Si l’on constate depuis quelques années que Capcom est passé maître en la matière lorsqu’il s’agit de portages, remakes HD et autres compilations des titres qui ont fait sa gloire, il est vrai qu’on a pris l’habitude de froncer les sourcils face à toute nouvelle sortie de ce genre, soupçonnant l’éditeur nippon de titiller notre nostalgie pour mieux nous faire passer à la caisse. Pour cette fois, il serait dommage de lui en vouloir, tant cette Mega Man Legacy Collection fait office d’incontournable dans la ludothèque de tout joueur qui se respecte. Autopsie d’un mythe.
NAISSANCE D’UN HEROS
La série compte un nombre incalculable d’épisodes et c’est aux 6 premiers de la série d’origine, tous sortis sur Nes entre 1987 et 1993 que Capcom rend hommage dans cette compilation. Passons sur l’oubli fâcheux des épisodes 7 à 10 et rentrons dans le vif du sujet : vous incarnez Rock, un androïde créé par le Dr Light dans un XXIème siècle qui ne ressemble en rien au nôtre. Votre principal antagoniste est le Dr Wily, l’assistant jaloux du Dr Light qui reprogrammera des robots destinés à servir les humains pour les utiliser contre vous et conquérir le monde. Notre bon vieux héros bleu se chargera encore et toujours de défaire ses plans machiavéliques, et autant vous dire que la tâche sera loin d’être une promenade de santé… Ce qui est frappant et renouvelle constamment notre envie de progresser dans ces jeux est que chaque ennemi et boss possède sa propre personnalité, grâce à un character design très varié, qui a su se renouveler après chaque épisode. On enchaine ainsi les stages sans jamais se lasser.
UNE RECETTE QUI MARCHE
La première chose qui étonne en 1987, c’est la liberté octroyée au joueur dès le début du titre. Si les jeux du genre pouvaient sembler dirigistes et scriptés chez la concurrence, ne laissant bien souvent qu’un seul choix de chemin à emprunter au joueur entre le début et la fin du jeu, Mega Man va instaurer un tout nouveau système révolutionnaire. En effet le joueur est libre de choisir par quel monde il veut commencer, chacun étant gardé par un boss, le Robot Master qui possède un pouvoir unique. C’est après avoir traversé son stage et vaincu l’affreux tas de ferraille, que vous serez à même d’utiliser son pouvoir à votre tour dans les stages suivants.
Et c’est là qu’est toute la subtilité du titre car si il est possible de finir le jeu avec le canon de base, l’aventure sera grandement facilitée si vous trouvez le pouvoir auquel vos ennemis sont sensibles. Bien plus encore face aux Robots Masters qui peuvent être extrêmement difficiles à battre si l’on ne découvre pas leur talon d’Achille. Cela donne l’occasion de parcourir les titres encore et encore en cherchant l’ordre idéal dans lequel faire ces jeux. Quant aux musiques qui rythment les aventures du Blue Bomber, c’est tout simplement un sans faute. Et les Mega Man sont loin d’être avares en thèmes ! Chaque écran d’introduction, de sélection de niveau et chaque stage ont leur thème spécifique, différent des autres, à la fois unique et inoubliable, pour peu que la musique 8 bits résonne à vos oreilles…
UN GAMEPLAY AU MILLIMETRE
Si depuis quelques années, des titres indés tels Super Meat Boy, Hotline Miami ou Limbo ont pu mettre vos nerfs à l’épreuve, Mega Man près de 30 ans en arrière avait déjà posé les bases d’un gameplay ne laissant pas le droit à l’erreur. La difficulté et la mort par l’échec font partie intégrante du culte de la saga, surtout de ces épisodes Nes. Les joueurs les moins assidus seront tentés de laisser tomber après quelques tentatives échouées et frustrantes mais ils auraient tort. Seul l’acharnement fonctionne ici et il est fort à parier que vous serez rapidement familier de l’écran de Game Over. Cependant, les efforts finissent par payer pour les plus motivés qui parviendront peut être à la béatitude en même temps qu’au générique de fin tant mérité. Avant d’en arriver là, bien des morts, parfois injustes pourront vous faire rager et il faudra le mériter ce générique…
A l’instar des premiers Castlevania également sur Nes, votre héros une fois touché par un ennemi recule de quelques pas qui lui seront souvent fatals lors des nombreuses phases de plate-forme. Et les jeux en sont truffés ! De plus, les ennemis arrivent de partout et si vous avez la mauvaise idée de reculer pour mieux les tuer, un nouvel ennemi apparaitra à l’écran… là où vous veniez de rencontrer le premier. Les joies du respawn d’antan. De quoi rendre fou ? assurément ! On en vient même parfois à souhaiter voir un ralentissement à l’écran comme il en arrive bien souvent. Dûs à l’époque à une surcharge d’éléments affichés à l’écran, que la Nes avait du mal à gérer, ils font partie intégrante du gameplay et sont bien entendus conservés sur ces portages. Mais c’est là que réside le sel de Mega Man : la difficulté qui nous pousse toujours à nous dépasser et la jouissance à réussir, là ou les level designer ont parié sur notre échec.
