus factice encore que la ville originale, disons) et ses alentours, offrant aux joueurs la possibilité de rouler tant en ville qu'en petite montagne, dans des étendues désertiques ou de rougeoyants canyons. Outre la sympathique sensation de variété, on apprécie également l'étendue de la zone jouable ou encore la richesse des détails, autant en ville qu'en pleine campagne. Le jeu parvient régulièrement à donner l'impression d'être vivant, et ce parfois de manière tout à fait surprenante. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous sommes tombés nez à nez avec un OVNI, écrasé en plein milieu du désert ! Un PNJ l'avait pourtant mentionné au détour d'une discussion sans réel intérêt, et le voilà, perdu en plein milieu de la pampa. Plutôt étonnant.
Outre la carte, les premiers contacts avec le scénario du jeu sont aussi plutôt encourageants, lors des premières heures de jeu. Les trois personnages jouables entrent en guerre contre une puissante mafia nommée le Clan, qui contrôle la plupart des activités du coin (casinos, courses de rue, etc). Mais aussi la police, de toute évidence. Après une arnaque, Morgan, Mac et Jess veulent se venger, et ils seront aidés par le propriétaire d'un casino qui n'appartient pas encore au Clan. Les trois pilotes vont user de leurs talents pour obtenir plus d'informations et infiltrer le Clan, afin de se venger. Sans être particulièrement palpitant, le scénario est plutôt bien écrit, et donne régulièrement aux joueurs de petits détails qu'il faudra relier les uns aux autres afin de comprendre ce qui se trame. On finit ainsi par deviner que Marcus Weir n'est peut-être pas qu'un simple propriétaire de casino, et qu'il est fort probable que d'autres personnes aient réussi à infiltrer le Clan. On doute toutefois que vous ayez la patience d'écouter tous les dialogues du jeu puisque ces éléments scénaristiques sont souvent noyés sous une montagne de répliques un rien grotesque, qui fleurent bon (ou mauvais, c'est selon) le film de série B. Morgan, Jess et Mac sont assez peu intéressants et les doublages français n'arrangent rien.
Certains se contenteront donc de passer rapidement les nombreuses discussions du jeu pour se concentrer sur les scènes d'action, comme celle présentée lors de l'E3 2017. Si certains espéraient trouver dans ce Need For Speed Payback un jeu d'action façon Fast & Furious, alors ils seront déçus. Dans sa construction, Payback est un jeu de course en monde ouvert assez classique, et les missions scénarisées sont finalement assez rares. Si certaines sont effectivement très spectaculaires, on restera, en fin de compte, sur un sentiment mitigé. Trop linéaires, trop scriptées, ces missions laissent assez peu d'initiative au joueur, qui devra la plupart du temps se contenter de suivre l'itinéraire balisé. D'autant que le rythme est souvent cassé par les transitions, certes dynamiques, entre phases de jeu et cinématiques. On se sent un peu à l'étroit dans ce Need For Speed Payback, un comble pour un jeu en monde ouvert.
La force du Crew
Afin d'accéder aux diverses missions scénarisées susmentionnées, il faudra progresser à travers les nombreuses missions plus classiques qu'a à offrir Payback. On retrouve ici un jeu de course beaucoup plus lambda, avec ses courses, ses sprints, ses épreuves de drag, ses concours de drift... Les joueurs de Need For Speed ne seront pas perdus puisque l'on retrouve ce qui a fait le succès de titres comme Need For Speed Underground ou Need for Speed : Most Wanted. Et des épreuves, il y en a un paquet, toutes bien réparties, en fonction de leur nature, dans les différentes régions de Fortune Valley. Du très classique, mais du classique efficace, notamment en ce qui concerne les épreuves de drift, beaucoup plus plaisantes que dans l'épisode précédent. Mais c'est bien ce manque d'originalité qui finit par agacer quelque peu. Désireux de s'ouvrir à d'autres styles de conduite, Need For Speed introduit courses off-road et spécialisations des véhicules, quitte à aller puiser dans ce qui existe ailleurs. Les courses off-road, on les doit bien entendu au succès des deux derniers Forza Horizon, et l'on ne s'en étonnera pas outre mesure. Elles sont toutefois assez fades dans la mesure où le moteur physique du jeu, trop permissif sur route, offre des sensations peu folichonnes une fois sorti des sentiers battues. À part quelques sauts plutôt rigolos, la conduite off-road n'apporte rien de plus, et c'est bien dommage.
