Échafaudée depuis 2009, la saga des Souls a permis au studio japonais From Software de se faire un joli nom au sein du paysage vidéoludique actuel. Avec une recette basée sur l’exigence et le challenge, Demon's Souls, Dark Souls (2011) et Dark Souls II (2014) trouvent désormais leur conclusion en ce mois d’avril 2016. Un chapitre final repris en main par l’architecte de la série, Hidetaka Miyazaki, absent du second épisode car occupé à travailler sur l'exclusivité PS4 Bloodborne. L’homme providentiel est de retour avec à l’esprit l’envie - et désormais les moyens - de conclure son projet “Soulien” à la lumière des avancées du studio au cours de ces dernières années. Parfois qualifié de best of des Souls, Dark Souls III nous livrera-t’il l’épisode le plus abouti de la franchise ? Réponse dans ce test.
Le Feu se meurt
Pour ce troisième épisode, le joueur entre dans la peau d’une Morteflamme, receptacle immortel destiné à accueillir en lui les âmes des créatures qu’il pourfendra de sa main. Après Lordran et Drangleic dans les deux premiers volets de la saga, notre périple nous conduit à Lothric, une vaste terre désolée où la flamme semble vivre ses derniers instants. Pour les néophytes de narration “soulienne”, il faut comprendre que la série des Souls fait intervenir le joueur à des moments clés de l’histoire du monde. Ici et un peu à la manière de Dark Souls 1, l’âge du feu est sur le déclin et la prophétie annonce le temps des Seigneurs sans trône. Sentant leur fin imminente, ces monarques d’antan se réveillent pour tenter d’entretenir l'état actuel du monde. Notre tâche en tant que joueur sera d’aller les chercher pour les remettre sur leur trône du sanctuaire de Lige-Feu. Un fil rouge qui nous aidera à bien cerner notre objectif tout au long de la progression et une manière pour From Sofware de quelque peu clarifier une narration jusqu’alors bien opaque pour la série. Oh rassurez-vous, le monde reste toujours autant nimbé de mystères, mais le studio japonais parvient à transmettre suffisamment de clés de compréhension pour ne pas perdre le joueur.
On pense par exemple ici à ces trois tours de flammes à éteindre dans la zone des marais empoisonnés afin de déclencher l’ouverture d’une porte conduisant à la suite logique du niveau. S’il peut paraître plus linéaire, Dark Souls 3 compense à merveille son souhait de mieux prendre en main le joueur par un gigantisme éblouissant dans le level design des zones visitées. Tout est désormais articulé autour d’un hub central, le sanctuaire de Lige-feu qui, à la manière du Nexus de Demon's Souls, fait office de pierre angulaire pour la progression du joueur et de la narration. On y retrouvera une vieille connaissance derrière son enclume, une marchande et une gardienne du feu pour augmenter nos statistiques en échange des âmes récupérées en combat ; l’endroit se veut tout autant pratique qu’étroitement lié à l’histoire du jeu. C’est en effet ici que nous reviendrons régulièrement déposer les âmes des Seigneurs des cendres pour faire progresser l’intrigue. Au fil de nos rencontres, l’endroit se peuplera aussi de nouvelles têtes associées pour la plupart à des sous-intrigues à démêler via nos actions. Miyazaki en profite d’ailleurs pour glisser quelques savoureuses références nostalgiques à cette galerie de personnages toujours doublés avec mesure dans un Anglais des plus classieux.
Le moteur de création de personnage hérite des avancées de celui de Bloodborne en matière de personnalisation du corps et du visage de votre personnage. Si le jeu nous propose encore de choisir une classe de départ, il est important de comprendre que cela n'aura d'impact que sur votre équipement de base tant les différences de statistiques entre les archétypes peuvent être modifiées par la suite par l'investissement en âmes du joueur. Ni trop avancé, ni trop dépourvu en options du personnalisation (barbe, tatouages, taille des yeux, du nez, etc), ne vous attendez pas à créer une gravure de mode dans Dark Souls 3. Ce qui au final n'aura presqu'aucune importance puisque votre personnage sera la plupart du temps équipé d'un casque ou d'une capuche.
