Dès sa sortie, The Witcher 3 : Wild Hunt prévoyait la sortie de deux extensions majeures afin de prolonger les aventures de Geralt de Riv. Après un Heart of Stone convaincant, mais assez peu dépaysant, CD PROJEKT RED offre à son sorceleur une dernière virée au royaume du vin, du soleil et des contes de fées avec la splendide région de Toussaint. La zone rêvée pour se payer une retraite dorée en sirotant des grands crus à l’ombre des cyprès ? Rien n’est moins sûr pour notre héros, car une mystérieuse bête sème la terreur dans le duché. Entre une tonne de nouvelles quêtes, le retour de personnages emblématiques des romans de la saga, une bonne grosse refonte de l’interface, l’introduction d’un domaine privé et une flopée de nouveaux équipements, Blood and Wine nous offre l’ivresse d’une dernière extension mémorable. En route pour l’aventure !
Hormis le contexte de l’extension, ce test est garanti sans spoil sur le contenu de sa trame narrative principale et secondaire.
L'ivresse de Toussaint
Les lecteurs de la saga du sorceleur devraient déjà connaître la nouvelle zone de Toussaint. Terre d’insouciance et de plaisirs, le duché est relativement épargné par les tourments de la guerre du fait de son statut de principal fournisseur en vin des différents royaumes. Quel monarque serait assez fou pour attaquer la zone d’où provient l’alcool dont il s’enivre ? De ce fait, on dit des habitants de Toussaint qu’ils vivent dans un état d’ébriété perpétuel, loin des tracas du quotidien, protégés par les chevaliers errants au service de leur très respectée princesse Anna Henrietta (ou Anarietta pour les intimes). Comme pour Heart of Stone, tout commence lorsque Geralt récupère un contrat sur l’un des panneaux d’affichage de Velen. Le message est assez clair : l’aide d’un Sorceleur est quémandée à Toussaint pour résoudre le mystère autour d’une bête féroce qui sème le trouble dans la principauté. Si “Tout est plus simple à Toussaint” comme le dit Geralt, ce contrat révèle cependant très vite la noirceur se cachant derrière la quiétude de la zone. La mystérieuse bête tue ses proies avec minutie, sans laisser de traces derrière elle. Certains évoquent même une créature dotée des pouvoirs de la magie noire et notre enquête prouvera bien assez tôt que notre cible est douée d’une grande intelligence. Cette trame de plus d’une dizaine d’heures est celle de la quête principale, elle fait intervenir certaines têtes connues des lecteurs de la saga et bénéficie d’un souffle épique indéniable avec un gain crescendo en intensité au fil des missions.
Qui dit vaste ne dit pas forcément vide ! Le studio Polonais ne verse pas dans la demi-mesure pour cette dernière extension, la vaste zone de Toussaint déborde aussi de quêtes secondaires, de chasses aux trésors et autres contrats de sorceleur. Même le plus simple voyage d’un point A à un point B est susceptible de mettre sur votre route un PNJ dans le besoin où une zone intéressante à visiter. D’autant que l’aire de jeu occupe une surface presqu’aussi grande que Velen ou que toutes les îles de l’archipel de Skellige réunies. Dès notre arrivée escortée par un duo de chevaliers en armure dorée au service d’Anna Henrietta, Toussaint offre ses merveilles. Au-delà des domaines viticoles et des petites bourgades aux façades colorées, se dresse la majestueuse cité de Beauclair et son style architectural opulent aux hautes tours effilées symboles du fort passé elfique de la zone. Blood and Wine dépayse autant qu’il impressionne par le travail effectué sur la quantité de nouveaux modèles graphiques utilisés pour faire vivre ses environnements.
L’extension se dote d’un système de points d’intérêt dynamiques, des zones à débloquer afin de modifier la vie, le comportement voire même le nombre d’ennemis présent dans les zones adjacentes. Avec ses 90 quêtes, 40 points d’intérêt et secrets à découvrir, soyez prêt à poser vos RTT ou réservez vos week-ends, car nous avons allégrement dépassé les 40h pour venir à bout du nouveau contenu et de nombreux à-côtés. Mention spéciale à l’écriture toujours aussi raffinée des quêtes qui profite ici de la noblesse des lieux pour nous entraîner dans des situations tantôt épiques et chevaleresques comme ce grand tournois où Geralt participera pour aider un amoureux désespéré, tantôt rocambolesques avec une pluie de références bien senties autour du cinéma et de la littérature. Amoureux du premier jeu soyez comblés, CD PROJEKT RED n’y est pas allé de main morte sur les rappels nostalgiques aux prémices de la saga. Les heures défilent sans jamais provoquer de lassitude et un constat se dresse : Blood and Wine représente probablement ce que le studio polonais a créé de plus abouti autour de The Witcher.
