Après avoir porté son Call of Cthulhu sur Nintendo Switch, Focus Home Interactive poursuit l'adaptation portable de son catalogue avec le titre de DONTNOD, Vampyr. Proposant le même contenu que les version PC et consoles de salon, cette mouture Switch propose-t-elle une expérience satisfaisante ?
Trailer de la version Switch de Vampyr
En mode nomade, le constat est plutôt positif. Vampyr s'en sort plutôt bien. Il propose une expérience fluide qui ne souffre que de rares chutes de framerates lorsque les environnements se font plus ouverts. En combat ou en exploration, d'une manière générale, l'expérience se déroule sans à-coups. Côté visuel, le rendu est certes en deçà des versions PS4 et Xbox One, mais il reste tout à fait acceptable même si nous n'aurions pas rejeté la possibilité d'augmenter la taille des textes, qu'ils s'agisse des sous-titres ou de l'ensemble des informations à lire en jeu, et autant dire qu'il y en a beaucoup.
En mode docké, Vampyr souffre d'un problème récurrent chez de nombreux portage. Le rendu visuel est particulièrement terne, les textures sont baveuses et le framerate est nettement plus régulièrement en souffrance. Ainsi, la version portable est clairement à privilégier si vous souhaitez découvrir Vampyr d'une manière plus conforme aux versions originales. En revanche, dans les deux modes de jeu, les temps de chargement peuvent s'avérer particulièrement longs et deviennent assez vite agacants. Côté contenu, vous ne serez pas lésé si vous optez pour cette version Switch qui embarque la même expérience que le jeu d'origine. Et si vous désirez connaître plus en détail les forces et les faiblesses de Vampyr, nous vous invitons à consulter le test d'origine ci-dessous,
Un pitch aussi infernal que savoureux
On commence donc cette aventure dans la peau de Jonathan Reid, médecin des quartiers huppés de Londres. Mort récemment dans des circonstances étranges, ce dernier accède dès la première scène du jeu à une toute nouvelle vie, sous les traits d'un vampire. Jeté dans un des nombreux charniers que compte la Londres décimée tant par la Grande Guerre que par la grippe espagnole, notre "héros" sera dès ses premiers instants de vie traqué par la milice de Priwen, une société secrète qui tente d'éradiquer le mal ésotérique qui ronge la ville. Cette dernière se compose de quelques quartiers, reliés entre eux par divers points d'accès et séparés par des zones de non-droit, où les créatures rôdent la nuit. De fil en aiguille, vous aurez la lourde tâche d'explorer votre monde, et de faire connaissance avec la soixantaine de PNJ "importants" qu'il va falloir trouver et potentiellement aider si c'est votre objectif. La finalité de votre quête ? Découvrir qui est votre créateur, vous venger de lui, et guérir l'étrange épidémie qui transforme les malades en véritables monstres...
Car oui, là où Vampyr tire son originalité, c'est dans l'importance des décisions que l'on prend. DONTNOD oblige, on notera dans l'ADN du titre une forte implication morale du joueur, qui devra décider, en tant qu'immortel, s'il daigne accorder de l'importance aux vies des membres d'un quartier ou, au contraire, les charmer et les tuer discrètement pour récolter de précieux points d'expérience... C'est par cette manne que nous monterons en compétences et en force, deux armes essentielles pour être à la hauteur lors des nombreux combats qu'implique l'aventure. Quêtes annexes, quêtes principales, crafting, commerce, arbre de talent, monde ouvert, dialogues à embranchements, le titre se pare de tous les atouts essentiels à l'élaboration d'un bon gros Action-RPG narratif. Et si l'ensemble est plutôt réussi, on restera toutefois sur notre faim à plusieurs égards.
Un vampire qui vous veut du bien
Sachez en préambule que les différents quartiers de Londres disposent tous de citoyens dédiés, tous liés à l'influence d'un "citoyen pilier", un homme ou une femme sur qui le quartier compte pour que la zone reste à peu près vivable pour les quelques civils présents. Si le pilier meurt, le quartier sombre immédiatement dans les limbes. Même constat si trop de personnes décèdent par vos "étreintes" sanglantes où par disparition. Au fil des combats et des quêtes, vous cumulerez de l'XP que vous pourrez utiliser en vous reposant dans un lit, ce qui vous enverra sur un arbre de compétences permettant de vous renforcer et d'apprendre de nouvelles techniques. Pendant votre sommeil, une journée se passera et les afflictions de chacun s’aggraveront potentiellement, ce qui fera diminuer le niveau sanitaire des différents quartiers. C'est donc à vous, Docteur Reid, de faire le sale boulot et d'aller chercher des composants pour fabriquer divers médicaments afin de soigner les fatigues, l’asthme, les maladies pulmonaires et autres soucis auxquels feront face vos ouailles.
