Y a-t-il une vie après le développement de FPS aux hormones ? Oui, comme le prouvent 8 anciens développeurs de Painkiller, décidés à participer au renouvellement en cours du jeu d'aventure.
Après avoir enivré une bonne partie du public PC en septembre 2014 grâce à ses graphismes somptueux et son atmosphère menaçante, The Vanishing of Ethan Carter s'offre une escapade sur PlayStation 4, profitant de son arrivée sur console pour repasser ses environnements à travers l'Unreal Engine 4. Pari réussi ?
Comme c'est le cas pour de nombreux portages, le fond du jeu reste totalement inchangé. Il convient en revanche de s'attarder sur la forme du jeu qui, elle, laisse un peu plus à désirer. Dans un premier temps, force est de constater que si le passage à l'Unreal Engine 4 permet au titre de The Astronauts de bénéficier de couleurs plus chaudes et de textures un peu plus détaillées, il ne révolutionne pas du tout la perception que l'on se fait des environnements. Le jeu était somptueux sur PC, il l'est toujours sur PS4 et ce n'est déjà pas si mal.
Malheureusement, et même s'il est difficile de l'affirmer avec certitude, il semblerait que le titre en l'état soit un peu trop exigeant pour les ressources de la machine. Le rendu photoréaliste vous donnera l'envie de matraquer votre touche de capture d'écran, mais les visuels époustouflants de Red Creek Valley ont un prix qui se paye en images par seconde. Effectivement, à de nombreuses reprises, lors d'une rotation de la vue un peu trop rapide, le jeu souffrira d'une baisse significative de fps. Si, concrètement, la jouabilité ne s'en trouve pas entravée en raison de sa nature lente et contemplative, on regrettera tout de même l'absence de fluidité dans l'affichage.
Test original de Vanishing of Ethan Carter sur PC
Les visuels sont issus de la version PS4 du titre.
Quand on dit que The Astronauts, composé de rescapés de People Can Fly (Painkiller, BulletStorm), développe un jeu d'aventure calme, sans la moindre trace de combats et à la limite du contemplatif, il y a de quoi lever un sourcil d'étonnement. Et pourtant, c'est exactement ce qu'est The Vanishing of Ethan Carter, suivant un mouvement de renouvellement de ce qu'on appelle un jeu d'aventure, un pont entre le point'n click et Myst. The Vanishing of Ethan Carter, c'est l'histoire de Paul Prospero, détective spécialisé dans l'occulte qui, après avoir reçu une lettre alarmante du jeune Ethan Carter, se rend dans la vallée quasiment abandonnée de Red Creek Valley, pour y découvrir une suite de meurtres sanglants et constater la disparition du jeune garçon qui appelait à l'aide.
Alors c'est donc ça le photoréalisme
Red Creek Valley, un morceau d'Amérique isolé abritant un barrage, un reliquat de voie ferrée et quelques maisons éparses. Sauvage et décrépie, elle est pourtant un endroit sublime, profitant du travail d'orfèvre de The Astronauts qui relève le pari du photoréalisme en alliant diverses techniques de modélisation 3D qui lui permettent de ne jamais répéter deux fois la même texture ou modèle 3D. Du haut d'un pont, laissez votre regard se perdre vers le lac artificiel en contrebas pour buter contre un barrage au loin en pensant avoir à faire à un simple décor pour comprendre ensuite qu'il s'agit d'un objet bien "réel" qui cache encore d'autres surprises.
Avant même d'être un jeu d'enquête, The Vanishing of Ethan Carter est un simulateur de randonnée dans lequel on fait régulièrement halte pour admirer le panorama automnal baigné par la lumière rasante d'un soleil d'une fin d'après-midi permanente. On arpente ici les chemins forestiers sans doute les plus crédibles qu'on ait vus, irréguliers à souhait, sans voir deux fois le même caillou, traversant les bois avant de tomber face à un massif rocheux qui nous ramène à une mine abandonnée. Un rendu graphique irréprochable qui anime une zone semi-ouverte, sans temps de chargement intrusif, accompagné de surcroît par un travail sonore remarquable, les clapotis du lac, les hululements d'oiseaux et des thèmes musicaux en parfaite adéquation avec cette atmosphère contemplative rarement troublée par les pensées de Paul Prospero. Le silence, ou presque, et pas âme qui vive en dehors de Paul. Red Creek Valley est un étrange endroit, aussi beau qu'angoissant, qui n'est pas sans rappeler la nature avoisinante de Twin Peaks. La seule ombre au tableau serait à voir du côté des doublages des personnages autres que Prospero, assez peu convaincants.
Guide de randonnée de Red Creek Valley disponible à l'office de tourisme
Mais The Vanishing of Ethan Carter n'est pas qu'une simple démo technique et esthétique, c'est aussi, pour citer le jeu lui-même, "une expérience narrative", un jeu d'aventure à la première personne épuré au possible, sans affichage, sans inventaire, sans quest log et même sans linéarité imposant de résoudre ses énigmes dans un ordre précis (même s'il est largement préférable de le faire). Plongé dans l'ambiance tantôt bucolique tantôt poisseuse qui se dégage des lieux, le joueur progresse dans un environnement semi-ouvert pour y dénicher les énigmes et puzzles qui lui permettront en fin de parcours de boucler l'affaire. Si certains détails sont bien planqués et imposent une fouille en règle des buissons, on est le plus souvent interpellé par un endroit qui invite à la curiosité, quelques maisons, une église et son cimetière, l'entrée bloquée d'une mine... Ou dès les premières secondes du jeu, un autorail abandonné sur un pont ferroviaire. The Astronauts ne vous expliquera jamais rien, suivant le credo affiché en début de partie "ce jeu ne vous prendra pas par la main", préférant laisser le joueur comprendre ce qu'on attend de lui. Ne vous laissez pas effrayer par ce mot d'ordre, les mécaniques de jeu sont claires et l'aspect ouvert et vaste de l'environnement est une très habile (et efficace) illusion, vous ne vous perdrez pas et vous ne deviendrez pas fou à force de scruter les brins d'herbe.
