Wildlands était un pari risqué pour la franchise Ghost Recon, un pari relevé haut la main par Ubisoft et son studio situé à Montreuil. Ce jeu de tir à la troisième personne s’aventurait dans une bolivie en monde ouvert propice au dépaysement et à la coopération… un TPS encore perfectible sur certains points. Les Ghosts reprennent du service en 2019 pour affronter l'un des leurs dans Ghost Recon Breakpoint. Cette nouvelle opération militaire surpasse-t-elle son aînée ?
Le territoire des loups
L’opération Oracle de Wildlands a eu des répercussions inattendues. En total désaccord avec sa hiérarchie, Cole D. Walker quitte les Ghosts et fonde une société paramilitaire supposée protéger les installations de Skell Technology sur l’archipel Auroa. Mais les choses vont très vite mal tournées suite au naufrage de l’USS Seay et au massacre des agents de la CIA envoyés sur place dans le cadre de l’opération Greenstone. Survivant de l’attaque des Wolves, le soldat NOMAD tente de survivre sur une île hostile et de mettre un terme aux agissements de ses anciens compagnons d’armes devenus renégats.
Ghost Recon Breakpoint s’intéresse à la montée en puissance des intelligences artificielles et au développement des armes autonomes… des thèmes chers à la science-fiction. Dans ce cadre technologique propice à un récit d’anticipation, Ubisoft tisse des liens avec un futur plausible… celui de l’avènement des machines et de la toute puissance mécanisée des drones. Si Wildlands souffrait d’une narration minimaliste, sa suite directe met les bouchées double afin d’offrir aux Ghosts un scénario haletant aux élans cinématographiques sincères. Jon Bernthal, connu pour son rôle du Punisher dans la série de Netflix, prête ainsi ses traits au fameux Cole D. Walker, vilain autoproclamé de ce Breakpoint.
L’iconisation de certains personnages transforme ainsi de simples ennemis, autrefois des coquilles vides, en véritables antagonistes. Toujours dans l’optique d’immerger le joueur, ce dernier peut au détour d’une conversation faire face à un choix moral qui malheureusement n’a aucune incidence sur le déroulé de l’histoire et sert uniquement le roleplay. Malgré tous les efforts consentis et les heures de cinématiques en stock parmi lesquelles des flashbacks dévoilant le passé commun de Nomad et de Cole D. Walker, Ghost Recon Breakpoint peine à captiver par son scénario… certe bien ficelé et riche de multiples rebondissements… mais terriblement convenu. Mention spéciale tout de même à Jon Bernthal et à l’intensité qu’il dégage à la moindre de ses apparitions.
Bande-annonce Live Action
Into the Wild
Breakpoint quitte les contrées verdoyantes de l’ancien narco état bolivien direction l’océan Pacifique et Auroa, un archipel fictif né de la dérive des continents il y a plusieurs millions d’années de cela. Ubisoft a imaginé une île à la végétation complexe et luxuriante, une topographie marquée par l’Histoire regorgeant de mystères et de lieux à découvrir au gré des missions et de l’exploration. Ce paradis austral se compose de 8 biomes triés sur le volet parmis lesquels des jungles, des marais, des zones montagneuses et désertiques ainsi que de nombreux édifices, témoins des différentes civilisations ayant colonisé tour à tour l’endroit. Une chose est sûre. Le dépaysement est au rendez-vous et l’invitation à découvrir chaque parcelle de cet immense monde ouvert attrayante.
Ubisoft n’a plus rien à prouver en matière de conception d’open world et pourtant l’éditeur se surpasse une fois encore. Les artistes se sont attardés dans le détail sur chaque environnement afin de rendre l'ensemble crédible et surtout vivant. La météo dynamique et ses vents violents balayant la végétation, le cycle jour/nuit idéal pour infiltrer une base ennemie, la présence d’une faune éparse… L’archipel brille de mille feux et de mille couleurs. Néanmoins, le relief extrêmement accidenté et escarpé ne facilite pas les multiples déplacements requis par les missions et quêtes secondaires à remplir, la faute à un réseau routier peu dense. Auroa se veut réaliste quitte à frustrer par instant.