Comme un air d’Enhanced Edition
Au cas où quelques réticents éprouveraient encore quelques doutes au sujet de cette extension, CD PROJEKT RED enfonce le clou avec une refonte majeure de la plupart des éléments de l’interface du jeu. La police d’écriture change pour gagner en lisibilité sur toutes les résolutions et accompagne un réarrangement plus que bénéfique des différents panneaux de l’inventaire. Désormais classée avec une plus grande finesse, la besace de Geralt est aussi plus simple de navigation à la manette et au clavier. Lancés à fond les ballons sur la voie de la refonte ergonomique, les développeurs ont profité de cette dernière extension pour retoucher tous les autres panneaux de l’interface : fenêtre de butin plus lisible, carte du monde dotée de nouveaux filtres de recherche, nouveau panneau dédié à la lecture des bouquins, possibilité d’acheter directement un ingrédient d’artisanat manquant auprès des marchands, la liste des modifications aussi longue qu’elle prouve que CD PROJEKT RED ne s’est pas reposé sur ses lauriers durant ces derniers mois. D’autant plus que tous ces changements sont intégrés gratuitement dans le patch 1.20 du jeu déjà proposé en téléchargement. Bref, ce Blood & Wine à tout l’air d’être l’Enhanced Edition de The Witcher 3, version améliorée dont le studio nous a toujours habitués depuis la sortie du premier volet.
En naviguant quelque peu dans les menus, on découvre de nouvelles options à l’impact direct sur l’expérience de jeu. Le joueur est désormais capable d’activer ou non une option de « scaling de niveau des ennemis ». Vous trouvez le jeu trop simple ? Enclenchez-la pour que le niveau de vos opposants se calque immédiatement sur le vôtre. On retrouve une même philosophie avec un curseur de difficulté pour le Gwynt qui se dote aussi d’un nouveau guide indiquant au joueur de façon très claire où il pourra dénicher les cartes qu’il aurait pu oublier durant sa progression. Pour les amateurs de Gwynt, un nouveau deck dédié à Skellige s'ajoutera à la collection de Geralt afin de participer au tournoi de Beauclair. Si les nombreux correctifs et autres ajustements rendent l’expérience The Witcher 3 plus agréable que jamais, le moteur souffre encore et toujours de ses fameux soucis de collision et de quelques bug d’IA nous laissant dire que d’autres patchs seront encore déployés à l’avenir afin de peaufiner ce grand RPG.
Vous avez dit nouveaux équipements ?
Côté équipement, Blood and Wine devrait assouvir votre soif de butins avec l’introduction de plus de 100 nouvelles pièces d’armures comprenant un rang supplémentaire pour tous les sets des écoles de Sorceleur. Les différents équipements se dotent de bonus passifs débloqués lorsque le joueur cumule trois ou six pièces de la même série. Les nostalgiques auront aussi l’occasion de se mettre en quête du set de la Manticore, une tenue basée sur l’aspect de l’armure de Geralt dans The Witcher 1. Trente armes inédites accompagnent cet ajout de stuff afin de venir à bout des 20 nouveaux types de monstres présents à Toussaint. L’extension s’adresse idéalement à des joueurs de niveau 34-36 et repousse dans le même temps à 100 la limite de niveau en mode New Game+. Aiguisez votre lame d’acier et trempez votre épée d’argent dans vos huiles, car Toussaint grouille de vermines à occire ! Scolopendromorphes énervés, Ékinoppes belliqueuses, Brouxes à l’étreinte mortelle, le bestiaire de l’extension est bien plus riche que celui de Heart of Stone et offre un niveau global de difficulté plus élevé, mais aussi plus gratifiant. Les boss demandent - pour la plupart - de bien adapter votre stratégie de combat à leurs spécificités au lieu de simplement bourriner votre touche d’attaque, ils se montrent ainsi moins frustrants que certains adversaires du passé.
Aussi nécessaires que bienvenus, quatre emplacements supplémentaires de compétences font (enfin !) leur apparition, ils sont associés à un nouveau système de mutations de grand-maître avant tout pensées pour les joueurs du mode NG+. Pour débloquer ces slots de talents, le joueur devra en effet passer par des phases de recherche en dépensant des points d’expérience et des mutagènes supérieurs ; un processus onéreux qui déverrouillera en retour une douzaine de nouvelles capacités aptes à modifier notre façon de jouer. Au programme des réjouissances, une compétence annulant la mort toutes les 90 secondes, un signe d’Aard capable de geler les ennemis, l’activation de coups critiques sur les signes déclenchant l’explosion des cibles, etc. On retrouve ici des talents à l’esprit similaire à ceux conférés par le système d’enchantement de l’extension Hearts of Stone, mais directement liés à Geralt et non plus à son équipement. Les amateurs de personnalisation découvriront l’ajout d’un système de teintures pour l’équipement d’écoles (et uniquement d’écoles, dommage) de Geralt. Chaque pièce peut être colorée dans sa propre teinte en fonction de la palette de couleurs acquise auprès des marchands, grâce à l’artisanat ou tout simplement sur le butin des ennemis.
