Le studio Piranha Bytes fête cette année ses 20 ans. Vingt années ponctuées à la fois de succès critiques avec sa saga Gothic et de sorties de route plus ou moins marquée avec le second et troisième volet de Risen. Les Allemands sont de retour en cette fin d’année avec un nouveau RPG open world tentant d’explorer un nouveau genre d’univers mélangeant à la fois la science-fiction et la fantasy, un mariage assez original baptisé science-fantasy. Doté d’une construction proche de celle d’un Gothic 2, ELEX fait clairement de l’œil à une niche d’amateurs de RPG à l’ancienne dotée d’une progression assez libre. Une aventure que seuls les plus acharnés pourront éventuellement apprécier à cause de trop nombreux problèmes qui, une fois de plus, émaillent un projet aux trop grandes ambitions.
Vous reprendrez bien un peu de gameplay ?
Tais-toi, c’est magique !
Elex plonge son joueur en plein cœur des conflits de Magalan, une planète dévastée il y a quelques années par la chute d’un météore. Les survivants se livrent désormais une bataille idéologique dont l’issue scellera le destin de ce monde. Au centre du conflit, l’Elex, une ressource rare et convoitée tombée du ciel avec la météorite. Le mystérieux matériau est autant un fléau qu’une bénédiction, alimentant les machines, conférant des pouvoirs magiques à ses utilisateurs, mais les privant par la même occasion de leurs émotions les plus humaines.
L’Elex conduit le monde à se séparer en trois factions distinctes. D’un côté les Berzerkers, proches de la nature et (en principe) réfractaire à la technologie, ils vivent dans la zone heroic-fantasy du jeu, dans des petits villages fait de pierres et de bois et souhaitent redonner vie à la nature par la transformation de l’Elex en mana. Ils s’opposent idéologiquement aux Clercs, une faction de moines guerriers fanatiques du futur utilisant l’Elex comme carburant technologique. Ce groupe réside dans une large zone volcanique et dans une cité dôme protégée par un puissant bouclier. Enfin, le titre verse aussi du côté de Mad Max ou de Fallout avec la faction des Hors-la-loi. Pour ce groupe d’individus sans réelle règle de vie, si ce n’est la survie du plus fort ou du plus roublard, l’Elex est une drogue dure capable de stimuler l’esprit et de rapporter un joli pactole. Les bandits se spécialisent dans le maniement des armes à distance et peuplent la région désertique du titre.
Le joueur incarne ici Jax, un ex-Albs trahi par les siens échoué au beau milieu de cet étrange univers. Les Albs sont une classe de super soldats dopés à l’Elex, une sorte de quatrième faction à la technologie très avancée. Oubliez la personnalisation de votre héros, Piranha Byte n’a jamais mangé de ce pain là. Vous devrez vous contenter d’un quidam assez antipathique, au charisme proche du néant, doublé qui plus est par un acteur au timbre de voix aussi grave que la plupart des défauts du jeu. Le monde d’Elex nous propose un pot-pourri de différents univers, une touche de Skyrim par ici pour son visuel fantasy, un peu de Mass Effect par là pour sa lecture de la technologie, saupoudrez le tout d’un nuage de Fallout et vous obtenez la fameuse ambiance “science fantasy post-apocalyptique” comme aime à l’appeler le studio allemand.
Passé une scène introductive poussive où les raisons profondes du conflit inter-factions sont expliquées par un simple “tais-toi, c’est magique”, Elex nous livre face à un monde ouvert, de taille plutôt honnête, aux allures de gros fourre-tout. Si sur le papier l’idée du mélange des influences est intéressante, on peine à déceler une cohérence d’ensemble dans cet univers multi-ambiances sans réelle logique de transition entre ses technologies et ses atmosphères. Là, un complexe blindé d’appareils futuristes se dresse dans la neige en plein milieu d’un désert aride peuplé par des raptors et des zombies ; ici, les ruines contemporaines côtoient des édifices fantasy dans un mélange que l’on sent forcé et sans réelle âme artistique.
L'exploration des lieux se fait plus verticale que dans un Gothic 2 par l'introduction rapide d'un jet pack à l'animation que l'on croirait sortie d'une version alpha du jeu. L'outil, s'il est soumis à une jauge d'utilisation limitée, permet toutefois de s'affranchir de l'ascension rébarbative de certains reliefs et de vous balader sans réelle limitation aux quatre coins de la carte. L'une des rares idées neuve et relativement réussie du titre.
