Du haut de ses vingt ans, la longue saga des "Tales of" n'a toujours pas perdu l'envie de faire de l'ombre aux pointures du J-RPG et revient à la charge avec un épisode initialement pensé pour la PS3. Namco Bandai aura finalement attendu que la conversion du jeu sur PS4 et PC soit achevée pour sortir Tales of Zestiria presque simultanément sur les trois supports en Occident.
En termes d'ambiance, Tales of Zestiria fait le choix d'un retour à un univers médiéval fantastique vaguement inspiré des légendes arthuriennes. Partout où le monde n'est pas béni par les séraphins, la malveillance dévore les plus faibles, faisant de ces êtres des créatures démoniaques baptisées hellions. Face à ces monstres, les individus dépourvus du don de purification sont totalement impuissants, puisque seuls certains élus sont à même de les exorciser.
L'histoire démarre dans le domaine des séraphins, une terre mystique basée très haut dans les nuages, bien loin des préoccupations des humains qui ne peuvent les voir. Elevé parmi les séraphins depuis toujours, le jeune Sorey est devenu apte à les discerner et à communiquer avec eux, n'ayant aucun contact aves ses pairs jusqu'au jour où une femme terrestre échoue dans les ruines proches du domaine séraphin. Cette rencontre marquera le point de départ d'une aventure qui poussera Sorey à quitter les nuages pour descendre dans le monde d'en bas afin d'endosser le fardeau du Berger, car il semble bien que le jeune homme soit le prophète dont parle la légende. Aux côtés de nombreux alliés, terrestres et séraphins, notre héros tentera ainsi d'apporter la bénédiction à toutes les régions du monde, endurant par là-même le mépris de ses pairs afin d'enrayer la menace des hellions en neutralisant le mal à sa source. Et pour cela, il lui faudra défier nul autre que le Seigneur des Calamités en personne.
Peu avant la sortie de la version PS3 au Japon, le studio ufotable, responsable des cinématiques du jeu, a produit un anime intitulé Tales of Zestiria : Dôshi no Yoake ("l'aube du Berger").
Cet anime d'une trentaine de minutes relate le tout début de l'histoire du jeu, à savoir les événements qui vont conduire Sorey à hériter du fardeau du Berger. Il constitue une bonne entrée en matière au scénario de Tales of Zestiria et est inclus dans l'édition collector européenne. Une série animée devrait également voir le jour courant 2016 au Japon.
L'open world ce sera pour une autre fois
Largement mis en avant par Bandai Namco au début de son développement, la dimension open world de Tales of Zestiria est en définitive totalement factice. Comprenez que si les environnements du jeu sont véritablement plus vastes que ce à quoi nous avait habitué la série jusqu'à présent, on ne peut clairement pas parler de monde ouvert, l'aventure étant globalement très linéaire et des parois invisibles nous empêchant régulièrement d'aller vadrouiller où on veut. Qui plus est, le soft est techniquement très en retard et accuse des faiblesses qui, si elles pouvaient tout juste passer sur PS3, se révèlent franchement gênantes sur PS4. Le portage n'a entraîné aucune refonte graphique digne de ce nom, et si les personnages profitent d'un chara design et d'une modélisation assez soignés, les décors eux se révèlent incroyablement vides.
Les ennemis apparaissent souvent au dernier moment et disparaissent de la même façon, la nouveauté étant que la transition habituelle vers l'écran de combat se fait désormais plus discrètement, dans la continuité de l'exploration. Concrètement, l'affrontement s'engage directement à l'endroit où la rencontre avec l'ennemi a eu lieu, ce qui ne change finalement pas grand-chose puisque les joutes se livrent toujours dans une zone bien fermée, généralement très réduite. Problème : cette transition moins marquée qui devrait justement être un argument du jeu dessert en réalité ce dernier car elle entraîne de très gros soucis de caméras lorsqu'elle a lieu dans des environnements confinés. Pour peu que le combat se déroule à un croisement de couloirs ou au bord d'une falaise, on se retrouve littéralement piégé entre le décor et les ennemis, notre bête noire n'étant alors plus les monstres mais bien ces angles de vue calamiteux qui nous empêchent de voir quoi que soit. L'action en devient alors illisible, et ce défaut se révèle bien trop récurrent pour ne pas le mentionner ici.
Des combats trop souvent perturbés par la caméra
Chaîne spirituelle, jauge de puissance et armatisation
Heureusement, Tales of Zestiria compense cette erreur de parcours par un système de combat pour le moins inspiré, enrichissant le fameux LMBS des derniers volets par des nouveautés plutôt bienvenues. De base, les affrontements s'appuient sur un quota de CS (chaîne spirituelle) qu'il faut garder élevé pour enchaîner les attaques et les différents artes, sans quoi on peut se retrouver totalement vulnérable et incapable de porter le moindre coup. Le système de combat de cet épisode incite donc clairement à l'esquive pour regagner des CS et favorise les combos à rallonge, se montrant ainsi agréablement technique. Les artes martiaux, cachés et séraphiques fonctionnent suivant un système de complémentarité qui les rend tous indispensables, nous obligeant à les combiner entre eux pour viser la faiblesse d'un ennemi ou pour interrompre l'assaut d'un adversaire. Cerise sur le gâteau, les artes mystiques sont toujours là pour enrober le tout à grands renforts d'animations surpuissantes, mais encore faut-il avoir suffisamment de JP en réserve, la jauge de puissance étant une autre composante cruciale du système de Tales of Zestiria.
