Harvester Games. Ce nom ne vous dit probablement rien ; et pour cause, il s’agit d’un studio indépendant à l’origine de seulement deux jeux : Downfall et The Cat Lady, tous deux développés avec le logiciel gratuit Adventure Game Studio. Dans The Cat Lady, vous incarnez Susan, une quadragénaire sans vie sociale ni familiale, qui n’a que des chats comme compagnie. Dépressive, elle finit par se suicider en ingurgitant des médicaments. Après quelques péripéties dans un monde imaginaire digne des plus grands voyages psychédéliques, elle rencontre une vieille femme qui décide de la ramener à la vie, à une condition : que Susan trouve et élimine cinq "parasites", des individus abjects qui ne méritent pas de vivre.
UNE AMBIANCE PARTICULIÈRE.
Si ces quelques lignes d’introduction vous ont laissé penser que The Cat Lady est principalement un jeu d’enquête, détrompez-vous. Ce titre, qui repose sur une atmosphère vraiment particulière, est avant tout un jeu d'horreur. Ici, pas de zombies ou autres monstres informes qui vous sautent dessus pour vous dévorer. Non, The Cat Lady est un jeu angoissant basé sur une ambiance glauque, malsaine, sadique, oppressante, sinistre, pesante et dérangée. Tout est conçu pour mettre le joueur mal à l’aise : l’introduction avec une héroïne qui se suicide, le face à face avec la mort, les graphismes très sombres, les musiques et bruitages stressants, l’ultraviolence, la présence récurrente du sang, la dépression, la perversité des antagonistes… The Cat Lady est un cauchemar permanent, qui ne vous offrira que très peu de moments de répit. Qu’on se le dise bien : ce n’est pas vous qui rechercherez les "parasites" ; pour la plupart, ce sont eux qui vous tomberont dessus au moment où vous vous y attendrez le moins, et vous devrez tout faire pour leur échapper. En cela, il est à noter que The Cat Lady a un petit côté survival horror.
UNE DIRECTION ARTISTIQUE PARFAITEMENT ASSUMÉE ET MAÎTRISÉE…
On ne pourrait pas qualifier ce jeu de "beau", mais les graphismes, non désagréables à regarder, servent parfaitement l’ambiance. N’ayons pas peur de le dire : la direction artistique est, dans son genre, d’une qualité déconcertante. Tout est fait pour renforcer le sentiment d’oppression. Les environnements, très sombres, sont généralement en noir et blanc, ce qui a pour effet de mettre mal à l’aise le joueur. Ce procédé permet également de faire ressortir certains éléments ; vous aurez souvent l’occasion d’avoir un écran avec tous les éléments en noir et blanc, et uniquement du sang coloré en rouge, ce qui en accentue grandement l’effet dramatique.
Les pièces et lieux visités, issus de photographies, sont parfaitement réalistes. Quant au chara design, Susan en tête de liste, il est parfait, les personnages semblant vraiment naturels. L'accent est mis sur le réalisme : pas de femmes sexy aux mensurations démesurées, ni d'hommes croisés avec des stéroïdes. Au contraire, Susan apparaît banale, quelconque, voire laide, ce qui la rend d'autant plus attachante. Oui, attachante, et même touchante, car outre la peur et l'angoisse, il se dégage du jeu de la tristesse et une certaine mélancolie. Les animations sont également bien réalisées, on jurerait voir une vraie personne se déplacer lorsqu’on fait marcher l’héroïne.
... SUPPLÉÉE PAR UNE BANDE-SON DE QUALITÉ.
A l'atmosphère visuelle inquiétante, vient se greffer un environnement sonore effrayant. Dans The Cat Lady, vous n’entendrez pas de mélodies réellement mémorables, mais ces dernières remplissent parfaitement leur rôle. Calmes quand il le faut, stressantes lors des phases sinistres, les musiques collent parfaitement à l’ambiance du jeu. Quant aux effets sonores, ils assurent pleinement leur rôle effrayant, avec par exemple des cris, ou plus particulièrement un bruitage lourd et fort, conçu pour vous faire sursauter… On pourrait reprocher au jeu le fait qu’il use et abuse de ce bruit lourd, créant un sentiment de répétition… Mais comment en vouloir à cette sonorité qui nous fait si délicieusement sursauter ? En plus des musiques et effets sonores de qualité, il est à noter que tous les dialogues sont doublés (en anglais), ce qui renforce grandement l’immersion et la perception des sentiments des personnages. Un tour de force à saluer pour un jeu indépendant.
UN GAMEPLAY PRÉSENTANT QUELQUES DÉFAUTS...