Elex Luthor
Le système de combat d’Elex reprend la plupart des bases de la saga Gothic, une mécanique prolongée par la suite sans grand brio dans la trilogie Risen. Jax perpétue à sa manière la triste réputation de raideur prônée par Piranha Bytes comme système universel d’affrontement dans toutes leurs productions. Une touche pour les attaques faibles, une autre pour des coups plus lourds, une parade et des roulades d’esquives composent l’essentiel d’un système qui manque autant d’élégance que de fluidité. Les pieds cimentés dans ses problèmes du passé, le studio allemand tente tant bien que mal d’avancer et propose un léger système de combo basé sur l’alternance des coups faibles et puissants. Une jauge se remplie en bas de vous écran afin de vous indiquer le moment ou Jax pourra effectuer une attaque légèrement plus chorégraphiée que les autres.
On se demande bien pourquoi les développeurs ont jugé bon d’introduire une barre d’endurance pour le personnage tant cette dernière vient alourdir un système de combat déjà fort peu gracieux. Sans doute pour coller à la majorité des action-RPG jugés hardcore de ces dernières années, la fonctionnalité créée de sérieux temps morts entre chaque volée de coups et fait passer le pauvre Jax pour un vieillard asmathique inapte au combat.. Le manque de fluidité des affrontements s’accompagne, comme traditionnellement dans un jeu signé Piranha, d’un grave défaut à gérer les joutes en groupe. Bien que déjà assez peu amusants à prendre en main, les duels en un contre un ne sont rien face à la galère sans nom que représentent les rixes de groupe. Passé la barre des deux ennemis, les animations rigides du personnage combinées à un système de verrouillage de cible d’un autre temps et à des comportement adverses montés sur rails, rendent le tout aussi frustrant à jouer que navrant à observer.
La bonne nouvelle, c’est que l’intelligence artificielle est ici suffisamment limitée pour que certains de vos ennemis s’attaquent régulièrement eux-mêmes faute d’une programmation plus avancée de leur routine de baston. Le moindre combat devient très vite une vraie galère tant que Jax ne s’associe pas à l’un des compagnons recrutés auprès des factions. Les bougres font souvent office de bêtes punching-ball pendant que le joueur essaye tant bien que mal d’utiliser à son avantage les multiples faiblesses du jeu pour se défaire des adversaires.
Allergique au corps-à-corps, le monde d’Elex permet néanmoins au joueur d’accéder à des combats à distance avec de la magie et des armes à feu. Fusils laser, lance-roquettes, projection de feu, soyez prêt à galérer au contact armé d’une misérable hache durant une grosse douzaine d’heures de jeu avant de pouvoir débloquer le moindre prérequis pour manier ce type d’armement plus avancé. Plus avancé certes, mais pas nécessairement plus plaisant à jouer avec un cruel manque de patate sur les pétoires et un feedback visuel à revoir sur la plupart des magies. Certains sorts à usage uniques se montrent en revanche dévastateurs, voire même indispensables pour vous dépatouiller des (très nombreuses) situations où Elex vous demande d’affronter des créatures bien plus puissantes que vous.
Mortels Combats
Les graves faiblesses du système de combat pourraient paraître secondaires aux yeux indulgents des amateurs de RPG old-school sans doute plus intéressés par la partie exploration et immersion au sein de l’univers du jeu. Malgré une certaine froideur artistique, Magalan offre tout de même quelques environnements non dénué de charme à la construction teintée de d’éléments de Gothic et de Risen : un secret à trouver par ici, une petite séquence de grimpette par-là, on aurait aimé pouvoir se promener sur la carte sans être agressé toutes les deux minutes par des créatures comme qui dirait placées ici au p’tit bonheur la chance par le studio allemand. Fidèle à ses prédécesseurs, l’ensemble de l’univers d’Elex a une sérieuse dent contre le joueur, pour de mauvaises raisons qui plus est !
La répartition des ennemis sur la carte semble être le résultat d’un tirage au sort dénué de logique. Ici, un dévoreur situé dans la zone de départ évolue aux côtés d’un troll des plaines capable de vous écraser en un coup ; là, une meute de raptors vous ôtera la vie en moins de temps qu’il n’en faut pour sortir votre épée de son fourreau. La chose pourrait encore passer si elle ne concernait que de rares zones de Magalan, mais c’est l’étendue entière du jeu qui souffre du problème. D’aucuns diront que cette construction rappellera celle d’un Gothic, mais le problème, c’est que l’étiquette sandbox d’Elex ne s’accorde pas du tout avec cette répartition hasardeuse des mobs.
