Un an après le remasterisation d’Ultimate Marvel vs Capcom 3, le crossover le plus surréaliste de la baston vidéoludique est de retour pour un épisode qui joue la carte de la simplification à outrance. Explications…
CASTING HETEROCLITE
S’il y a un élément important dans un jeu de baston, c’est bien le casting. Première mauvaise nouvelle : celui du jeu affiche seulement 30 personnages, bien loin des 50 de son prédécesseur Ultimate Marvel vs Capcom 3. Et si les développeurs ont repris les personnages les plus populaires de la série tels que Ryu, Spider-Man ou Iron-Man, ils ont en revanche fait disparaitre de nombreux héros charismatiques comme Phoenix, Vergil, Super-Skrull, Akuma, Magnéto ou encore Wolverine. Le résultat apparaît de toute façon assez déséquilibré, car certains protagonistes sont clairement avantagés, comme Spider-Man (grâce à sa vitesse et ses attaques surprises), Dante (avec son allonge et ses nombreux pouvoirs) ou encore Dormammu (avec sa pléthore d’orbes et de boules de feu).
La teneur même du casting reste discutable, car il faut avoir une belle dose d’humour pour apprécier des protagonistes tels qu’Arthur, Franck « clic-clac » West ou encore Mike « torse nu » Haggard. Mais le plus stupéfiant reste cependant le style esthétique adopté par le studio Capcom. En effet, alors que le précédent jeu adoptait un cell-shading du plus bel effet qui confortait la classe innée des protagonistes, la direction artistique se retrouve ici complètement ratée. Les visages de certains personnages apparaissent même particulièrement grossiers, Ryu arborant presque par moments une tronche d'alcoolique tuberculeux. Pas de doute : les développeurs semblent avoir opté pour une sorte de simplification esthétique, sans s’embarrasser de détails. C’est d’ailleurs le sentiment qui prévaut également dans le mode Histoire…
C’est un peu la marque de fabrique des crossovers vidéoludiques : leur casting pour le moins hétéroclite. Parmi les 30 héros jouables, 15 personnages appartiennent à Marvel et 15 à Capcom. Côté Marvel figurent donc Spider-Man, Iron-Man, Captain America, Hulk, Thor, Hawkeye, Rocket Raccoon, Dr Strange, Ghost Rider et Nova. Les nouveaux combattants sont Captain Marvel, Ultron, Thanos, Gamora et Dormammu. Quant à Capcom, les héros prennent l’identité de Ryu et Chun-Li (Street Fighter), Mega Man X, Morrigan (Darkstalkers), Strider Hiryu, Chris Redfield et Nemesis (Resident Evil), Dante (Devil May Cry), Zero (Mega Man), Spencer (Bionic Commando), Arthur et Firebrand (Ghost’n Goblins), Haggar (Final Fight) et enfin Franck West (Dead Rising). Seul Jedah (Darkstalkers), un des principaux antagonistes de l’histoire, s’avère un personnage inédit chez Capcom. Au final, seuls six héros apparaissent entièrement nouveaux vis-à-vis de l'épisode précédent.
HISTOIRE DE FOU
Mine de rien, il s’agit d’une des grosses nouveautés de cet épisode : la présence enfin d’un vrai scénario émaillé de combats en tous genres entrecoupés de cinématiques. Lointainement inspirée de l’excellent comic « Le Gant de l’Infini » sorti chez Marvel au tout début des années 90, l’histoire rentre dans le vif du sujet dès l’introduction, sans donner de détails sur ce qui s‘est passé auparavant. Ainsi, Ultron domine l’univers grâce à la puissance de deux gemmes de pouvoir qu’il a récupérées. Tous les héros de la planète et de ses environs s’allient dès lors pour contrecarrer ses plans en tentant de mettre la main sur les quatre autres gemmes disséminées à travers les dimensions. Résultat : au fil de seize décors assez variés (avec mention spéciale aux très jolies plaines de Valkanda et au fascinant désert des âmes perdues du Royaume Noir), le joueur se retrouve à interpréter successivement plusieurs héros (Captain America, Chris Redfield…).
Problème : les adversaires s’avèrent un peu trop répétitifs, puisqu’il s’agit souvent de clones d’Ultron, de soldats cybernétisés d’Asgard ou de zombies/expériences ratées de la société A.I.M.Brella (clin d’œil à Umbrella, le verbe anglais « Aim » signifiant en français « viser »…hum… séquence rires enregistrés). Le paradoxe est que les boss d’envergure qui ponctuent le scénario ne donnent lieu à aucun combat car ils n’apparaissent que dans des cinématiques même pas interactives ! Cela est d’autant plus regrettable que ces adversaires impressionnants prennent la forme, par exemple, d’un symbiote géant qui dévaste les rues de New Metro City ou de l’immense dragon ancien Dah’Ren Mohran, tout droit échappé de Monster Hunter 4, qui ruine le paysage de Valkanda. Dommage également que le succès ou l’échec du joueur à l’issue d’un combat n’influence pas la suite de l’aventure qui continue de dérouler les mêmes cinématiques.
