Il se sera fait attendre, ce Mafia 3. Il faut dire que ramener à la vie une licence culte pour beaucoup après 6 ans de silence n'était pas une tâche facile. Après les différents aperçus que nous avons eu l'occasion de voir, le troisième épisode de la franchise semblait engagé sur la bonne voie : celle permettant de conjuguer sans peine monde ouvert et narration au cordeau. Maintenant que nous avons eu le jeu complet entre les mains, la question est de savoir si oui ou non, Mafia 3 rend justice à ses illustres prédécesseurs... et autant dire que la réponse à cette question est mitigée.
Mafia III : Definitive Edition propose, outre l'aventure principale, les trois contenus supplémentaires sortis par la suite. Une excellente nouvelle compte tenu de leur qualité. Si vous désirez en savoir un peu plus sur ces derniers, vous trouverez ci-dessous le test de chacun d'entre eux :
> Test de Mafia III : Faster, Baby !
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Loin du romantisme de la Mafia italienne si bien décrite dans les deux premiers opus de la licence, ce troisième épisode vous plonge directement en 1968, époque à laquelle sévit une ségrégation raciale presque communément acceptée. Entre opposition populaire à la guerre du Vietnam, racisme et assassinats... l'époque dans laquelle s'inscrit Mafia 3 représente un terreau fertile à la construction d'une histoire solide.
Une narration digne de la saga
Et autant le dire tout de suite, de ce point de vue, non, Mafia 3 ne déçoit pas. S'il existe une grande qualité chez le titre de Hangar 13 c'est sa narration. C'est bien simple, chaque cinématique est un véritable régal, du début à la fin du jeu. Lincoln, loin d'être la brute épaisse que les différents trailers laissaient supposer, se révèle être un personnage consistant, dont la quête de vengeance se justifie à mesure que l'on évolue avec lui. Les personnages qui gravitent autour de lui ne sont pas en reste, et bénéficient d'une qualité d'écriture exemplaire. Si l'on entretenait quelques inquiétudes sur la préservation de l'atmosphère mafieuse du jeu, en raison notamment du choix de la ville et de son époque, il nous aura suffit d'arpenter que quelques minutes New Bordeaux pour être rassurés. L'ADN de la licence Mafia est respecté à la lettre et l'ensemble de la mise en scène n'a clairement pas à rougir face aux meilleures œuvres cinématographiques articulées autour de thèmes similaires.
Outre son écriture, c'est aussi grâce à son atmosphère que Mafia 3 parvient à happer le joueur. La modélisation de New-Bordeaux, version revisitée de La Nouvelle-Orléans, offre un cadre terriblement rafraîchissant dans le monde du jeu vidéo. Dans certaines zones, notamment dans le quartier français, New Bordeaux se révèle très charmante, vivante, bref, agréable à arpenter. Ajoutez à cela une bande originale qui pioche dans le meilleur de ce que les années 60 ont à offrir et vous obtiendrez une réussite du point de vue de l'immersion. Le contexte politique de l'époque est également assez bien développé, que ce soit à travers les émissions de radio que vous aurez l'occasion d'écouter, ou tout simplement grâce aux nombreuses conversations que les PnJ de l'open-world tiennent entre eux.
Et c'est un peu là que l'ensemble est paradoxal, car si l'on sent beaucoup de passion et de souci de respect de la licence chez Hangar 13, de trop nombreux défauts viennent entacher l'expérience globale offerte par Mafia 3 et c'est peut-être dans le choix de l'open-world au sens « moderne » du terme que se trouve le cœur du problème.
