Dans son habitacle, le pilote retient sa respiration. À mesure que les secondes s'égrainent, la pression monte tandis que son front commence à perler. Les mains moites et la gorge nouée, l'homme scrute la ligne d'horizon et attend le moment fatidique pour mettre les gaz. Dans quelques instants, les moteurs vont hurler. L'adrénaline, la pression, la gestion du stress, la détermination voire la peur... les courses automobiles sont d'une telle intensité qu'elles font passer par tous les stades émotionnels. Mais dans la vie de tous les jours, à moins de posséder un bolide et d'accéder à un circuit professionnel, difficile de ressentir ces sensations. Autant dire que les simulateurs ont — par procuration — cette faculté à nous plonger dans l'ambiance particulière des courses automobiles. Longtemps réservés à l'univers PC, ils tentent depuis quelques années une percée sur les consoles avec plus ou moins de réussite. Né du financement participatif, Project CARS a posé l'une des premières pierres de cet édifice et le studio Slightly Mad Studios n'a jamais caché ses ambitions. Plus riche, plus beau et nettement plus exigeant, Project CARS 2 est-il à la hauteur de ses promesses ? On prend le départ et on se retrouve sur la ligne d'arrivée pour le verdict.
Avec plus de 2 millions de copies écoulées à travers le monde, Project Cars a démontré, malgré certains aspects perfectibles, que les joueurs étaient en attente de simulations pointues. Si cette réalité est encore plus vraie sur consoles, longtemps terre des jeux d'arcade, cela n'a pas empêché le titre de Bandai Namco de trouver son public sur PC. Fruit d'un développement mouvementé, le premier épisode était entaché de problèmes énervants — notamment en terme d'intelligence artificielle — et les développeurs n'ont pas tardé à cerner les points d'amélioration à apporter pour la suite. Comme vous pouvez vous en douter, ce second volet va beaucoup plus loin que son aîné et révèle sur le papier de sacrés atouts : météo variée et dynamique, piste qui réagit en temps réel, garage plus fourni, mode carrière enrichi, élargissement des catégories... difficile de faire la fine bouche. Pour autant, et bien qu'il s'agisse d'une simulation, Project Cars 2 n'a pas la prétention de venir flirter avec les spécialistes du genre.
UN SIMULATEUR, OUI MAIS...
Malgré son exigence, le jeu de Slightly Mad Studios ne roule pas sur les mêmes tracés que des simulateurs comme rFactor 2, iRacing ou, plus proche de nous, Assetto Corsa. En tant que titre multi-support, il se doit de composer avec un public élargi et navigue constamment entre la simulation pure et dure et l'arcade. Un petit tour dans les menus (qui ont été redessinée et se montrent beaucoup plus ergonomiques) suffit pour passer d'un "extrême" à un autre. Les novices seront donc ravis de pouvoir activer une ribambelle d'aides — freinage, direction, gestion des dégâts, etc. — pour les guider sur la route de la victoire. Mais il faut tout de même garder en tête que sa provenance du monde PC en fait un titre bien plus complexe à maîtriser qu'un Forza ou un Gran Turismo. Par rapport à Project Cars premier du nom, cette suite fait un bond considérable en matière de physique, avec une mention toute spéciale pour les pneus et leur adhérence à la piste. Il suffit de relancer l'original pour se rendre compte du gap : la direction est plus sensible, le pilotage globalement plus fin et le changement de surface a un impact immédiat sur les réactions de la voiture. Cette impression, présente sur les circuits, est décuplée sur les tracés de rallycross, qui sont l'une des grandes nouveautés de ce volet. L'occasion de parler du contenu gargantuesque qui vous attend...
