Rage, désespoir, colère, trois noms communs issus d'un même champ lexical et qui définissent plutôt bien les réactions des joueurs l'on pouvait lire ici et là sur les internets, peu de temps après la sortie de Forza Motorsport 5. Avec un 6e épisode, Turn 10 avait fort à faire pour reconquérir le cœur des fans de Forza, particulièrement nombreux. Bonne nouvelle, les dévs se sont bougé l'arrière-train pour réparer leurs erreurs, et avec la manière s'il vous plaît.
Si comme beaucoup d'autres, dont moi, vous avez découvert la simulation auto avec Gran Turismo, certains jeux sont chers à votre cœur. Et notamment le susmentionné, ainsi que Forza Motorsport, le pendant Microsoftien du titre de Polyphony Digital. Moins de bagnoles, mais la même passion de la course et de l'automobile. À la froide et implacable rigueur toute japonaise, Forza avait opposé une approche plus personnelle, plus humaine, jouant sur la couleur, les lumières et l'implication de grands noms du monde de l'automobile, afin de proposer aux joueurs un titre débordant d'amour pour tout ce qui fait vroum-vroum. Sauf que voilà, le temps est un bien vil ennemi, et s'il n'a pas épargné Gran Turismo sur ses deux derniers épisodes, il n'a pas loupé pour autant le dernier Forza, une licence pourtant dans la force de l'âge. De fait, les simulations grand public ont peut-être un peu mauvaise presse ces derniers temps. Les joueurs hardcore se sont dirigés vers des titres certes moins riches mais plus aboutis, toujours plus réalistes, urinant à distance sur les gloires d'antan, subitement devenus trop mainstream pour eux. Mais le public "mainstream" aussi se détourne du genre. À une époque, il était impossible de posséder une PlayStation (quel que soit le modèle) ou une Xbox 360 sans posséder le dernier jeu de course de la marque. Aujourd'hui le constat est bien différent, et Polyphony Digital comme Turn 10 doivent remonter la barre. Et pendant que l'on attend toujours des nouvelles de Gran Turismo 7, c'est Turn 10 qui revient avec son Forza Motorsport 6, avec l'espoir de retrouver son trône, celui de meilleur jeu de course de la console au X vert. Et donc un titre incontournable pour tous les amoureux de voitures virtuelles.
Toujours aussi beau
Ceux qui se sont essayés à la démo mise en ligne par Microsoft et Turn 10 récemment sont unanimes : Forza Motorsport 6 est une merveille, d'un point de vue visuel. Et il est bien difficile de leur donner tort. C'est simple, c'est à l'heure actuelle le plus beau jeu de course de la Xbox One. Certains diront qu'il n'a pas beaucoup de challengers, ce qui est plutôt vrai mais ne contredit pas pour autant l'affirmation originale. Les amateurs de comparatifs s'en donneront à cœur joie. Plus beau que Horizon 2 ? Assurément. Plus fin que DRIVECLUB ? Sans aucun doute. Est-il à l'épreuve de Project CARS, tournant en full sur PC ? Ici, la réponse donnera moins dans le péremptoire. Le titre de Slightly Mad Studio offrait des véhicules particulièrement sublimes, notamment grâce à une utilisation massive de polygones. C'est moins vrai pour Forza 6, qui lui est resté sur un compromis : proposer un jeu agréable à regarder sous tous les aspects. Il faut donc prendre en compte les décors, très riches, les effets de lumière, particulièrement bien réalisés, et surtout cette utilisation des couleurs qui fait du titre de Turn 10 un jeu... chatoyant.
C'est sous la pluie que l'on prend véritablement conscience du travail accompli. Les effets de lumière, notamment, mettent en valeur un travail extrêmement minutieux, celui de la réverbération des différentes sources d'éclairage sur les flaques d'eau, qui envahissent rapidement les divers circuits du jeu (en tout cas ceux permettant cette configuration). Même la boue est finement représentée et paraît plus glissante que jamais.