Heureusement, une poignée d’affrontements offre pas mal de challenge, notamment face à Thor infecté par le virus Sigma ou Spider-Man dans son costume noir possédé par le symbiote. Reste que la mise en scène manque tout de même un peu d'envergure et que l’ambiance générale aurait pu être plus délirante, les développeurs ayant vraisemblablement privilégié une trame sérieuse, voire simpliste. Cela dit, en dépit de sa faible durée de vie (environ 3h15), l’histoire se révèle assez plaisante, ne serait-ce que pour ses guest-stars surprises et pour cette réunion exceptionnelle de héros issus d’univers multiples (Rocket Raccoon et son bagout naturel, Thanos et sa mégalomanie cosmique, Dante et sa décontraction légendaire…).
GAMEPLAY ENERGIQUE
Face à ce nouvel épisode, les joueurs familiers de la série Marvel VS Capcom risquent fort d’être surpris. Car le studio a visiblement décidé de simplifier la maniabilité à l’extrême pour favoriser les nouveaux venus de la baston. Cette décision louable a toutefois des conséquences directes sur le gameplay. D’abord, contrairement à Ultimate Marvel VS Capcom 3, les combats ne se déroulent plus à trois contre trois mais à deux contre deux. S’il est toujours possible de changer de héros à tout moment en cours de partie, simplement en pressant une touche, en revanche les coups sont désormais répartis entre pieds et poings, faibles et forts. De cette manière, les combos apparaissent beaucoup plus faciles d’accès. Puisqu’il suffit de presser rapidement d’affilée les quatre boutons Poing Faible, Pied Faible, Poing Fort puis Pied Fort pour initier un enchaînement aussi rapide qu’efficace.
A cela s’ajoute la possibilité de propulser son opposant dans les airs grâce à un uppercut (position accroupie + poing fort), à l’instar de la saga Mortal Kombat, histoire de prolonger son combo. Mieux (ou pire selon les puristes) : le simple fait de bourriner la touche Poing Faible déclenche un enchainement automatique de six ou sept coups. L’avantage ici est que tous les Hyper Combos - les supers coups dévastateurs - sont immédiatement disponibles et à tout moment. Alors qu’auparavant, ils dépendaient du style jeu choisi au tout début du combat. D’ailleurs, la plupart se déclenche de la même manière pour tous les personnages, à travers un quart de tour avant ou arrière sur la croix directionnelle, accompagné de la pression de deux touches. Comble de la simplification : il y a même l’option pour les néophytes de lancer un Easy Hyper Combo simplement en appuyant en même temps sur les boutons Poing Fort et Pied Fort.
Dommage toutefois que beaucoup de ces Hyper Combos sentent le déjà vu, car issus des précédents épisodes de la série, à l’instar de la gigantesque toile d’araignée de Spider-Man ou du méga-canon portatif d’Iron-Man. Si les attaques communes entre membres d’une même équipe sont désormais plus limitées, en revanche quasiment tous les personnages disposent d’un super saut ainsi que de projections/dash/coups spéciaux en l’air. Une Garde Avancée est même disponible : il suffit alors de presser pile au bon moment sur deux des quatre touches de coups pour repousser l’ennemi ou renvoyer ses projectiles. Plus facile à dire qu’à faire. Cela dit, les affrontements ne manquent pas peps et s’avèrent très spectaculaires, sans aucun ralentissement. La surcharge d’effets spéciaux à l’écran est même relativement évitée, puisque les Hyper Combos de niveau 3, occasionnant une brève cinématique et un déferlement violent de coups, prennent le pas sur le reste. La fantaisie a même parfois a place ici, comme en témoignent les Hyper Combos de Franck West ou du Nemesis. Last but not least : l’ergonomie de la partie est facilitée par la possibilité de créer des raccourcis en affiliant tel bouton à telle option. Par exemple : le pavé tactile de la PS4 permet d’afficher en surimpression sur l’écran tous les coups, y compris spéciaux et ultimes, en un clin d’œil. Pratique !
GEMME LA TACTIQUE
Il s’agit de l’excellente trouvaille des développeurs pour compenser les styles de jeu disponibles dans l’épisode précédent. En effet, les gemmes de couleur peuvent faire carrément basculer un match. Le choix d’une gemme, juste après celui de son équipe, s’avère donc crucial en raison du double effet qu’elle procure sur le combat. Le premier effet - Infinity Surge - permet de déclencher immédiatement un pouvoir spécial lié à la gemme. Le second - Infinity Storm – modifie esthétiquement l’environnement qui prend alors pendant plusieurs secondes la couleur de la gemme. Durant ce moment, le joueur peut alors profiter non stop du pouvoir spécial de celle-ci. Concrètement, il existe six types de gemmes qui ont tous un impact différent sur la partie, y compris sur l’adversaire.
