Cinq ans après avoir produit Torchlight II, l'un des Hack'n slash les plus réjouissants de ces dernières années, le studio Runic Games a su relever la tête face au départ de ses cofondateurs (Travis Baldree et Erich Schaefer) pour revenir sur le devant de la scène avec Hob. Exit le loot à foison et les hordes de monstres à anéantir : le titre joue plutôt dans la finesse, dans un genre puzzle / platformer narratif allant chercher son inspiration vers des noms aussi reluisants que Journey, Ico, ou encore The Legend of Zelda : A Link to the Past. Autant d'influences difficiles à manipuler sans faire preuve de créativité et d'ingéniosité. Et c'est précisément ce dont Hob déborde à chaque instant de jeu.
Le trailer de lancement de Hob
Pour vous plonger dans son aventure, Hob ne joue pas dans la surenchère de cinématique. C'est même tout le contraire, puisqu'il se contente d'une brève introduction avant de laisser le joueur livré à lui-même, aux commandes d'un étrange personnage aux yeux bleus brillants et vêtu d'une cape rouge. Après un instant d'émerveillement, vous vous rendrez compte que le monde esthétiquement séduisant dans lequel il évolue est frappé par un mal profond, sorte de corruption de l'environnement qui le privera de l'usage d'un de ses bras après un accident. C'était sans compter sur l'aide de son compagnon robotique qui lui fait généreusement don de l'un de ses membres avant de laisser notre petit héros, désormais doté d'un immense poing de pierre, voler de ses propres ailes.
Poing de repère
Tout au long de la dizaine d'heures nécessaires pour venir à bout de son aventure, Hob fait écho à The Legend of Zelda. Il est ainsi question de résoudre une pléthore de puzzles et d'étriper des monstres à l'aide d'une épée évolutive grâce à des fragments éparpillés aux quatre coins d'un monde ouvert. Celui-ci regorge de secrets et d'objets collectables, nécessaires notamment pour améliorer la jauge d'énergie et de vie du héros. Le jeu propose de découvrir tout cela de manière libre... ou presque, puisqu'il arrive fréquemment de se heurter à un obstacle naturel dû à un puzzle non résolu ou parce qu'une capacité adéquate est nécessaire pour ouvrir la voie, façon Metroidvania et les nombreux allers-retours que cela sous-entend. Le bras multifonction du héros accueille en effet au fur et à mesure des découvertes tout un lot d'outils indispensables pour mener à bien certaines phases de plateforme, du grappin au dash éclair en passant par le coup de poing permettant de briser certains murs.
Étant donné l'absence totale de tutoriel, de texte ou de dialogue, il vous faudra apprendre par vous-même la manière d'exploiter ces capacités et comment le terrain de jeu de Hob fonctionne. Les premiers pas peuvent ainsi être laborieux, simplement car on ne sait pas où le jeu veut nous emmener. Les objectifs principaux sont généralement marqués sur la carte, mais c'est à vous de découvrir comment y accéder et quoi y faire une fois sur place. On finit toutefois par rapidement comprendre la logique des puzzles, construits avec un level design d'une précision remarquable et ne laissant aucun détail au hasard. Il faut d'abord prendre en compte que le moindre élément du décor n'est pas fixe, le monde faisant office de gigantesque puzzle, lui-même décomposé en plusieurs casse-têtes. Si une plateforme avec un interrupteur est inatteignable car trop en hauteur ou trop basse, il y a forcément un mécanisme à activer, que ce soit un générateur à alimenter, un levier caché à actionner ou un point de téléportation à orienter correctement, voire les trois à la suite.
Parfois, vous ne comprendrez les conséquences de vos actions qu'après en avoir accompli une poignée d'autres, ce qui peut être un brin frustrant. C'est notamment le cas lorsque l'on plonge dans les profondeurs de ce monde, abritant des kilomètres de machineries et d'où l'on ressort généralement avec un environnement extérieur transformé. En soi, les puzzles ne sont pas réellement compliqués ni même originaux. Pourtant, ils procurent une telle source de satisfaction lorsque l'on entend le "clic" synonyme de réussite d'un casse-tête et entraînant un véritable bouleversement du monde qui nous entoure. C'est précisément à ce niveau que Hob montre son génie et laisse le joueur admiratif face à sa mécanique parfaitement huilée : tout s'emboite à la perfection lorsque des collines ou des morceaux de plaines surgissant de nulle part viennent offrir de nouvelles perspectives d'exploration, tout en laissant apercevoir des panoramas à couper le souffle.
Hobjet d'art
À moins d'être allergique à ce côté cartoon que l'on retrouvait déjà dans Torchlight, difficile de ne pas tomber sous le charme de Hob. S'il ne brille pas d'un point de vue technique, sachant que des bugs de textures et autres plantages ou baisses soudaines de framerate viennent gâcher le tableau (des patchs corrigent le tir petit à petit), il séduit par son ambiance et sa direction artistique. Son interface épurée permet d'apprécier pleinement les environnements variés, que l'on découvre au rythme des compositions paisibles de Matt Uelmen. Le vétéran de l'industrie livre ici des partitions sans doute trop discrètes mais rappelant avec joie ses précédentes oeuvres (notamment Diablo I et II), accompagnées d'un design sonore particulièrement travaillé donnant vie à ce monde peuplé de créatures plus étranges les unes que les autres.