Notre J'aime / J'aime Pas sur Mafia III
Des objectifs vite répétitifs
Si vous ne le saviez pas encore, la trame principale de Mafia 3 vous plonge dans la peau de Lincoln, orphelin qui, suite au meutre brutal de sa famille de substitution, part en quête de vengeance, choisissant d'ébranler petit à petit la mafia italienne pour en faire tomber le boss : Sal Marcano. Ce dernier a réparti nombre de ses lieutenants dans les différents districts de New Bordeaux, et votre tâche sera de prendre le contrôle de chacun d'entre eux. Pour réaliser vos objectifs, la méthode sera la même d'un quartier à l'autre : aller parler à un informateur qui sait où se trouvent les hommes de mains des différents lieutenants, ainsi que les endroits stratégiques où il sera bon d'infliger un maximum de dégâts pour ébranler tel ou tel trafic. Qu'il s'agisse de trafic de drogue ou de prostituion les objectifs changent de nom mais ne diffèrent pas. Ainsi, tout au long de votre partie, pour prendre le contrôle d'un quartier, il faudra tour à tour interroger manu militari des gangsters, détruire certaines cargaisons pour ensuite tuer les gestionnaires des trafics. Une fois ces objectifs atteints, le lieutenant du district pointera le bout de son nez, vous laissant l'opportunité de lui faire passer l'arme à gauche et ainsi continuer la quête principale.
Sur le papier, l'idée n'était pas mauvaise : avoir le choix des objectifs permettait en théorie de laisser le joueur libre de progresser dans l'open world selon ses envies, sans jamais basculer dans le GTA Like standard proposant des activités plus fantaisistes. Malheureusement, si la prise de district est plutôt sympathique en début de partie, l'ensemble s'avère affreusement redondant à l'usage, et le sentiment de faire encore et toujours la même chose s'installe très rapidement. Et malheureusement, l'introduction d'un petit aspect « micro-gestion » ne sauve pas le bateau du naufrage. Effectivement, vous serez entourés de 3 lieutenants : Burke, Cassandra et Vito, protagoniste classieux à souhait de Mafia 2. A chaque prise de contrôle de trafic ou de district, vous avez pour obligation d'en confier la gestion à l'un de vos trois partenaires. En fonction de votre choix, certains avantages seront débloqués : possibilité d'annuler les recherches de police, alliés qui vous prêteront main forte en mission … si là encore l'initiative est louable, l'impact dans les faits est beaucoup trop anecdotique pour être considéré avec minutie et vous vous trouverez à répartir vos quartiers en fonctions de vos affinités personnelles avec tel ou tel personnage sans vous préoccuper des bonus associés.
Notez que la distribution de quartiers donne systématiquement lieu à une petite réunion préliminaire plutôt bien fichue, chacun de vos lieutenants cherchant à tout prix à récupérer une part de gâteau, ce qui pourra créer quelques tensions. Si dans le cadre de notre partie nous sommes parvenus à ménager le chèvre et le choux en faisant une distribution équilibrée entre chaque membre du groupe, privilégier un allié plutôt qu'un autre pourra sans aucun doute avoir des conséquence par la suite.
Une gameplay convenable, une finition qui laisse à désirer
Mais est-ce que le gameplay parvient à rendre les différentes activités agréables ? Oui et non. On nous avait promis une liberté d'approche assez importante, permettant d'opter pour l'infiltration ou la confrontation. Dans les faits, la promesse est tenue et vous pourrez sans peine venir à bout de vos objectifs en mode infiltration, même s'il ne faut pas s'attendre à jouer en mode « fantôme ». Non, il sera nécessaire de passer par des neutralisations en chaîne pour vous frayer un chemin vers votre cible. Le challenge est rude, lorsque l'on prend le pari de proposer un gameplay discret : il faut un level design impeccable, pour inciter le joueur à trouver des endroits dérobés, et une intelligence artificielle crédible pour le laisser étudier le meilleur chemin à prendre. Sur ces deux points, Mafia 3 ne convainc pas. L'intelligence artificielle est pour ainsi dire inexistante et c'est très régulièrement que l'on est atterré par la stupidité des adversaires. Passer sous le nez de gardes sans alerter qui que ce soit, égorger en chaîne des opposants en plein milieu d'une pièce sans créer un mouvement de panique arrivera fréquemment, d'une manière si prononcée que l'immersion du joueur s'en trouve malmenée.
