Alors que Wolfenstein II : The New Colossus s’était brillamment illustré en tant qu’excellente suite à The New Order mais aussi et surtout comme FPS bourrin à la narration étonnamment maîtrisée, ses trois DLC avaient fortement terni cette image qualitative. On était donc impatient de voir ce qu’allait donner Youngblood, stand alone mettant en avant les deux filles de William J. Blazkowicz, et servant de liant entre le dernier opus et une probable suite clôturant cette nouvelle trilogie.
Bien que nous ayons terminé le jeu sur PC (dont la version est parfaitement optimisée même si on note l'absence de Ray tracing pour l'instant), les visuels de ce test proviennent de la version PS4. En effet, les moutures PC reçues à la Rédaction supportant très mal OBS ainsi que ShadowPlay, nous n'avons pas pû capturer vidéos et screens depuis cette version.
Quid de la version Switch ?
Bien qu'on perde forcément en définition d'images (le jeu n'affichant que du 720p) par rapport aux versions PS4, One et PC, le tout s'avère plutôt joli et détaillé avec quelques beaux jeux de lumière. On note également un effet plutôt prononcé de motion blur lorsqu'on balaie lattéralementt la caméra, ce qui peut s'avérer fatigant à la longue. Concernant le framerate, l'ensemble tourne dans un 30 fps quasi constant même si l'on note quelque chutes lors des plus gros gunfights dans les environnements plus ouverts. Rien de grave cependant.
Paris, ville de l’amour au patrimoine culturel exceptionnel. Ses rues pavées, ses musées, ses salles de spectacle, ses nazis. Bienvenue… bienvenue dans le Paris uchronique de Wolfenstein Youngblood où vous allez devoir libérer la capitale française tout en essayant de retrouver votre papounet fraîchement disparu. Vaste programme pour deux jeunes sœurs des plus inexpérimentées.
Paris brûle-t-il ?
Pour celles et ceux prenant le train en marche, rappelons qu’il n’est ici plus question de jouer avec l’ami Blazko mais avec ses deux filles jumelles, Jess et Soph. Le jeu débute d’ailleurs par une scène d’exposition familiale, 19 ans après les événements de Wolfenstein II, alors que Blazko et sa femme Anya prennent très à coeur l’éducation de leur progéniture. Néanmoins, contexte oblige, la priorité n’est pas vraiment d’inculquer des règles élémentaires de civisme mais plutôt d’apprendre à utiliser un fusil de sniper ou les bases du combat au corps à corps. Le ton est donné, la relève, bien que peu qualifiée, semble prête. Et le moins qu’on puisse dire est que les deux soeurettes ne vont pas mettre longtemps à mettre à profit leur bravoure. En effet, alors que Blazko est en mission à Paris, il ne donne plus signe de vie. Il n’en faut pas plus pour que Jess et Soph partent à l’aventure, rejoignent la Résistance française et essaient de découvrir ce qui est arrivé à leur paternel.
Dans l’absolu, on est ravis de retrouver les personnages de Wolfenstein II et de voir leur évolution. Découvrir un Blazko certes fatigué mais également mari aimant et père de famille, procure cette petite émotion et le ressenti est identique avec le reste de l’équipe, d’Anya en passant par Grâce Walker promue au rang de chef du FBI et toujours membre actif de la Résistance. On appréciera en sus de voir sa fille, Abby, devenue adulte et faisant ici office d’une simili Q. Son rôle, hormis de mettre à disposition de Jess et Soph une armure identique à celle utilisée dans Wolfenstein II, servira principalement de soutien tout en accentuant le côté Girl Power de cet épisode. Cette volonté s’inscrit également dans une envie d’offrir une personnalité forte à ce stand alone, à travers ses personnages mais aussi le lieu de son action tranchant avec les environnements de The New Colossus. Pour autant, bien que le jeu dispose de beaux environnements, on trouvera bizarre que les développeurs n’aient utilisé aucun lieu iconique de la Capitale qui devient ici une ville quelconque aux rues pavées, seules les bouches de métro et les Catacombes rappelant véritablement qu’on est à Paris.