Elex permet de récupérer sans restriction aucune la plupart de ses missions à tout moment du jeu. Une liberté appréciable dont le revers de la médaille implique une répartition anarchique de la difficulté dénuée de courbe de progression sur l’ensemble de la carte. Chaque balade pour tenter d’effectuer la moindre quête se transforme en ce sens en un pénible jeu du chat et de la souris avec une armée de mobs surpuissants à nos trousses. Si le titre avait bénéficié d'un système de combat intéressant, l'affaire aurait pu être moins préjudiciable...
Elex se paie le luxe de disposer de plusieurs modes de difficulté, mais même en réglage facile, la progression n’est qu’aberration où le joueur doit faire le yoyo entre les zones pour tenter de se frayer un petit passage au beau milieu d'un monde qui ne souhaite que sa mort. Les crans supérieurs transforment le moindre affrontement en une disgracieuse chorégraphie d’esquives et de tatanes sur des sacs à points de vie aussi variés que des rats mutants, des méchas de combat , des zombies ou des super soldats du futur. Un bestiaire à l’image de son univers, très fourre-tout.
Elex omil
Elex est un RPG diesel, long à démarrer, qui avance ensuite au rythme des quêtes que le joueur sera capable de terminer. On y retrouve l’une des mamelles de la progression made in Piranha Bytes, celle qui avait fait les beaux jours de sa série Gothic au début des années 2000. Elle est reprise ici à l’identique dans ce jeu de 2017. En progressant lentement de niveau en niveau, Jax va accumuler des points de compétences à dépenser ensuite auprès d’entraîneurs pour améliorer un large panel d'aptitudes. Meilleure puissance d’attaque, crochetage ou piratage avancés, talents sociaux boostés, accès à de nouvelles armes, le joueur est libre d’investir ses points où bon lui semble et ça, c'est toujours un bon point dans un RPG.
La plupart de ces systèmes liés la progression nécessitent toutefois un investissement conséquent et souvent aberrant pour débloquer la moindre amélioration. D’aucuns diront qu’Elex est un jeu old school, on le trouve mal conçu. Si Jax gagne dix points de compétence par niveau à répartir dans des statistiques de base telles que la force, la dextérité ou encore l’intelligence, les pré-requis pour porter la moindre arme ou débloquer l’une des branches liées aux factions sont aussi démentiels que souvent illogiques. Une épée à deux mains dégotée en début de jeu, clairement destinée à un joueur débutant vous demandera par exemple d’investir 50 points en force et 65 points en dextérité, des valeurs beaucoup trop hautes pour un personnage de ce niveau. Ces cas se multiplient malheureusement au cours de l’aventure, plombant les fondations d’un système qui nous semblait mieux fichu dans les premiers Gothic.
La montée en puissance du personnage est donc très lente, frustrante même, le joueur est donc limité à porter la même arme et armure durant de trop longues heures. L’autre mamelle de la progression est étroitement liée à son système de factions, une fonctionnalité chère au studio allemand, autour de laquelle gravite tout le système de quêtes du jeu. Le monde d’Elex est bâti sur un système de missions interconnectées où vos actions entraînent parfois des conséquences à l’autre extrémité de la carte. Il faut ici tenter de s’acoquiner avec l’une des trois factions en acceptant le fait de vous priver du soutien des deux autres. Elex revendique une progression scénaristique sandbox où le joueur est libre de récupérer des quêtes auprès de la plupart des PNJ à tout moment de sa progression. Une bonne idée sur le papier qui peine malheureusement à masquer le grand manque d’originalité de la plupart de nos objectifs.