Plus nerveux que jamais
Au vu des premières vidéos de gameplay de Dark Souls 3, certains pensaient que ce dernier volet était allé chercher son inspiration du côté du tout récent Bloodborne. Le rythme plus rapide des combats associé à des esquives plus nerveuses que jamais pour la saga des Souls, tous ces éléments peuvent en effet conduire à ce rapprochement entre les deux productions de From Software. Or, à la lumière d'une trentaine d’heures manette en main pour terminer le jeu, il apparaît que ce troisième épisode conserve l’esprit et la prise en main des Souls, mais parvient à la faire évoluer dans le bon sens grâce à l’héritage de Dark Souls 1 et 2, mais aussi de Demon’s Souls et de Bloodborne. Si tout repose encore sur des timing d’attaque et de défense à respecter en fonction de l’observation du comportement de l’adversaire et de la quantité d’endurance en réserve, les affrontements de Dark Souls 3 gagnent indéniablement en fluidité et donc en plaisir de prise en main.
Souvent pointée du doigt par les détracteurs de la saga, la supposée lourdeur des combats a largement été réduite par un immense boulot sur les animations et l’intelligence artificielle des adversaires dont le comportement en combat adopte enfin des mouvements susceptibles de nous surprendre. Coup de bouclier vers l’arrière pour briser notre garde, changement de posture pour varier les approches, bon nombre d’ennemis sont, en plus, capable de nous agripper pour nous infliger une punition instantanée. Plus rapides et malins, leur nombre a été revu à la hausse pour adapter la difficulté globale du jeu à notre nouvelle vivacité. Fini la perte de vitalité après chaque mort comme dans le second jeu, le joueur conserve la totalité de sa barre de vie et peut même l'augmenter en mode Seigneur des Cendres lorsqu'il terrasse un boss ou consomme une braise.
Cette rapidité reste, bien entendu, relative à votre style de jeu ainsi qu’à votre équipement. Ne vous attendez donc pas à bondir comme un félin avec une lourde armure en plaques et deux énormes espadons dans les mains ! Comme toujours, il sera nécessaire de monter sa statistique de vigueur pour éviter de rouler avec la grâce d’un éléphant sur du verglas si vous souhaitez manier l'équipement le plus lourd. Dark Souls 3 propose une vaste panoplie d’armes et d’armures à essayer pour varier les plaisirs de jeu. D’autant que chacune d’entre elles dispose désormais de capacités spéciales appelées Combat Art. Elles sont associés au retour de la barre de magie héritée de Demon’s Souls. Si les builds magiques troquent les charges de sorts limitées de Dark Souls 1 et 2 au profit de cette ressource similaire à du mana, les combattants au corps-à-corps l’utiliseront aussi grâce à la gâchette gauche de leur manette afin de déclencher les attaques spéciales de chaque arme. Une charge vers l’avant suivie d’un puissant coup d’estoc, une parade précise secondée par une contre-attaque meurtrière, une amélioration temporaire de vos dégâts, chacun de ces nouveaux skills participe à rendre les combats de Dark Souls 3 plus nerveux et variés que jamais. Mention spéciales aux armes uniques échangées contre les âmes des boss dont les Combats Arts sont - pour la plupart - très impressionnants.
Notez au passage que le forgeron ne vous proposera plus d’améliorer vos armures comme dans Dark Souls 2, mais seulement vos armes via les fameuses Titanites à dénicher dans le monde. On retrouve d’ailleurs le système d’infusion venu tout droit de Demon’s Souls afin d'appliquer à nos armes divers effets comme le feu, le poison, plus de dégâts bruts ou bien encore la congélation, un nouvel arrivant au rang des malus que plusieurs ennemis du jeu vous infligeront en cours de route.
Là où ce Dark Souls 3 nous a mis une véritable baffe, c’est par le caractère épique de presque tous ses combats de boss. Car après un Dark Souls 2 décevant sur cet aspect précis, l’équipe d’Hidetaka Miyazaki expose tout son savoir-faire dans cet épisode. Afin de maintenir la tension constante des affrontements, chaque boss est maintenant construit autour de deux phases bien distinctes durant lesquelles leurs capacités, et même parfois leur apparence physique changent. Ils gagnent tantôt en rapidité, tantôt en nouveaux mouvements, armes, sorts et techniques. Au joueur de comprendre ces nouvelles mécaniques et d’adapter rapidement son style de jeu sous peine de se faire punir en quelques volées de coups. On retrouve cette approche de mise en scène des affrontements héritée de Demon’s Souls avec des phases précises qui confèrent une intensité rare à chaque rencontre. Mis à part un ou deux combats moins mémorables, nous sommes en face de l’épisode aux affrontements de boss les plus réussis depuis le début de la saga.