Les Mystic Artes sont toujours à l'honneur
Les points JP fonctionnent ainsi en parallèle des différentes actions de combat que vous avez choisi d'activer dans le menu dédié, vous autorisant à recourir à certaines techniques bien précises, ou bien à prolonger les combos à l'aide d'un coup magistral. La gestion des JP est donc un dilemme permanent, surtout quand on sait que ces mêmes points servent également à activer les artes mystiques ainsi que la fusion avec les séraphins. Dans Tales of Zestiria, cette faculté nommée "armatisation" consiste à faire fusionner l'un de ses personnages humains avec un allié séraphin pour contrôler un individu doté de la puissance d'un élément naturel. L'armatus hérite ainsi des talents des deux entités, d'une capacité de régénération globale et d'attaques surpuissantes, son seul point faible étant sa lenteur d'exécution. En fonction des vulnérabilités de l'ennemi, on pourra donc être amené à fusionner avec les différents séraphins pour hériter des techniques d'eau, de feu, de terre ou de vent qui conviennent à chaque situation. En contrepartie, l'armatisation implique la diminution du nombre de personnages actifs en combat puisqu'on passe alors de quatre à trois, voire seulement deux combattants sur le terrain, ce qui rend les affrontements nettement moins nerveux que lorsque chacun se bat séparément.
De surprises en surprises
Si on ne peut que déplorer la mise en retrait du personnage d'Alisha après seulement quelques heures de jeu, force est de constater que le titre peaufine plutôt bien sa narration et ses cut-senes, plus travaillées que dans les précédents volets de la série et ponctuées de nombreuses séquences animées du plus bel effet. Par ailleurs, il parvient plutôt finement à exploiter la notion de séraphin, à la fois sur le plan narratif et ludique, et aussi bien pendant les combats que durant les phases d'exploration. Les quatre éléments naturels sont ainsi utilisables en extérieur via des pouvoirs bien spécifiques comme la flamme d'argent qui permet de brûler des torches ou des toiles d'araignées, la ruée venteuse qui sert à effectuer un bond pour franchir les précipices, ou le manteau spectral qui nous enveloppe d'une bulle nous rendant temporairement invisible. Chacune de ces actions peut d'ailleurs aussi servir à prendre l'avantage lorsqu'on l'utilise pour engager le combat avec un ennemi vulnérable face à cet élément.
Le menu regorge lui aussi de bonnes idées en termes de customisation, comme les talents de soutien qui nous confèrent des bonus passifs propres à chaque personnage. Certains produiront régulièrement des en-cas ou des consommables, d'autres généreront de l'argent ou nous feront gagner en vitesse ou en discrétion. D'autres encore nous aideront à détecter les trésors et les points d'intérêts (des découvertes à la Skies of Arcadia), voire de déceler les "normins" cachés à travers le monde. Il s'agit-là de petites créatures qui ajoutent de nouvelles capacités à nos équipements et qui servent les différents seigneurs de la terre dont dépendent chaque région du jeu. Sans rentrer dans les détails, il faut retenir que ces derniers constituent une quête annexe de grande envergure puisque le fait d'augmenter leur niveau permet ensuite d'hériter de grâces diverses telles que le renouvellement des trésors dans les coffres ou la détection d'hellions. Leur attribuer des normins permet aussi d'améliorer les chances de trouver certains types d'équipements et d'y ajouter de nouvelles capacités, moyennant un renforcement de la puissance des ennemis de la zone.
D'une manière générale, la notion de capacités relatives à toutes les pièces d'équipement et les bonus qui leur sont liés constitue une autre idée très intéressante de Tales of Zestiria, leur fusion permettant de donner une toute nouvelle utilité à des objets dont on n'aurait que faire sinon. Bien que très imparfait, le soft a donc incontestablement le mérite d'oser expérimenter de nouvelles trouvailles qui le rendent franchement plaisant à parcourir. Ce n'est peut-être pas lui qui révolutionnera la série mais il renferme suffisamment de bonnes choses pour nous inciter à passer une bonne quarantaine d'heures en sa compagnie.
Points forts
- Narration immersive et prenante jusqu'à la fin
- Des transitions plus fines entre l'exploration et les combats
- Florilège de séquences animées très soignées
- Des cut scenes plus travaillées que dans les précédents volets
- La notion d'armatus qui renouvelle assez bien les combats
- Les nouvelles possibilités de fusion de l'équipement
- Ambiance sonore très convaincante (voix japonaises incluses)
- Traduction française irréprochable
- Une bonne quarantaine d'heures en ligne droite
Points faibles
- Techniquement très en retard malgré une D.A. attachante
- Ce n'est pas l'open world qu'on nous promettait
- La caméra vraiment calamiteuse lorsqu'on se bat dans des environnements confinés
- La réduction du nombre d'alliés sur le terrain quand on active l'armatus
- Le personnage d'Alisha trop en retrait
Que l'on soit inconditionnel ou pas de la série "Tales of", il est évident qu'on aurait souhaité que Bandai Namco marque un grand coup à l'occasion de ce vingtième anniversaire. Mais une fois passée la déception de constater que Tales of Zestiria ne tient pas toutes ses promesses, on réalise que cet épisode renferme tout de même de très bonnes choses, suffisamment en tout cas pour ne pas s'attirer l'ire des fidèles de la franchise.