Alors qu'il est aujourd'hui devenu laborieux d'apprécier la finesse de sa direction artistique à cause de la résolution quelque peu faiblarde des précédents consoles de Nintendo, l'une des aventures les plus marquantes de Link nous revient dans une version remasterisée sur Wii U. The Legend of Zelda : Twilight Princess HD entre dans l'arène en revêtant au passage une robe plus somptueuse que jamais. Magnifié par les petites mains de Tantalus Media, cet opus a également le droit à un nouveau donjon qui reste pour le moment bien mystérieux. Alors, ce dépoussiérage est-il au niveau de l'incroyable épopée de Link et Midona ? Le donjon inédit vous tiendra t'il en haleine autant que les autres casse-têtes imaginés par Miyamoto et son équipe il y a près de 10 ans ?
Grâce à la Wii U, The Legend of Zelda : Twilight Princess entre dans l'ère de la haute-définition avec une résolution 1080p qui permet d'éviter l'inévitable bouillie de pixels occasionnée par l'étirage des versions Gamecube et Wii. C'est un énorme pas en avant pour ce titre qui dévoile enfin tous les détails de ses textures qui ont subi un très joli lifting. Sans dénaturer l'esthétique unanimement applaudie du titre, ces nouvelles assets recréées pour l'occasion permettent d'apprécier pleinement la direction artistique du titre. Des feuilles des plantes grimpantes qui sont désormais visible aux touffes d'herbes des plaines d'Hyrule, cette version HD permet de dire adieu aux vilaines textures floues présentes dans la version originale.
Malheureusement, les modèles 3D ne profitent pas du même traitement puisqu'ils ont été laissés tel quel. Le problème c'est qu'ils ont été créés il y a déjà 10 ans et que voir les tours triangulaires d'Hyrule risque de vous sauter aux yeux. C'est un peu le gros point noir de ce The Legend of Zelda : Twilight Princess HD qui a eu le droit à un remaster plutôt paresseux. Dommage. "Sur Wind Waker HD, les développeurs avaient fait la même chose et ce n'était pas choquant !" - C'est vrai, sauf que l'opus concerné par ce test arbore des graphismes bien plus réalistes que ceux de son ainé qui jouissait d'un style Cel-Shading du plus bel effet. Pour cette raison, le côté cubique des modèles est beaucoup plus marquant dans Twilight Princess HD.
Concernant les nouveautés de cet opus, nous pouvons commencer par les modifications de gameplay. Celles-ci sont plutôt discrètes, mais bienvenues. Nous pouvons par exemple citer le nombre de perles de lumière qui passe de 16 à 12 ou bien les déplacements de Link et Epona qui se font avec bien plus d'aisance. Enfin, autre fonctionnalité particulièrement utile, la possibilité de se transformer en loup en une pression sur le Gamepad - plus besoin d'appeler Midona. L'autre nouveauté est l'ajout du mode Héroïque qui viendra satisfaire les amateurs de défis. En plus de rendre les ennemis plus forts (ou Link plus faible, c'est selon), ce mode vous privera de vos précieux cœurs normalement glanés ici et là. Notons enfin que le jeu au Gamepad et à la manette Pro vous sont proposés.
Il est maintenant l'heure de s'attaquer au point le plus attendu de ce The Legend of Zelda : Twilight Princess HD, le nouveau donjon. La Caverne du Crépuscule est accessible en plaçant sur l'amiibo Link Loup sur le socle NFC du Gamepad à n'importe quel moment du jeu, mais notez qu'il sera nécessaire de progresser un peu dans l'aventure pour en venir à bout. Basé sur la Caverne d'Ordalie, ce nouveau "temple" est constitué de salles octogonales remplies de monstres déjà connus qui nous laissent quelques coffres contenant des rubis ou autres petites cadeaux. Malheureusement, Nintendo n'ayant pas pu nous fournir l'amiibo à temps, nous n'avons pas pu essayer cette nouveauté par nous-même, mais nous ne manquerons pas de mettre ce test à jour une fois le précieux sésame reçu.
Une quête jouable de deux façons
Cette quête sans pareil, vous allez pouvoir la vivre de deux manières différentes, selon que vous optiez pour la version Wii ou pour la version GameCube. Si leur contenu est identique, les expériences de jeu qu'elles procurent diffèrent largement, compte tenu des modifications de gameplay considérables apportées par la version Wii, et il va sans dire que cette dernière bénéficie forcément d'un attrait supplémentaire en terme de découverte. Malgré tout, l'expérience de jeu offerte sur GameCube se révèle tout aussi efficace. Le fait de revenir à une prise en main classique ne retire en rien le plaisir ressenti durant l'aventure et n'entraîne que des modifications mineures sur lesquelles nous allons nous attarder tout de suite.