EVOLUTION
Si dans l’économie actuelle du jeu vidéo, chaque nouvel épisode d’une série se doit d’être plus beau, plus grand, plus long, toujours plus pour un résultat pas forcément probant, la série phare de Capcom a su y aller lentement mais sûrement. Chaque épisode est construit de la même manière, 6 stages à thème se terminant par un Robot Master et son pouvoir à voler dans Mega Man 1, 8 stages du même types dans les 5 épisodes suivants se terminant toujours par un plus long stage final découpé en plusieurs parties et menant au dernier boss. D’un volet au suivant, c’est un peu plus beau, un peu plus fluide, avec de nouveaux ennemis, de nouvelles musiques, de nouveaux pouvoirs mais sans jamais trahir ce qui a fait l’ADN de la série.
Si dans le premier épisode, notre androïde préféré ne pourra que tirer, sauter et courir, il sera affublé de nouvelles capacités au fil des itérations. Des items lui permettant de voler horizontalement sur une petite fusée ou de s’élever verticalement sur des plateformes dans Mega Man 2, l’arrivée de la Glissade et du chien robot Rush remplaçant les items dans Mega Man 3, du tir chargé dans Mega Man 4 et ainsi de suite. Les références à la série dans les jeux actuels sont innombrables, comme récemment dans le non moins excellent Shovel Knight sorti en juin 2014, qui en plus de partager beaucoup dans son gameplay avec Mega Man lui a volé sa compositrice originale, Manami Matsumae. Cette dernière officie également sur l’OST de Mighty n°9, jeu très inspiré (trop inspiré ?) de Mega Man, prévu pour 2016 sous la houlette de Keiji Inafune, l’un des papas du héros. C’est dire si la série a le vent en poupe ces temps-ci…
QUOI DE NEUF DOCTEUR ?
Les qualités dont regorgent les oeuvres originales ne sont plus à prouver, mais qu’en est-il des bonus ? Car Capcom n’en est pas à sa première compilation de ses hits de la Nes… Cependant, pour cette Legacy Collection, l’éditeur n’a pas fait les choses à moitié ! Passons en vitesse sur les différents formats d’écran que l’on peut choisir (original 4/3, zoom et 16/9) et quelques filtres rétros donnant l’impression de jouer sur un vieux tube cathodique. Le portage est du plus bel effet sur nos machines actuelles, dans leur version 60Hz et sans jamais trahir les jeux d’origine. Un système de sauvegarde non obligatoire permet désormais de reprendre sa partie où l’on veut dans les niveaux et à tout moment, ce qui pourra simplifier un peu la tâche pour les néophytes.
Les musiques de Mega Man sont tout simplement devenues cultes au fil des ans, il suffit d’aller faire un tour sur YouTube et de voir le nombre de vidéos reprenant les thèmes à la guitare, basse, piano, en groupe et même acapella (oui, oui!). Et si ces compositions figuraient déjà à l’époque parmi les toutes meilleures de l’ère 8-bits, Capcom caresse ici les joueurs dans le sens du pixel en nous offrant les 6 OST dans leur intégralité, disponibles dès l’écran titre. L’écran de sélection des jeux nous permet d’admirer les belles jaquettes originales des Rockman en VO et chaque épisode comporte son lot fourni d’artworks, archives d’époque ainsi qu’un petit texte explicatif sur chaque ennemi et personnage, le tout traduit en français.
A cela s’ajoute une panoplie de plus de 50 défis différents chronométrés où vous devrez tour à tour par exemple, parcourir un niveau d’un jeu jusqu’à un téléporteur qui vous transportera dans un niveau d’un autre jeu et ainsi de suite à répétitions… Ou encore défier un enchainement des boss le plus vite possible. Avouez qu’il y a là de quoi prolonger pas mal la durée de vie et de rajouter un peu de piquant pour les plus anciens d’entre nous s’étant déjà usés les pouces jusqu’à l’os sur ces titres il y a bien longtemps… Quand on sait qu’en plus, les défis sont agrémentés de médailles de bronze, argent ou or à remporter en fonction de vos exploits et que tout cela est lié à des succès/trophées à débloquer, on sent déjà que certains ont de belles nuits blanches devant eux !
Points forts
- 6 jeux cultes sur la même compilation en HD pour 15€
- Un character design de haute volée et particulièrement varié pour l’époque
- Un gameplay millimétré et jouissif une fois maîtrisé
- Des musiques indémodables
- Les 6 OST fournies d’office
- Une cinquantaines de défis qui rallongent la durée de vie déjà conséquente des titres
- Les artworks détaillant la genèse des jeux
Points faibles
- Une difficulté qui laissera certains joueurs sur le carreau
- Où sont Mega Man 7, 8, 9 et 10? dans une future compilation ou DLC payants ?
Cette énième réédition ne sera pas vue d’un oeil bienveillant par tout le monde mais ça pourrait pourtant bien être la bonne. Et il serait dommage de passer à côté de ces jeux cultes de l’action/plate-forme, affublés d’une sacrée dose de bonus tels les 6 OST qui figurent tout simplement parmi les meilleurs de l’époque, un mode défi qui prolongera grandement l’aventure et mettra à l’épreuve vos skills, un système de trophées et des centaines d’artworks illustrant la genèse de la série.
On ne pourra pas en vouloir aux joueurs qui préfèreront ne conserver de Mega Man que leurs souvenirs d’enfance et passer outre cette compilation. Mais franchement, cette Legacy Collection, pour tout joueur n’ayant jamais joué à ces grands classiques, fait tout simplement office d’indispensable.