Un opérateur doit survivre par ses propres moyens et ce TPS ajoute à la formule de Wildlands une dimension “survie” parfaitement calibrée pour nous plonger dans la peau de ces agents surentraînés. Les bivouacs, disséminés sur toutes la carte, répondent à cette approche “simulation” recherchée. Survivre rime dans le cas présent avec préparation minutieuse de chaque mission et la récolte de ressources nécessaires à la progression. La faim, la soif et le repos sont autant de variables à prendre en compte pour conserver toute son efficacité en combat, une efficacité représentée par une barre d'endurance.
Les blessures jouent quant à elle les trouble-fêtes et poussent les joueurs à la prudence. Une fois blessé, le Ghost se vide rapidement de son sang. Le retour à la normale passe par des soins à appliquer sur le champ de bataille… à condition de trouver 30 secondes de répit entre deux assauts. Le Ghost compte également sur ses connaissances de "MacGyver" pour fabriquer des équipements essentiels pour rester en vie via un système de craft simple et accessible. La franchise Ghost Recon vise donc une certaine authenticité et y parvient en plongeant les joueurs dans la peau d’un agent avec son gameplay à mi-chemin entre simulation et arcade.
Les animations toujours plus réalistes participent à l'authenticité tant recherchée par Breakpoint. Retirer la boue du canon de son arme, repousser les branchages, glisser le long d’une pente… le réel passe par le détail et Ubisoft s’emploie à retranscrire chaque gimmick, chaque geste d’un opérateur et à les rendre toujours plus crédibles. Il en résulte un comportement et un panel de mouvements criants de vérité. Attention tout de même à conserver la réactivité nécessaire au gameplay. Le réel ne peut décemment prendre le pas sur le plaisir de jeu. Simulation ou Arcade ? Ce Ghost Recon danse sur le fil.
Ghost Recon Breakpoint : bilan technique de la version PC
Gameplay : Premiers pas sur Auroa (version PC)
A couteaux tirés
Ubisoft s’appuie sur les réussites de l’épisode précédent pour concevoir un TPS laissant le joueur libre de ses actes et de sa progression. Wildlands abandonnait la linéarité de la saga Ghost Recon au profit d’une aventure empreinte de liberté, mais répétitive avec sa suite de cibles à abattre. Breakpoint brise cette approche systémique. Nomad endosse ici le rôle d’un Ghost enquêtant en territoire ennemi. Pour ce faire, cet agent de la CIA rassemble des indices, interroge des témoins, détermine où et quand frapper les Wolves avec précision afin de faire progresser l’histoire. L’éditeur pousse cela un cran plus loin en proposant deux modes distincts, le traditionnel “Guidé” pointant les objectifs sur la carte, et l’énigmatique “Exploration” privilégiant la découverte par soi-même.
A la différence de son prédécesseur, Ghost Recon Breakpoint vous autorise à jouer les kamikazes et à fondre sur le boss final à peine parachuté sur Auroa… une tâche envisageable mais on ne peut plus ardue à même de mettre à l’épreuve les joueurs les plus téméraires. Les autres agents parcourent l’archipel et attendent patiemment l’heure propice pour retirer la cible. La patience est une vertue et cela ne saurait être plus vrai avec la saga Ghost Recon. La dimension tactique prévaut bien souvent sur l’action soutenue. Cela pousse les opérateurs à marquer les forces en présence, à analyser la situation et à planifier minutieusement leurs attaques à l’aide de nombreux gadgets dont le drone… allié iconique de la franchise… sous peine de mourir sous les assauts répétés des Wolves. Il est préférable dans la majorité des cas d’éliminer un maximum de gardes ou à s’infiltrer sans être repéré et à s’extraire du lieu en toute discrétion. Ghost Recon Breakpoint encourage les agents à agir dans l’ombre.
Autrefois le chasseur, le Ghost est devenu la proie des loups. Constamment en alerte, ce dernier n’utilise la violence qu’en dernier recours. Mais un plan ne se déroule jamais sans accroc et la poudre parle plus souvent qu’à son tour lors d’escarmouches intenses où la moindre rafale s'avère mortelle. Et le ressenti arme en mains intensifie grandement des combats prônant les tirs à la tête et un certain sens du “réalisme”. Abattre un soldat procure un réel sentiment de maîtrise sur les événements, une maîtrise capable de voler en éclat la seconde suivante. Car les Wolves ne plaisantent pas.
