Août 1944, vingt-huitième jour de l’insurrection de Varsovie. Au sein de la capitale polonaise, les combats font rage et les résistants, au prix de lourds sacrifices, s’organisent pour contrer l’envahisseur nazi et recouvrer l’indépendance de leur nation. L’évènement se traduira par un bain de sang et la capitulation des insurgés deux mois après le début des hostilités. Depuis, chaque premier août, à 17 h, les sirènes retentissent et la ville (ainsi que le pays tout entier) s’arrête pour une minute de silence. En calquant le style artistique et les mécaniques du très bon Darkest Dungeon, le studio local Pixelated Milk met en lumière un pan largement méconnu et tragique de l’Histoire et ouvre le tactical-RPG à un chapitre important du destin après-guerre de tout un pays.
La guerre sans concession !
L’introduction immerge le joueur au cœur des combats sanglants de l’époque. La première séquence est d’ailleurs tout un symbole puisqu’elle reproduit, dans un amas de fumée, l’explosion qui a dévasté, le 28 août 1944, l’immeuble des assurances britanniques. Le bâtiment, le Prudential, frappé par un obus de deux tonnes, est alors sérieusement ébranlé. Dans la rue, au milieu des ruines, une femme médecin de guerre s’élance pour porter secours aux occupants pendant, qu’au loin, un soldat allemand lâche son chien. Elle parvient jusqu’à l’édifice partiellement détruit mais il est déjà trop tard. Alors qu’elle se penche sur le corps de son compagnon, le canidé la rattrape et plusieurs détonations retentissent, laissant le spectateur sans voix. Pas de doute, Warsaw ne nous épargnera rien.
La population prend les armes
Pour comprendre pourquoi un tel évènement a eu lieu, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. En 1944, la Pologne est tiraillée entre l’oppression nazie (qui dure depuis des années) et la menace soviétique qui se fait de plus en plus forte. Sous l’impulsion du gouvernement en exil, l’Armia Krajowa (Armée de l’Intérieur polonaise), une poche de résistance clandestine, choisit de prendre les armes. Son objectif : reprendre le contrôle de la ville pour entrevoir un avenir meilleur. Warsaw retrace ces actes héroïques et débute par un court tutoriel enseignant les bases du jeu, de la phase de déplacement à travers les différents quartiers de Varsovie aux faces-à-faces avec l’ennemi. Chaque mouvement est matérialisé par une jauge de points d’action qui s’effrite à mesure que le groupe se déplace. Dès lors, il faut prendre garde aux ennemis qui sont postés ça et là (surtout que certains ont un champ de vision élargi) tout en récupérant de précieuses munitions ou renseignements. Comme indiqué dans la preview, il n’est ici pas question de remodeler l’histoire mais plutôt de résister le plus longtemps possible, comme un miroir aux soixante-trois jours de confrontation urbaine vécus par les insurgés et les civils. Warsaw est assez simple à appréhender. Avant chaque mission, le joueur prépare une escouade de quatre membres dans le but d’atteindre différents objectifs : récupérer du matériel, éliminer des patrouilles, rallier un autre groupe de résistants, assassiner un haut-gradé, réparer des lignes de communication, etc. On pouvait ainsi craindre que l’hommage à Darkest Dungeon se transforme en une copie sans identité. Heureusement, il n’en est rien.
