Le plus compliqué lorsque l'on aborde Cities : Skylines est de ne pas tomber dans la comparaison bête et méchante avec son concurrent direct : SimCity, dernier du nom. Si les deux jeux se positionnent sur le créneau du city builder, il faut garder à l'esprit que d'une part, Skylines n'aurait pas pu voir le jour sans le prestige de la licence dont il s'inspire, et que d'autre part, chacun a ses propres spécificités et qu'il convient de prendre Skylines pour ce qu'il est et non l'évaluer en fonction de la déception légitime du dernier-né de la licence Sim City.
Bien loin de l'âge d'or du genre, les fans de city builders, chérissant le fait de construire une ville à leur image, sont un peu mis sur la sellette ces derniers temps. Alors que tous espéraient de SimCity, sorti presque jour pour jour il y a 2 ans, d'être une ode au jeu de gestion, les faits étaient là : cartes limitées en taille, connectivité mal pensée entre les villes, problèmes de connexion et carences de microgestion ont eu raison des espoirs des joueurs pourtant placés bien haut. Edité par Paradox Interactive et développé par Colossal Order, Cities : Skylines nous a vendu les mérites de la possibilité de créer d'immenses mégalopoles. Est-ce le cas dans les faits ?
Un city builder dans les règles de l'art
Le menu de City : Skylines est tout ce qu'il y a de plus austère : choisissez votre carte parmi les 9 proposées, évaluez à l'aide de jauges les possibilités de construction et lancez-vous dans la partie. Une fois le temps de chargement passé, vous entrez dans le vif du sujet et serez chargé de construire vos premières routes desservant les axes de circulation principaux afin de poser les premiers jalons de votre ville. Les plus habitués des Sim City se trouveront en terrain conquis : zones résidentielles, commerciales et industrielles seront au programme pour fournir respectivement à vos ouailles logements, lieux de shopping et d'emploi. Toujours dans la plus grande tradition du city builder, la précipitation ne sera pas de mise puisqu'il s'agira avant d'implanter vos premières infrastructures destinées à alimenter vos quartiers en eau potable et en électricité avant d’accueillir vos premiers citadins.
Somme toute assez classique et efficace, l'implantation d'une pompe à eau et de conduits d'évacuation de part et d'autre du cours d'eau qui ruisselle à proximité de votre ville suffira largement à l’approvisionnement de vos bâtiments en eau potable ainsi qu'à l'évacuation des eaux usées. L'électricité fonctionne d'une manière un peu différente puisqu'il vous faudra raccorder vos quartiers avec des lignes à haute tension, l'électricité (via éolienne ou centrale à charbon dans un premier temps) se trouvant alors répartie d'un bâtiment à l'autre automatiquement. Pour bien agencer vos villes, les outils de tracé sont complets sans être complexes : routes droites, courbes ou libres sont donc de mise, avec la possibilité ultérieure d'en améliorer les dimensions, vous permettant de faire passer une ou deux voies au rang de 6 voies en un simple clic. En somme, sur un début de partie, Cities : Skylines récite parfaitement son manuel du « petit city builder illustré » et après tout il a raison, on ne change pas une recette qui fonctionne.
Un gigantesque bac à sable
Si le titre de Colossal Order est un véritable bac à sable, le seul embryon de scénario dont vous disposerez sera ce système de palier vous permettant de débloquer de nouvelles infrastructures à mesure que vos citadins affluent dans votre ville. Car c'est bien là ce dont on se rend compte immédiatement lorsque l'on lance une partie de Cities : Skylines : les cartes sont immenses. Si vous commencez votre partie dans une zone délimitée, un rapide coup d'oeil à la carte de monde vous permettra d’observer les zones pouvant être achetées pour repousser instantanément les frontières de votre mégalopole. Donc oui, c'est officiel, les fans déçus par les tailles nettement trop restreintes des cartes de SimCity trouveront aujourd'hui suffisamment d'espace pour bâtir la ville de leurs rêves.
Un système de quartiers original
Mais avant d'avoir la folie des grandeurs, il sera nécessaire d'être patient, et d'attirer sans cesse de nouveaux habitants dans vos villes en leur proposant tous les services de santé, de sécurité et d'éducation qu'ils réclament. Les bâtiments à cet usage ne sont pas particulièrement nombreux mais couvrent l'essentiel de ce qu'on attend d'un city builder, là encore, Cities : Skylines livre ce que l'on attend de lui. La principale originalité que l'on peut lui trouver réside dans son système de quartiers, fort bien pensé pour peaufiner votre ville et la politique à appliquer dans chaque quartier. En effet, en passant par l'intermédiaire d'une sorte de pinceau à appliquer sur les zones de votre choix, vous pourrez créer un district (que vous pourrez renommer à votre guise) sur lequel vous pourrez appliquer des décrets particuliers.
Effectivement, lorsque votre ville se développe, plusieurs décrets se débloquent : loi sur la consommation d'énergie, interdiction de fumer dans les lieux publics, c'est en tout une trentaine de politiques que vous pouvez appliquer à vos quartiers ou à l'inverse à toute la ville et en faisant en sorte que le quartier sélectionné soit l'exception. Valable pour la bonne santé de vos quartiers résidentiels (que vous pouvez par exemple dédier au tourisme), le système de quartier est également indispensable pour votre industrie. Une zone est fortement boisée ? Affectez une portion de votre zone industrielle à l'exploitation forestière, idem pour les zones pétrolières ou agricoles. En somme, cette idée simple en apparence insuffle une véritable profondeur à la gestion de votre ville et on ne va pas s'en plaindre.
