Trois ans après avoir bastonné sévère dans des bars noyés sous la lumière flashy ou dans des appartements miteux sentant la pizza froide et la transpiration de mafieux russes, le trip ultraviolent Hotline Miami est de retour. Fruit du travail du studio Dennaton Games, sous la houlette de Jonatan Söderström et Dennis Wedin, cette suite s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur. Que les choses soient bien claires, Hotline Miami 2 ne prétend à aucun moment bouleverser les codes établis dans le premier opus, on garde ici la même esthétique pixel néon trash et le même “flow” dans le gameplay. Vous avez demandé Miami ? Ne quittez pas...
Welcome to Miami
Si le premier jeu suivait les humeurs massacrantes d’un personnage sans blaze surnommé “Jacket” par la communauté, ce second volet s’intéresse cette fois-ci à un casting plus éclaté fait de différents protagonistes aux histoires parallèles habilement entremêlées. On suivra les psychoses meurtrières d’un acteur portant un masque de porc, héros d’un film d’horreur retraçant les événements du premier épisode, d’un flic ambigu tout droit sorti d’une série des années 90 ou encore d’un groupe de fans des premiers événements portés sur la violence et les soirées glandouilles autour d’une bière tiédasse. Les développeurs ont régulièrement indiqué leur volonté de donner plus de profondeur aux différents personnages pour sortir un peu du modèle impersonnel du "Jacket" de l’épisode un. Hotline Miami 2 fait donc dans le mélange des trames narratives et la frontière entre réalité et fiction est ténue pour un résultat toujours aussi cryptique pour quiconque ne prendra pas la peine de fourrer son nez dans les différentes bribes de scénario dispersées ici et là par les deux développeurs suédois. Toutefois, le rythme donné à la trame permet désormais de prendre un peu plus de recul sur nos différents bains de sang. La traduction française, si elle reste très correcte manque un peu de mordant et semble parfois quelque peu désuète.
Pourquoi changer une recette qui fonctionne ?
Comment renouveler le gameplay rodé du premier épisode sans se mettre à dos une grosse partie des joueurs / runners / superplayers ? Réponse : en ne changeant pas une recette qui gagne. Certes, Wrong Number dispose de nouveaux sbires à dézinguer et de quelques nouvelles armes, mais la mécanique bien huilée du “je rentre dans un bâtiment et je provoque un bain de sang sans me faire dessouder” constitue encore le coeur palpitant de son gameplay. En bon die and retry, Hotline Miami 2 se révèle tout aussi exigeant à maîtriser que son prédesseur. Les tentatives ratées de massacres parfaits s'enchaînent au rythme effréné des combos et d’une bande-son électro sous acide que nous aborderons bien évidemment dans un point dédié du test. Même feeling du côté de la manipulation du comportement des ennemis, sensibles au bruit des armes et dotés d'une aggro visuelle importante ; on jouera volontiers avec ce que certains qualifieront encore de faiblesse de l’IA et d’autres de spécificité de gameplay. Attendre l’arme au poing derrière une porte que l’adversaire se jette dans la gueule du loup, une vraie philosophie dans l’univers de Hotline Miami. Notez tout de même que la version testée s'est montrée bien plus stable que le premier opus à sa sortie : les bugs gênants et les plantages réguliers sont bien moins fréquents. La durée de vie est difficile à quantifier pour une telle expérience puisqu'elle dépendra de votre skill et de votre volonté à titiller le compteur de combo et de temps (j'ai personnellement terminé le jeu en un peu plus de 11 heures).
Bas les masques !
Le changement le plus important réside finalement dans l’utilisation des masques, plus limités en nombre pour cet opus, mais à l’impact plus significatif sur le gameplay. Dennaton Games s’est concentré cette fois-ci sur l’intérêt des capacités propres à chacun d’entre eux. Contrairement à son aîné, le joueur ne pourra pas piocher comme bon lui semble dans toute la panoplie mise à disposition par le jeu. Car dans un souci évident d’éclatement de la trame narrative, un tournus entre les personnages jouables est effectué au départ de chaque mission. Le choix des masques est donc limité aux protagonistes en question. Le gang des fans donne par exemple accès au très original masque du cygne permettant de contrôler simultanément deux personnages, l’un équipé d’une tronçonneuse, l’autre d’une arme à feu. La façon d’aborder une mission est donc bien plus influencée par ce choix de base qu’auparavant. Le masque du zèbre donne la capacité d’effectuer des roulades pour enfoncer les portes, couvrir de plus longues distances et passer entre certains coups de feu. Notez que celui du Tigre a subi un petit nerf, puisque son porteur ne peut désormais plus équiper d’armes autres que ses poings.