Cependant, bien que l’introduction témoigne, à travers certains dialogues et une mise en scène épurée, de la douceur et de la détermination de Blazko et Anya, on tombe vite dans un jeu à la construction scénaristique moins centrale, les seules autres véritables cinématiques intervenant à la toute fin. Un peu décevant vu qu’il s’agissait d’une des forces de Wolfenstein II. De même, si le trio Jess/Soph/Abby est dans l’air du temps, la fille de Grâce est rapidement reléguée au second plan, tout comme Anya, pour mieux se concentrer sur Jess et Soph. Malheureusement, la personnalité des filles, entre guerrières déterminées et adolescentes décomplexées, sonne faux, tout comme la relation les unissant. Leur façon de réagir tranche souvent avec la situation qu’elles vivent et les quelques blagues et autres vannes qu’elles se lancent régulièrement finissent par passer inaperçues. Il est par ailleurs frustrant de constater que malgré la dimension RPG, le travail sur les nombreuses quêtes annexes, voire même principales, n’ait pas bénéficié de plus d’attention.
Wolfenstein RPG
Une dimension RPG… Dans Wolfenstein ? Ca peut surprendre mais après quelques heures, on constate que l’évolution a du sens et semble bien fonctionner. Dans les faits, l’ADN de Wolfenstein est bel et bien là. Les innombrables grappes de SS répondent à l’appel, les différents types d’ennemis plus ou moins puissants également et affronter de gigantesques mechas nazis aidés par des hordes de soldats deviendra vite monnaie courante. Sauf que cette fois, vous devrez éviter le rentre-dedans trop musclé tout en gérant vos capacités et autres perks pour avoir une chance de survivre plus de cinq minutes d'autant que la plupart des ennemis sont de véritables sacs à PV.
Vu sous cet angle, cela peut sembler étrange mais dans les faits, il y a de très bonnes choses qui sont malheureusement confrontées à de gros soucis de gameplay et de conception. En premier lieu, retenez que le système de jeu s’articule désormais autour de montées de niveaux synonymes de gain d’expérience. C’est en progressant que vous pourrez débloquer la plupart de vos perks d’Esprit, Force et Pouvoir afin de profiter de bonus de santé et défense, de dégâts accrus ou d’une utilisation plus poussée des pouvoirs de votre armure. Précision importante, si vous jouez en solo, votre sœur aura automatiquement le même niveau que vous ainsi que des perks et améliorations d’armes identiques. On vous incitera donc plutôt à jouer avec un ami afin d’avoir des pétoires complémentaires, mais nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
Ainsi, à chaque palier de 10 niveaux, vous aurez la possibilité de débloquer des améliorations. Toutefois, pour les acheter, il vous faudra avoir suffisamment de points de capacités. Comme vous pouvez l’imaginer, pour en récupérer, vous devrez accepter des missions qui vous offriront aussi leur lot d’EXP et d’argent afin de pouvoir booster vos armes ou acheter différents skins pour l’armure et vos pétoires. Notons à ce sujet que si le système économique du jeu propose de les récupérer aussi avec des lingots préalablement achetés sur une boutique, l’équivalent en argent in game n’est pas excessif. Pas de frustration de ce côté là pour le coup. Outre les perks et armes à améliorer, il conviendra aussi de bien choisir son Signe. Rien à voir avec Elizabeth Teissier on vous rassure puisqu’ici aussi, il sera question d’avantages en combat. Ainsi, vous pourrez lancer en pleine action un Signe qui vous offrira, ainsi qu’à votre sœur (si tant est qu’elle soit suffisamment proche), une amélioration durant une période limitée. A ne pas négliger surtout que la plupart des Signes s’avère particulièrement utiles : Invulnérabilité pendant 5 secondes, boost d’armure et de santé... Sachant que vous pourrez n’avoir qu’un Signe à la fois, qui plus est tributaire d’un cooldown, et en attribuer un différent à votre sœur, n’hésitez pas à alterner en fonction de la situation.