QUALITÉ VS QUANTITÉ
Avec son garage de 180 bolides, le titre de Bandai Namco se montre particulièrement solide sans atteindre la profusion de certains concurrents. Plutôt que d'empiler les catégories et les voitures, les développeurs ont misé sur des comportements différents. Par conséquent, chaque véhicule a ses propres réactions et oblige le joueur à adapter son pilotage en fonction de l'environnement mais aussi du mode de propulsion. Une traction aura ainsi plus de facilités sur sol glissant là où une 4 roues motrice sera plus adaptée à des conditions difficiles. La propulsion, quant à elle, dispose d'une meilleure motricité mais peut se transformer en véritable savonnette en cas de mauvais dosage de l'accélérateur. Les souvenirs de la Lancia Stratos dans SEGA Rally sont encore douloureux... Autant dire qu'il va en falloir des tours de piste avant de maîtriser l'ensemble des bolides. Formule 1, GT, voitures historiques (comme la célèbre Aston Martin DBR1), Indycar, Proto et même karts... Project Cars 2 brasse large et saura satisfaire les plus exigeants, même si le réalisme n'atteint pas le même niveau de finition selon la classe choisie. Difficile de faire la fine bouche tout de même ! D'ailleurs, on ne peut que saluer les développeurs d'avoir ajouté le rallycross. Ce dernier offre des sensations différentes de celles que l'on peut éprouver sur une piste "classique". Ce sont les amateurs de la glissade qui vont être ravis !
On retrouve cette même densité du côté des circuits. Près de 140 tracés répartis en une soixantaine de lieux sont présents, avec parfois de vraies surprises. Ainsi, en parallèle de Laguna Seca, du Mans, de Nürburgring ou encore de Barcelone, vous pourrez défier vos adversaires sur des pistes plus "champêtres" comme le Rallycross de Lohéac. Il y a même la possibilité de profiter des circuits d'antan comme le Monza ou le Spa de l'époque mais aussi de braver la glace du circuit de Sampala. D'ailleurs, si vous aimez les conditions extrêmes, vous allez être servis.
LA DANSE DE LA PLUIE
Le LiveTrack 3.0 était l'une des promesses de Project Cars 2 et il ne déçoit pas. Derrière ce nom quelque peu barbare se cache un système qui permet aux courses de subir de véritables changements climatiques. Cela signifie que les conditions météorologiques, qui évoluent en temps réel, ont un impact direct sur la piste. Et ce n'est pas seulement visuel. Par exemple, après quelques tours sous un soleil de plomb, la pluie peut s'inviter et recouvrir le bitume ou les différentes surfaces du circuit. Par conséquent, les pertes d'adhérence sont fréquentes et obligent le joueur à adapter son pilotage, sous peine de partir en aquaplaning ou de perdre de précieuses secondes en roulant dans une immense flaque d'eau. Là où cela devient génial, c'est qu'une piste détrempée peut sécher si le soleil fait sa réapparition, tout en conservant les flaques d'eau (qui disparaîtront petit à petit avec la chaleur). Project Cars 2 oblige à une adaptation constante et il n'est pas rare de devoir passer par les stands pour effectuer quelques changements en adéquation avec les prévisions météo. D'ailleurs, l'ingénieur de course ne manquera pas de vous prévenir s'il reçoit une information du service météo. Pluie fine, plus épaisse, neige, brouillard, orage voire carrément tempête... les conditions peuvent devenir terribles, surtout que le jeu gère parfaitement le cycle jour/nuit. En parvenant à reconstituer des conditions proches de la réalité, Project Cars 2 tape fort !
MANETTE OU VOLANT ?
Avec un pad, Project Cars 2 s'en tire plutôt bien. On ressent bien le poids du véhicule, les transferts de masse ou encore la perte d'adhérence et toutes les aspérités de la route sont retranscrites avec une fidélité assez étonnante. Il faut en revanche prendre le coup et apprendre à doser délicatement l'appui sur les gâchettes sous peine de partir dans le décor. Ainsi, et même si le jeu n'atteint pas l'exigence de véritables simulateurs, il peut se révéler très frustrant pour des pilotes moins habitués à faire face à ce type de productions. Par exemple, à la sortie d'un virage, il faut éviter d'accélérer comme un dératé si vous pilotez une propulsion. Il faut également garder à l'esprit que la température des roues est prise en compte et qu'il est important de monter ses gommes avant de partir plein pot. Tous ces éléments rentrent en compte mais l'avantage de Project Cars 2, c'est qu'il est, comme son aîné, blindé de réglages et d'options. Tout est absolument paramétrable, du nombre d'adversaires à leur agressivité en passant par le niveau de difficulté et différentes options — pénalités, usure des pneus, pannes, arrêt aux stands — à activer ou non. Bref, à la manette, Project Cars 2 s'en sort honorablement mais il faut donner de sa personne pour réussir ses premiers exploits. Et indépendamment de la maitrise, ça passe aussi par de nombreux ajustements dans les réglages.
