Impatients que nous sommes, nous n'étions plus habitués à attendre 2 ans avant de voir débarquer un nouvel épisode d'Assassin's Creed. Conscient du besoin de renouveler sa licence phare, Ubisoft Montreal n'a pas chômé avec Origins : système de combat refondu, quêtes annexes entièrement scénarisées et promesse d'un monde ouvert plus grand et riche que jamais sont ainsi au programme d'un épisode nous amenant aux origines de la confrérie, alors que l'Égypte antique vit ses dernières années. Pour un résultat final plus satisfaisant que jamais ?
Ce nouvel opus nous emmène en l'an 48 avant Jésus Christ, à l'époque où le Pharaon Ptolémée XIII se trouve à la tête de l'Égypte, mais est alors chamboulé par les velléités de pouvoir de Cléopatre et Jules César. C'est dans ce contexte que vous incarnez Bayek, un protecteur du peuple portant le titre de Medjay qui se voit ici traqué par les nouveaux protecteurs du pharaon et lancera sa quête sur un drame que l'on se cachera bien de vous révéler pour vous garder la surprise de la découverte.
Sur la route de Memphis
Si l'histoire personnelle de Bayek et sa femme Aya est évidemment au cœur de l'intrigue, Ubisoft n'a pas délaissé l'Histoire avec un grand H et nous gratifie de plusieurs séquences reprenant des événements marquants de l'époque. Le dosage entre les 2 s'avère bien équilibré, les quêtes plus intimistes se succédant aux enjeux politiques majeurs pour un résultat qui parvient à capter notre attention sur la durée. Nous soulignerons d'ailleurs le soin apporté aux personnages principaux qui parviennent à convaincre du bien-fondé de leurs actions et ne versent pas dans le drame ou l'émotion à outrance, ou le font au moins avec une certaine pudeur qui rend les personnages plus attachants. La possibilité de jouer Aya apporte d'ailleurs une coupure bienvenue dans certaines séquences de l'aventure. Si le scénario n'atteint jamais des sommets du genre, il s'avère donc plaisant à suivre et a le mérite de ne pas nous laisser sur notre faim en apportant de nombreuses réponses aux origines des assassins, ainsi que quelques clins d’œil qui ne devraient pas laisser les fans de marbre. Ces derniers regretteront toutefois que le retour de séquences du présent se fasse relativement discret et semble avant tout intégré pour poser les bases d'une suite que réellement avancer la trame narrative des événements liés à Abstergo.
RPG m'écoeure ?
L'un des changements majeurs de cet épisode réside dans son passage assumé d'un jeu d'action/aventure à un Action RPG. Équipements avec statistiques, craft d'éléments permettant de monter ces mêmes statistiques, arbre de talent plus touffu et map divisée en régions avec des niveaux sont ainsi de la partie : si une majeure partie de ces éléments faisait déjà partie de la série sur les 2 derniers épisodes, le système s'avère ici mieux conçu et surtout plus accessible, notamment grâce à une interface et un HUD très clairs et bien moins invasifs à l'écran. En résumé, vous pouvez d'une part améliorer lame secrète, armure, gantelet ou autres poches de stockage des outils et flèches en récupérant diverses ressources (cuir, bronze, fer, etc.), le tout afin d'augmenter vos dégâts de mêlée, à distance ainsi que le nombre de flèches et d'outils maximum. Vous pouvez à côté de ça équiper jusqu'à 2 arcs et 2 armes de mêlée, un outil au choix (bombes de feu ou fléchettes soporifiques) ainsi qu'une tenue ou une monture, qui n'ont ici qu'un intérêt visuel.
4 différents types d'arcs sont présents et adaptés aux différentes stratégies que vous emploierez : l'auteur de ces lignes, particulièrement friand d'infiltration, s'est ainsi appliqué à utiliser l'arc de prédateur et son zoom conséquent pour éliminer un maximum d'ennemis à distance. Un joueur un peu moins subtil appréciera quant à lui le tir multiflèches de l'arc de guerrier ou la vélocité d'un arc léger. Il en est de même pour les armes de mêlée qui permettent notamment de varier entre doubles lames (qui nous empêchent alors de porter un bouclier!), épées classiques, masses ou autres lances. Chaque arme dispose de ses propres caractéristiques n'influant pas seulement sur la vitesse ou les dégâts infligés, mais aussi leur rayon d'action et la nature des coups portés ou des finish moves qui peuvent pointer le bout de leur nez à la fin d'un affrontement. Nous noterons également qu'une partie des coups, les outils et le port de secondes armes se débloquent via l'arbre de talent.
