Qui n'a jamais rêvé d'un monde où les habitants du ciel seraient légion ? Qui ne s'est jamais ému devant le regard profond et la démarche émouvante d'un gracieux volatile errant sur le trottoir ? Qui a toujours secrètement soutenu la cause des Oiseaux d'Hitchcock et espère en secret qu'un jour, peut-être, ils reprendront la terre qui leur revient de droit ? Si jamais vous vous sentez concerné par ces questions, alors Hatoful Boyfriend est peut-être le visual novel qui vous manque pour embellir votre journée et vous faire roucouler, de rire bien sûr, mais aussi d'amour, de peur, et de bien d'autres choses encore...
Imaginons un futur pas si lointain où les humains se sont raréfiés au profit de la suprématie aviaire. Prenons alors une jeune homo sapiens en fleur et décidons de l'envoyer dans le prestigieux institut de St-PigeoNation, normalement réservé aux oiseaux surdoués issus des meilleurs plumages, ou plutôt lignages, et observons comment vont se passer ses interactions avec les autres élèves et les professeurs. Il est difficile d'en dire plus sans gâcher tout l'intérêt de base d'un visual novel qui, on le sait, propose plus de rebondissements scénaristiques que d'interactions intéressantes ludiquement parlant. D'autant plus que derrière son écran-titre rose bonbon et son sujet qui prête à rire lorsqu'on le survole, Hatoful Boyfriend réserve de sacrées surprises aux tendres cœurs anglophones. Car au-delà de l'évidente parodie, c'est un monde assez surprenant et rempli de clins d’œil qui s'offre à celui qui prendra la peine de s'y poser.
Le miroir aux alouettes
Mais, tout d'abord, quel est le but d'Hatoful Boyfriend ? Comme son nom l'indique, il s'agit de nouer des liens affectifs (et plus si affinités) avec les différents personnages qui croisent la route de notre héroïne, et ainsi de débloquer tous les embranchements scénaristiques et toutes les fins possibles. Un objectif somme toute assez banal pour un Dating Sim, à ceci près que notre avatar est une humaine et que ses camarades sont... des oiseaux. Il est assez facile ici de s'imaginer une bête parodie reprenant des situations et des personnages vus et revus dans le style florissant du visual novel et du manga et, ne mentons pas, les clichés sont du voyage. De l'attendrissant meilleur ami de toujours au pédant étudiant au sang bleu transféré d'une école française, en passant par le docteur pervers à l'éthique douteuse et l'étudiant benêt mais doué en sport (les colombes peuvent nager le dos crawlé ?!), les poncifs du genre sont bel et bien réunis. Mais fort heureusement, l'intérêt du soft ne se limite pas à une vaste blague, et dès le troisième embranchement, on commence à réaliser que l'univers dans lequel se déroule l'histoire est en réalité très éloigné de l'idée niaiseuse qu'on s'en faisait (en gardant tout de même une grande part de guimauve, sinon on passerait à côté de la parodie assumée d'Otome Game).
En effet, sur les quatorze fins disponibles, peu au final s'avèrent être des happy ends, mais toutes sont nécessaires pour comprendre l'intrigue complexe et agréablement surprenante qui lie les personnages entre eux. Sans rien vous souffler sur les tenants et aboutissants de l'histoire, on peut tout de même vous avertir qu'au moindre faux-pas, la sauce peut mal tourner pour votre héroïne qui y perdra alors des plumes, dévoilant par là même un univers dystopique et lugubre. Pour ce qui est des embranchements un peu plus classiques, bien que la plupart des conclusions s'avèrent drôles par l'absurde, certaines variantes tirant plutôt sur le nakige parviendront à émouvoir tout en prenant en compte la ridicule et évidente barrière qui sépare les espèces...
La farce du dindon
Mais évidemment, pastiches et hommages restent au centre d'Hatoful Boyfriend et des quelques mécaniques de gameplay rudimentaires qu'il propose. Les choix du joueur font par exemple bien souvent honneur au genre RPG : les cours que ce dernier choisit lui permettent d'augmenter trois types de statistiques sur son avatar (Intelligence, Vitalité et Charisme). Croisés avec les personnages rencontrés et les choix d'action qu'il fait, ces paramètres ont aussi une influence sur l'histoire, et peuvent même servir de façon plus "classique" dans certaines situations qu'il serait trop dommage de spoiler. En outre, et malgré la traduction anglaise parfois un peu bancale, les dialogues qui constituent 98% du soft regorgent de clins d’œil et de références plus ou moins obscures qui raviront les fans du genre. L'aspect graphique et musical suit la ligne directrice du titre, avec une réalisation discrète et correcte, tirant parfois inévitablement sur le kitsch, mais qui se prête bien à l'ambiance. On se pâmera devant le plumages des volatiles dont la photo a été soigneusement détourée pour être intégrée dans les décors, et les ornitophobes apprendront avec joie qu'un module extrêmement puissant peut être activé, permettant aux moins imaginatifs et aux plus réfractaires d'afficher l'équivalent "humain" de leurs partenaires lors de leur première apparition.
De façon générale, il est impossible de qualifier le jeu de difficile, puisqu'à moins de manquer de clairvoyance et d'esprit d'analyse, la plupart des fins et des succès sont assez simples à obtenir. Moyennant un peu de bon sens (ou pas) dans la répartie et la distribution des statistiques, ainsi qu'une grande curiosité et l'envie de rejouer plusieurs fois les mêmes scènes pour en tester les différentes options, on en aura, à vol d'oiseau, fait le tour en moins de dix heures. Un résultat qui peut sembler court vu le prix du titre, mais que l'on peut tout de même saluer, Hatoful Boyfriend ayant été à la base réalisé par une seule personne (la mangaka Moa Hato).
Points forts
- Un univers plus riche que ce qu'on pourrait croire
- Des situations provoquant un flot de sentiments variés
- Des personnages attachants malgré tout
- Coo coo !
Points faibles
- Pas très long...
- ... Mais les blagues les plus courtes sont toujours les meilleures ?
- Fatalement répétitif
Difficile de recommander Hatoful Boyfriend à n'importe qui. Il faudra en effet être sensible à un certain style d'humour, tout en acceptant de prendre parfois au sérieux ce visual novel pouvant s'orienter dans plusieurs directions très différentes et inattendues. Si les fans du genre y trouveront une parodie très satisfaisante, les allergiques à la fiction passivement interactive fuiront à tire d'aile tant la formule est perchée.