Cole D. Walker compte dans ses rangs tout un tas d’anciens Ghost surentraînés qui donnent du fil à retordre aux Ghosts restés fidèles à l’Oncle Sam. Et comme si cela ne suffisait pas, ce groupe paramilitaire a pris le contrôle des armes autonomes développées par Skell Technology et cette nouvelle menace n’est pas à prendre à la légère. Cette force mécanisée n’abandonne jamais, encaisse sans broncher et possède une puissance de feu dévastatrice. Les Ghosts ne comptent alors que sur la ruse et leurs équipements pour en venir à bout sous peine de manger les pissenlits par la racine. Les Behemoth, monstres de plusieurs tonnes rugissant à l’approche d’une menace, démontrent la dangerosité de ce nouvel ennemi mécanique.
L’intelligence artificielle donnant vie aux ennemis souffre d’un mal moderne persistant sans pour autant être rédhibitoire. L’I.A récite les gammes du TPS contemporain (couverture, contournement, assaut…) et ne brille pas par son intelligence, mais compense son manque de réactivité par le nombre et une agressivité à toute épreuve. Les phases d’infiltration en pâtissent également. Un jeu vidéo reste certes un jeu vidéo. Cependant, exploiter les pertes de mémoire de l’ennemi et autres failles du genre altère quelque peu l’approche “réaliste” et “authentique” de ce Ghost Recon Breakpoint
Gameplay : Mission de sauvetage
Loot qui peut
Un jeu récent d’Ubisoft ne serait que l’ombre de lui-même sans des mécaniques RPG généreuses et bien huilées. La personnalisation de l’avatar Nomad et sa montée en puissance retranscrivent parfaitement cette envie d’immerger le Ghost au coeur de sa propre aventure. L’expérience, les armes et les équipements glanés assurent à l’agent de la CIA une force de frappe et une résistance grandissantes à mesure que l'histoire progresse. Et ce gain d’efficacité passe avant tout par le loot et donc par l’exploration d’Auroa, l’élimination des Wolves et la réalisation de missions synonymes de récompenses.
Le gain d’expérience débloque tout au long de l’opération de nouvelles aptitudes passives ainsi que des avantages très utiles à assigner au Ghost via un arbre de compétences très fourni. Le choix de classe parmis les 4 disponibles (médecin, assaut, panthère, sniper) précise le rôle de l’agent sur le terrain en lui octroyant une technique, un objet et plusieurs maîtrises liés à la classe sélectionnée. Cette décision n’est pas pour autant gravée dans le marbre. Les joueurs alternent à leur guise à condition de les avoir déverrouillées au préalable.
“Ça, c'est mon fusil. Il y en a beaucoup comme ça, mais lui c'est le mien. Mon fusil, c'est mon vrai copain, lui c'est ma vie.” (Full Metal Jacket) Breakpoint suit les traces de son prédécesseur et met à disposition des Ghosts un système complet de customisation et d’amélioration des armes et des items. L'efficacité d’un agent se traduit par un “niveau d’équipement”, moyenne des différents items assignés à votre avatar, et ce dernier ne fait que croître à mesure que vous arpentez l’archipel et affrontez les Wolves. Via le Gunsmith et une mécanique de crafting simple, les armes gagnent en puissance. Breakpoint gratifie en permanence les joueurs avec des récompenses toujours plus nombreuses. Cette course incessante au loot encourage et motive, mais possède les défauts de ses qualités… A trop changer de matériel, les Ghosts ne s’y attachent que trop peu.
Sujet brûlant pour les joueurs, les microtransactions sont bel et bien du voyage dans Ghost Recon Breakpoint. Les Ghosts ont la possibilité de débloquer des armes, des équipements, des véhicules et des cosmétiques… en déboursant des crédits pour acheter des bundles et autres packs. Il existe ainsi deux monnaies distinctes : les crédits Skell et les Ghost Coins. Si la première se glane en jouant, la seconde nécessite de passer à la caisse. Cependant, l’intégralité du contenu peut être obtenu en jeu à l’exception de certains items cosmétiques uniquement disponibles sur la boutique en ligne. La majorité des achats s’apparente donc à des facilitateurs et des accélérateurs pour les joueurs moins patients désireux de débloquer tout et tout de suite.