Notre Gaming Live évoquant l'infiltration et l'aspect RPG
Grèce Combat
Afin d'accompagner une composante RPG plus présente, les combats font également peau neuve. Fini l'absence de hitbox, les combats chorégraphiés à outrance et le système de contre basé en grande partie sur le timing, Assassin's Creed s'inspire de quelques références de ces dernières années pour dépoussiérer un secteur qui en avait bien besoin. L'esquive couplée au système de lock - et transformée en roulade après plusieurs enchaînements successifs - évoque ainsi une version plus nerveuse de Bloodborne, à la rapidité de mouvement lorgnant davantage du côté de The Witcher 3. Le résultat s'avère en tout cas séduisant, d'autant plus qu'entre les parades, contre avec boucliers, brise de gardes via les coups puissants et autres mouvements venant agrandir la palette de coups disponibles, le système jouit d'une réelle profondeur que vous pourrez particulièrement sentir lors des combats en arène ou face aux boss présents dans le jeu. La présence de 3 niveaux de difficulté et d'une jauge de surpuissance permettant de lancer un coup… surpuissant - une fois remplie, évidemment - assure tout de même une certaine accessibilité à l'ensemble : les amateurs de titres exigeants trouveront leur bonheur en difficile tandis que les autres verront dans les modes facile ou normal un compromis idéal entre challenge et narration.
Une infiltration perfectible
L'infiltration s'avère malheureusement un peu moins convaincante que les affrontements directs. Il convient tout de même de saluer les efforts effectués sur le comportement des ennemis, plus agressifs et capables de vous détecter d'une distance un peu plus importante que par le passé. L'ajout d'un léger ralenti au moment de votre détection permet également de rattraper une erreur de jugement en assassinant un ennemi à portée : l'idée apporte une sorte de "seconde chance" plutôt bienvenue et loin de rendre le jeu trop facile pour autant. En revanche, quelques loupés subsistent sur le système de détection : si, caché dans les fougères, vous assassinez un garde à une dizaine de mètres d'un de ses camarades, celui-ci ne vous détectera ainsi pas systématiquement puisqu'il considère que vous l'avez exécuté en demeurant caché.
De même, il arrive régulièrement qu'un ennemi sache ou vous êtes alors qu'il vous avait perdu de vue, et que vous avez changé de cachette. En résumé, si l'infiltration s'avère souvent plaisante grâce aux outils dont le joueur dispose et un level design varié et conservant une approche verticale, plusieurs loupés d'IA et de détection montrent encore les limites du modèle. Dernière information pour les amateurs de la saga : si la lame secrète ne tue désormais plus forcément en un coup puisqu'elle est également soumise au même traitement des statistiques sur les dégâts que les autres armes, elle reste suffisamment puissante pour occire d'une traite l'immense majorité des ennemis d'un niveau équivalent au vôtre.
Un contenu pharaonique
Pour son retour sur le devant de la scène, la franchise phare d'Ubisoft s'est offert un monde ouvert immense, dont nous craignions légitimement qu'il soit un brin vide. C'est loin d'être le cas, et avec sa nouvelle formule Action RPG, Ubisoft Montréal a eu le bon goût de travailler sur les quêtes annexes de son dernier bébé. Le résultat est on ne peut plus convaincant, notamment grâce à la présence systématique de petites cut-scenes et d'intrigues narratives sur l'ensemble des quêtes en question, que celles-ci vous occupent 5 ou 45 minutes. Les lignes de dialogues s'adaptent même parfois si vous avez - par exemple - déjà retrouvé l'objet demandé avant de récupérer la quête, signe du soin apporté à des missions secondaires qui occuperont une grande partie de votre temps et constituent l'un des points forts d'un épisode ayant décidément fortement lorgné du côté du dernier jeu de rôle signé par CD Projekt. Outre les phases d'enquête du même acabit, l'exploration du monde ouvert répond en effet aux mêmes codes, avec l'exploration permettant dans un premier temps de révéler les points d'intérêt de la carte, qu'il vous faudra par la suite rejoindre afin de découvrir ce que ces derniers cachent.
Un exemple de quête annexe dévoilée en Gaming Live
Et les points d'intérêt recèlent de contenus variés et plaisants : entre les constellations à aligner sur les cercles de pierre, des courses de char, plusieurs épreuves en arène face à des hordes de gladiateurs, du nettoyage de camps et surtout l'exploration de tombeaux ou de lieux secrets, le titre a de quoi vous occuper sur une bonne soixantaine d'heures. Les tombeaux s'avèrent d'ailleurs surprenants : s'ils proposent un défi très accessible, la variété des énigmes et des contextes dans lesquels celles-ci sont proposées (contrepoids, jeux de lumière, déplacement de plates-formes, entre autres) suffit à rendre chacune de ces séquences uniques, d'autant plus que certaines cachent des secrets qui devraient, là aussi, plaire aux fans du background fourni de la série.
Sans-faute esthétique ?