En revanche il est beaucoup plus surprenant de voir à quel point Payback s'est inspiré de The Crew, le jeu de course d'Ubisoft et Ivory Tower. Les véhicules, à leur achat, doivent être rangés dans une discipline et c'est à partir de là que pourra commencer leur personnalisation, aussi bien technique que visuel. Comme dans The Crew, on gagnera à chaque course, à chaque défi, de nouvelles pièces qui permettront de booster les performances de la voiture. Chaque bolide dispose d'un niveau et plus celui-ci grimpera, plus les pièces que l'on pourra lui attacher seront puissantes. Un système un peu étonnant dans un jeu comme Need For Speed, qui ne nous avait pas vraiment habitués à grinder pour progresser.
Vous l'aurez compris, Need for Speed n'est pas bien original, si vous avez déjà touché aux jeux de courses de ces deux ou trois dernières années. D'autant qu'à l'inverse de certains de ses concurrents, Payback n'améliore pas vraiment la formule, se contentant de faire le job.
Chasseur d'épaves
Cela étant, il y a de bonnes idées dans ce nouveau Need For Speed, à commencer par le système d'épaves. Ces autos abandonnées peuvent être retrouvées ici et là sur la map, après qu'un PNJ vous ait donné un indice. Une fois la carcasse retrouvée, il faudra également mettre la main sur les pièces détachées manquantes, qui sont aussi bien planquées dans Fortune Valley. Le jeu fournit toutefois quelques indices et le jeu prend alors des allures de courses d'orientation, comme celles que l'on a tous connues à l'école primaire. Plutôt amusant, il permet surtout ensuite de mettre la main, à moindre coût, sur de nouvelles voitures qui seront ensuite extrêmement personnalisables. On parle ici de vieilles Mustang, ou de Fairlady qui pourront ensuite rivaliser avec les meilleurs avions de chasse du jeu. Plutôt sympa.
Et dans l'absolu, même le système d'amélioration des voitures est amusant. Un temps. Largement inspiré de The Crew, il a été enrichi en introduisant un système de boutiques réparties ici et là sur la carte, qui proposent toujours des pièces différentes. Les stocks sont renouvelés toutes les trente minutes, ce qui demandera au joueur d'être constamment à l'affût. De même, il est possible de crafter de nouvelles pièces en utilisant une monnaie acquise en jeu, en échange de pièces qu'on ne souhaite pas utiliser. Présentée sous la forme d'une roulette façon machine à sous, cette roulette peut permettre d'acquérir assez rapidement des pièces plus puissantes, ou même d'obtenir des pièces de même marque que celles déjà équipées. En effet, regrouper sur son auto les pièces d'une même marque peut débloquer un effet bonus, comme un boost de vitesse, de nitro ou de freinage. Plutôt intéressant, surtout pour ceux qui souhaiteront ensuite se mesurer en ligne à d'autres joueurs. C'est là que le hasard s'en mêle.
Casino royal
Ce qui nous permet de parler, rapidement, du système de micro-transactions du jeu. Depuis quelques temps déjà, Electronic Arts prend ses distances avec le système de DLC, qui permet de générer des revenus supplémentaires, mais aussi de faire revenir les joueurs sur un titre paru il y a plusieurs mois. Ainsi, il n'y aura pas de DLC pour Need For Speed Payback ou Star Wars Battlefront II. Ce qui en veut pas dire pour autant que l'éditeur a fait une croix sur cette entrée d'argent. Aujourd'hui, le modèle économique qui monte, c'est celui des micro-transactions et des loot boxes et bien entendu Need For Speed Payback n'y échappe pas. C'est probablement dans cette optique que Ghost Games a revu son système d'amélioration des voitures. Les micro-transactions donnent accès à des pièces cosmétiques, certes, mais aussi à de l'argent in-game, bien pratique pour mettre enfin la main sur une pièce détachée. Et ces pièces détachées sont parfois bien difficiles à obtenir. Que ce soit en fin de course, au moment de les crafter ou même jusque dans ce que proposent les magasins, ce paramètre d'aléatoire est absolument partout et il est possible que certains joueurs perdent patience.
D'autant que le jeu vous abreuve d'épreuves et de courses en tout genre et qu'il sera souvent assez difficile d'équiper correctement toutes ses voitures en même temps. Dans notre cas, nous avons choisi de délaisser la voiture de Jess, pour nous concentrer sur celles de Mac et Morgan. Pas de quoi nous empêcher de progresser dans le jeu, mais suffisant pour rendre certaines épreuves plus difficiles qu'elles ne devraient l'être, ou de casser le rythme de progression.