Ainsi, la gemme Reality (rouge) libère une boule d’énergie et permet d’exécuter une attaque élémentaire différente selon la touche appuyée. La gemme Power (violette) déclenche une attaque qui repousse l’adversaire en arrière mais aussi augmente la puissance des coups. La gemme Space (bleu) attire l’adversaire vers soi et emprisonne momentanément l’ennemi dans une cage d’énergie. Tandis que la gemme Time (vert) permet de se déplacer très vite et d’enchaîner rapidement avec d’autres attaques. Enfin, la gemme Mind (jaune) aboutit à une projection qui immobilise l’adversaire dans une bulle, alors que la jauge HC augmente continuellement. Quant à la gemme Soul (orange), elle autorise l’absorption à distance de la vie de l’adversaire, ainsi que la réanimation de votre partenaire pour qu’il combatte à vos côtés. L’utilisation très facile de ces gemmes occasionne d’étonnants revirements de situation lors des affrontements, dès lors que le joueur saisit le moment opportun où les déclencher.
MODES TRES CLASSIQUES
En complément du mode Histoire figurent un mode Entrainement, qui permet d’expérimenter librement le gameplay, mais aussi un mode Arcade offrant d’affronter un joueur humain en local ou online (NB : malheureusement, il a été impossible de tester les combats en ligne car le service n’était pas encore ouvert au moment du test). Bien entendu, se battre contre l’IA reste tout à fait possible à travers sept combats d’affilée. C’est à travers le mode Arcade que se débloquent automatiquement de nouvelles couleurs de costumes pour les personnages. Hélas, à l’opposé de l’excellent Injustice 2, à l’issue du mode Arcade, les héros ne bénéficient ici d’aucune fin personnalisée. Dernier mode de jeu disponible : Défis qui propose 30 tutoriaux assez peu esthétiques et ergonomiques dans leur présentation, mais toutefois indispensables pour bien connaître les rouages du jeu. Par ailleurs, sont inclus ici 10 défis par personnages (soit donc 300 défis au total) qui prennent la forme de combos de plus en plus compliqués à effectuer. S’ils ont le mérite d’exister et d’allonger un peu la durée de vie du jeu, ces quelques modes supplémentaires manquent toutefois d’originalité et de variété, et semble attester aussi du désir des développeurs de faire au plus simple, sans trop se casser la tête…
Nouvelle preuve de simplification, voire de laisser aller, des développeurs : le menu Collection qui compile tous les éléments de l’aventure. Alors que dans n’importe quel jeu de combat, il y a toujours une tonne de trucs à débloquer, ici c’est bien simple : il n’y a quasiment rien ! Excepté les cinématiques de l’histoire et la poignée de fiches signalétiques des personnages secondaires, le reste apparaît accessible dès le début, comme les 70 illustrations ou encore les voix et thèmes musicaux à écouter. Plusieurs musiques sont d’ailleurs des remakes de morceaux utilisés dans les jeux d’origine des héros. Certains surprennent agréablement comme une variante du thème de Ryu, mais d’autres navrent littéralement. Enfin, il y a la Bibliothèque Stark-light, une suite de profils qui répertorient quelques informations sur chaque protagoniste du jeu, y compris le bien peu charismatique Dr Light qui conseille les super-héros ou encore les personnages secondaires non jouables (Black Panther…). Au final, ce menu Collection est un peu à l’image de l’ensemble du titre : assez fun sans aucune prise de tête, mais tout de même pas génial esthétiquement et un peu chiche en termes de contenu…
Points forts
- Un casting bigarré de 30 combattants
- Un gameplay dynamique et accessible au plus grand nombre
- Utilisation tactique des gemmes de pouvoir
Points faibles
- Un mode Histoire trop court
- Une direction artistique décevante
- Peu de héros inédits au casting et en nombre très inférieur au précédent jeu
- Modes de jeu trop classiques et trop peu nombreux
Avec ce nouvel épisode, la saga Marvel Vs Capcom conserve ses bases tout en modifiant drastiquement certains éléments de gameplay dans l’optique de séduire le plus grand nombre. Si elle perd un peu de son identité, la série gagne toutefois en accessibilité pour mieux attirer de nouveaux joueurs. Restent cependant quelques points cruciaux qui ternissent le tableau final, comme le style esthétique complètement raté des personnages, le casting un peu faiblard et les modes de jeux ultra-classiques. Les novices de la baston pencheront donc en faveur de cette version estampillée « Infinite » qui permet de sortir des enchainements de manière très simple. Tandis que les vieux routards de la castagne retourneront sur Ultimate Marvel vs Capcom 3.