Puzzles narratifs
La mécanique principale de cette vaste enquête, si l'on excepte quelques aventures annexes aux portes de l'étrange et du mystique, vise à résoudre l’énigme des différentes scènes de crime. Ici des traces de sang, là un objet déplacé, par là le corps. Chaque examen d'indice provoque l'apparition de messages laconiques et éphémères, "traces de sang", "fracture du crâne ?", "pierre"... Certains indices provoqueront l'apparition d'un mot précis dupliqué par dizaines d’exemplaires tournoyant jusqu'à ce que le joueur pointe une direction précise, ouvrant alors une brèche dans un champ de vision lui offrant un aperçu de la localisation d'un objet. De quoi permettre au joueur d'avoir une première compréhension des événements et l'aider dans l'étape suivante, leur reconstitution, qui passe notamment par le repositionnement des objets déplacés.
En touchant le corps de la victime, Paul Prospero commence à avoir des visions, des images fixes de "fantômes" comme une suite d'illustrations du meurtre. Il ne reste alors qu'à rétablir la chronologie en affectant à chaque scène sa place dans le déroulé du drame puis à lancer le film. Globalement, les énigmes de The Vanishing of Ethan Carter n'ont rien de très difficile. Une seule, qui adopte une autre forme, a fait caler pas mal de joueurs. C'est que tout en prétendant ne pas prendre le joueur par la main, The Astronauts ne le laisse pas pour autant complètement dans le schwarz. Il est relativement aisé de repérer les indices, et les déductions affichées à l'écran sont souvent assez éloquentes pour que les conclusions aillent bon train. Si parfois on aura un peu le sentiment de se faire assister, il y a d'autres moments où l'on se dit que, sans ce système, on aurait pu tourner en rond un bout de temps. Dans tous les cas, The Astronauts parvient là encore à maintenir l'illusion et on se sent toujours satisfait d'avoir résolu l'affaire.
L'une des originalités du titre est en outre de laisser le joueur libre de ses mouvements et de l'ordre dans lequel il souhaite résoudre les énigmes là où un jeu d'aventure plus classique impose une progression logique de la narration. Chaque puzzle résolu apporte sa pierre à l'édifice et épaissit un peu la trame dont la résolution totale ne sera accessible qu'une fois chaque sous-quête terminée. Ce qui peut d'ailleurs s’avérer dommageable car on peut tout à fait atteindre le point final du jeu pour réaliser que paf, il nous manque un morceau du puzzle géant et qu'il va falloir rétropédaler à l'autre bout de la vallée.
Si la chose ne m'est pas arrivée, il n'empêche que toucher du doigt le dénouement de l'histoire (qui mérite moult débats et discussions par ailleurs) pour réaliser qu'il vous manque une case à cocher sur votre formulaire d'entrée a quelque chose de très peu épique. D'où le conseil donné plus haut dans ce test d'éviter de résoudre les énigmes dans le désordre et de prendre soin de ne pas en manquer une faute d'avoir voulu courir à travers champs. Ce n'est pas vraiment un défaut majeur mais la chose vaut d'être signalée. De même que l'absence parfaitement incompréhensible d'une sauvegarde manuelle au profit de sauvegardes automatiques qui obligent à boucler le puzzle suivant avant de quitter sa partie ou faire une croix sur sa progression. Dans un jeu de ce genre, on s'explique assez mal ce choix.
Notre Gaming Live PC d'Ethan Carter
Points forts
- Magnifique
- Le rendu hyper crédible de Red Creek Valley
- La narration via les puzzles fonctionne à merveille
- L'ambiance visuelle et sonore
- Le scénario étrange et intrigant
- Les "apparitions" totalement inattendues
Points faibles
- Les énigmes globalement un peu trop simples
- Durée de vie un poil juste (4 à 5 heures maximum pour 20 euros)
- Le doublage assez moyen en dehors de Paul Prospero
- La fin sujette à discussion ?
- Nombreuses chutes de framerate constatées sur PS4
The Vanishing of Ethan Carter rejoint cette récente congrégation de jeux tentant d'explorer de nouvelles formes de narration et d'aventure, comme Dear Esther. Le jeu de The Astronauts parvient à imposer son style, peu verbeux, exploitant des mécaniques d’enquête et des puzzles qui font mouche malgré une relative facilité, et couple le tout à un rendu graphique qui scotche en quelques secondes un joueur qui aura dès lors du mal à quitter Red Creek Valley avant d'y être contraint au terme d'une aventure malheureusement un peu courte.
De plus, notez que cette version PS4 n'est pas tout à fait optimisée, les chutes de framerate étant assez récurrentes, comme si la beauté du titre se monnayait à grands coups d'images par seconde. En outre, le passage à l'Unreal Engine 4 n'est pas flagrant, offrant à Ethan Carter des couleurs plus vives et plus fines tout simplement. Toutefois, si vous n'avez pas eu l'occasion de vous essayer au jeu sur PC, vous auriez tort de vous priver de cette aventure mystérieuse, inquiétante et originale, qui n'a rien perdu de sa superbe.