Il faut reconnaître que capturer et retranscrire l'essence des écrits de H.P. Lovecraft n'est pas une mince affaire, les travaux de l'auteur misant beaucoup sur l'indicible pour susciter l'effroi chez le lecteur. C'est cette année Zoetrope Interactive qui s'est plié au délicat exercice et qui le réussit somme tout assez bien avec Conarium.
Notre Gaming Live de Conarium
Si vous n'avez pas encore eu le plaisir de dévorer les Montagnes Hallucinées, sachez qu'en substance, son histoire relate les déboires d'une expédition scientifique en Antarctique au cours de laquelle des chercheurs vont découvrir maintes horreurs indescriptibles, les poussant à ne plus jamais tenter d'y retourner de crainte de réveiller des monstruosités ancestrales qui devraient rester endormies.
Les Montagnes Hallucinées 2.0
Se déroulant après la nouvelle de Lovecraft, Conarium vous propose de chausser les bottes de Frank Gilman, scientifique de son état, qui s'éveille sans grands souvenirs de son passé au cœur de la base d'Upuaut, désertée de toute vie. Votre but sera d'explorer les lieux ainsi que ses sous-sols afin de comprendre autant votre passé que la nature des étrangetés qui s'y produisent. Le gros point fort de Conarium réside dans la qualité de sa narration. Au cours de votre exploration, vous aurez l'occasion de glaner énormément de documents, immédiatement consignés dans votre journal et qui relatent l'ensemble des faits passés de l'expédition scientifique. En outre, l'histoire est également parfois narrée sous forme de flashback plutôt bien mis en scène, ainsi que par les interventions orales de votre protagoniste.
Il est difficile de reproduire la plume si caractéristique de Lovecraft et pourtant, les scénaristes de Conarium y sont parvenus, usant de nombreuses figures de style et de superlatifs qui n'auraient pas dénotés dans l'ouvrage original. Ce seront donc de nombreuses lignes de texte que vous aurez à lire, et vous les parcourrez avec une certaine avidité, si toutefois vous êtes sensibles à l'esprit de l'un des pères de l'épouvante. Les différents documents récoltés, écrits pour la plupart à la première personne, renforcent clairement le sentiment d'immersion et de danger imminent mais invisible qui caractérise, encore une fois, les différentes œuvres rédigées par l'auteur. Tout juste pourrions nous reprocher au comédien de doublage du personnage principal de taper souvent à côté, adoptant un ton assez étrange et davantage susceptible de prêter à sourire qu'à susciter la terreur.
Côté atmosphère, Conarium n'est pas en reste et propose des environnements assez soignés et variés, qui collent plutôt bien aux quelques descriptions laissées par Lovecraft dans l'ensemble de sa bibliographe. Qu'il s'agisse de la base elle-même ou de ses sous-terrains, l'ambiance mystérieuse et inquiétante ne quitte pas le joueur, et c'est aussi là l'intérêt de Conarium : il ne mise pas sur les jump scares, ni même sur des codes éculés de l'horreur, mais plutôt sur le sentiment d’oppression et de peur latente. Ces sensations sont renforcées par une bande originale atmosphérique de qualité, ce qui enrobe davantage encore Conarium d'une aura mystique et inquiétante.
Un gameplay simple, voire simpliste
Si nous tardons un peu à évoquer le gameplay, c'est tout simplement parce qu'il se résume à sa plus simple expression. Conarium est effectivement davantage à ranger au rang de « simulateur de marche » que de jeu d'enquête. Effectivement, le plus gros de vos actions se résumera à collecter des manivelles afin d'actionner tel ou tel mécanisme. Les rares énigmes qui auraient pu demander un peu de mise en branle de matière grise sont malheureusement beaucoup trop guidées par les documents récoltés ou même par les interventions du protagoniste, toujours prompt à vous souffler la marche à suivre. Les interactions sont finalement peu nombreuses et pas franchement divertissantes, et nous aurions largement aimé que le titre creuse un peu plus son aspect puzzle. En outre, il est assez regrettable que certains objets n'apparaissent qu'une fois une action déclenchée. Si certaines zones d'exploration offrent une once de liberté de mouvement, il faudra par exemple accéder à une cut-scene précise pour qu'apparaissent une manivelle posée sur un carton alors qu'elle n'y figurait pas lors de votre précédent passage. Conarium est donc particulièrement dirigiste, et l'apparition scriptée d'éléments interactifs vous forcera parfois à faire d'inutiles allers-retours.
Il se dégage également une certaine lourdeur dans les déplacements du personnage, qui alterne course et marche d'une manière parfois erratique, et l'inventaire de son côté n'est pas spécialement intuitif. Par ailleurs, le titre manque gloablement de finition : il est par exemple impossible de paramétrer vos touches sur PC, et la navigation dans les menus n'est pas franchement fluide ni intuitive. Il existe également un petit bémol relatif à la matérialisation des créatures cauchemardesques de la mythologie de Lovecraft : leur design est un peu trop « bateau » pour correspondre aux sortes de masses informes seulement partiellement décrites dans les travaux de l'auteur. Si nous comprenons la nécessité de verser dans le démonstratif pour donner un peu plus de rythme à l'histoire, nous aurions préféré que le studio se garde de se montrer explicite, d'autant que l'aventure est courte : comptez 4 heures environ pour voir le bout du tunnel.
Trailer de lancement de Conarium
Points forts
- Un hommage très respectueux à l'univers de Lovecraft
- Beaucoup de choses à voir, à lire
- Quelques easter eggs bien sentis
- Gros travail sur l'atmosphère, oppressante à souhait
- Bande son atmo / ambient soignée
Points faibles
- Quelques soucis de rythme
- Réservé avant tout aux fans de Lovecraft
- Enigmes trop rares et trop simples
- Manque de finition parfois pénible
Il faut aimer les écrits de Lovecraft, ou du moins avoir dévoré Les Montagnes Hallucinées pour apprécier pleinement Conarium, qui sait restituer avec beaucoup de respect et d'aisance l'atmosphère oppressante et palpable de la nouvelle de l'auteur. Le travail sur l'écriture et l'atmosphère est à saluer, et parvient à gommer les menus défauts qui émaillent les 4 heures de l'aventure. Si vous êtes en revanche étranger aux travaux de l'auteur, Conarium pourrait tout aussi bien être une bonne porte d'entrée à la mythologie formidable de l'écrivain qu'un simulateur de marche un rien rédhibitoire, qui ne se suffit de toute façon pas à lui-même pour faire l'unanimité.