Le changement le plus flagrant par rapport à la version Wii saute aux yeux dès l'introduction : l'image est inversée. Concrètement, tout ce qui se trouve à gauche sur Wii apparaît maintenant à droite, et réciproquement. La raison semble être la suivante. Développé à l'origine sur GameCube, l'effet miroir propre à la Wii aurait été mis en place pour mieux se prêter au système de contrôle de la console reposant sur la complémentarité entre le Nunchuk et la Wiimote. Ceci explique pourquoi Link se retrouve pour la première fois droitier dans la version Wii, et gaucher sur GameCube. Voilà pour la petite histoire, maintenant il faut bien dire que ceci n'entraîne aucune répercussion significative, autre que perturber les quelques chanceux qui auraient la possibilité de faire les deux titres en parallèle. Visuellement, les deux versions se valent, et même si on perd les avantages du format 16/9, on s'aperçoit que le rendu est le même lorsqu'on prend le temps de comparer les images. Pas de jaloux de ce côté-là. Quant à la prise en main, elle est plus ou moins calquée sur celle de Wind Waker, et s'avère donc à la fois intuitive et parfaitement adaptée. La présence du second stick sur la manette GameCube nous permet, en revanche, de contrôler manuellement la caméra, même si la vue s'adapte généralement d'elle-même en fonction des déplacements du personnage. Par contre, la visée à laquelle on a recours lorsqu'on utilise des armes telles que l'arc ou le lance-pierres s'effectue à l'aide du stick gauche sans l'apparition du pointeur en guise de repère. Enfin, on ne dispose plus que de deux touches de raccourci pour assigner ses objets, contre trois sur Wii, mais ça relève, là encore, du détail.
Un voyage envoutant
C'est souvent lorsqu'on est au sommet de la gloire qu'il faut savoir prouver sa valeur. Si l'on y réfléchit deux minutes, on s'aperçoit que Twilight Princess avait beaucoup plus de chances de louper le coche que d'être à la hauteur des espoirs et de la confiance que les fans de Zelda n'ont pu s'empêcher de placer en lui. Se rendant compte qu'il était probablement impossible de faire plus audacieux que The Wind Waker, les concepteurs ont dû se dire qu'ils allaient achever ce qu'ils avaient commencé avec Ocarina of Time, en réalisant la quête la plus grandiose, la plus épique, et la plus fascinante que Link ait jamais vécue. Dès lors, animés par l'envie de mener à bien ce projet colossal, ils sont parvenus à imaginer un titre enveloppé d'influences tellement diverses que le joueur ne sait plus où prendre appui pour ne pas perdre pied dans ce voyage vers l'ébahissement perpétuel. Débordant de références aux précédents épisodes de la série, le jeu évoque également bien d'autres oeuvres du cinéma ou du jeu vidéo, la comparaison avec Okami étant inévitable dès lors qu'on évoque les passages sous la forme du loup dans le royaume de l'ombre. Quant aux rencontres avec les esprits de la nature, elles renvoient sans peine au fascinant Mononoke de Hayao Miyazaki.
Mais Twilight Princess est aussi la rencontre improbable entre l'univers de Zelda et la mythologie de Tolkien, avec ses chevauchées épiques face aux orcs et autres gobelins rappelant les meilleurs passages du Seigneur des Anneaux. Dites-vous bien qu'il est désormais possible de jouter sur le dos de la jument Epona en brandissant son épée comme un cavalier du Rohan ivre de rage, le moindre choc pouvant vous faire basculer de la selle. Et tout ça n'est encore qu'un exemple parmi tant d'autres des moments d'anthologie que vous réservent ces chevauchées. D'une manière générale, tous les éléments indissociables de l'univers de Zelda ont été magnifiés à l'extrême pour, à la fois conserver l'empreinte de la saga, et faire de cet opus une sorte d'Ocarina of Time puissance dix mille. Alors, certes, on retrouve bon nombre d'énigmes plus ou moins connues et relativement prévisibles, mais n'y en a-t-il pas autant d'inédites ? Et puis n'oublions pas que tous ces éléments ne représentent au final qu'une des facettes de ce titre qui nous réserve bien plus de surprises qu'on n'aurait jamais osé l'espérer.
Un transformation au poil
L'exploration méticuleuse des donjons, plus sombres et mieux gardés que jamais, a beau constituer l'un des moments forts de tout épisode de Zelda, ils sont entrecoupés ici de séquences tellement incroyables qu'on finit presque par les oublier. Je ne fais évidemment pas allusion aux quêtes annexes, innombrables comme le veut la tradition, mais à ces scènes bien particulières et extrêmement diversifiées que même le joueur le plus avisé ne pourra anticiper. Mais plutôt que de m'attarder sur ces instants qui valent aussi surtout pour leur effet de surprise, je vais plutôt m'attaquer à l'autre facette de Twilight Princess, celle qui nous précipite à maintes reprises dans la peau d'un Link aux traits de loup. Les raisons qui ont conduit notre héros à en arriver là vous seront données en temps et en heure dans le jeu, mais le fait est que cette transformation impromptue confère à Link des capacités fort intéressantes. En plus d'être un prédateur puissant et leste, le loup dispose également de talents extrasensoriels qui lui permettent de suivre des pistes en se fiant à son flair pour déceler l'invisible.