En somme, le plaisir pris à organiser et à peaufiner la ville de ses rêves est un véritable régal, tout comme le fait de la voir grandir et évoluer sous vos yeux. Globalement assez facile, Cities : Skylines n'en oublie jamais d'être fun et varié. Les villes sont franchement vivantes, l'effet tilt-shift est plutôt mignon, et si l'on peut déplorer un côté un peu « terne » dû aux couleurs des villes les plus étendues, le sentiment d'être en charge d'une ville pleine de vie est omniprésent. Renforçant encore ce sentiment, des petits tweets de vos citadins viendront commenter vos décisions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Bien sûr en grandissant, votre ville vous offrira la possibilité de bâtir des zones à densité plus élevée, donnant naissance aux premiers gratte-ciel de votre ville, si toutefois tous les services requis sont correctement acheminés à vos ouailles, ce que vous pouvez consulter en un clin d'oeil grâce à un système de filtres très complet.
Davantage un jeu de construction qu'un jeu de gestion
Ceci conduit à un point qui fait débat : celui de la circulation. Au cours des différentes villes que nous avons eu l'occasion de faire, nous avons essentiellement constaté des problèmes inhérents au genre, à savoir que les services, essentiellement celui dédié au ramassage des ordures en l’occurrence, a tendance à emprunter le chemin le plus court mais pas le plus rapide, ce qui a régulièrement provoqué de longues enfilades de camions-bennes dans un carrefour blindé de monde, alors que les rues transversales étaient désertes. Si le passage d'une route simple à une route à deux voies peut endiguer le problème, cela ne résoudra pas ce comportement de l'IA que l'on espère voir corrigé prochainement. Effectivement, dans ce cas précis, l'absence de ramassage d'ordures a provoqué la désertion de la plupart des habitants de la ville ou une vague d'épidémies, ce qui peut s'avérer frustrant lorsqu'il ne s'agit pas d'un problème de voirie. Voirie qui pourra d'ailleurs tout à fait être agrémentée de transports en commun (bus, métro, etc.) plutôt bien pensés, ce qui n'est pas surprenant lorsque l'on sait que le studio responsable de Skylines est responsable des deux Cities in Motion.
Autre point un peu moins pénible, nous avons constaté régulièrement que sans raison apparente, la demande RCI était réduite à néant, en dépit d'une population heureuse, forçant ainsi à accélérer le défilement du temps jusqu'à ce que subitement la demande pour les 3 zones s'accroisse pour arriver parfois à son maximum. A terme, nous avons davantage la sensation de nous contenter d'ajouter simplement des nouveaux quartiers pour faire grossir les villes plutôt que de gérer les portions déjà existantes, le tout sans vraiment se soucier du tiroir-caisse qui sera très rarement dans le rouge. Si les options d'affinement économique sont présentes (possibilité de répartir les impôts par zones ou d'allouer plus ou moins de ressources selon les services), il ne vous arrivera malheureusement pas souvent d'aller vous frotter à vos comptes,
Si les outils de construction sont des modèles de maniabilité et permettront toutes les folies possibles aux architectes urbains en herbe, l'interface est quant à elle assez intrusive, et gêne parfois la lisibilité de certaines actions. Rien de bien dramatique cependant, le jeu restant assez accessible en dépit d'un cruel manque de tutoriel complet pour quiconque ne serait pas familier avec le monde du city builder.
Du bon usage des mods
Vous l'avez compris, Cities : Skylines a énormément de charmes mais dispose, niveau circulation, difficulté et microgestion d'une certaine marge de progression qui pourrait être rapidement comblée par le talent des moddeurs. Effectivement, le jeu est parfaitement pensé pour accueillir les mods les plus intéressants, sachant que le Steam Workshop (dont le contenu grossit à vue d'oeil) est directement intégré au jeu, facilitant l'import de cartes et autres bâtiments créés par les joueurs. Par ailleurs, nous évoquions la difficulté un peu trop en berne de Skylines et un mod visant à le rendre plus difficile économiquement parlant est d'ores et déjà disponible. Le hic ? Les mods désactivent les succès. Si l'on peut comprendre ce choix pour ceux débloquant par exemple tous les bâtiments dès le début de partie, il est plus difficile à accepter lorsque l'on veut corser la difficulté d'un titre un peu trop facile pour les férus de gestion. Notez également la présence d'un éditeur de cartes et de contenu, ce qui permettra aux plus créatifs d'entre vous de laisser libre cours à leur imagination.
Notre vidéo-test de Cities Skylines
Points forts
- Cartes gigantesques
- Outils de construction bien pensés
- L'original système de politique
- Furieusement addictif
- Système de filtres clair et complet
- Graphiquement plutôt mignon
- Grande facilité d'accès aux mods
- Vendu à petit prix
Points faibles
- Pathfinding des véhicules parfois douteux
- Un peu trop facile
- Pas assez de microgestion
- Assez peu de bâtiments
Cities : Skylines séduira incontestablement les nombreux joueurs en manque d'un très bon city-builder solo. Avec ses cartes gigantesques, les multiples possibilités offertes par les outils de construction et le plaisir pris à gérer les quartiers de votre ville, le jeu de Colossal Order vous offrira de longues heures de fun aux commandes de villes immenses et vivantes. Si nous pouvons lui reprocher un pathfinding pas toujours impeccable, sa trop grande facilité amputant le jeu d'une bonne partie de microgestion, les 30 € à verser sont largement raisonnables eu égard à la qualité du titre. Bien joué.