On prend les mêmes et on recommence. Après Need for Speed (2015) et Need for Speed Payback (2017), Electronic Arts et Ghost Games continuent de chercher la bonne formule pour l’ancienne gloire des jeux de courses arcade. Mais leur nouvel effort, Need For Speed Heat, ne fait malheureusement pas mieux que ses prédécesseurs, en péchant là où on l’attendait le plus.
Si vous avez connu et apprécié la période « Fast & Furious » de Need For Speed, il est difficile de ne pas ressentir comme une légère tendresse pour les derniers travaux de Ghost Games. Le studio suédois s’évertue depuis quatre ans à redonner vie à la formule, sans jamais vraiment y arriver. Pourtant, les idées et les moyens sont là : le visuel est chatoyant, la customisation des véhicules est hyper poussée, l’impression de vitesse est au rendez-vous… Mais en définitive, il y a toujours quelque chose qui cloche. Alors, après quatre épisodes, on en vient à se dire qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose.
« Jour, nuit. Jour, nuit. Jour, nuit... »
Après le très oubliable Payback et son système de progression à base de classes d’autos et de lootboxes, Ghost Games a décidé de revenir à quelque chose de beaucoup plus classique, mais autrement plus efficace. Et surtout parfaitement aligné avec ce qu’est Need For Speed. Le joueur incarne donc un pilote en herbe qui débarque à Palm City, une version virtuelle de Miami. La ville accueille une compétition de course auto qui se déroule dans les rues et sur les routes environnantes ; mais pas uniquement, puisque la nuit, les pilotes en profitent pour se livrer à des courses illégales. En réponse, les forces de police locales ont haussé le ton et désormais, la nuit est peu sûre pour tous les Dominic Torreto du coin. Il faudra donc réussir à gravir les échelons de la compétition, tout en échappant à une maréchaussée peu regardante sur le code de la route, une double mission qui, dans les faits, fonctionne plutôt bien.
Le jour donc, le joueur peut participer à différentes courses, qui lui permettront de gagner de l’argent. Cet argent permettra d’acheter de quoi améliorer sa voiture, et donc d’améliorer son score personnel. Cet indicateur a son importance puisqu’il vous permet de savoir à quelle course vous pouvez participer ou non, tout du moins si vous espérez pouvoir gagner. Si vous avez déjà joué aux derniers Need For Speed, vous connaissez le principe. L’argent peut également servir à customiser sa voiture, en achetant des pièces détachées (boucliers avant/arrière, ailerons, jantes…), et donc monter le bolide de ses rêves. Là encore, si vous connaissez le travail de Ghost Games, vous serez en terrain conquis : c’est toujours aussi complet, et l’outil de customisation propose quelques nouvelles options plutôt bienvenues, notamment en matière de pose de stickers. Alors évidemment, toutes les voitures n’offrent pas les mêmes possibilités de customisation, mais dans l’ensemble, difficile de ne pas trouver son bonheur ici, le studio ayant pensé à tout ou presque.
La nuit, changement d’ambiance : les courses illégales ne permettent pas de gagner de l’argent, mais simplement de la réputation. C’est elle qui permettra de débloquer les autos et les pièces détachées pour les améliorer. La petite difficulté ici, c’est que la police de Palm City veille au grain et elle est susceptible d’intervenir à tout moment. En course évidemment, mais aussi entre les courses, alors que vous vous baladez simplement dans le monde ouvert. Dans Need For Speed Heat, les flics ne lâchent rien et ils deviennent très rapidement une vraie source d’inquiétude, puisqu’une arrestation est synonyme de forte amende, et de la perte de la réputation accumulée jusque là. Pour encaisser la réputation gagnée à coup de volant, une seule solution : rentrer dans l’une des nombreuses planques du jeu. Mais encore faut-il y parvenir. Heat parvient ainsi à instaurer une jolie pression sur le joueur, qu’on n’avait pas ressenti depuis… Need For Speed Most Wanted, sans doute.
