Après plusieurs travaux de commande, le studio Tarsier vient enfin de donner naissance à son premier véritable poulain, le sombre et attirant Little Nightmares. Ce platformer au style très marqué nous avait déjà tapé dans l’œil depuis quelques mois, une raison suffisante pour le suivre avec un intérêt certain. Le résultat final est-t-il à la hauteur des espérances ?
Ne vous attendez pas à une épopée riche en dialogue au sein d'un titre minimaliste dans sa narration. C'est bien simple, les principaux éléments du jeu – nom de l'héroïne, nature de sa quête, lieu exploré – ont été davantage évoqués par les développeurs que par le jeu lui-même, qui prend soin de rester cryptique jusqu'au bout de son aventure, mais c'est un point sur lequel nous reviendrons un peu plus tard. Sachez donc que ces derniers entendent à travers cette aventure retranscrire l'expérience difficile que les enfants traversent en grandissant et vous placent pour cela dans la peau de Six, un personnage frêle, sans défense et affublé d'un grand ciré jaune que vous devrez guider à travers une succession de 5 niveaux.
Un joli numéro de ciré
Little Nightmares n'entend pas révolutionner les jeux de plate-forme à ambiance, dont il est un héritier classique. Il parvient tout de même à nous happer dans son ambiance dès les premières secondes, porté par une esthétique sublime évoquant les œuvres de Tim Burton ou Jean-Pierre Jeunet (la cité des enfants perdus, entre autres). Sa réussite visuelle s'accompagne d'ailleurs d'un sound design minimaliste, mais toujours juste et adapté au contexte qu'il entend dépeindre. Ce pays des merveilles foutraque prenant place dans un navire – que vous voyez tanguer en permanence – est étonnant de dépaysement lors de chaque niveau traversé, bien que quelques influences soient perceptibles, comme celles des productions du studio Playdead. Bref, l'immersion apportée par l'univers de Little Nightmares est impeccable et peut justifier à elle seule son acquisition.
Elle aime les sauts, Six
La prise en main s'avère elle plus classique, nous proposant d'éclairer à loisir les zones sombres via un briquet, de pousser, porter et lancer des objets, ainsi que de grimper aux éléments de l'environnement ou encore s'accroupir. C'est sans doute sur ce point que Little Nightmares pêche le plus : l'utilité du briquet est finalement limité, celui-ci occupant davantage une place narrative. La possibilité de se mouvoir librement dans l'espace n'apporte finalement pas grand-chose de plus qu'un soupçon de profondeur de champ, et peut même s'avérer pénalisante selon le placement de la caméra en débouchant sur une chute idiote.
Gameplay : Une excursion nocturne qui finit mal
De même, il n'est pas toujours évident de cerner si un élément suffit à se cacher ou non, et si un ennemi est capable de nous attraper à une distance donnée : les parties de cache-cache se terminent donc parfois en essai un brin désespéré, au petit bonheur la chance. Par exemple, lors de notre périple dans les cuisines, il était systématiquement impossible pour l'ennemi de nous attraper sous une table, même en sachant pertinemment que nous étions dissimulés sous celle-ci. C'est donc tout naturellement que nous nous sommes de nouveau cachés sous une table en fin de niveau… avant de découvrir qu'il s'agissait du seul cas ou ces derniers tentaient de nous y déloger. Un fait qui n'a rien de dramatique, mais qui se répète plusieurs fois et contribue au manque de clarté de certaines situations. Heureusement, la simplicité des énigmes et de la progression compense en partie cette frustration, bien que le placement des checkpoints soit parfois discutable.
Le cryptique, pas fantastique
L'aventure a toutefois le bon goût de se renouveler constamment, ne nous donnant jamais l'impression de proposer 2 fois la même mécanique de progression ou d'explorer à plusieurs reprises un décor similaire. Malgré les quelques loupés évoqués ci-dessus, chaque chapitre dispose de ses propres codes et la progression rythmée contribue à ne jamais vous faire lâcher la manette grâce à son alternance infiltration/progression paisible/fuite bien dosée. Malgré tout, cette courte aventure d'un peu moins de 4 heures nous a laissé sur notre faim à cause d'une fin expédiée et d'un message cryptique qui nous paraît plus forcé que réellement pertinent. C'est un choix, mais à trop vouloir verser dans les métaphores, la narration de Little Nightmares perd sans doute un peu de sa force évocatrice et restera finalement nébuleuse auprès de nombreux joueurs. Dommage.
Points forts
- Esthétique superbe
- Sound design impeccable
- L'absence de répétitivité
Points faibles
- Narration très (trop?) cryptique
- Quelques choix de level design discutables
- Très court, il nous laisse sur notre faim
Hâtif dans sa conclusion, Little Nightmares n'en est pas moins intéressant par son voyage. Bien rythmé et doté d'un univers accrocheur, il peine toutefois à se hisser au niveau d'un titre tel qu'Inside à cause de choix de level design discutables et d'une prise en main perfectible. Si vous accordez davantage d'importance à l'ambiance et l'immersion qu'à une maniabilité exemplaire, vous serez plus à même d'apprécier l'expérience proposée par le jeu de Tarsier. Dans le cas contraire, vous ne pourrez que constater la perfectibilité d'un soft qui, heureusement, ne manque tout de même pas de qualités et d'atouts pour venir se nicher dans votre ludothèque.