Le système de jeu s’avère donc complet et vraiment intéressant à mesure qu’on progresse. Malheureusement, le problème vient justement de cette progression et des quêtes associées. En effet, Youngblood étant principalement pensé autour d’une quête principale nous demandant de pénétrer dans le Labo X, vous devrez avant cela terminer trois grosses quêtes afin de permettre à Abby de pirater des ordinateurs facilitant l’accès audit labo. Chaque mission étant liée à un niveau spécifique, vous devrez avant toute chose terminer des missions annexes pour gagner en EXP et ainsi atteindre celui des missions principales pour espérer les boucler. Le hic est que ces missions s’avèrent peu intéressantes et nous demandent tout le temps de revenir dans les mêmes environnements avec les mêmes ennemis dont le niveau s’adaptera au notre. Dès lors, on éprouve très rapidement un énorme sentiment de redondance en refaisant constamment la même chose dans les mêmes zones de Paris qui s’avèrent plutôt jolies mais peu nombreuses. De plus, on nous demandera souvent de switcher de zone (et donc de subir un loading) afin de boucler une mission. Irritant et très lourdingue surtout lorsqu’on doit aller par exemple dans une zone activer une découpeuse laser, filer dans une autre zone pour trouver une batterie puis revenir dans la zone précédente pour l’activer. Bien entendu, chaque départ de la zone réinitialisant l’apparition des ennemis (mais aussi, heureusement, des pièces, caisses de munitions…), on devra alors se retaper d’incessants gunfights traînant souvent en longueur, surtout en Solo, à cause d’une IA alliée très moyenne.
Deux sœurs face au nazisme
Cela nous amène ainsi à la dimension coopérative de Youngblod qui permet, pour peu que vous ayez acheté la Deluxe Edition, d’inviter un ami ne possédant pas le jeu. Une très bonne initiative déjà utilisée dans le sympathique A Way Out. Si on aurait apprécié qu’elle soit de base, dans l’édition Standard, il convient malgré tout de féliciter cette initiative. D’autant plus vrai que comme précisé plus haut, le fait de jouer en Solo est tout de même très compliqué (et ce même en Normal, troisième des six modes de difficulté), notre sœur ayant tendance à rester plantée sous le feu nourri des ennemis et donc à agoniser rapidement. Il faudra alors braver le danger pour la soigner et ainsi ne pas perdre l’un de nos trois précieux Continues qu’on partage avec notre jumelle. Bien que cet aspect soit atténué une fois qu’on aura récupéré Le Signe consistant à réanimer notre sœur à distance, on sent bien que le jeu a été pensé dès le départ pour la Coop.
Pour autant, et aussi étrange que cela puisse paraître, on ne retrouve pas dans Youngblood de véritables mécaniques coopératives autre que la double ouverture de porte ou l’activation de mécanismes. Dommage et si le level design permet une certaine variation dans les approches en Coop (un joueur arrivant par en haut, un autre par en bas), on aurait vraiment apprécié davantage d’interactions entre les jumelles ou, au minimum, de pouvoir en Solo, lui donner un ordre simple afin qu’elle nous suive constamment, qu’elle se cache, qu’elle prenne position, etc.
Un véritable Dishonored pour Wolfenstein ?
On éprouvera le même sentiment de frustration en constant que la collaboration avec Arkane Studios (Dishonored) n’apporte finalement pas grand-chose à Youngblood. Oui, nous avons bien des niveaux plus ouverts, oui le level design permet, comme précisé plus haut, de légèrement varier ses approches avec un ami, mais ça s’arrête là. On pourra éventuellement rajouter les quelques raccourcis permettant de nous rendre plus rapidement à certains endroits mais quel dommage de ne pouvoir boucler certaines missions en mode Infiltration. On a bien la possibilité de profiter d’une invisibilité passagère pour effectuer quelques takedowns mais vu qu’on se fait rapidement repérer, ceci déclenchant alors une alarme et la venue de dizaines de soldats, on préférera le plus souvent privilégier l’action en récupérant des armes lourdes pour défourailler tout ce beau monde.