Visuellement, le dernier titre d'Ubisoft nous gratifie encore une fois d'une partition sans fautes majeures, qu'il s'agisse de sa direction artistique encore une fois impeccable ou d'une technique globalement convaincante. La variété des paysages égyptiens est dépeinte avec soin : entre déserts, oasis, montagnes, marais et villages, le titre regorge de lieux superbes et de panoramas qui vous inciteront régulièrement à simplement errer à dos de cheval pour le simple plaisir des yeux. Il n'est d'ailleurs pas impossible que passer trop de temps sous la canicule vous permette aussi de découvrir quelques sympathiques secrets. Bien que discrète, la bande-son colle d'ailleurs parfaitement au contexte et brille surtout par ses sons d'ambiance qui accompagnent à merveille la beauté d'un plan ou d'une balade dans les rues d'Alexandrie.
Notons tout de même que quelques bugs – un passage sous le décor et 3 ou 4 objets ou pierres volantes en 50 heures de jeu - et ralentissements inhérents aux mondes ouverts modernes s'inviteront dans votre partie. Au cours de la cinquantaine d'heures de jeu que nous avons consacrée au titre, ces derniers s'avéraient tout de même un poil moins nombreux sur la version Xbox One X (le patch pour PS4 Pro n'arrivant que le 6 novembre), dont l'intérêt principal réside dans l'apport du HDR et donc d'une palette de couleurs plus larges, la 4K faisant le travail sans pour autant ridiculiser son pendant 1080p qui n'a ici rien d'une sous-version. Petite précision avant de nous laisser, sachez que les voix françaises pèsent un peu plus d'un Go et doivent être téléchargées au lancement du jeu, celui-ci ne comprenant de base que les sous-titres européens. Un choix un poil frustrant, mais ici justifié par l'augmentation substantielle des lignes de dialogue au sein d'un épisode ayant succombé aux sirènes de l'action RPG.
Une fois n'est pas coutume, Ubisoft sort la version PC de son nouveau titre en même temps que ses homologues sur consoles de salon. Pas toujours heureux quand il s'agit de s'aventurer sur ces terres au cours des dernières années (malgré des efforts notables sur certains titres, comme Tom Clancy's The Division et son excellent moteur Snowdrop), Ubisoft nous gratifie cette fois d'une version PC bien plus stable qu'à l'accoutumée.
Si l'on regrettera tout de même l'absence de compatibilité HDR, les possesseurs d'écrans 4K et d'une configuration musclée pourront profiter du titre dans la résolution la plus élevée : pour le commun des mortels, Origins a le bon goût de rester fluide : les possesseurs d'une GTX 970, l'une des cartes référence du marché pourront ainsi aisément le faire tourner en 60 fps stable sans trop rogner sur les options graphiques. Et si vous avez quelques doutes sur la meilleure configuration à adopter une fois le jeu lancé sur votre PC, un outil d'évaluation est intégré au jeu pour vous aider à mieux situer ses performances : une riche idée qui vous aiguillera naturellement vers le meilleur choix possible.
Notre Gaming Live de cette version PC
Points forts
- Liberté d'approche totale
- Un monde ouvert superbe et vivant
- Pas de remplissage, pas de collectibles
- Toutes les quêtes annexes sont scénarisées
- Meilleure interface et HUD de la série
- L'utilisation de l'aigle Senu
- Le nouveau système de combat
- Des références bien senties pour les fans
- Intrigue intéressante et soignée...
Points faibles
- ... Malgré une introduction confuse
- Les rares séquences du présent peinent à convaincre
- Des loupés d'infiltration et de détection
- Pathfinding erratique de certains PNJ ou ennemis
- Quelques bugs et ralentissements
En choisissant de s'inspirer de ce qui se fait de mieux sur le marché pour son système de combat, l'exploration et l'interface, Assassin's Creed Origins fait figure de lifting bienvenu pour une série qui en avait besoin. L'épisode se dote au passage d'une narration et d'un scénario plus travaillés que jamais et portés par une galerie de personnages très réussis. Ajoutez à cela une reconstitution une nouvelle fois incroyable de l'Égypte antique et un monde ouvert riche en contenu scénarisé et vous obtenez l'épisode d'Assassin's Creed le plus abouti depuis des années, malgré quelques soucis qui l'empêchent encore de viser plus haut : outre quelques bugs et légers ralentissements inhérents aux mondes ouverts, nous pourrons ainsi regretter le manque de clarté du système de détection en infiltration et le retour de la métahistoire du présent, pas encore pleinement convaincant. Des défauts qui ne pèsent toutefois pas bien lourd face aux nombreuses qualités de cet opus, mais qui ont le mérite de laisser encore une marge de manœuvre pour nous livrer un prochain épisode encore plus mémorable.