Une nostalgie 80/90's s'empare des joueurs au doux nom de Frédérick Raynal, créatif vidéoludique français de la première heure au même titre que Eric Chahi (Heart of Darkness, From Dust) et Michel Ancel (Rayman, Beyond Good & Evil)... Ce précurseur de l'horreur, ayant imaginé un Alone in the Dark qui aura inspiré la première salve de Survival-Horror, renoue avec ses premiers amours. A l'heure des éditeurs AAA, le financement participatif a (re)donné voix au chapitre à de nombreux jeux indépendants parmi lesquels ce projet. 2Dark arpente un univers sombre peuplé de tueurs en série et titille à la fois nos sens et notre réflexion. C'est un briquet à la main et la peur au ventre que 2Dark débute.
Un Darktective dans la nuit
La ville de Gloomywood est en alerte. Une série de disparitions d'enfants inquiète les autorités et sème le trouble. Dans ce contexte, nous découvrons un ancien détective, mis à pied après avoir passé à tabac des kidnappeurs présumés d'enfants. La vie de Smith a basculé depuis ce jour fatidique du 13 juin 1969. Il y a de cela 7 ans, sa femme fut assassinée par un détraqué et ses enfants enlevés. Depuis ces événements, ce père de famille se laisse bercer par le souvenir de ses proches et ce lointain espoir de découvrir la vérité avec pour seul compagnon une colère indéfectible. Incapable de rester les bras croisés face à l'actualité reliée par le Times, Smith se lance à la recherche des chérubins disparus sans se douter une seconde de l'ampleur du drame.
Qualifier l'ambiance de 2Dark de sombre serait un euphémisme. L'histoire contée est oppressante et prend des allures de polar macabre. Disparitions et meurtres d'enfants, tortures et activités sadiques donnent au récit une pesanteur insoupçonnée. Chaque pas dans cet univers est lourd de sens et se paie le prix fort. La narration se veut minimaliste et laisse le joueur picorer l'histoire un document, un indice à la fois. La peur s'insinue en vous par le gameplay, mais surtout par une série de découvertes à vous glacer le sang. Les pires penchants de l'être humain se télescopent sans cesse dans ce conte sordide à même de faire frémir d'effroi un public averti.
L'objectif de Smith est simple et se résume à sauver un maximum d'enfants tout en accumulant les preuves à charge contre les coupables. Malgré toute sa bonne volonté et son courage, bien des âmes périront durant ce périple qui marquera durablement l'esprit des pauvres détectives qui auront l'audace de s'aventurer au plus près des travers de l'Homme. Smith est un homme en mission que rien n'arrête et votre approche qu'elle soit discrète ou sanglante se retrouvera à la une des journaux. Héros ou meurtriers, vous seul êtes en mesure de décider dans cette aventure qui a la générosité d'adapter le récit à vos affinités.
Horreur au parc d'attraction
Prends Dark à toi
2Dark est un Survival-Horror et emprunte nombre de ses mécaniques à des genres aussi divers que variés. Infiltration, action, jeu d'aventure, le titre du studio Gloomywood lorgne sur un passé lointain avec tendresse et dévouement et cherche à tout prix à retrouver le goût si particulier des jeux d'antan. Entre odeur de naphtaline et relents nostalgiques, ce périple nous invite à un voyage temporel au pays des horreurs.
L'obscurité et Frédérick Raynal... une histoire d'amour qui perdure depuis près de 35 ans. 2Dark porte bien son nom et fait de l'ombre un allié de choix dans ce jeu de survie se focalisant sur l'infiltration et la dissimulation. La lumière est un élément central de l'expérience au même titre que le son. S'éclairer au briquet ou avec une lampe-torche à la durée limitée, marcher à pas feutrés, neutraliser les ennemis dans le dos... cette aventure joue les rois du silence et privilégie une approche discrète et intelligente sous peine de recommencer le même niveau des dizaines de fois. La peur s'insinue en vous et devient bien plus présente à chaque pas. Plongé dans l'obscurité Smith tâtonne tout comme vous.
Avec ses faux airs de Point'n Click, exploration et énigmes sont au rendez-vous et avec elles un inventaire qui vous fera criser à maintes reprises. 2Dark vous pousse à fouiller le moindre recoin à la recherche d'items (clés, cartes magnétiques, poupées) essentiels à la résolution de puzzles qui ont le mérite de renouveler le périple de Smith. Les solutions sont pluriples tout comme les situations. 2Dark laisse ainsi le joueur aux commandes. Empoisonner un gâteau, se déguiser en agent d'entretien, assassiner l'ensemble du staff présent ou ressortir de là immaculé... le choix est vôtre dans ce Survival-Horror avide de liberté.
Des dizaines d'objets à ramasser, à combiner pour progresser, des allers-retours constants dans l'inventaire pour équiper le héros malgré un accès rapide aux armes et items utiles ralentissent le rythme et se transforment en source de frustration heure après heure. La gestion de l'équipement finit par devenir douloureuse, voire pénible, la faute à une interface obsolète. Smith entasse tout et n'importe quoi dans un inventaire pouvant contenir pléthore d'objets parmi lesquels les indices nécessaires pour finir le niveau, mais inutile en jeu.