Le repaire de la résistance
Avant chaque mission, la résistance s’organise au sein du repaire, une sorte de Q.G de fortune regroupant les différentes sections du régime clandestin. L’infirmière, comme son nom l’indique, est là pour surveiller le niveau de vie des membres de l’escouade mais aussi leur rétablissement. C’est la garante de la santé du groupe et elle est indispensable dans la mesure où les soins administrés sur le terrain disparaissent dès que le joueur retourne au repaire. Le recruteur, quant à lui, enrôle des volontaires et permet, malgré les pertes, de poursuivre la mission. Mais attention, ces volontaires n’ont pas l’expérience des insurgés et augmentent le coût des provisions. De son côté, l’archiviste donne accès au codex, une encyclopédie répertoriant les personnages, les armes et les ennemis. Dans un tel conflit, l’accès aux munitions est également important, c’est là qu’entre en jeu la ravitailleuse dont le stock sortira le joueur de bien des mauvais pas. Pour terminer, l’informateur donne un aperçu de l’état de l’insurrection et vous propose différentes missions. La préparation étant absolument vitale à la bonne tenue des opérations, inutile de dire que vous allez en passer du temps dans ce repaire. Si les à-côtés sont importants, l’organisation du groupe l’est encore plus. Pour obtenir un équilibre entre les membres de l’escouade, il faut veiller à choisir les bonnes compétences (quatre actives, quatre passives). Et cela passe, bien évidemment, par un système de classes – tank, distance, corps-à-corps, soin – et de points d’expérience visant à booster lesdites compétences. La progression est assez classique mais propose, à défaut d’une grande variété, une agréable approche tactique.
Les yeux dans les yeux
À la différence de Darkest Dungeon, les protagonistes sont placés sur deux axes (et pas les uns derrière les autres), soit au premier, soit au second plan. Les compétences ne peuvent être déclenchées qu’en fonction du positionnement de vos soldats et il est possible de les déplacer durant l'affrontement. À cela viennent s’ajouter des obstacles, destructibles, pouvant servir de couverture et pouvant, le cas échant, causer des dommages collatéraux. Ensuite, durant le combat, il faut veiller à gérer l’endurance matérialisée par trois barres (qui s’estompent au fur et à mesure). Plus l’endurance est élevée, plus votre tir a de chance de performer. Dans le cas contraire, le risque d’échouer n’est pas à négliger. Si les premières escarmouches ne posent guère de problème – malgré la résistance de l’adversaire – la suite de l’aventure ne laisse pratiquement aucune place aux erreurs. Et comme les munitions se font rares, certains objectifs peuvent vite se transformer en passage insurmontable. En dépit de ce qui était espéré dans la preview, Warsaw souffre d’une répétitivité constante (certes, on accède à des évènements aléatoires mais ça ne va pas assez loin), le schéma est toujours le même et la difficulté est très mal dosée, en plus d’être non modulable. On passe son temps à soigner ses partenaires (en clair, on évolue avec des recrues la majeure partie du temps pendant que les héros sont en train de récupérer) en ajoutant des compétences aux personnages dès que ça devient possible. Dès lors, l’aspect tactique s’étiole et il faut également noter que l’interface manque globalement d’informations si bien qu'on en vient à essayer des compétences pour comprendre leur finalité. Warsaw ne manque pas d’idées, possède une ambiance bien à lui et une direction artistique remarquable mais il souffre d’un déséquilibre flagrant qui ne pourra convenir qu’aux acharnés du genre. Dans l’attente d’un patch, c’est un peu du gâchis. Alors, espérons qu’il arrive vite car ce titre a du potentiel mais il n’en profite pas.
Points forts
- Une période historique fascinante
- Direction artistique réussie
- Les différentes phases
- La gestion du matériel et des recrues
- La variété de l'arsenal
Points faibles
- Extrêmement punitif
- Pas de difficulté paramétrable
- Interface qui manque de clarté
- Une progression qui n'évolue pas
- Munitions beaucoup trop rares
À moins d’être un spécialiste du tour-par-tour, Warsaw risque de vous laisser un goût amer. Faute d’une difficulté modulable et d’un gameplay équilibré, le jeu de Pixelated Milk se transforme en douloureux parcours du combattant. Trop punitif pour être intéressant sur la longueur, le jeu souffre également d’une répétitivité fatigante. Ce constat est d’autant plus regrettable que l’atmosphère et la sensation d’urgence sont particulièrement bien rendues. En attendant que des mises à jour soient déployées, Darkest Dungeon – dans un tout autre registre – peut dormir tranquille. Dommage car Warsaw a une identité bien à lui.