Mais surtout, il bénéficie de l'appui d'un personnage étrange nommé Midna (ou Midona en VF), petit être dérangeant au rire malicieux qui ferait passer l'inoubliable Skull Kid pour un vulgaire pantin. Lié par un pacte sournois à notre héros, Midna le force à coopérer avec lui pour des raisons troubles, allant même jusqu'à le chevaucher comme un simple canasson. Le duo ainsi formé se découvre alors des talents précieux, Midna pouvant hisser son acolyte vers les hauteurs les plus vertigineuses, et pouvant créer un cercle mystique capable de sceller les plus viles créatures qui hantent le royaume de l'ombre. Baignant dans une aura fantasmagorique troublante, la progression dans ces contrées ténébreuses ne se fera pas sans coups et blessures, tant les êtres de cauchemar que l'on y affronte se révèlent étonnamment sordides pour un Zelda. Nul doute, nous avons bel et bien franchi un pas dans la série qui devient par là-même beaucoup plus mature et donc parfaitement ciblée pour un public qui n'a pu s'empêcher de grandir depuis le tout premier volet.
Ayant toujours tenu une place particulière dans la saga, la musique se traduit ici sous plusieurs formes, un simple brin d'herbe fraîchement cueilli pouvant servir à siffler pour faire venir la jument Epona. Dans d'autres cas, un aigle pourra répondre à votre appel et venir se percher sur votre épaule, attendant de savoir dans quelle direction s'envoler. Même sous sa forme animale, Link ne pourra s'empêcher de faire des vocalises en hurlant à la lune à vous en donner les frissons. A la fois sauvage et poétique, Twilight Princess est une ode à l'aventure et à la fantaisie qui ne peut laisser personne insensible. Plus profond que n'importe lequel de ses prédécesseurs, cet opus est d'une longueur inouïe, ce dont on a d'ailleurs bien du mal à s'apercevoir tant la richesse de l'aventure nous pousse à prolonger les parties en dépit de toute raison. Quant aux à-côtés, ils sont tellement nombreux qu'ils constituent le prétexte parfait pour prolonger à la folie l'expérience de jeu, d'autant qu'un zélé coursier vous apportera en mains propres les lettres vous permettant de vous tenir au courant des dernières nouveautés accessibles en Hyrule. Face à tout cela, quels reproches pourrait-on oser émettre à l'encontre de ce jeu ? Le fait de ne pouvoir siffler Epona qu'en trouvant certaines herbes ne vous ralentira que jusqu'à ce que vous ayez appris à les dénicher, et même si la téléportation n'est possible que dans le royaume de l'ombre durant les 15 premières heures de jeu, le cheval est tellement rapide qu'on traverse les contrées d'Hyrule en une poignée de secondes. Avouez que ces arguments ne pèsent pas bien lourd en comparaison de la quête mémorable qui vous attend, alors à vous de savoir si vous voulez y participer ou non.
Notre Gaming Live de The Legend of Zelda : Twilight Princess HD
Points forts
- Une ambiance sombre et mature...
- Une direction artistique superbe accompagnée d'effets de lumières laissant rêveur
- La forme de loup qui apporte une belle nouveauté au gameplay
- Une durée de vie extraordinaire (plus de 60h pour venir à bout de tout)
- Une maniabilité très bien calibrée
- Des textures magnifiées et respectueuses de la version originale
- Un gameplay simplifié par l'utilisation du Gamepad
Points faibles
- Qui ne plaira pas forcément à tout le monde
- Une bande-originale un peu en dessous des habitudes de la série, malgré quelques thèmes épiques
- Les modèles 3D n'ont pas été refaits et certains font tâche sur Wii U
Cette version sublimée de Twilight Princess est une occasion en or pour les joueurs ayant manqué cet opus considéré comme l'un des meilleurs de la franchise. Avec une mise en 1080p attendue et des textures haute définition qui viennent caresser les yeux, l'immense travail de Nintendo sur l'ambiance de ce volet prend enfin tout son sens. Malgré tout, il est bien dommage que les artistes ayant contribué à dépoussiérer ce titre ne se soit pas attaqués aux modèles 3D qui datent tout de même de l'ère Gamecube. En dehors de ce point plutôt dommageable, l'aventure reste extrêmement agréable à parcourir et les différents personnages rencontrés nous marquent toujours autant. Le lifting aussi attendu que nécessaire est donc là, même s'il s'avère un peu incomplet.