On a également apprécié le fait que ce système ne repose pas sur un cycle jour/nuit dynamique, qui aurait bridé le joueur et limité ses possibilités. Non, ici, c'est lui qui décide, au moment de quitter son garage. Évidemment, cela manque un peu de naturel, mais cela permet surtout de faire son programme et d’éviter de « subir » la nuit. Ce qui, clairement, est une bonne chose, surtout lorsque l’on a déjà été arrêté deux ou trois fois dans la journée.
Dérapage incontrôlé
Tout cela serait très amusant si le jeu n’avait pas la fâcheuse idée de proposer ce qui est sans doute la conduite la plus agaçante vue dans un jeu de course ces dernières années. Manette en mains, on retrouve des sensations similaires à ce que proposaient Need For Speed et Need For Speed Payback, à savoir une conduite extrêmement arcade, où le drift est roi. Il suffit d’effleurer le frein à main pour perdre en vitesse et déraper franchement, parfois sur plusieurs centaines de mètres sans forcer. Si dans Need For Speed, cela nous avait plutôt amusés, il faut reconnaître qu’aujourd’hui le plaisir n’y est plus, la faute à un manque de sensations vraiment ennuyant. On ne sent jamais le "point de rupture", ce moment où les pneus vont décrocher et commencer à glisser sur l’asphalte. Le fait de pouvoir freiner si tardivement, à une vitesse excessive, n’arrange pas les choses : on ne prend pas beaucoup de risques dans ce Need For Speed, qui chouchoute le joueur en rendant destructibles pratiquement tous les petits éléments du décor.
C’est d’autant plus agaçant que la conduite souffre également d’un léger manque de précision, notamment dans les changements de direction, et d’une physique au comportement erratique, ce qui peut donner des pertes de contrôle improbables, ou des sorties de route impromptues. Forcément, lorsque votre bolide vous a habitué à déraper sans broncher dans le moindre virage, et qu’il refuse subitement de le faire pour une raison inexpliquée et inexplicable… cela surprend un peu.
Notez toutefois qu’en progressant dans le jeu et en fonction de la configuration de votre voiture, cela peut s’arranger. Par exemple, sur notre BMW M3, nous avons opté pour une conduite "Course" mâtinée de conduite "Drift" ; la voiture pouvait ainsi passer les courbes à bonne vitesse sans déraper bêtement et dans le même temps, elle offrait suffisamment de souplesse pour drifter dans les passages les plus techniques. Cela offre un comportement plus logique, plus prévisible, donc moins frustrant. Mais Need For Speed Heat est un jeu de course arcade, et l’on ne devrait pas avoir à régler sa voiture pour avoir des sensations de pilotages plus fun.
Rapide, le nouveau jeu de Ghost Game l’est assurément. Nerveux ? Pas vraiment. On s’ennuie poliment en faisant la course dans Need For Speed Heat, et il n’y aura bien que quelques drifts correctement enchaînés qui auront réussi à créer chez nous une sensation de plaisir.
Des soucis d’équilibrage
Lors de notre test, nous avons également relevé plusieurs défauts, qui ensemble ou séparément, peuvent rendre l’expérience vraiment désagréable. À commencer par la vitesse de certains pilotes contrôlés par l’IA. Démarrage boulet de canon, virages pris sans jamais perdre de vitesse, vitesse de pointe hors de portée… En somme, il ne laisse aucune chance au joueur, quand bien même sa voiture serait largement au niveau requis pour entrer dans la course. Fait curieux, il suffit parfois de relancer la course pour que le rival en question lève le pied. Relancez une nouvelle fois, et il redevient un missile sur roues. Un petit bug de mise à niveau des IA ? Peut-être bien. Souhaitons que ce soit corrigé assez rapidement par Ghost Games car dans l’immédiat, lorsque cela arrive, mieux vaut compter sur une sortie de route ou une collision pour prendre la première place…
Nous avons également remarqué plusieurs soucis d’équilibrage lors des phases de nuit. La Police, très agressive, représente un joli défi qui peut vite se transformer en obstacle insurmontable. Accélérations improbables, dégâts infligés trop élevés… Cela peut vite devenir agaçant, surtout lorsque l’on sait tout ce qu’il y a en jeu.