Bien entendu, tout ne sera pas aussi simple car si Wolfenstein II proposait déjà un bon challenge, Youngblood augmente encore le niveau de difficulté en truffant chaque gunfight de soldats en armure et puissament armés. Cet aspect nous permet d’aborder les deux types de munitions entre lesquels vous devrez constamment switcher. En effet, en fonction du niveau de vos adversaires, vous devrez utiliser tel ou tel type de balles afin d’éliminer plus rapidement un ennemi. Et si vous pensez qu’aller au contact, armé d’un shotgun, suffira à dézinguer un soldat bien protégé, vous allez vite déchanter. Bien que l’idée puisse sembler intéressante de prime abord, elle devient vite usante, surtout lors des rixes comprenant quantité d’ennemis de niveaux différents. C’est encore plus vrai si on rajoute un switch d’armes relativement long, ceci nous valant souvent de prendre des salves de bastoss. En marge de ce soucis, reconnaissons tout de même que le feeling des armes est toujours aussi bon et qu’on en retrouve deux nouvelles, le DieselKraftWerck (mines) et l’ElektroKraftWerck (arc électrique), elles aussi particulièrement efficaces.
Tout ceci contribue à faire de Wolfenstein Youngblood un hybride inégal oscillant constamment entre une bonne idée (souvent non aboutie) et des errances rendant sa construction maladroite et souvent redondante. Reste que l’ADN de la série est là, que les gunfights sont nerveux (bien que parfois initialement longs) et que tout ce qui faisait la force des deux précédents volets (sound-design, DA) se retrouve à nouveau dans ce stand alone. Sans être aussi réussi que The New Colossus, cet épisode transitoire se veut au final agréable à parcourir mais comme avec tout ce qu’on aime, on n’hésitera pas à lui reprocher ses nombreux défauts, non bloquants mais atténuant grandement un plaisir de jeu qu’on aurait aimé aussi intense que dans les deux autres opus de Machine Games.
Points forts
- Le Buddy Pass
- Jouer avec un ami s’avère très prenant
- Excellente bande-son (musiques / VF / sound design)
- Les gunfights toujours aussi nerveux
- Très bon feeling des armes
- Les Signes de soutien
- La quasi totalité des perks ont un intérêt
- L’ADN de Wolfenstein couplé à une composante RPG...
Points faibles
- … Qui montre malheureusement très vite ses limites
- La narration plus du tout centrale
- L’architecture des missions nous obligeant à souvent switcher d’une zone à l’autre
- Map peu lisible
- Pas de véritables mécaniques Coop
- Alterner constamment entre les deux types de munitions devient vite usant
- Trop d'ennemis "sacs à PV"
- Jouer en solo est compliqué à cause d’une IA alliée très moyenne
Faire évoluer Wolfenstein était une idée risquée mais dans l’absolu non dénuée d’intérêt. Ayant profité des connaissances d’Arkane en matière de level-design, Machine Games nous sert avec Wolfenstein Youngblood une sorte d’hybride engoncé entre de l’action frénétique et son envie de s’ouvrir à des environnements plus vastes et des approches différentes. Malheureusement, bien qu’on retrouve les qualités des précédents Wolfenstein, on a également droit à ses défauts dont une IA extrêmement volatile. Le hic est qu’elle vaut cette fois pour nos ennemis mais aussi notre sœur sur qui il est difficile de compter en Solo. On profitera donc du jeu Coop, bien plus sympathique mais finalement assez quelconque dans ce qu’il propose. En résulte un jeu à la dimension RPG intéressante mais non aboutie, à de fausses bonnes idées et à un aspect redondant trop prononcé toutefois servi par des gunfights toujours aussi intenses.