Trois ans après The Technomancer, le studio français Spiders tente à nouveau le pari de l'action-rpg double A avec Greedfall. Changeant totalement d'univers pour nous plonger dans un monde fantastique typé Europe du XVIIe siècle, on espérait que le titre parvienne à gommer les défauts de la précédente production et à se hisser dans le haut du panier. Si on l'a longtemps cru grâce à de belles qualités, il s'avère que le titre a fini par nous faire ravaler notre enthousiasme grandissant.
Dans Greedfall, tout commence à Serène, sur le continent, où De Sardet, le personnage qu'on incarnera, nièce du dirigeant de la Congrégation des Marchands, se fait tirer le portrait. Ce n'est ici qu'un prétexte pour déterminer l'apparence et le sexe de notre avatar, qui est attendu afin d'embarquer sur un navire, direction Teer Fradee, une île récemment découverte et progressivement colonisée. L'objectif est simple : établir le pouvoir de notre nation et trouver un remède contre la Malichore, une sorte de peste qui décime la population, quelle que soit sa classe sociale. Mais la Congrégation n'est pas la seule dans la balance puisque l'île est habitée par des natifs, répartis dans divers villages, par des représentants de Thélème, une nation religieuse, par l'Alliance du Pont, des scientifiques orientaux, la Garde et les Nautes, le peuple des mers.
La diplomatie, l'art de la guerre par d'autres moyens
Vous l'aurez compris, le joueur devra manoeuvrer avec toutes ces factions pour progresser, d'autant qu'elles sont liées à un système de réputation, qui pourrait vous offrir quelque aide en temps voulu ou au contraire, vous handicaper. Soutenir certains groupes se fera au détriment d'autres, et orientera l'issue du scénario d'une certaine manière, d'autant que chacun de nos compagnons appartient à une faction. Bien que celui-ci finisse par se prendre les pieds dans le tapis, on prend, durant les deux tiers du titre, plaisir à découvrir leurs histoires et résoudre leurs quêtes dédiées. Pour avancer, le jeu repose sur un système de quêtes assez bien pensé, proposant diverses possibilités d'approche. Il vous faut rentrer dans un entrepôt gardé par les Nautes ? Il est possible d'en débusquer la clé, de revêtir le costume de la faction, de s'infiltrer ou d'affronter directement les pnj présents, au risque d'entacher votre réputation. A ce niveau là, Greedfall conserve longtemps son intérêt, d'autant que les environnements, des zones semi-ouvertes malheureusement pleines de murs invisibles, recèlent quelques panoramas qui préservent l'attrait de la découverte.
Au fur et à mesure de la progression, les joueurs gagneront des niveaux, débloquant ainsi des points dans les trois arbres de compétences du jeu. Le premier, celui qui disposera le plus souvent de points, se répartit en trois branches : le corps à corps, la magie, et les armes techniques à savoir les armes à feu, et les pièges. Là où ce dernier est très bien pensé, c'est que certaines compétences sont nécessaires à la manipulation de certaines armes ou objets. Le second arbre est dédié aux attributs (force, agilité, précision, constitution), tandis que le troisième est réservé aux talents, qui se composent du charisme, de la capacité à crocheter, de l'artisanat, etc.
Ce dernier a surtout un impact que la manière de résoudre les quêtes et sur la capacité à fouiller l'environnement. Ainsi, la spécialisation et les choix faits lors de la progression affectent réellement le style du personnage que l'on joue, là où de nombreux titres du genre finissent par nous offrir un personnage quasiment identique. De plus, de nombreuses armes et pièces d'armures peuvent être améliorées par l'artisanat ou en utilisant les service d'un forgeron, chaque amélioration modifiant un peu l'aspect de ces dernières et renforçant la personnalisation des personnages. Cependant, il est possible qu'en fonction des armes et équipements ramassés au fil de l'aventure, et il y en a plus de 200, il faille repenser la répartition. Pour cela, le titre offre à quelques moments des cristaux capables de tout réinitialiser. Sur cet aspect RPG, Greedfall réussit bien mieux que The Technomancer, qui s'en sortait mieux au niveau des combats que de sa partie RPG.
Allez en garde, ma mignonne !
Justement, les combats, parlons-en. Dans la majorité des cas, ils se dérouleront à trois contre les ennemis, puisque deux compagnons vous accompagneront. Ils sont à choisir parmi les cinq qu'on rencontrera tout au long du jeu, bien que certains nous soient parfois imposés. Si on ne les contrôle pas directement, ce qui occasionne parfois des affrontements un peu fouillis et des camarades restant inutilement au contact, il faut les équiper et ceux-ci se débrouillent plutôt pas mal. Tout comme notre personnage principal, il faut leur donner des armes et des pièces d'armure, disposant toutes de statistiques propres, et sont dotées de résistances ou de faiblesses particulières. Dans la pratique, les combats reposent sur une gestion tactique de la parade, des esquives et sur l'utilisation des compétences qui fonctionne.