Dommage, dérapage
Avec Ghost Games toujours aux commandes, nous n'avons pas été surpris de retrouver la conduite et les sensations du Need For Speed 2015. Payback est un jeu de course très arcade, qui a cela d'appréciable qu'il permet d'enchaîner les drifts tout en douceur. Pour autant, tout le monde n'appréciera pas et il est évident que côté grip ou transferts de masse, Ghost Game a fait le strict minimum. Parfois, on est même frustrés de voir à quel point les freins sont efficaces. On aimerait déraper, sentir le train arrière s'accrocher puis lâcher prise, sentir le poids de la voiture passer de l'arrière vers l'avant... Ce qui est tout à fait possible dans un jeu de course arcade. Mais le studio a manifestement pris le parti de tout miser sur le drift, ce qui plaira à certains, on n'en doute pas. Les autres seront beaucoup plus dubitatifs.
En revanche, puisque le jeu fait ce pari, on aurait aimé que les tracés des différentes courses du jeu suivent la même logique. Ils manquent souvent d'inspiration et de challenge, et sorti des concours de drift, on s'ennuie un peu, il faut le dire. L'impression de vitesse reste assez bonne pour ne pas s'endormir, notamment lorsque l'on active la nitro, et puisque chaque voiture propose des réglages à la volée, en fonction de sa spécialité, chacun pourra trouver chaussure à son pied. Cela reste un peu fragile pour un jeu qui s'appelle « Need For Speed ». Besoin de vitesse ? Payback est le premier concerné. On se sent rarement en danger et les montées d'adrénaline sont trop rares.
Hélas, Vegas
Un dernier mot sur les graphismes. Testé sur PlayStation 4 et sur Xbox One X, Need For Speed Payback n'impressionne pas vraiment, alternant le bon et le tout juste acceptable. Il peut toutefois dire merci à ses jolis effets de lumière et la taille conséquente de sa carte, qui nous permettent d'oublier, par moments, que les arrière-plans sont vraiment vulgaires, ou que les voitures pourraient être mieux modélisées, plus fines. C'est assez flagrant sur One X ; la dernière née de Microsoft est armée de 12 Go de RAM qui sont complètement sous-exploités, notamment en montagnes où clipping et textures floues règnent en maîtres. Dommage, d'autant que le NFS 2015 avait une patte visuelle très agréable. Celui-ci s'en tire avec les honneurs, sans briller particulièrement.
C'est logiquement sur PC que le jeu s'en tire le mieux, mais le propos doit être nuancé. Tournant à 60 images par seconde sur cette plate-forme, Payback souffre néanmoins de petites sacades occasionnelles mais jamais vraiment agréable. Sur notre configuration (GeForce GTX 1070, Intel Core i7-5820k, 16 Go de RAM), ces légers ralentissements se constatent notamment lors des fameuses transitions dynamique entre les phases de gameplay et les cinématiques ; ces transitions perdent assez logiquement en dynamisme, et c'est regrettable. Notre configuration est pourtant plus costaude que la configuration requise par Electronic Arts pour profiter du jeu en 1080p et 60 fps. Notez qu'en 3840 x 2160, Need For Speed Payback propose une expérience de jeu similaire, mais il a trop rapidement saturé nos 16 Go de RAM, et a fini par planter plusieurs fois. Dommage, car le jeu est plutôt coquet en UHD. Ces ralentissements ne sont pas omni-présents et donc ne gâchent pas complètement les parties, mais ils sont assez agaçants. Souhaitons qu'une mise à jour corrige cela rapidement : il ne s'agit après tout que de quelques soucis d'optimisation.
Points forts
- Une grande carte, riche et variée
- Le tuning, offrant toujours plus de possibilités
- La police autrement plus véhémente
- Les épreuves de drift
- Bande-son rock et hip-hop qui va bien
Points faibles
- Sensation de vitesse un peu faible
- Tracés des circuits peu inspirés
- The Crew, Forza Horizon, Fast & Furious : un jeu qui se cherche une identité
- L'amélioration des voitures qui repose trop sur l'aléatoire...
- ... pour conduire vers les micro-transactions ?
- Les missions scénarisées trop linéaires et trop sages
Aie. On s'en doutait après notre premier contact à l'E3 2017, Need For Speed Payback n'est pas vraiment convaincant. À vouloir tout faire, le jeu se perd et c'est finalement un jeu de course plutôt complet mais peu inspiré qui débarque sur nos machines. Avec sa conduite toute en drift et ses tracés peu inspirés, son scénario vite oublié et sa fâcheuse tendance à trop prendre le joueur par la main, Need For Speed Payback oublie le plus simple : un jeu de course, c'est avant tout une question de vitesse et de sensations de danger. Ce que l'on ne ressent jamais vraiment, hélas.