D’ailleurs ces courses-poursuites, parlons-en : Ghost Games a certes réussi à ressusciter (en partie) l’ambiance de Need for Speed : Most Wanted, avec une police qu’il faut craindre et grâce à laquelle on peut vivre des moments très intenses ; mais on aurait voulu que le studio récupère quelques bonnes idées du jeu de 2005. Dans les faits, le joueur manque un peu d’outils pour rivaliser avec les forces de l’ordre, qu’il n’est pas toujours aisé de distancer. Most Wanted avait ainsi introduit le système de planques temporaires, des zones cachées qui pouvaient permettre d’échapper à une poursuite ; il était également possible de faire tomber des échafaudages, la cargaison d’un camion ou de faire explorer des stations-services pour gagner du temps. Heat n’offre rien de tout cela et c’est quand même bien dommage. Cela aurait apporté un peu de piment à des poursuites qui parfois s’éternisent un peu pour rien, au risque de frustrer le joueur.
Un jeu qu’on voudrait aimer
Et tout cela, c’est bien dommage, car Need For Speed Heat repose sur quelques bases plutôt solides, et si la période Underground/Most Wanted vous manquait, il aurait pu incarner le renouveau tant attendu. Palm City et ses environs sont tristement vides, mais ce monde ouvert a du charme, grâce à une belle variété d’environnements et de nombreux détails. De nuit, le jeu étale une direction artistique vraiment réussie, avec des paysages urbains franchement chouettes dans lesquels il fait bon rouler. Sans être une pépite de technologie, le titre de Ghost Games réussit à être plutôt joli, grâce à l’usage de plusieurs filtres de couleurs et du même grain que l’on retrouvait déjà dans les précédentes productions du studio.
Surtout, le studio a eu la bonne idée de ne pas trop en faire sur le scénario. S’il y a bien évidemment cette histoire de combat contre la Police corrompue de Palm City, Heat n’en fait pas trop. Le tout est assez discret et évolue en fil rouge, sans jamais prendre le pas sur les besoins ou les envies des joueurs. Comme dans un Need For Speed Most Wanted, dont il se rapproche beaucoup par moment, le scénario n’est qu’un prétexte, ce qui permet de se concentrer sur l’essentiel : faire la course.
Mais même lorsque l’on voudrait être plein de bonnes intentions, Heat enfonce le clou avec plusieurs soucis techniques. Outre les bugs d’IA, les hitbox parfois un peu hasardeuses et les freezes durant les temps de chargement, notre test aura également été agrémenté de plusieurs crashes (six en trois jours, pour être exact), et de deux déconnexions des serveurs du jeu, nous empêchant de sauvegarder les modifications en cours sur notre bolide. La bienveillance a des limites.
Points forts
- Dualité jour / nuit intéressante
- La customisation de véhicules toujours au top
- Une police qu’il faut craindre
- Une belle impression de vitesse
- Plutôt joli de nuit
Points faibles
- Le monde ouvert manque terriblement de vie
- Sensations de pilotage vraiment molles
- Physique erratique, avec des drifts improbables ou qui ne sortent pas quand ils devraient
- Quelques gros problèmes d’IA, avec des adversaires qui vont parfois beaucoup trop vite
- La police inflige trop de dégâts, le joueur pas assez
- En course, on n’a jamais vraiment la sensation de prendre des risques
- Quelques bugs constatés, et plusieurs crashes sur notre phase de test
Si la déception avait un goût, c’est probablement celui que l’on aurait en bouche s’il nous prenait l’idée saugrenue de mâchouiller notre copie de Need For Speed Heat. Le titre de Ghost Games a tout ce qu’il faut pour séduire les fans de Need For Speed, et notamment celles et ceux à la recherche du digne héritier de Most Wanted. Mais la conduite mollassonne, la physique erratique et plusieurs problèmes d’équilibrage font de Need For Speed Heat une expérience plus souvent frustrante qu’amusante.