Entre deux missions parvenues à quelque peu réveiller notre intérêt pour le destin de ce monde, Elex remplit notre journal de quêtes d’une tonne d’objectifs fed-ex confiés par des PNJ à l’écriture aussi bavarde que peu inspirée. On ne rate pas grand chose ici, le scénario fourre-tout du départ devient rapidement prétexte à nous envoyer à la recherche de champignons des bois ou de matériaux de récupération à l’aide d’un journal de quête qui pourrait prétendre à la palme de l’absence d’ergonomie. Intégrer une faction représente dans ce contexte une longue et pénible tâche dont on peine à voir le bout, une route parsemée de trop nombreuses quêtes bas de gamme et de rencontres avec des PNJ aux allures de coquilles vides. Piranha Bytes tente d’ailleurs ici, à notre plus grande surprise, de sortir de sa zone de confort avec un système proche de celui utilisé dans les productions Telltale Games. “Ragnar se souviendra de ça”, “Wyatt n’aime pas cette situation” ; Elex passe son temps à nous rabâcher que chaque action aura son importance, à coups de dizaines de messages extradiégétiques, martelés tout au long du jeu via l'interface, un dispositif grossier dans sa mise en forme, expliqué nulle part, et dont on ne peut même pas suivre la progression.
Elex tase dans tout ça ?
Les jeux Piranha Bytes n’ont jamais vraiment été des bêtes de course point de vue réalisation et Elex confirme une nouvelle fois la réputation du studio. C’est une version quelque peu améliorée du moteur de Risen qui donne vie à Magalan. Sans être globalement laid, le moteur du jeu accuse un retard de plusieurs années et nous offre des modèles de personnages datés, des animations indignes d’un jeu vendu à ce tarif et un manque général de charisme pour la plupart de nos rencontres. Le bestiaire du jeu peine lui aussi à se montrer étonnant et surtout cohérent. Le monde heroïco-post-apo-medievalo-futuriste du jeu manque cruellement de cohérence et de personnalité. Il n’y a qu'à voir l’enchaînement parfois arbitraire de certains biomes pour se demander si le patchwork d’ambiances du titre joue réellement en sa faveur. Seul de rares fulgurances sauvent l’ambiance de la planète d’un naufrage total.
L’interface du jeu se montre en revanche toujours égale dans son ratage avec une ergonomie à revoir sur ses menus et un paradoxe dans ses contrôles puisque le titre semble avoir été pensé pour être joué à la manette tandis que cette dernière présente de nombreux bug de navigation sur notre version review. Un point nous a tout particulièrement agacé sur le long terme, lorsque Jax pénétre dans une bâtiment, son oeil met un certain temps à s'habituer au changement de luminosité ce qui se traduit à l'écran par une poignée de secondes où l'affichage du jeu reste très sombre. Temps de chargement masqué des intérieurs ou fausse bonne idée de la part du studio, la chose devient très énervante au fil des 60 heures nécessaires pour éventuellement voir la fin du jeu.
Les ambitions démesurées du projet se heurtent ici à un budget réduit dont résulte des doublages globalement ratés, des animations faciales figées, des PNJ à la carrure clonée ainsi qu’une mise en scène tout droit sortie d’un projet amateur. Certes Elex est le fruit du travail d’un petit studio d’environ 20 personnes, mais lorsque cette équipe ne semble avoir retenue aucune des leçons du passé, la pilule a bien du mal à passer.
Points forts
- Un système de progression libre
- Quelque fulgurances question ambiance
- Le jet-pack facilite l'exploration...
Points faibles
- ... malgré une animation totalement foirée
- Un univers fourre-tout qui sonne faux
- Système de combat rigide et daté
- Répartition anarchique de la difficulté
- Quêtes trop souvent creuses
- Technique vieillissante, animations ratées
- Interface à contre-sens de l'ergonomie
- Doublages (v.o) qui frisent le cliché
Elex aurait pu être un titre marquant s’il était sorti au début des années 2000. Or aujourd’hui, il apparaît d’avantage comme un projet aux trop grandes ambitions, qui écule jusqu’à l'écœurement la formule instaurée par la série des Gothic. Efficace et atypique fut un temps, la recette est ici transposée à la manière d’un copier/coller sans âme vers un nouveau projet qui nous rappelle sans cesse ses trop nombreuses limites. Et si quelques joueurs nostalgiques verront en lui le moyen de replonger dans le passé, ce sera au prix de lourds sacrifices face à l’archaïsme du jeu. À peine sorti, Elex semble déjà être un projet vieillissant, frustrant, mal conçu, doté d’une répartition anarchique de sa difficulté, le jeu fleur souvent bon l’amateurisme avec son scénario cliché, ses personnages sans charisme, son système de combats rigide et ses animations indignes de son prix de vente. Un RPG médiocre que ses rares bonnes intentions (dont son système libre de progression) ne parviennent pas à sauver de la noyade.