Silence ou The Whispered World 2 pour les intimes est la suite du point’n click de Daedalic sorti en 2009 : Les Chroniques de Sadwick : The Whispered World. Bien que classique dans son approche le titre bénéficiait d’une patte visuelle visuellement très riche et doté d’une atmosphère sombre et d’un humour pince-sans-rire très british. Salué pour sa jolie durée de vie et son histoire attachante, le titre accueille désormais une suite basée sur un nouveau moteur graphique lui permettant de se doter d’une nouvelle approche 3D. Pour le meilleur ou pour le pire ? Réponse en test sans plus tarder.
De l'autre côté du bunker
Tout commence lorsque Noah, 16 ans, le protagoniste du point'n click original s’enfuit avec sa petite sœur Renie pour échapper aux dangers d’un raid aérien. Se croyant à l’abri des bombardements au sein d’un vieux bunker, Noah tente tant bien que mal de réconforter sa cadette grâce à un récit improvisé à l’aide des différents éléments du décor. Touchante et pleine de justesse, cette courte introduction au sein d’un monde réel en plein tourment nous permet de constater le lien très fort entre les deux personnages. Mais lorsqu’une bombe percute leur abri, Noah se retrouve prisonnier sous les décombres, séparé de sa petite sœur par un lourd amoncellement de gravats. Derrière les ruines, se cache l’entrée du monde onirique de Silence. Si vous n’avez pas fait le premier jeu, Silence est un univers fantastique situé à la frontière entre la vie et la mort. La dernière visite de Noah en ces lieux remonte à l’époque où le personnage avait sombré dans le coma lorsqu’il était enfant. En devenant le roi de Silence sous les traits d’un clown triste nommé Sadwick et en brisant un miroir magique, Noah fut capable de retourner dans le monde réel à l’issue du premier jeu. Les premiers pas de notre retour en ces terres de mystère et de magie nous mènent à la recherche de Renie et permettent de constater que le monde de Silence porte lui aussi les traces d’un cruel conflit.
Avoir joué au premier jeu n’est pas une obligation pour aborder cette suite, même si cela enrichira indéniablement votre expérience. Depuis le départ de Noah, une fausse Reine dirige maintenant les lieux grâce à une armée d’abominations sans visage nommées les Traqueurs. Son objectif est de mettre la main sur le dernier fragment du miroir brisé afin de réaliser ses rêves de conquête. Vous croiserez sur votre chemin une poignée de personnages secondaires charismatiques dont quelques résistants dont le leader de la rébellion Kyra. Malheureusement, Silence accorde trop peu d’espace à ce casting réduit pour leur permettre de réellement briller tout au long de l’aventure. C’est fort dommage tant ces derniers auraient pu apporter une profondeur supplémentaire à l’histoire ! Le titre prend le parti de garder notre attention rivée sur Noah et Renie et sur leur quête initiatique au sein du monde de Silence.
Qui de nous deux ?
Malgré ce manquement flagrant dans l’utilisation des figures secondaires trop vite expédiées, la réelle force de Silence réside dans la relation tissée entre le frère et la sœur. Noah déploie de grands efforts pour rassurer Renie, il se déguise, improvise des blagues, invente des récits fantastiques et occupe même le rôle d’un bouffon de la cour dans ce monde onirique. Mais plus la trame narrative progresse, plus on se rend compte que la petite Renie est en réalité la figure forte du duo ! Noah perd son écriture cynique et désabusée du premier volet et se voit régulièrement torturé par des dilemmes moraux et des situations périlleuses, au point de nous donner parfois envie de lui secouer un peu les puces !
Noah est accompagné par Spot, la petite chenille très attachante de retour du premier volet du jeu. Au-delà de son design mignon à souhait, Spot possède la capacité de s’aplatir comme une crêpe ou de se gonfler comme un ballon pour nous aider à réaliser certaines actions comme le fait de soulever un obstacle ou encore détruire des objets. Il pourra aussi acquérir les propriétés des liquides qu’il ingère afin de varier quelque peu les situations de jeu. Bref, cet adorable compagnon rampant est l’occasion pour Silence de nous proposer quelques petites énigmes sympathiques, mais pas forcément mémorables...