Bref, vous l’aurez compris, Dark Souls 3 nous livre une synthèse maîtrisée de son passif, remis au goût du jour par les avancées techniques du studio et l'envie d'éblouir le joueur à tous les instants. Un souhait exaucé !
Le premier boss de Dark Souls 3
La question est légitime, beaucoup de joueurs n’ont pas eu l’envie (ou la patience) de se lancer dans les deux premiers épisodes de Dark Souls. Ils sont en revanche nombreux à avoir sauté le pas avec Bloodborne, titre qui partage un bon paquet de mécanismes avec la série des Souls. Dark Souls 3 est un épisode idéal pour ce genre de personnes, plus rapide, plus maniable, la perte de lourdeur du jeu le rend forcément plus accessible que ses prédécesseurs (mais pas moins difficile pour autant). Si vous passerez à côté de multiples références liées aux passifs de la saga, la narration restera tout de même compréhensible grâce au travail de clarification de From Software. Et qui sait, mon petit doigt me dit que certains iront faire un tour du côté du un et du deux après avoir terminé le trois, pour prolonger la magie des Souls…
Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie
Fidèle à sa réputation d’architecte de grand talent, From Software livre ici un monde à couper le souffle sublimé par son travail sur le moteur de Bloodborne au cours des dernières années. Si tout est articulé autour d’un hub central à la manière d’un Demon’s Souls, Lothric n’en tombe pas pour autant dans le syndrome de la progression par niveau sans cohérence entre chacun d’eux. Contrairement à Dark Souls 2, la cohésion entre les différentes zones visitées est saisissante au point de nous faire oublier le caractère un peu plus linéaire du jeu. La construction pourrait être résumée grossièrement de cette façon : le joueur parcourt une zone pour atteindre son boss, le tue, puis accède à une nouvelle zone pour répéter l’opération. Ce serait toutefois passer sous silence la taille revue à la hausse des différents lieux explorés. Subjugué par la beauté de certains panoramas, vous aurez de quoi vous perdre dans le gigantisme de certaines zones ! Mais n’oublions pas que le studio japonais est passé maître dans l’art de concevoir des level design en apparence tortueux, mais truffés de raccourcis et d’astuces de construction venant rythmer la progression. Quelle délicieuse sensation lorsque la pression du danger constant se voit enfin relâchée par l’apparition tant attendue d’un feu de camp où se reposer et recharger nos fioles d'Estus ! Le monde de Dark Souls 3 offre une ambiance organique des plus réussis.
Chemins alternatifs, pièges retors, embuscades sanglantes, murs illusoires, ce troisième volet marque l’apothéose de ce que Miyazaki a toujours voulu offrir au joueur dans la saga. Combien de fois sommes-nous restés en admiration face à la découverte d’une nouvelle zone ? Combien de fois nous sommes-nous exclamés “Ah, quand même !” Ou encore “Non, ils n’ont pas osé tout de même ?!”. Comme toujours, le jeu reste fidèle à sa philosophie du “si tu peux le voir, alors tu pourras le visiter” et Lothric donne envie d’en découvrir plus au prix d’une observation attentive des décors, d’une écoute des dialogues avec les PNJ ou encore par la lecture du background du jeu via la description des objets. Sans pour autant trop vous en dire, sachez que les fans de la saga risquent d’être comblés par certains choix du studio en matière de construction du monde. On pensera à cette sombre et terrifiante prison aux allures de Tour de Latria de Demon’s Souls. On reste, par contre, un plus sceptique face à certaines zones souterraines sentant un peu trop le simple copier coller d’éléments graphiques des donjons calices de Bloodborne. Quoi qu’il en soit, Dark Souls 3 ne cesse de nous rappeler son passif avec ses décors, ses PNJ, ses armes et armures issus des précédents épisodes ; du simple fan service pour certains, la volonté de boucler une trame narrative commune pour d'autres.
Une technique flamboyante !