Gameplay : Personnalisation, armurerie, Gunsmith et compétences
Duel dans le Pacifique
Le multijoueur n’a débarqué que plusieurs mois après la sortie de Wildlands. Ce mode intitulé “Ghost War” apprécié par la communauté revient dans Breakpoint et invite les joueurs à s’affronter en 4v4 sur des cartes réduites. Le multijoueur conserve l’approche tactique de la campagne scénarisée et l’essence même de la franchise en poussant la coopération et la coordination à son paroxysme afin de prendre le dessus sur l’équipe adverse en remplissant certains objectifs (éliminer l’opposition, poser/désamorcer une bombe…). Ce versus met donc l’accent sur la synergie entre les différentes classes et les spécificités des joueurs composant l’escouade.
Avant de faire parler la poudre, faut-il encore connaître la position de l’ennemi. Un jeu du chat et de la souris s’engage alors entre les forces en présence. Le son et les drones jouent un rôle crucial et permettent de prendre l’avantage lors d’affrontements finalement sporadiques. Le système de blessure accentue l’intensité des combats et révèle chez les agents un puissant instinct de survie. Ghost War mute partiellement en 2019 pour offrir aux joueurs une expérience intense et tactique. De plus, Ubisoft normalise les équipements et bloquent certaines compétences afin de garantir une équité nécessaire en PvP, malgré une domination encore sensible des snipers. Dernier détail et non des moindres, votre avatar partage une seule et unique progression entre les différents modes de jeu.
Ghost Recon Breakpoint s’apprécie certes en solo, mais prend tout son sens à plusieurs lorsque la moindre erreur est une source assurée de fun. La coordination et la communication entre les membres de l’escouade ajoutent une dose de sel et d’imprévisibilité qui donne tout son sens au titre. Le TPS d’Ubisoft mise sur une expérience partagée pour se sublimer et le résultat est à la hauteur des attentes placées en lui. Rejoindre une partie est d’une facilité déconcertante et se fait en un claquement de doigt et il en va de même pour les raids, des missions à la difficulté relevée pensées pour la coopération. Il est impensable d’explorer Auroa uniquement en solo tant Breakpoint exprime tout son potentiel à plusieurs.
Gameplay : Soigner, éliminer, désamorcer et mourir en PvP
Points forts
- Auroa, un archipel fictif luxuriant...
- Une narration à la portée cinématographique incarnée par l’acteur Jon Bernthal
- Les thèmes abordés de la militarisation et des armes autonomes
- Une campagne intégralement jouable en coopération
- La dimension tactique et l’intensité des affrontements
- Un gameplay axé sur l’authenticité et la survie
- La générosité du loot et la personnalisation du Ghost
- Les animations ultra réalistes des personnages
- Les modes multijoueur “Ghost War” et “Raids”
Points faibles
- … au relief bien trop accidenté
- Le classicisme d'un récit sans surprise
- Une intelligence artificielle toujours aussi perfectible
- La multiplication des microtransactions
Ghost Recon Breakpoint reprend parfaitement le flambeau après un Wildlands mémorable. Ubisoft parvient à sublimer sa vision du TPS en monde ouvert et à y insuffler suffisamment de nouveautés pour séduire les fans de la franchise. Généreux tel est le terme à dégainer pour qualifier cette nouvelle aventure des Ghosts. L’authenticité et la survie, centrales à l’expérience, accentuent l’urgence des situations et ce sentiment oppressant d’être la proie, et non plus le chasseur, sur Auroa. Cet archipel transcendé par le réalisme de ses graphismes et un sens affûté du détail est une invitation au voyage et à l’exploration que ce soit seul ou à plusieurs. Car Breakpoint se savoure véritablement en coopération avec sa campagne et ses raids intégralement jouables à 4, sans oublier son mode compétitif “Ghost War".