Les couleurs elles aussi ont leur importance puisque Turn 10, et leurs amis de Playground Games également, ont pris l'habitude d'habiller leurs titres avec de nombreux éléments de couleur, posés ici et là à l'écran ; des éléments qui viennent apporter un peu de vie, un peu de chaleur à l'écran. À ce titre, quel meilleur endroit que Rio de Janeiro pour profiter de tout cet étalage de couleurs ? La course se déroulant dans la capitale de la samba est en effet particulièrement représentative du travail de Turn 10, qui s'est fait plaisir sur les divers bâtiments que l'on rencontre sur le circuit. Et notamment ce passage, à l'approche du Corcovado, où l'on peut admirer ces nombreuses bicoques aux couleurs chamarrées, rendant la scène presque surréaliste. Du très beau boulot, même si l'on trouvera quelques défauts : l'eau projetée par le passage de chaque bolide manque de finesse, certains circuits sont plutôt ternes et l'on constate un peu de popping au niveau de la végétation, lorsque l'on roule sous la pluie et entourés de nombreux adversaires. Au-delà de ça, le jeu tourne en 1080p et 60fps à plein régime, sans qu'aucun tressaillement du framerate ne soit perceptible. Un confort bienvenu, qui devrait inspirer bien des développeurs.
Ça roule aux pays des merveilles
À l'instar de Gran Turismo, Forza Motorsport a toujours été une simulation auto grand public. Comprenez par là que les titres ne cherchent pas le réalisme à tout prix. Prenez Gran Turismo par exemple : son créateur, Kazunori Yamauchi, s'est longtemps battu pour que les voitures de son jeu ne reçoivent aucun dégât cosmétique en course. Pourquoi ? Simplement parce qu'il n'aimait pas voir ces petits bijoux se détériorer entre les mains de quelques mauvais pilotes. La série Forza Motorsport suit le même courant de pensée, mais, comme GT, a fini par se moderniser, pour répondre aux demandes d'un public toujours plus exigeant.
De fait, Forza 6, bien que "grand public", demeure un jeu de course à la physique parfois généreuse, mais qui suit toujours la même logique, la même pertinence. Si l'on avait un peu accusé Project CARS de se faire passer pour ce qu'il n'est pas vraiment, oscillant parfois entre simu hyper pointue et moments beaucoup plus détendus du slip, le Forza nouveau reste fidèle à ce qu'a toujours été la série. Le moteur physique du jeu fonctionne toujours aussi bien, et une fois les diverses aides à la conduite désactivées, c'est un vrai bonheur de conduire ses bolides préférés. Les débutants pourront bien entendu les utiliser, mais ce serait se priver de beaux moments d'adrénaline... Un mauvais freinage, un changement de direction mal anticipé, un pneu qui mord dans l'herbe, et hop c'est le tête-à-queue. Chaque virage est donc un défi qu'il faudra apprendre à aborder, et à domestiquer. Et je ne parle même pas des nouvelles conditions climatiques, qui apportent énormément au titre de Turn 10... Mais j'y reviendrai un peu plus tard.
Petit bémol à tout cela néanmoins : si Forza 6 n'a pas grand-chose à se reprocher en termes de conduite, on aurait tout de même apprécié que le son des véhicules du jeu soit revu. Les hurlements des moteurs, la douce mélopée des passages de vitesse, les plaintes des pneus pliant sous les attaques des freins à disque... tout cela manque un peu de dynamisme. Et c'est bien dommage ! Notez que Turn 10 a tout de même décidé que par défaut, les courses se dérouleraient en musique. Des compositions qui apportent parfois un souffle épique à vos chevauchées, mais qui se révèlent vite répétitives et assez banales (du coup, dans le vidéo-test, vous retrouverez sans doute un peu de Vivaldi ou de Delibes, ne me remerciez pas).
