L’invasion de Zombies déferlant sur le cinéma, le jeu vidéo, les comics... perdure depuis maintenant une dizaine d’années et cette marche putréfiée se perpétue à mesure que les éditeurs exploitent encore et toujours ce filon. Fer de lance de ce mouvement, la saga The Walking Dead se répand sur le monde. Au-delà de quelques jeux mobiles anecdotiques, cet univers apocalyptique se découvre à travers la vision du studio Telltale Games et de ses expériences narratives à la croisée du jeu vidéo et du film Interactif. Après une saison 2 mettant en scène Clémentine, The Walking Dead s’attarde sur Michonne, personnage emblématique de la franchise à la fois dans la série TV et le comics dans une série spin-off de 3 épisodes sobrement intitulé The Walking Dead: Michonne.
Une “Origin Story” survivaliste sanglante
Saga initiée par une série de comics, le phénomène planétaire The Walking Dead poursuit sa conquête du monde portée par une série TV adulée dont la saison 6 vient tout juste de tirer sa révérence ainsi qu’une série de jeux vidéo développés et édités par le studio Telltale Games.
Alors que les deux premières saisons et l’épisode 400 Days s’attardaient sur le périple de Lee et Clémentine, des personnages inédits, ce The Walking Dead : Michonne surfe sur l’aura de Michonne, personnage apprécié des fans aussi bien dans le comics que dans son adaptation audiovisuelle. Le simple générique étant un hommage aux deux supports avec des visuels inspirés des comics et un montage télévisuel. Sans étaler la vie de notre adepte du katana vagabondant dans les bois avec pour seule compagnie deux zombies manchots tenus en laisse, ce véritable spin-off dévoile en partie les origines de notre héroïne... narrant par flashbacks parfois trop présents la perte de ses enfants ou encore sa propension à ôter la vie sans sourciller.
Adulte dans son approche depuis sa création, la saga The Walking Dead vue par Telltale aimant à nous faire grincer des dents lors de séquences lourdes entre exécution sommaire et premiers soins à l’arraché, cette dernière intensifie sans demi-mesure son approche sanglante. Tison chauffé à blanc pour cautériser une plaie, meurtre sauvage à la clé à molette, entrailles déversées sur le sol… la série ne vous épargne rien désormais. Les épisodes créés pour l’occasion sont d’une violence rare, même pour un jeu de zombies, et jouent avec le ressenti du joueur. Scènes de torture, enfants exécutés… The Walking Dead : Michonne embrasse purement et simplement le pendant bestial de la franchise.
De la simple conversation autour d'une tasse à café à l'affrontement armé se terminant dans un bain de sang en passant par les scènes de tension ponctuées de décisions à prendre sur le vif, la narration alterne légèreté et séquences lourdes de sens ; des scènes poignantes évitant l’écueil du tire-larmes à outrance. Au gré des pérégrinations de Michonne, une Amérique frappée par la fatalité se dévoile par bribes. Le joueur y découvre de nouveaux lieux inhospitaliers (ville flottante, maison perdue dans les bois…), de nouveaux personnages au gré de ses rencontres fortuites (Oak, Norma, Randall…). Le rythme de l’aventure oscille ainsi entre intensité dramatique et nonchalance, entre action et exposition dans une aventure au récit maîtrisé dans l’ensemble malgré un second épisode en deçà et une multitude de flashbacks diminuant l’impact de l’histoire se déroulant sous nos yeux.
The Walking Dead Michonne : Un générique en guise d'hommage à la franchise
Une recette narrative réchauffée
Soyons clair ! Avec The Walking Dead : Michonne, Telltale Games ne révolutionne à aucun moment une formule exploitée depuis 4 ans dans pas moins de 6 saisons (soit 30 épisodes) incluant les franchises The Walking Dead, Fables, Borderlands, Game of Thrones… pour finalement poncer et recycler des mécaniques éculées.