Assez nerveux, les affrontements peuvent être gérés réalisés sans avoir à s'arrêter ou par la pause active, une riche idée des développeurs qui permet de mieux gérer les actions à venir. S'ils manquent encore un peu d'impact, les coups se font sentir, et une mauvaise gestion conduit assez rapidement à l'échec. Malheureusement, le bestiaire est assez limité, et se recycle constamment au point de rendre les combats, attrayant dans la pratique, redondants. Les créatures sont réussies, transmettent bien l'idée de la nature en tant que gardienne, mais sont trop souvent réutilisées, occasionnant même parfois l'accomplissement de quêtes quasiment identiques à quelques minutes d'intervalle.
Une histoire prenante qui se saborde d'elle-même
Quant au scénario, il est difficilement dissociable des environnements, dotés d'une direction artistique automnale sublime, qui parvient à combler les lacunes techniques en nous offrant régulièrement des vues saisissantes. Ces derniers sont au nombre d'une dizaine, et comprennent plaines, forêts, montagnes, villes et villages, de quoi faire varier les plaisirs sans nuire à la cohérence de l'ensemble, le tout accompagné des magnifiques compositions musicales d'Olivier Derivière. Tout est fait pour que l'on saisisse la nature indomptable des environnements, d'autant que la magie et les rituels sacrés se rappellent constamment aux joueurs.
Au sein de ceux-ci se déroule donc l'histoire, qui réussit à longtemps nous faire croire qu'elle sait où elle va. On explore, on recherche le remède à la maladie, on rend des services, on gère les relations diplomatiques, et on se confronte au colonialisme. Pendant les deux tiers du jeu environ, l'aspect très Fedex des quêtes se fait assez facilement oublier, grâce à une écriture assez intelligente, bien que les ficelles restent parfois grossières, à des possibilités d'actions assez larges et des personnages extrêmement bien caractérisés. Plusieurs histoires sont lancées en même temps, disposent de leurs enjeux propres, et parviennent même à se connecter entre elles, donnant une réelle cohérence à l'ensemble. On finit même par oublier ce qui relève de la quête principale ou de la secondaire et à ce titre, l'ambition de proposer un Witcher-lite est réussie.
Cependant, une fois un certain point dépassé, on se rend compte que le titre manque d'un ennemi iconique, qu'il cherche à résoudre toutes les intrigues lancées, avant de nous proposer des choix vus mille fois, tandis que les conséquences de tous ceux réalisés auparavant sabordent leur existence. Pis encore, dans cette idée de refermer toutes les portes ouvertes par les nombreuses quêtes, le titre se replie sur lui-même et s'enferme dans un tunnel faisant ressortir tous les défauts du jeu, à savoir les allers-retours incessants, le manque d'enjeux réels, la limitation du bestiaire et le clonage d'assets, qu'on pardonnait jusqu'alors. Ainsi, le titre rate complètement son climax, et les séquences finales ne provoquent qu'un sentiment de déception au regard du plaisir pris auparavant. On est comme face à un plat, pourtant doté de bons ingrédient, qui ne satisfait pas. C'est vraiment dommage, d'autant que durant 25 des 35 heures nécessaires à boucler l'histoire principale, on s'amuse plutôt bien.
Terminons enfin par un point technique. Greedfall est beau, fluide, malgré les lacunes techniques, dont la présence de murs invisibles, des animations faciales d'un autre âge, et par une certaine rigidité des commandes. Sur consoles, le titre tourne sans problème, sacrifiant quelques effets de brouillard et de particules contrairement à la version PC, qui autorise des configurations modestes à rendre hommage à la très réussie direction artistique et aux efforts techniques de l'équipe. Le travail accomplit est saisissant, et rares sont les jeux en 3D classés double A à pouvoir se targuer d'avoir de si beaux atours.
Points forts
- L'équilibre action et RPG
- Les différents moyens de résoudre les quêtes
- Des personnages intéressants
- Une direction artistique efficace
- Des combats réussis
- La construction du personnage
- Une histoire bien écrite...
Points faibles
- ....désamorcée par un dernier tiers raté
- Des allers-retours incessants et souvent évitables
- Les animations restent assez rigides
- Un bestiaire limité
- Les choix ont finalement trop peu de conséquences
- La taille des sous-titres sur consoles
- L'impossibilité d'utiliser la pause active pour commander ses compagnons
Greedfall est majoritairement un titre qui vaut le coup d'oeil, doté de mécaniques efficaces et cohérentes. L'écriture est intéressante, les combats réussis, et l'univers renouvelle régulièrement l'intérêt du joueur pour l'exploration et la résolution des quêtes. Ainsi Spiders semble avoir trouvé la bonne formule et le bon équilibre, ce qui est très encourageant pour la suite. Malheureusement, la structure du jeu s'effondre dans son dernier tiers, en désamorçant les enjeux présentés jusque-là , et en faisant ressortir les défauts qu'on était malgré tout parvenu à oublier. Il ne faut pas nier une certaine déception en observant le titre se prendre les pieds dans le tapis, d'autant que tout a longtemps semblé en place pour qu'il soit l'une des belles surprises de la rentrée.