Néanmoins, et vous vous en doutez probablement, ce n'est qu'avec un volant (et pédalier) que le jeu délivre tout son potentiel. La plupart des volants du marché sont reconnus immédiatement et les développeurs ont eu la bonne idée d'intégrer des configurations dédiées au FFB (Force FeedBack, autrement dit le retour de force). Ainsi, et même si le FFB par défaut est largement supérieur au premier volet, vous pouvez passer en profil "Informatif" (Doux), "Immersif"(Équilibré) ou "Brut" (Agressif) et modifier, à loisir, le niveau de gain, de ton ou de volume. Concrètement, cela signifie que vous pouvez paramétrer la manière dont les forces sont reproduites et leur impact sur la réaction des véhicules. Certes, chaque joueur a des perceptions différentes et devra donc adapter la calibration en paramétrant ses réglages mais celles et ceux qui ne veulent pas se casser la tête peuvent être rassurés : avec un volant, Project Cars 2 explose son grand frère en terme de sensations pures.
FOISON DE MODES
Pour les modes de jeu, Project Cars 2 marche sur les platebandes de l'original. Le titre est ainsi divisé en trois axes principaux : Carrière, Partie Rapide et Communauté. Avant de se lancer à l'assaut d'une saison, on peut ainsi opter pour une course personnalisée avec le circuit et le bolide de son choix ou même s'essayer à des sessions d'essais privées. Que ce soit en local ou en ligne, le jeu de Slightly Mad Studios fait le job. Pour véritablement entrer dans le cœur du débat, c'est sur le mode Carrière qu'il faut s'appuyer. Et il faut bien le reconnaitre, on s'attendait à quelque chose de plus travaillé. Bien sûr, le contenu n'est pas à remettre en cause car on peut démarrer une carrière avec la discipline de son choix et même paramétrer, en fonction des épreuves, les essais, les qualif' ou même les tours de formation. Maintenant, et même s'il y a un système d'invitations à des épreuves, un concept d'affinités avec les constructeurs ou les sempiternels messages de l'écurie, on ne peut pas dire que le tout soit très innovant. Clairement, il va falloir que les développeurs se basent sur l'excellent F1 2017 pour booster ce type de mode. Heureusement, le titre propose tout de même quelques bonnes idées comme un aspect communautaire assez développé (avec épreuves, contre-la-montre...) et même un lien menant aux dernières infos eSport.
LES RATÉS DU MOTEUR
Là où la pilule risque de moins passer (on nous avait pourtant dit de prendre la bleue), c'est que ce Project Cars 2 traine des casseroles qui sont montrées du doigt depuis le premier épisode. On assiste ainsi régulièrement à des réactions totalement surréalistes de l'IA comme si elle se croyait à la fête foraine en mode auto-tamponneuse. Elle a ainsi une fâcheuse manie à vous rentrer dedans et il n'est pas rare, lors des premiers virages d'un circuit, que les bouts de carlingue volent dans tous les sens. Ce défaut peut s'atténuer en modifiant l'agressivité des adversaires dans les options mais celui-ci ne disparait pas vraiment. Rageant. Parmi les autres incohérences que l'on a pu remarquer, il y a également les collisions, qui en plus d'être un peu étranges, ont parfois l'art de faire apparaître des bugs. Par exemple, une touchette sur une roue adverse nous a valu d'assister au baptême de l'air de notre opposant. Original, vous en conviendrez mais pour le réalisme, on repassera...