The Cat Lady s’apparente à un point and click, puisqu’il en reprend quasiment tous les codes, à l’exception du fait qu’il se joue entièrement au clavier. Les personnages et environnements sont vus de profil, et vous pouvez déplacer Susan vers la gauche ou la droite avec les flèches de votre clavier. Lorsque vous pouvez interagir avec un élément du décor, le nom du dit élément s’affiche à l’écran, vous n’aurez plus qu’à appuyer sur la flèche du haut de votre clavier afin de choisir une action (examiner un objet, le prendre…). Pour accéder à votre inventaire, il suffit d’appuyer en temps normal sur la flèche du bas de votre clavier. The Cat Lady propose donc trois niveaux de hauteur, ce qui parfois prête à confusion. Sur le niveau normal, vous pouvez déplacer votre personnage. Sur le haut, interagir avec les objets, et sur le bas, utiliser votre inventaire.
Le tout n’est franchement pas intuitif ; par exemple, si vous souhaitez utiliser une clé, il faut vous mettre devant la serrure, aller dans votre inventaire en appuyant sur la flèche du bas, sélectionner la clé, puis appuyez deux fois sur la flèche du haut pour pouvoir interagir avec la serrure. Un gameplay pas vraiment naturel et qui peut poser des soucis de confusion au début du jeu, surtout lorsqu’on sait que les joueurs PC sont habitués à sortir d’un inventaire en appuyant sur la touche Echap.
De plus, la navigation dans les menus du jeu, notamment pour sauvegarder, est tout aussi compliquée. Hormis cette gêne, The Cat Lady ne comporte pas de bug majeur, si ce n’est qu’il est conseillé d’y jouer en anglais, car certaines erreurs se seraient glissées dans la traduction française. Enfin, concernant la durée de vie, malheureusement assez courte, comptez entre 7 et 12 heures pour arriver au bout du titre, selon la vitesse à laquelle vous irez. Le jeu bénéficie cependant d’un certain potentiel de rejouabilité, essentiellement destiné aux fans, puisqu’il propose des fins différentes selon vos actions et choix de dialogue durant toute votre partie.
…VITE OUBLIÉS GRÂCE À UN EXCELLENT SCÉNARIO, QUOIQU'UN PEU LINÉAIRE.
Pour ceux qui se demandent, hormis l’ambiance, quel est l’intérêt de ce jeu par rapport à d’autres point and click, la réponse est toute simple : l’histoire et la narration parfaitement maîtrisées rendent le jeu terriblement prenant, voire envoûtant. The Cat Lady alterne avec brio des phases d’énigmes (dans l’esprit d’un point and click) et des séquences cinématiques/de dialogue, nécessaires à la compréhension et l’avancement de l’histoire. Le suspense est omniprésent et la qualité d’écriture des personnages est réellement bluffante. Les protagonistes et leur psychologie sont extrêmement travaillés, Susan en étant le plus bel exemple. Ses réactions, ses états d’âmes, ses émotions, son passé, les causes de son suicide, ses liens avec autrui, ses paroles, tout est d’une spontanéité et d’un naturel remarquables.
Ce jeu étant le récit d'une partie de la vie de l’héroïne, il est inutile de le nier, la linéarité est de mise. Presqu’aucune liberté ne vous est permise, puisqu’à l’image de Susan, vous subirez bien souvent l’action. Seul le choix de quelques répliques ou quelques actes vous est permis. Cette linéarité, indispensable à la narration, risque de décevoir les joueurs qui aiment être maîtres de leur destin. Ces derniers risquent également de s’impatienter face à l’abondance et la longueur de certaines cinématiques, surtout qu’il est impossible de sauvegarder durant celles-ci. Malgré cela, si vous ne cherchez pas à tout prix à être actif lorsque vous jouez, The Cat Lady n’en reste pas moins un jeu très plaisant.
Points forts
- Ambiance malsaine délicieuse.
- Scénario plein de suspense.
- Réalisation exemplaire.
- Personnages attachants et travaillés.
- Dialogues intégralement doublés.
- Enigmes variées.
- Plusieurs fins disponibles.
- Sursauts garantis.
Points faibles
- Gameplay au clavier peu intuitif.
- Jeu très linéaire.
- Durée de vie un peu courte.
- Impossibilité de sauvegarder pendant les cinématiques qui peuvent être très longues.
Loin des grosses productions aux moyens financiers exorbitants, The Cat Lady est un excellent titre indépendant qui saura vous procurer un plaisir certain, pour peu que vous ne soyez pas rebutés par les jeux linéaires et à l’ambiance malsaine. Malgré ses quelques défauts, l’intérêt du titre réside dans son atmosphère et ses qualités narratives parfaitement maîtrisées. A jouer de préférence en version anglaise, seul(e), la nuit, dans le noir total, sans éclairage, et avec le son poussé très fort. Sursauts et frissons garantis.
Note de la rédaction
L'avis des lecteurs (19)
Lire les avis des lecteursDonnez votre avis sur le jeu !Pour les joueurs qui auraient tendance à enregistrer régulièrement leur partie, il est possible que votre jeu ne prenne plus en compte vos sauvegardes. Pour remédier à ce problème, il vous suffit de vider le dossier de sauvegardes (en conservant évidemment la dernière) de votre jeu.