Après une introduction sur-découpée mêlant exposition, flashbacks et hallucinations, cette nouvelle “saison” assure l’essentiel. Expérience narrative oblige, l’aventure se résume à une succession de séquences alternant les éternelles conversations à choix multiples, les phases d’exploration et les QTE (Quick Time Event). Aiguiser sa machette, soigner un personnage, esquiver une attaque à l’arme blanche ou bien tirer sur un ennemi… l’action vit et meurt par le QTE. Et pourtant, les combats s’avèrent bien plus dynamiques, plus nerveux. Les animations se déclenchent au moment opportun, l’action fuse sans interruptions… les séquences gagnant en fluidité.
Cependant, la force des jeux Telltale réside avant tout dans cette narration donnant au joueur cette impression si grisante de prendre les décisions. Cette notion de choix est présente jonglant avec les protagonistes et démontre tout le potentiel de la plume des scénaristes du studio durant un dernier épisode enlevé. Embranchements scénaristiques, choix et conséquences, dilemmes moraux… la recette de Telltale se savoure encore et toujours avec plaisir. Malheureusement, les ficelles d’un scénario linéaire transparaissent à l’écran. Les amateurs du genre apercevront des mécaniques certes huilées mais bien trop souvent visibles. Les personnages transpirent leur fonction : second couteau, personnage secondaire, victimes à venir, antagonistes… Pire encore, la disparition d’un personnage n’aura pour conséquence que son remplacement ou son absence lors d’une phase de résolution bien trop proche de la destinée karmique… pour un joueur devenu simple spectateur.
Que dire de la durée de vie d’un jeu se dévorant en 5 heures montre en main ? La multitude de personnages transpire sur un écran obstrué par une succession de séquences s’enchaînant à vitesse grand V. De fait, l’impact de chaque scène perd en intensité au profit d’une structure en 3 épisodes bien trop étriquée pour développer les personnages et faire monter une pression scénaristique qui demeurera anecdotique en définitif.
The Walking Dead Michonne : Séance de premiers soins au coin du feu
Une réalisation en dents de scie
The Walking Dead : Michonne se voit porter par des graphismes que les artistes Tony Moore et Charlie Adlard (artistes derrière le comic book) ne pourraient renier. Les superlatifs ne manquent pas pour décrire cette direction artistique, hommage pur et simple aux comics. Des graphismes dans la lignée des autres jeux Telltale Games mais présentant un traité en Cell Shading plus “réaliste”. Des traits de contours exacerbés pour découper les éléments de la scène, les personnages, des coups de crayon inhérents au 9ème art afin de donner un aspect “dessiné” à l’ensemble et des textures plus fines viennent alimenter une direction artistique toujours aussi efficace. Quant à la bande originale, rien à redire. Le choix des titres musicaux et le travail sur les voix font mouche sans exception. Mention spéciale à la chanson Gun In My Hand de Dorothy donnant vie au générique.
Malheureusement, la technique gâche cette célébration visuelle, la faute à un moteur daté accompagné de “freezes” et autres ralentissements en tout genre, même sur PlayStation 4, et de bugs divers et variés. Il serait temps que Telltale Games renouvelle l’aspect technique de ses titres sous peine de voir les amateurs d’expérience narrative leur tourner le dos.
The Walking Dead Michonne : Une introduction sabre au clair
A noter que les sous-titres français étaient disponibles dès le lancement de The Wakling Dead : Michonne.
Points forts
- Un The Walking Dead adulte et sanglant
- Michonne au meilleur de sa forme
- Une direction artistique "comics" sans égal
- Une expérience narrative efficace
Points faibles
- Un scénario prétexte porté par des personnages "Fonction"
- Une recette Telltale vue et revue
- Une réalisation défaillante entre ralentissements et bugs
Le terme “opportuniste” résume à lui seul ce spin-off de la saga The Walking Dead. Le personnage de Michonne apporte un intérêt certain à cette série de 3 épisodes introduisant les origines d’une héroïne emblématique de la franchise. Sans jamais renouveler la formule, le titre de Telltale Games se dote uniquement des mécaniques inhérentes au film interactif. Et pourtant, malgré des scènes un tantinet réchauffées, ce spin-off de The Walking Dead mérite notre attention ne serait-ce que pour l’intensité de certaines situations à l’approche assurément adulte et une direction artistique “comics” du plus bel effet.