Bible du jeu multijoueur en ligne, la licence Trackmania a jusqu'alors fait le bonheur des joueurs PC, beaucoup moins des autres. Réservé à une communauté connectée, adepte du modding, TM ne s'est jamais vraiment ouvert à l'univers console, en dehors de piges sur Wii et DS. Cette année, Nadeo porte enfin l'expérience sur machines de salon, via un titre flambant neuf, sobrement baptisé Turbo.
Depuis 5 ans maintenant, les licences Mania (donc Trackmania et Shootmania) partagent un même portail, Maniaplanet. Interface PC, hyper-connectivité, interactions sociales, leaderboards, Maniaplanet ressemble à un mini Steam dédié à ces titres. Pourtant, Trackmania Turbo débarque en tant que stand-alone, bousculant les habitudes. Et ce n'est certainement pas un caprice ni le début de la fin de Maniaplanet, mais simplement par cohérence avec la sortie multi-plates-formes de Turbo, sur PC, PS4 et Xbox One.
Un solo solide, qui pèse dans les leaderboards
Pour autant, la fanbase ne sera pas dépaysée, puisque le solo reprend à la lettre le système de progression largement éprouvé des précédents épisodes, via une matrice de 200 pistes. De quoi faire connaissance avec Lagoon, le nouvel environnement introduit par Trackmania Turbo. Un gameplay et un univers qui semble combiner ceux des trois autres, pour le meilleur et pour le pire. En effet, et aussi improbable que cela puisse paraître, Lagoon propose autant de bitume que de offroad, autant de tracés au sol que dans les airs. Et en fonction de cela, les réactions des voitures, qui ressemblent à des buggys de compétition, varient du tout au tout. Particulièrement à l'aise sur des rollercoasters, celles-ci n'ont presque aucun grip le reste du temps et deviennent de véritables savonnettes à dompter comme vous pouvez. Ce qui n'est pas sans rappeler Valley et ses bolides hyperactifs et particulièrement taquins. Riche d'une accélération démentielle, les bagnoles de Lagoon font néanmoins le taf, mais il manque ce brin de personnalité qui sied si bien à Stadium, Valley et Canyon. Ces 3 gameplays restent fidèles à ce qu'ils sont depuis leur intronisation : Stadium est le paradis de la trajectoire idéale, Valley beaucoup plus dynamique et aléatoire, et Canyon est, en terme de sensations de vitesse, sans égal. Le solo a donc tout ce qu'il faut, d'autant que les complétistes seront récompensés. En effet, les résultats hors ligne comptent désormais pour moitié dans le classement en ligne. Une manière comme une autre d'éviter que certains négligent le solo !
En local, le multi, c'est... bancal
Trackmania Turbo déboule avec moult modes multijoueur censés enflammer vos soirées entre potes. Du Hot Seat, du Split Screen, ou même du Mono Screen à plusieurs, il semblait y en avoir pour tous les goûts. Mais en l'état, le multi offline n'est qu'une concentration de concepts qui, sur le papier, font briller nos mirettes et... c'est tout. L'exécution est beaucoup moins maîtrisée, et ce, quel que soit le mode ou le nombre de joueurs, puisque nous avons testé toutes les configurations possibles et imaginables. Pourtant, en puisant ses inspirations du côté de Micro-Machines ou de Mario Kart, Nadeo pouvait difficilement viser plus juste en termes de multijoueur convivial. Sauf que le mode Mono Screen s'avère rapidement illisible et exclut sans vergogne les débutants, éjectés de l'écran à chaque virage bien négocié par le joueur qui mène la danse. Les caisses dépopent et popent compulsivement, ce qui, au bout de 2 tours, ne fait plus rire personne. Le mode Fun, qui introduit un peu d'aléatoire a lui, au contraire, tout du mode dédié aux débutants. Malheureusement, les items (big ou mini voiture, direction cassée, possibilité de droper ou de shooter un clone, et j'en passe) n'ont soit aucun impact, soit un impact démesuré sur le déroulement de la course. Passons les modes Hot Seat et Smash sans grand intérêt car sans aucune possibilité de créer des playlists. Reste alors le mode Double Driver, dans lequel deux joueurs partagent le pilotage d'un même véhicule. Pensé pour la compétition, ce mode, au demeurant sympathique, ne va pas vraiment au bout des choses. La voiture est simplement plus lourde, plus rigide, et nécessite une bonne coordination du tandem pour rivaliser, en termes de performances, avec une caisse conduite en solo. Difficile de se planter (sauf si l'un des joueurs a vraiment décidé de saboter la partie), difficile de faire d'excellents chronos. On n'a donc pas été totalement convaincu, mais le potentiel est là, et l'exploitation eSport qui devrait en être faite pourrait changer la donne.