L'intelligence artificielle n'est assurément pas le point fort de Mafia 3
L'IA n'est d'ailleurs pas plus brillante en combat, les ennemis aillant pour facheuse tendance à se précipiter au même endroit, comme pour mieux vous laisser les canarder. Bref, l'IA complètement à côté de la plaque gâche grandement le plaisir que vous optiez pour l'une ou l'autre des approches. Vous choisirez l'infiltration uniquement afin d'esquiver des combats contre des ennemis trop nombreux, certainement pas pour le côté gratifiant de liquider une cible sans alerter le moindre garde. Finalement, le seul plaisir que l'on retire des affrontements de Mafia 3 réside dans la brutalité et la mise en scène réussie des exécutions. Très variées et conditionnées par les décors, elles donnent un vrai sentiment de puissance au joueur, qui trouvera dans ce Mafia un titre brutal, visuellement et verbalement, qui assume pleinement son côté PEGI 18.
Le manque de finition de Mafia 3 ne se ressent d'ailleurs pas que dans l'absence d'IA, mais sur l'ensemble de l'expérience. Incontestablement sorti trop tôt, Mafia 3 est, à l'heure où nous écrivons ces lignes, truffé de bugs et s'avère visuellement bien en deçà de ce que la génération actuelle de machine peut offrir. Si le titre a parfois des moments de grâce, et parvient à surprendre le joueur qui pourra profiter de jolis effets de lumière et d'une ambiance charmante, aidée notamment par le cadre atypique de la Louisiane, l'ensemble est trop terne, vide, pixellisé pour rendre justice aux open worlds actuels. L'aspect graphique n'est assurément pas le plus important des critères lorsqu'il s'agit d'évaluer la qualité d'un jeu, mais dans le cas de Mafia 3, le choc est tel qu'il parvient à ressortir complètement le joueur de l'aventure.
Des choses à défendre, des choses qui fâchent
Finalement, que dire de ce Mafia 3 ? Qu'il a bien évidemment des choses à défendre, et qu'en dépit de ses trop nombreux défauts, le potentiel, lui, est bien là. Le titre parvient même parfois à franchement surprendre en proposant des missions dans des environnements variés et inspirés (la scène du bateau vaut à elle seule le détour), mais ces instants se font trop rares pour permettre au jeu de véritablement décoller. L'ambiance est formidable, mais la technique ne suit pas. L'histoire est captivante, mais les phases de gameplay sont trop redondantes. Bref, la déception est là, et les éléments du jeu qui ne manquent pas de mordant se voient couper l'herbe sous le pied par une somme d'imperfections qui font de ce Mafia 3 une déception, sans être un ratage complet. Il semblerait en réalité que Hangar 13 se soit cassé les dents sur le développement de son open world, qui ne propose pas d'activités suffisamment variées pour donner l'envie au joueur de s'y perdre. Si la durée de vie du titre est globalement très satisfaisante, nul doute que les joueurs auraient préféré que Mafia 3 se concentre sur une progression plus linéaire, plus scriptée, afin de profiter au maximum de son histoire et moins avoir le sentiment d'effectuer encore et toujours les mêmes actions pour avancer dans l'aventure.
Trailer de lancement de Mafia 3
Points forts
- Ambiance 60's délicieuse
- Réalisation des cinématiques impeccable
- La bande son, un sans faute
- Certaines quêtes franchement originales
- Final de qualité
Points faibles
- Terriblement répétitif
- Techniquement très faible
- IA inexistante
- Micro-gestion des quartiers anecdotiques
- Manque prononcé de finition
Si l'on comprend sans peine la volonté de Hangar 13 de porter la licence Mafia dans un open world au sens « moderne » du terme, l'exercice n'est pas réussi. La principale raison réside dans la présence d'objectifs terriblement répétitifs, qui contraignent le joueur à effectuer la même tâche encore et toujours simplement pour progresser dans une histoire qui, en revanche, rend bien justice à ce qui fait le charme de la saga Mafia. Car si l'on met de côté la technique faiblarde du titre et l'intelligence artificielle inexistante, Mafia 3 propose une ambiance formidable, servie par une bande son impeccable et une réalisation au cordeau. Si la durée de vie du jeu est solide, nous aurions largement préféré un titre plus couloir et plus court, mais qui aurait eu pour avantage de laisser le joueur s'imprégner du rythme haletant de cette quête de vengeance traitée d'une manière très cinématographique. Pas un ratage complet, mais pas une réussite non plus.