Un mode Extreme fait aussi son apparition lorsque le joueur parvient à terminer le jeu une première fois. Dans ce niveau de difficulté, les ennemis deviennent bien plus durs à renverser et le lock automatique (activable via un clic molette ou une pression du stick de la manette) devient impossible. Les speedrunners, superplayers ou amateurs de challenge y trouveront donc un défouloir à la hauteur de leurs attentes. Mais une nouvelle fois, et nous tenons à insister sur ce point, ne vous attendez pas à trouver dans Hotline Miami 2 une refonte totale de l'esprit du jeu.
Disponible en version alpha dans notre exemplaire de test, l’éditeur de niveau est une nouveauté apte à ravir les amateurs de défis personnalisés. Il prend la forme d’une interface de création à l’allure assez spartiate, offrant au joueur une palette d’outils capables de donner vie au niveau de son choix. De façon très simple, on commencera par tracer les contours d’un niveau puis par agencer ses différentes pièces avant de peupler le tout d’éléments de décor et d’ennemis à piocher dans une bibliothèque d’assets mis à disposition par le développeur. Le résultat peut être testé instantanément afin de corriger les éventuelles aberrations de level design. Un élément ravira sans doute les fans, le choix de la soundtrack est aussi laissé au créateur en herbe (parmi les pistes de la bande originale officielle du jeu). Notez que ce mode bénéficiera d’une importante mise à jour gratuite d’ici avril ou mai. Au programme, ajout de transitions entre les étages, possibilité de créer des intros et des outros, retour de plusieurs personnages dont Jacket et, last but not least, prise en charge du support Steam Workshop, outil primordial pour le partage de vos créations. Car quitte à disposer d’un d’outil capable de créer une expérience similaire au jeu de base, autant le rendre communautaire.
L'hypnose des années 80-90 ou les prouesses d'une BO
Il serait criminel de conclure un test de Hotline Miami sans parler de sa bande-son. Si le gameplay a aussi sa part de responsabilité, la soundtrack reste indissociable du succès du jeu. Tout comme le gameplay, on évolue ici dans la continuité des sonorités du premier épisode. Ligne de synthé hyper marquée, chorus artificiel, l’ambiance électro disco sous acide rythme de façon magistrale le trip halluciné ultraviolent des différents personnages. A la réalisation, une nouvelle brochette d’artistes animés par la recherche de sonorités tout droit venues de la fin des années 80 et du début de l'ère 90. Pas besoin de substances illicites pour se laisser happer par la mélancolie furieuse du titre, un bon casque sur les oreilles fera tout aussi bien le travail. Magic Sword, Perturbator, El Huervo ou encore Jasper Byrne figurent au casting et offrent à Hotline Miami 2 une bande-son ancrée dans les tripes fumantes du jeu, indispensable à l’immersion du joueur et à l’expérience globale du soft. Tantôt furieusement disco kitsch, tantôt plus douces-amères, les pistes s’enchaînent et l’on finit souvent par calquer son rythme de jeu sur les beats électro renouvelés à chaque niveau. Bref, en jeu comme à l'extérieur, la BO nous accompagnera durant un bon moment.
Notre vidéo-test de Hotline Miami 2 : Wrong Number
Points forts
- Gameplay toujours aussi exigeant, taillé pour le speedrun et le superplay
- Un casting de personnages étoffé aux histoires entrecroisées
- Des masques moins nombreux, mais à l'impact sur le gameplay plus marqué
- Bande-son électro de haute volée
- Un éditeur de niveau puissant et simple d'accès
- Une excellente rejouabilité (mode Hardcore, changement de masques, etc.)
Points faibles
- Pas de véritables nouveautés dans la forme
- Comportement de l'IA parfois douteux
- Scénario confus par moment
- Les textes en français perdent un peu de leur impact par rapport à la VO
Faux numéro mais bonne pioche pour Hotline Miami 2. Trois ans après le premier trip sous LSD, l’heure est venue de replonger tête la première dans un nouveau bain de violence assumée sur fond d’électro envoûtante. Le jeu de Dennaton ne prétend pas bouleverser les codes établis par son premier volet et certains pourront regretter le manque de véritables nouveautés dans son gameplay. Mais pourquoi changer une recette qui fonctionne ? Les deux développeurs suédois ont fait le choix d’une narration plus travaillée, portée par un casting de personnages aux histoires entremêlées tout en conservant de façon volontaire les bases d’un système de jeu nerveux et exigeant encensé par les hardcore gamers. Porté par une bande-son électro magistrale sentant bon le dancefloor du début des années 90, Hotline Miami 2 : Wrong Number connaît son public et offre donc une conclusion de qualité forgée dans les pixels et la violence.