Le jeu en ligne aux petits oignons
A l'inverse, la partie online est des plus réussies, car fidèle à l'expérience Trackmania que nous connaissons depuis bientôt 13 ans sur PC. Très accessible, parfois minimaliste, le multijoueur va droit à l'essentiel et privilégie l'accès rapide à des serveurs désormais uniquement hostés par Nadeo. Ce qui, soit dit en passant, ne plaira pas aux Pcistes (il est toujours possible de limiter l'accès à des serveurs personnalisés, via mot de passe). Toutefois, cela garantit des conditions de jeu parfaitement stables, ce que j'ai pu constater durant mes nombreuses sessions online. Les possibilités sont infinies (y compris limiter l'accès de votre serveur à des joueurs high level) et à deux bizarreries près, Turbo réussissait le sans faute. En effet, il n'est pas possible de masquer les autres joueurs de la map (uniquement leur nom) ni de consulter l'intégralité des leaderbords. Si votre classement départemental, régional, national et international vous est signifié en quasi permanence, le ranking complet n'est accessible nulle part. En termes de gameplay, le online permet, en fonction du paramétrage du serveur, de « stunter », c'est-à-dire d'influer sur la physique des véhicules à l'aide des sticks analogiques. Le droit permet de charger puis de déclencher un saut, le gauche permet de modifier l'angle dans les airs. Et ceci n'est pas de l'ordre du détail puisqu'un joueur peut désormais trouver des raccourcis ou revenir en piste en cas de sortie (notamment sur Stadium). Certains chronos impossibles sur les précédents Trackmania le sont donc désormais sur Turbo.
200 pistes et quelques milliards d'autres...
Une fois de plus, Nadeo permet à sa communauté, particulièrement créative et impliquée, de créer et partager ses propres tracks, via un éditeur dédié. Porter l'outil sur consoles n'était pas évident mais le studio français y est parvenu, proposant trois versions de son éditeur, adaptées à l'expérience et à la patience des joueurs. En mode débutant, normal ou avancé, créer un circuit, quel que soit l'environnement, la typologie ou les conditions, est relativement intuitif, même avec un pad dans les mains. Par exemple, en mode avancé, les sticks analogiques ouvrent deux menus contextuels dédiés qui permettent de sélectionner les blocs avec une certaine aisance. Mais la nouveauté introduite par Turbo, c'est la génération automatique de tracés, selon les désidératas des joueurs. Il suffit en effet de définir l'environnement, les conditions météo, et la longueur souhaitée puis de laisser faire la machine. Si le temps de calcul est assez long et la construction de la piste pas franchement fluide, le résultat, en quelques minutes, est plutôt convaincant. Si on ne retrouve logiquement pas le génie des level designers de Nadeo sur ces circuits, leur cohérence (à quelques loupés près) suffit largement à notre bonheur.
Trailer de lancement de Trackmania Turbo
Points forts
- Un level-design toujours aussi barré et ingénieux
- Le Online, stable et efficace
- Techniquement impressionnant
- L'éditeur de pistes, auto ou manuel, exhaustif et intuitif
- Les sensations de vitesse sur Canyon
- Stadium, indémodable et somptueux
- La nouvelle skin 80's, qui rafraîchit (paradoxalement) la licence
Points faibles
- Le multi local, pas fun, parfois illisible
- Impossible de créer des playlists en local
- Lagoon, un peu en retrait des autres environnements
- Impossible de masquer les autres joueurs en ligne
- Des temps de chargements un peu longuets
Trackmania Turbo s'installe sur consoles avec une aisance déconcertante et se positionne déjà comme une référence du jeu multijoueur en ligne et convivial sur PS4 et Xbox One. Fort d'un online solide et accessible, le titre de Nadeo resplendit également via ses qualités techniques indéniables. En revanche, l'expérience multijoueur hors ligne tournera court car manquant simplement de fun, de clarté, de cohérence, ce qui constitue une véritable déception pour ceux qui voyaient en Turbo un Micro-Machines ou un Mario Kart nouvelle génération. Pas de quoi remettre en question le reste du package détonnant qui s'appuie sur un level-design toujours aussi soigné et propose, via Canyon et Stadium notamment, des expériences toujours aussi jouissives.