On pourrait parler des dégâts, dont la marge de progression est encore importante, mais on va se focaliser sur un élément qui risque de surprendre celles et ceux qui s'attendent à s'amuser immédiatement. En fait, ce que l'on pourrait reprocher à Project Cars 2, en dépit de toutes ses qualités, c'est d'oublier par moments qu'il est avant tout un jeu vidéo. Autant sur le premier épisode, on pouvait s'éclater immédiatement, autant là ça risque d'être compliqué tant les réglages deviennent rapidement vitaux. Dans ces conditions, on ne pourra que vous conseiller de passer par les aides de l'ingénieur. Ce système, plutôt habile, permet via une série de questions d'adapter son pilotage à son expérience. Et ce n'est pas du luxe tant certains circuits (sur glace) sont une galère sans nom. Et quand on choisit la mauvaise caisse (ou catégorie), là ça devient quasiment impossible... Et si vous êtes novice, on ne serait que trop vous conseiller de débuter par les catégories "douces" en mode carrière, sous peine de subir énormément de frustration.
ET JE ROULE, ROULE, ROULE
Techniquement, Project Cars 2 est un jeu solide mais c'est sur le plan artistique qu'il gagne en prestige. En plus de la modélisation exemplaires des bolides, on profite désormais d'effets météorologiques et de particules de toute beauté. Les graphismes sont vraiment chatoyants et on regrette qu'il n'y ait pas plus de circuits ouverts comme la Côte d'Azur ou California Highway. Par moments, en ligne droite, on prend un réel plaisir à contempler le panorama. Les plus tatillons sur la technique ne manqueront tout de même pas de remarquer le trop plein de textures qui clignotent, d'aliasing ou parfois même de tearing (même s'ils sont beaucoup moins présents que dans Project Cars). Par ailleurs, le clipping dans le rétro est si violent qu'il vous rappellera les premiers jeux sur consoles 32-bits. Mais dans l'ensemble, le jeu se tient très bien sur PS4 Pro et la 4K (oui bon, l'upscaling) permet de profiter d'un HDR de qualité. Sur une PS4 standard, le rendu est également convaincant, bien que légèrement moins fin. Mais très franchement, dans le feu de l'action, c'est peanuts. Du côté du son, on peut souligner la qualité des musiques et l'excellence des bruits de moteurs, a contrario des crissements de pneus qui, en plus d'être identiques pour toutes les caisses, sont fort audibles. Pris bout à bout, Project Cars 2 arbore tout de même une chouette réalisation. Il ne reste donc plus qu'à vous, avec tous ces éléments, de peser votre degré de tolérance face à l'exigence d'une simulation console qui s'approche, il faut bien le dire, d'un véritable simulateur.
Points forts
- La finesse du pilotage
- Le système LiveTrack 3.0
- Un gros contenu
- Au volant, c'est un régal
- Excellente vue casque
- La musique des menus
- Graphismes très corrects
- Le rallycross
- IA parfois convaincante...
Points faibles
- ... et parfois en mode Destruction Derby
- Le clignotement sur les replays
- L'impression de vitesse selon la vue choisie
- Parfois trop exigeant et donc frustrant
- Le crissement des pneus
- Pas de voix française pour l'ingénieur de course
- Mode carrière beaucoup trop classique
- Pas assez de circuits ouverts
- Collisions encore étranges
Comme les premières impressions le laissaient présager, Project Cars 2 est bel et bien un excellent jeu de course. Respirant l'amour pour l'automobile, il reste agréable à la manette mais ne délivre sa quintessence qu'en présence d'un volant et d'un pédalier. Là, les sensations deviennent grisantes (vive le rallycross) et les courses s'enchaînent sans qu'on ne voit passer les heures. Pour un second épisode, la série est bien propulsée mais doit encore s'améliorer sur plusieurs points, à commencer par l'IA, et ne pas se faire dépasser, comme c'est le cas parfois, par son exigence. Frustrant (par moments) mais immersif, ce nouvel épisode est tout simplement ce qui se fait de mieux à l'heure actuelle.