L’intérêt d'une telle manœuvre, à première vue secondaire pour un vampire en temps de crise, est que le sang de vos citoyens sera de meilleure qualité s'ils sont en bonne santé. Chacun d'entre eux vous octroiera donc plus d'expérience si vous entretenez une relation de confiance avec eux et finirez par décrocher le gros lot en les tuant, même s'il est possible d'éviter cela. Tout ceci passe par le dialogue et par les allers-retours d'un PNJ à l'autre, histoire de faire avancer leurs trames et donc de débloquer des "indices" relatifs à leur psychés ou à leur passé. On vous recommandera donc de vous immerger totalement dans les quartiers, de faire avancer au maximum les histoires de certains PNJ que vous souhaitez croquer, et de vous repaître de leur sang afin de gagner suffisamment de points pour monter efficacement votre arbre de talents. A l'arrivée, vous serez suffisamment fort pour affronter le monde entier en combat, un pan du jeu lui aussi non-exempt de défauts.
Un système de combat limitant et limité
Pensé comme un classique de l'Action-RPG, le système de combat vous forcera à maîtriser le ciblage, l'esquive, les paterns de vos adversaires et vos compétences vampiriques (deux classiques et un ultime). C'est en revanche la pauvreté des possibilités qui viendra rendre les combats de ce Vampyr relativement redondants et finalement assez simples. En effet, si vous avez au début le choix d'investir dans plusieurs attaques et défenses dans votre arbre, la logique vous obligera très vite à "améliorer" plutôt que de diversifier pour éviter le gâchis d'expérience.
Le constat au bout de 25 heures de jeu est assez triste, nous n'avons utilisé que 3 attaques magiques durant tout le jeu et n'avons eu de cesse de fortifier les magies, les points de vie, l'endurance du héros et son stock de sang. Cette dernière jauge, que l'on pourrait croire essentielle dans un jeu de vampires est en réalité assez facultative dans la mesure où les joueurs auront très vite fait de mettre en arme secondaire un genre de couteau à prélèvement, qui permet de se redonner du sang. Cette denrée, notamment utile pour alimenter les pouvoirs vampiriques, vous permettra grâce à un sort très utile de convertir le sang en points de vie, rendant la majorité des combats bien trop simples.
On vous recommande donc de tenter de préserver le plus possible vos quartiers afin de contrebalancer cette abondance de combats un peu répétitifs par les intrigues des citoyens et l'exploration du lore. Malheureusement, la trame principale vous mettra bien souvent face à des choix éthiques, ce qui n'est pas un mal en soi, mais qui débouchera trop souvent, par un petit excès de roleplay dans le rôle du vampire désabusé, sur la fermeture pure et simple des quartiers concernés.
Une ambiance envoûtante
En dépit de ses défauts (toujours plus longs à évoquer que les qualités), Vampyr reste quand même ancré dans nos esprits après l’avoir terminé, et cette marque au fer rouge est en grande partie imputable à l’ambiance si particulière qui se dégage du titre. Tantôt empruntées à Dracula, tantôt inspirées d’Entretien avec un Vampire, les aventures de Jonathan Reid ont un charme certain et résonnent dans nos esprits, même après nos sessions de jeu. Cet écho est sans doute dû aux subtiles et distinguées mélodies composées par Olivier Derivière qui a totalement saisi ce qui faisait le charme irrésistible des créatures que l’on met ici en scène. Du choix des instruments aux compositions, en passant par les quelques moments « hors du temps » que s’autorise la B.O., il n'y a rien à redire : tout est parfait. Ajoutez à cela des doublages anglais du plus bel effet et vous obtenez une excellente bande-son pour le titre.