Cliquez, c'est gagné
Ne vous attendez-pas à une difficulté très poussée dans les casse-têtes de ce Silence. Les énigmes sont simples, voire trop simplistes pour la plupart d’entre elles. Le gameplay se résume bien trop souvent à cliquer sur un objet pour déclencher une action ou tenter de le faire interagir avec un autre élément du décor. Certes, on tâtonnera encore en quelques rares occasions pour tenter de comprendre la logique de certaines combinaisons, mais l’absence de malus lors des erreurs rend la progression finalement téléguidée. Dirigistes, les énigmes de Silence sont aussi soumises à l’écueil des essais hasardeux obligatoires avant que le personnage ne se décide à réaliser la bonne action.
Cette simplification globale du jeu est rehaussée par la présence d’une fonction permettant au joueur d’afficher s’il le souhaite tous les éléments interactifs du décor en maintenant la touche espace appuyée. Deadelic tente néanmoins quelques variations de la formule basique du cliquer/combiner avec quelques actions « dynamiques » comme des maintiens du clic pour conserver l’équilibre du personnage ou des mouvements du pointeur dans une direction précise afin de déplacer certains objets.
Les dialogues, de leur côté, offrent parfois la possibilité de choisir entre plusieurs réponses sans pour autant impacter sur la suite de l’aventure. Le choix n’est donc bien souvent que simple illusion narrative. Pas d’inventaire pour stocker vos trouvailles et s’amuser à tenter des combinaisons improbables, peu ou pas de chemins annexes, Silence est une aventure qui se savoure tenu par la main. La disparition de l’inventaire condamne en ce sens le titre à condenser ses phases de réflexion dans un espace réduit à l’aide de ficelles que l’on voit trop souvent pendre derrière le décor. Le joueur alterne régulièrement entre Renie, Noah et Spot dans des scénarios entrecroisés qui parviennent à tisser une trame certes charmante, mais trop rapidement bouclée par le joueur. Comptez environ 5 heures pour parvenir à la fin du titre, une durée de vie relativement faible lorsque l’on sait que le jeu est proposé à environ 30 € à sa sortie.
Enjoy the Silence !
Fort heureusement, Silence compense sa trop grande facilité par une direction artistique en béton. N’ayons pas peur des mots, le jeu de Daedlic est splendide ! Environnements, personnages, animations, la patte graphique du studio nous en met plein les mirettes à chacun des tableaux proposés. Si le style graphique évolue de la 2D à la 3D, il parvient à se forger une identité propre tout en conservant l’esprit du monde originel de Silence. Moins grisâtre, plus enchanteur, l’aspect général de ce lieu magique parvient à créer un magnifique équilibre entre noirceur et rêverie. Le nouveau moteur maison du studio permet de gommer les frontières entre le film d’animation et la scène de jeu vidéo pour nous offrir l’étalage d’une maîtrise artistique de haute volée. Bref, c’est bluffant à tous les instants, c’est animé avec grand talent et ça transpire la vie à chaque mouvement de personnages.
Si la bande-son est de qualité, les doublages (en anglais uniquement avec sous-titre français) ne s’alignent pas tous sur la même échelle qualitative. Le caractère insouciant et déterminé de Renie est, par exemple, parfaitement rendu par sa comédienne là où d’autres protagonistes semblent moins impliqués dans leur rôle du moment.
Points forts
- Un chef-d’œuvre visuel
- Un titre plein de charme
- La candeur et l’insouciance de Rennie
- Bande-son très agréable
Points faibles
- Histoire peu inventive par rapport au premier volet
- Une aventure qui se boucle trop rapidement
- Personnages secondaires sous-exploités
- Énigmes simplistes, progression trop dirigiste
- Doublages en V.O de qualité variable
Aussi concis que splendide, Silence nous laisse quelque peu sur notre faim en matière d’inventivité et de difficulté de ses énigmes par rapport au premier volet de l'aventure. C’était sans doute le prix à payer pour s’ouvrir à un public plus large et probablement plus jeune. Reste maintenant un enrobage artistique de haute volée capable de nous émerveiller à chaque plan pour gommer les défauts de cette suite charmante à conseiller aux amateurs du genre conscients des défauts pointés durant ces quelques lignes.