Techniquement, si nous n’avons pas encore pu nous frotter à la version PC du titre, les versions PS4 et Xbox One partagent peu ou prou les mêmes spécificités, réussites et défauts. La Xbox One choisit l’option d’un 900p 30 fps (contre 1080p 30 fps sur PS4) afin de se garantir sur le papier un framerate plus stable. Sur le papier seulement... Puisqu’en plus de bénéficier d’ombres moins lisses, la console de Microsoft affiche un rendu moins constant dans son nombre d’images par secondes. Si les deux versions souffrent parfois de petites chutes de framerate, la One se montre donc plus impactée par la consommation élevée en ressources du jeu que la PS4. Il n’empêche que Dark Souls 3 s’approprie à merveille le moteur déjà utilisé pour Bloodborne et atténue certains de ces défauts les plus gênants. On pensera bien entendu ici à ses temps de chargement longuets, raccourcis de quelques précieuses secondes pour ce troisième volet des Souls sur consoles. Ils demeurent encore parfois un peu longs entre deux morts dans un niveau ou sur un boss. La faute sans doute à une barre placée bien haute pour les ambitions visuelles du titre qui déborde d’effets de lumière et de particules en tout genre.
Du bestiaire parfois tout droit issu du premier épisode, à l’atmosphère grandiose de certaines zones, le studio japonais nous livre son produit le plus techniquement abouti. Le 60 fps de la version PC devrait donc rendre particulièrement hommage au travail accompli pour nous faire frissonner de plaisir dans Lothric. Reste maintenant une interface un poil vieillissante qui, même si elle fait preuve de certains efforts notables notamment en matière de gestion simplifiée des serments, se montre encore peu facile d’accès pour le néophyte. Enfin, comment ne pas conclure ce test sans évoquer la bande-son du jeu orchestrée pour l’occasion par Motoi Sakuraba (Dark Souls 1 et 2) et par Yuka Kitamura (Bloodborne) pour certaines ambiances et le thème final. Les deux musiciens livrent ici une sublime partition empreinte de nostalgie aux envolées épiques mémorables lors des affrontements de boss, une réussite sur toute la ligne !
Notre version de test européenne nous a permis de tester les fonctionnalités online du jeu. Dark Souls 3 se réapproprie ce qui fonctionnait bien dans les précédentes productions From Software pour sa partie multijoueur. Fini le contraignant système de mémoire d’âme introduit dans Dark Souls 2 puisqu’on renoue avec un mécanisme plus simple issu de Dark Souls 1. On place simplement sa marque (blanche ou rouge) au sol pour être invoqué par un autre joueur. Il faudra toutefois veiller à être en mode Seigneur des cendres en consommant une braise pour entrer dans un état proche dans l’esprit du fait de redevenir humain dans Dark Souls 2 via les effigies. Ce dernier augmente vos points de vie d’environ la moitié (plus ou moins 40 %) et permet surtout d’invoquer jusqu’à 3 joueurs, donc un de plus par rapport aux précédents volets. Puisque le système fonctionnait bien dans Bloodborne, il est désormais possible de définir un mot de passe pour limiter l’accès aux autres joueurs et ainsi retrouver beaucoup plus facilement un ami si vous souhaitez lui prêter main forte. Enfin, un chat vocal intégré au jeu fait son apparition pour la première fois dans la série, de quoi scander en chœur les Praise The Sun !
Points forts
- Système de combat plus nerveux
- Level design époustouflant et cohérent
- Des boss qui resteront dans les mémoires
- Narration plus claire pour le néophyte
- Online simplifié
- Excellente rejouabilité
- Bande-son grandiose
- Grande variété d’armes et d’armures
Points faibles
- Encore quelques ralentissements sur consoles
- Temps de chargement parfois un poil longuets après la mort
- Quelques zones à l’esprit Bloodborne trop prononcé
- Peu d’évolution du côté de l’interface
Avec Dark Souls 3, From Software livre la conclusion magistrale d’une saga certes enrichie au fil des épisodes, mais toujours fidèle à son concept original. Épique, magistral, haletant, cohérent, les qualificatifs élogieux ne manquent pas pour ce troisième volet chapeauté d’une main de maître par un Hidetaka Miyazaki au sommet de sa vision artistique et ludique pour la licence. Le titre parvient à s’approprier et surtout à faire évoluer les mécanismes issus de son passif pour en extraire un concentré de maîtrise à presque tous les niveaux. Décors à couper le souffle, approche des combats plus nerveuse, comportement des ennemis amélioré et boss mémorables, tous ces éléments participent à nous offrir ni plus ni moins que le meilleur des Souls !