Focus sur l'excellente B.O. du jeu
Une montre à gousset mais pas de GPS
Parlons désormais de level design après avoir abordé le concept de quartiers et leur intime lien avec les PNJ que vous y croiserez. Sachez premièrement que si l’objectif était de reproduire l’aspect sinueux, voire même quasi-labyrinthique, des rues de Londres : le pari est pleinement réussi. On se perdra plus d’une fois dans des dédales et ruelles qui se ressemblent toutes, et l'on regrettera bien vite l’absence de mécanique de voyage rapide entre les quartiers, où même l’absence de mini-map, forçant le joueur à constamment vérifier sur la carte du menu s’il est sur la bonne voie. Parfois même, les jonctions entre les quartiers vous seront bloquées jusqu’à ce que vous obteniez une clé ouvrant la voie, une décision logique qui évite que l'on se retrouve dans des zones difficiles dès le début mais qui résulte sur le sentiment très frustrant d'avoir fait fausse route et de devoir changer d'itinéraire.
Un lore riche et efficace
On remarquera également un nombre impressionnant de lectures et dialogues disponibles, tous amarrés à une période fascinante de notre Histoire, enrichie aux mythes les plus fantasmés et paradoxalement les plus rares dans le jeu vidéo. Journaux intimes, coupures de journaux, affiches, manuels interdits ou livres d’histoire, vous aurez de quoi faire si vous aimez vous imprégner d’un lore riche. Et si c’est les dialogues qui vous branchent le plus, sachez que la soixantaine de PNJ ont tous leur histoire doublée, leurs envies, mais aussi leurs petits secrets, qu’il faudra percer à jour.
On s’attache à leur vécu, on dévie volontiers de notre route pour aller remplir les enquêtes qu’ils nous confient, on réfléchit pendant plusieurs secondes avant de leur ôter la vie, contraint ou simplement amusé d’amputer le quartier d’un personnage emblématique, lié à d’autres habitants d’une manière où d’une autre. Souvent même, après les avoir tués, leurs dernières paroles nous font regretter nos actes et c’est avec un petit pincement au cœur que l’on ouvre le dernier rempart de leur intimité, grâce à une clé trouvée sur leur cadavre, ou qu'on lit leurs dernières intentions, couchées sur la papier récupéré dans leur poche.
A ce niveau-là, le travail de recherche, de personnification et d’écriture est excellent. On regrettera toutefois que seuls les PNJ « importants » soient présents en ville car il faut bien l’avouer, Londres avec sa soixantaine de personnages errants dans des rues entourées de monstres aurait le mérite de paraître plus vivante. En un sens, la ville est ici à l’image du jeu, imparfaite mais diablement envoûtante.
Points forts
- Un univers noir qui nous engouffre dans ses intrigues pendant 20 à 30 heures
- Une bande-son merveilleusement sombre et réussie
- Se perdre dans les intrigues de la soixantaine de PNJ
- Des dizaines et des dizaines de lectures denses sur la peste, la grippe espagnole, la guerre et l’ésotérisme
- Un système de choix qui nous fait souvent hésiter et réfléchir
- Prise en main agréable en mode portable
Points faibles
- Combats redondants et systèmes de jeu souvent perfectibles
- Graphiquement plutôt limité
- Framerate fluctuant et affichage flou en mode docké
- Temps de chargement très longs
- Le level design labyrinthique, sans fast travel et sans mini-map
- Les décisions « moralement mauvaises » ponctionnent drastiquement le contenu du jeu
- Assez peu d’embranchements
Avec son concept original et ses parti-pris parfois archaïques en termes de game design, Vampyr agace autant qu'il fait rêver. En laissant le libre arbitre au joueur, DONTNOD lui offre la possibilité de faire de Londres un terrain stérile, jonché de combats pas vraiment inspirés. Un tel cheminement moral, bien que possible et pris en compte, est en tout point à éviter sur Vampyr car il vous priverait de ce que le jeu a de mieux à offrir : son ambiance si particulière et ses PNJ. Univers halluciné, coincé entre la guerre, la maladies et l’ésotérisme, le monde de Vampyr nous offre une trentaine d’heures de lecture, de dialogues et de quêtes, desquelles on ressort satisfait mais forcément déçu de certaines mécaniques. Un bon jeu, qui aurait tout de même mérité plus de soin au niveau de la cohérence de ses différents systèmes. Cette mouture Switch rempli en tout les cas plutôt convenablement son rôle, notamment en mode portable, même si de son côté, le mode docké lui, est plutôt à éviter.