Oh le beau mode Carrière
C'est une critique que l'on a fait (à juste titre) aux derniers Gran Turismo, et au dernier Forza : le mode Carrière ne se renouvelle pas, et pour les fans, l'ennui et la monotonie pointe vite le bout de son nez. Bien conscient de cet état de fait, les petits gars de Turn 10 Studios se sont penchés sur le problème, et le résultat est plutôt appréciable. Alors oui, sur ce plan-là, comme les autres en fait, Forza 6 ne réinvente pas la roue (ohoho) mais se contente de proposer un mode Carrière entièrement redessiné, qui offre une certaine variété de situations. On retrouve toujours la très classique montée en puissance, qui consiste à débuter votre carrière de pilote en bas de l'échelle, au volant de petites citadines, jusqu'à pouvoir piloter des véhicules plus gaillards.
Divisé en 5 parties, qui correspondent donc à chacun des échelons qu'il vous faudra grimper à coups de volant, le mode vous permettra de piloter de nombreux véhicules, et toujours selon un thème particulier et/ou dans des conditions différentes. On peut donc terminer un premier lot de circuits sur le thème de la forêt, jusqu'à passer sur une suite de courses au clair de lune. L'ajout des courses de nuit et des courses sous la pluie permet au titre de gagner en diversité et en richesse, ce qui profite amplement au mode Carrière. Notez qu'en sus, vous pourrez être invités de temps à autres à des rassemblements, en fait des courses à thèmes dans lesquelles le jeu vous offrira temporairement un nouveau bolide. Zigzag entre des plots, courses rétro, défi de vitesse entre plusieurs monstres d'acier... Il y en a plus d'une cinquantaine, toutes plutôt amusantes même si assez convenues. Mais voilà : on ne s'ennuie jamais, ce qui forcément valorise le titre.
Comme ses prédécesseurs, Forza 6 est particulièrement bavard. Que ce soit dans les temps de chargement ou au moment de choisir une nouvelle auto, divers intervenants (et notamment Richard Hammond et James May de Top Gear) vous racontent l'histoire de tel ou tel modèle, les caractéristiques des circuits, ou le pourquoi du comment des disciplines représentées dans le jeu. Un aspect éducatif qui renforce l'impression de jouer à un jeu développé par des amoureux des sports auto.
La pluie ça mouille
Voilà qui devrait faire ricaner quelques amateurs de jeu de courses, mais oui, l'une des grosses nouveautés de ce Forza Motorsport 6, c'est bien l'arrivée de la pluie et des courses de nuit. Et attention, on ne parle même pas de météo dynamique. Néanmoins cet apport à la simulation made in Xbox constitue un véritable plus pour le jeu tant il est bien réalisé. Sur certains circuits, l'eau va véritablement vous pourrir la vie, et vous demander quelques ajustements, que ce soit au niveau de vos réglages ou de votre conduite. Les distances de freinage sont allongées et les lois de la physique quelque peu différentes. Il faudra aborder chaque virage, chaque changement de direction avec beaucoup de sang-froid et préparer son coup à l'avance. Bref c'est un petit bonheur, surtout que les flaques du jeu ne sont pas de bêtes modèles 2D mais sont réalisées en 3D, remplissant ici et là les diverses aspérités des circuits. D'ailleurs, Turn 10 a plutôt bien géré son coup puisque les sensations de glisse et d'aqua-planning procurées par le pad Xbox One sont assez bluffantes. Si vous doutiez de l'intérêt des gâchettes vibrantes de la manette, jouez à Forza 6, vous risquez bien de changer d'avis.
Parmi les autres petites nouveautés, on retrouve bien entendu les courses de nuit. Là encore les règles changent : selon les circuits, il peut faire vraiment, vraiment sombre et vos phares ne suffiront pas. Il faudra donc adapter votre vitesse et surtout faire attention, dans les premiers virages, à vos pneus. Eh oui, car la nuit, l'asphalte est plutôt froid et l'adhérence n'est donc pas tout à fait la même. Un nouveau paramètre à prendre en compte, donc. Ce que l'on retiendra surtout de ces courses de nuit, au delà des effets de lumière et d'ombre plutôt bien foutus, c'est surtout ce sentiment d'oppression que l'on ressent en avançant un peu à l'aveugle dans le noir. Désagréable et bizarrement amusant...