Smith n'est pas un couard et lorsqu'il s'agit de défourailler ce dernier ne se fait pas prier. Exigeant et punitif, 2Dark fait de la violence un dernier recours et non une solution. Les munitions sont extrêmement limitées et il faudra bien souvent s'en remettre à une arme blanche ou contondante pour venir à bout des nombreux ennemis hantant les lieux. Mais que serait ce titre sans ses bonbons ? Ces petits plaisirs sucrés sont vos plus fidèles alliés. Pilules de gameplay par excellence, ils servent à attirer/convaincre les enfants (glauque à souhait), à activer un interrupteur à distance, faire diversion et sont indispensables à la progression.
La tour infernale
Dark & Retry
Il est coutume de penser que le jeu vidéo 80/90’s se définissait pas sa difficulté. Et cela s’avère exacte dans la majorité des cas. La vague de jeux pixelisés qui frappe le marché ces dernières années va de pair avec une vision hardcore. Hyper Light Drifter ou encore Rise & Shine ne sont que des exemples parmi une pluie de titres conçus pour faire transpirer et rager les joueurs.
“Plus c’est dur plus c’est bon.” 2Dark suit cet adage à la lettre. Le simple fait de forcer le joueur à sauvegarder manuellement sans aucune notion de checkpoint témoigne de cette envie d’en découdre avec les pauvres âmes qui s’aventureront en ces lieux. La mort sera du voyage et narguera le héros avec un tendre “2DEAD” placardé devant ses yeux bien plus d’une fois. Qu’un titre tente de retrouver cette alchimie faite de frustration et de difficulté j’en conviens. Mais lorsque ce dernier se contente d’un simple écran explicatif sans aucune cérémonie en guise de tutoriel, les années 80’s débarquent en force avec les qualités et les défauts d’une production de l’époque. Les moeurs ont changé tout comme les amateurs de jeu vidéo. Certains se délecteront d’une aventure corsée au possible, quand d’autres abandonneront purement et simplement par manque de temps ou de persévérance.
Too Dark
La vague “rétro” ne cesse de déposer sur nos rives des titres cherchant avant tout à faire vibrer notre corde nostalgique. 2Dark se dote d’un gameplay à l’ancienne et la direction artistique ne pouvait jurer avec les intentions de l’auteur. Les artistes de Gloomywood ont donc fusionné pixels et environnements 3D avec pour résultat un amas de voxels (pixels en 3 dimensions), hommage aux heures de gloire des ères 8 et 16 bits. A mi-chemin entre passé et présent, 2Dark se distingue par une originalité bienvenue. Malheureusement, à force de vouloir plonger le joueur dans le noir, les environnements manquent de clarté et cette vue isométrique n’aide en rien. La caméra ne peut être réorientée pour simplement scruter une pièce. Il n’est pas rare de tourner en rond de longues minutes avant de découvrir une porte dissimulée dans l’ombre et ainsi pousser l’exploration toujours plus loin.
Le son est une donnée extrêmement importante et Gloomywood n’a pas lésiné sur le sound design. Bruits de pas, interrupteurs, flaques d’eau, coups portés, bris de bouteille... s’emploient à retranscrire cette ambiance oppressante. En d'autres mots, un titre m’aura rarement fait autant sursauter (à l’exception de Alien : Isolation et Resident Evil 7). Le son et le visuel s’attaquent à votre rythme cardiaque et se joue des peurs primaires des joueurs. Clown, obscurité, tortures, araignées… il y en a pour tous les goûts. Ce jeu est éprouvant autant dans la forme que dans le fond. Traverser 2Dark… ne se fera pas sans mal.
Panique gérontophobe
Points forts
- Un polar sombre et violent aux thèmes rarement exploités
- Un univers oppressant se nourrissant de nos peurs primaires
- Un Survival-Horror “old school” où l’obscurité règne en maître
- Un habile mélange d’infiltration, d’action et de réflexion
- Une direction artistique en voxels à mi-chemin entre tradition et modernité
Points faibles
- Un inventaire inadapté à l’expérience et à la quantité d’objets ramassés
- Une frustration grandissante née d'une vue isométrique et d’environnements trop sombres
- Une difficulté retorse qui rebutera les joueurs les moins acharnés
2Dark est un O.V.N.I à l’heure des productions AAA. Imaginé par Frédérick Raynal, ce Survival-Horror se dote d’une esthétique et d’un gameplay “rétro” qui ravira les nostalgiques d’une époque bénie où plaisir rimait avec difficulté. Véritable polar voxélisé, ce titre mixe aventure, réflexion, horreur et infiltration au coeur d’un univers macabre. Soyez avertis ! 2Dark porte bien son nom. Les thèmes abordés sont lourds de sens et pèseront sur les détectives du pad qui fouleront du pied la petite ville de Gloomywood.