Aller viens boire un p’tit coup à la maison !
Assez vite, une quête liée à la trame principale de l’histoire offre en récompense un titre de propriété à notre cher Sorceleur, un domaine viticole composé d’une parcelle de vigne, d’une maison, d’une cave et d’un jardinet. Fini les grottes humides et les tavernes malfamées, Geralt peut - s’il le souhaite - profiter d’un bon lit douillet au coin de sa cheminée pour s’octroyer de puissants bonus de repos. CD Projekt Red utilise le cadre bucolique de Toussaint pour accorder une retraite bien méritée à son personnage. À la manière du DLC Hearthfire de Skyrim, le domaine de Corvo Bianco peut être amélioré et personnalisé sur différents aspects : décoration, présentoirs à armes et armures pour afficher fièrement vos plus belles pièces sans les laisser moisir dans votre coffre, meules et établis pour des bonus temporaires sur l’équipement, bibliothèque où exposer vos ouvrages, la propriété est une zone tout-en-un servant les intérêts du joueur et l’histoire de l’extension.
La maison possède une chambre d’amis à aménager pour y accueillir certaines des connaissances de Geralt et le sorceleur pourra héberger certains personnages liés à des quêtes de l’extension. Cerise sur le vignoble, un majordome personnel chapeaute les rénovations du domaine au fil des orins dépensés pour débloquer les améliorations. On notera aussi la présence d’un laboratoire alchimique de maître dans le sous-sol pour confectionner des versions avancées des élixirs et potions ainsi qu’une table de transmutations afin de transformer des mutagènes de monstre spécifique en version commune à utiliser dans le nouveau système de mutation de maître.
Plus beau, plus gourmand ?
Pour cette extension, CD PROJEKT RED s’est penché sur l’optimisation de son moteur graphique afin d’offrir un rendu plus beau et plus fin que le jeu de base. Si l'aspect italien de Toussaint donne à la zone des couleurs acidulés tranchant de façon franche avec l’ambiance plus sombre des précédentes zones, le dépaysement visuel est aussi le résultat direct d’un travail de fond sur les différents effets d’éclairage du jeu et sur la quantité de végétation affichée à l’écran (vingt fois plus que dans le jeu de base). Le tout n’impacte pas les performances générale de l’extension, ni sur PC, ni sur consoles où les 30 fps se maintiennent même bien mieux qu’auparavant. Les graphismes ne sont pas les seuls à se refaire une beauté puisque l’OST de Blood and Wine fait chanter bon nombre de nouvelles mélodies captivantes tant pour flâner à dos d’Ablette entre les vignobles que pour faire parler le fer durant les combats. Nos oreilles ont aimé ! En revanche, la version française du jeu gomme le savoureux accent français des PNJ nobles de la version anglaise, dommage car cette particularité participe au grotesque de certaines situations.
Points forts
- Le charme dépaysant de la splendide nouvelle zone de Toussaint
- Une extension très généreuse en contenu, une durée de vie supérieure à 40h
- L’écriture des quêtes, autant principales que secondaires
- Une galerie de personnages charismatiques
- Refonte quasi-totale de l’interface du jeu
- Graphismes plus fins, végétation plus dense
- Un domaine personnel plutôt utile
- Du miel pour les oreilles
Points faibles
- Certaines collisions encore buggées
- Une VF parfois moins convaincante que la VO sur les PNJ
- C’est déjà la fin…
Généreux. Voilà un terme qui sied à merveille à cette seconde et dernière extension de The Witcher 3 : Wild Hunt. Avec Blood and Wine, CD PROJEKT RED parvient encore à nous décrocher la mâchoire devant tant d’amour pour sa licence et pour ses joueurs. Si Heart of Stone offrait déjà une première prolongation solide apte à satisfaire notre soif « witcherienne », cette seconde aventure déborde littéralement de contenu, de nouveautés et de travail de fond sur de multiples améliorations en matière d’ergonomie. Entre une quête principale rythmée, bourrée à craquer de personnages charismatiques et une ribambelle de contenus annexes à l’écriture maîtrisée, Toussaint est bel et bien la zone rêvée pour passer plus de 40 heures en compagnie du sorceleur Geralt de Riv avant sa retraite bien méritée. Comme face à un bon vin, l’ivresse est totale !