Annoncé lors de la Paris Games Week 2017, le thriller ERICA est disponible depuis quelques jours. Sous ce film interactif, capté en prises de vue réelles, se cache un concept qui ramène dans les années 1990. En découvrant l’œuvre du studio Flavourworks, on repense à ces jeux en full motion video (FMV) sortis sur Mega CD ou, plus proche de nous, au survival-horror Sadness qui a été annulé sur Wii. Tel un réalisateur de long-métrage, le joueur écrit sa propre histoire à mesure des évènements et du scénario. Encore faut-il que l’histoire soit suffisamment bien écrite pour ne pas nous faire décrocher. Alors, ERICA, vraie révélation ou future nomination aux Razzie Awards ?
Les photos de cette critique se concentrent volontairement sur la première partie de l'intrigue.
Erica est-il un jeu bâteau ?!
ERICA fait partie de la gamme Playlink et vise donc un large public. Le gameplay se résume à utiliser son smartphone ou le pavé tactile de la manette pour interagir avec diverses séquences du film. Que ce soit avec votre portable ou le pad de la PlayStation 4, il s’agit juste de glisser son doigt de différentes manières, comme au départ, pour ouvrir et allumer un briquet. Ou, plus tard, « nettoyer » son écran pour enlever de la buée sur une vitre ou de la poussière sur une plaque. Le jeu réagit plutôt bien mais l’interactivité reste toutefois très limitée. Ce n’est pas avec ce type d’actions qu’ERICA sort du lot. Comme on pouvait s’y attendre, le jeu puise son intérêt dans les choix et les décisions.
C’est ma direction
De temps à autre, outre les actions de base, l’intrigue invite le joueur à choisir des directions et des réponses dans un temps imparti. À chaque plan, plusieurs prises ont été enregistrées de façon à ce que l’histoire donne la sensation d’être guidée par les envies de l’utilisateur. Malheureusement, cela fonctionne que très moyennement. Malgré tous les efforts du studio Flavourworks, l’ensemble ne sonne pas juste. On a plus l’impression de suivre un long-métrage en intervenant de temps à autre que de contrôler et diriger un scénario. Pour une immersion totale, il aurait fallu que le jeu des acteurs et les évènements ne soient pas exagérés, et surtout qu’on soit réellement impliqué. Là, on enlève le toit d’une maison de poupée, on choisit une réponse, on tapote quelques touches sur un piano, on vise une zone précise de l’environnement… ça ne suffit pas. Pourquoi ne pas avoir intégrer de véritables énigmes, comme par exemple un puzzle pour ouvrir une porte verrouillée ? Ou alors chercher une clé dans une zone indiquée ? Avec un tel environnement, ces interactions auraient été possible. Un peu comme les mystères du manoir de Racoon City dans le premier Resident Evil. Cette production est pleine de bonnes intentions mais ça ne marche pas, ou mal.
Moteur… et… action !
Ce constat est d’autant plus implacable que la réalisation du long-métrage est vraiment soignée. La photographie, la colorimétrie, le jeu entre l’ombre et la lumière… chaque scène a été travaillée. L’ambiance visuelle, le son, la prestation des actrices et acteurs, on a déjà vu bien pire. Le problème, c’est que le budget n’était sans doute pas énorme et on a plus l’impression de regarder un film de série B qui sera vite oublié plutôt qu’un long-métrage avec un vrai message à transmettre. L’histoire ne va pas assez loin, ne développe pas assez les différents protagonistes (notamment les pensionnaires du manoir dont on ne sait quasiment rien, l’inspecteur de police expédié, le gérant du manoir, etc.) et nous laisse dans le flou… même après le générique de fin. Les multiples embranchements ne changent pas grand-chose à la bonne compréhension de l’intrigue. On aurait aimé être surpris mais ce n’est pas le cas.
Points forts
- L'implication de Holly Earl
- La transition film/interactions
- L'atmosphère des lieux
- La réalisation du long-métrage
- Doublage français plutôt réussi
- Le prix ne dépasse pas une dizaine d'euros
Points faibles
- Interactions limitées
- Pas de puzzles, pas d'énigmes
- L'application sur smartphone n'apporte rien
- Personnages peu développés
- Problème de rythme
Noter un film interactif est un sacré casse-tête. Mais en se fiant à l’intérêt du scénario et aux interactions possibles, le couperet tombe : ERICA ne va pas assez loin dans ses intentions. On a constamment l’impression que le thriller marche sur un fil, tiraillé entre le désir de devenir une œuvre cinématographique de qualité et un jeu vidéo innovant. Par ailleurs, on sent parfois un trop grand fossé entre l’expérience de l’actrice Holly Earl et les comédiens qui lui donnent la réplique. La tentative est intéressante mais l’essai n’est que moyennement concluant.