La faune et la flore jouent également un rôle important pour rendre le monde de Hob vivant. Parfois, vous croiserez des animaux étrangement mignons totalement pacifiques. D'autres créatures ont un caractère plus belliqueux, histoire de rappeler que la balade n'est pas si paisible que cela. Heureusement, Hob peut compter sur son poing pour se défendre. Côté combats, le titre s'avère très classique avec le fameux triptyque attaque / esquive / blocage servant des combats punitifs et un brin lassants à force d'affronter toujours les mêmes bestioles, mais jamais frustrants. La mort ne fait perdre aucun objet, et de toute manière, les checkpoints parsèment généreusement la carte et les temps de chargement sont brefs.
Le tout a le mérite d'être assez complet puisque l'on peut même se rendre dans une base souterraine pour dépenser les globes que l'on récolte et acheter divers talents utiles au combat, en ayant au préalable trouvé leurs schémas. Ceux ne souhaitant pas s'investir dans cette partie du jeu peuvent toutefois tracer leur route et éviter de croiser le fer sans aucun problème. On vous recommande dans tous les cas de vous munir d'un pad pour profiter au mieux du gameplay, comme le conseillent les développeurs eux-mêmes.
Quête vers l'inconnu
Si Hob se prend très vite en main, cela n'empêche pas certaines phases de plateforme de se montrer frustrantes. La faute notamment à un level design qui part dans tous les sens : horizontalité, verticalité, Runic Games s'est amusé à jouer sur tous les plans et à les alterner. Un choix intéressant qui donne parfois une impression de grandeur au monde qui nous entoure, mais qui peut poser problème sachant que le joueur n'a aucun contrôle sur la caméra et que celle-ci peut se montrer maladroite en affichant des perspectives et des angles hasardeux, qui empêchent de juger facilement de la réussite de certains sauts nécessitant une approche millimétrée.
On peut également regretter que le scénario soit tant en retrait, au point de nuire à l'immersion. Tout au long de cette plongée dans l'inconnu, la réponse à la raison de vos actes et leurs enjeux resteront flous à cause de ce manque d'explication orale ou écrite. On finit alors par accomplir les puzzles à la chaîne uniquement car ils se présentent à nous ou parce que l'on tombe dessus par hasard. Le plus frustrant étant ce moment où, après avoir arpenté le terrain de jeu en long et en travers, vous risquerez de tourner en rond un certain temps, en vous aidant d'une carte mal fichue et difficilement lisible, avant de trouver un petit morceau de territoire non exploré où se cache le mécanisme à actionner pour débloquer la suite de votre aventure.
Hob a donc du mal à impliquer le joueur émotionnellement parlant pour le pousser à progresser, d'autant plus que la dernière ligne droite manque clairement de panache. Tout au long de l'aventure, on attend patiemment avec espoir un moment de grâce qui n'arrivera finalement jamais. La richesse de ce monde ingénieux donnant l'impression d'accomplir de grandes choses devrait pourtant suffire à vous transporter dans un voyage relaxant comme on en voit peu souvent, offrant au passage deux fins différentes (pas de panique, il n'est pas nécessaire de recommencer le jeu pour les voir) et suffisamment d'éléments à collecter pour satisfaire les acharnés du 100%.
Points forts
- Une invitation à l'exploration, entre un Zelda et un Metroidvania
- Un level design intelligent, d'une rare précision...
- ... et des puzzles articulant un monde tout en mécanismes absolument charmant
- De nombreux éléments à collecter allongeant une durée de vie déjà solide (comptez une bonne dizaine d'heures pour voir les deux fins)
- Une bande-son discrète mais relaxante de Matt Uelmen (Diablo I & II, Torchlight)
- Un système de combat classique mais agréable avec un aspect RPG
Points faibles
- Scénario en retrait
- La narration sans dialogue et la carte parfois difficilement lisible peuvent rendre la progression des énigmes aléatoire
- Certaines phases de plateforme frustrantes à cause de la caméra
- Des bugs intempestifs (textures, saccades, crash...)
Hob est bâti pour les joueurs qui aiment découvrir petit à petit par eux-mêmes les rouages d'un monde mystérieux, qui se compose et se décompose au fil de ses puzzles. Ces derniers, sans être trop difficiles, exploitent avec une précision remarquable l'environnement du jeu. L'originalité du titre de Runic Games et l'émerveillement qu'il procure lorsque ses décors se transforment permettent de pardonner sa caméra mal calibrée sur certains plans, agréables à l'oeil mais rendant les phases de plateforme bancales. Sans dialogue, avec un scénario qui manque d'enjeux et cette volonté de ne pas prendre le joueur par la main quitte à le perdre, Hob parvient tout de même à captiver pendant une bonne dizaine d'heures. Peu de jeux peuvent se vanter d'une telle réussite.