Un mot sur le online
De son côté, le online fait le boulot, en proposant divers modes de jeux dont certains assez surprenant. Comme le mode Infection, repris de Forza Horizon 2, ou le mode Drag, qui vous demandera donc d'aller le plus vite possible d'un point A à un point B, et si possible en faisant la nique à vos adversaires. À ce sujet, vous serez bien aise d'apprendre que vous pourrez affronter 23 de vos amis, puisque le nombre maximum de pilotes autorisés sur les circuits s'élève à 24, comme en solo. Oui, ça fait beaucoup de monde.
Sur ma session de test, les serveurs m'ont paru tenir le choc sans trop de soucis, en dehors de quelques micro-lags sur les premiers instants de pilotage. On espère donc que les conditions de course seront les mêmes une fois le jeu sorti. Si tel est le cas, le online de ce Forza 6 devrait être une petite réussite.
C'est dans les vieux pots...
Avant de conclure, j'aimerais rassurer tout le monde : tout ce que vous aimiez dans les précédents Forza est toujours disponible dans ce 6e Motorsport. Customisation technique, visuelle, tout est là et rien n'a changé. On remarque notamment quelques jantes supplémentaires, et l'introduction de nouvelles marques concernant les boucliers avant, arrière, et bas de caisse qui viendront personnaliser vos bolides. Les possibilités de customisation sont donc plus nombreuses, sans que le changement soit de première importance. Il est toujours possible de louer des voitures pour participer à des courses libres, permettant aux joueurs plus "casual" de jouer avec les meilleurs avions de chasse de Forza 6 sans avoir à passer 50h en Carrière avant de pouvoir atteindre les 300 km/h.
On note néanmoins quelques vraies petites nouveautés. Le wheelspin de Forza Horizon 2 apparaît dans Forza 6 sous la forme d'une « tombola » qui affiche clairement ce que vous pouvez gagner ; en Carrière, on peut équiper à sa voiture des mods, qui donnent quelques petits bonus ; Bref, des petits bonus qui apportent une certaine fraîcheur sans vraiment renouveler la formule.
Points forts
- Beau
- Conduite au poil, accessible pour les débutants, exigente pour les vétérans
- Moteur physique pertinent de bout en bout
- Les effets de lumière, et notamment lorsqu'il pleut
- Le mode Carrière revu, on ne s'ennuie jamais
- 461 véhicules au lancement
- Le plaisir de retrouver un "vrai" Forza, après les errements de Forza Motorsport 5
Points faibles
- Les sons qui manquent de peps
- Les courses de monoplaces
- Assez classique, finalement
- Temps de chargement un peu longuet
Clairement, Forza Motorsport 6 est un grand jeu. On a pu reprocher de nombreuses choses à Turn 10 lors de la sortie de FM5, mais le tir est désormais corrigé : son remplaçant est à la hauteur des espoirs de tout un chacun. Beau, exigeant mais bienveillant à l'égard des débutants, Forza Motorsport 6 est définitivement un immanquable de la Xbox One et l'un des meilleurs jeux de course sortis ces derniers années. Néanmoins, et malgré toutes ces qualités, il reste peut-être un peu classique dans son approche, et l'on pouvait espérer qu'un travail de fond aurait été effectué au niveau du sound-design. C'est sans doute ce qui empêche Forza Motorsport 6 de grapiller un point supplémentaire. Mais le titre de Turn 10 est très solide, autant en terme de contenus que de sensations de conduite. La conclusion est la suivante : Forza Motorsport est revenu à la place qui était la sienne, et c'est tant mieux.