Cela fait déjà presque 10 ans qu’Ethan Mars se morfond suite au décès accidentel de son fils. La société Quantic Dream, persuadée que le vent de “l’interactive drama” n’a pas encore tourné, livre enfin Heavy Rain sur PC. Œuvre fondatrice sur de nombreux points pour le studio, Heavy Rain débarque donc sur l’Epic Games Store après un portage sur PlayStation 4 sorti en 2016. Mais est-ce que les améliorations ont de quoi nous laisser sur le QTE ?
Heavy Rain arrive sur PC
Heavy Rain arrive enfin sur PC par l'intermédiaire de l'Epic Games Store. Contrairement à ce qui fut proposé avec la réédition PlayStation 4 pouvant contenir Beyond Two Souls au sein d’un pack au tarif préférentiel, Heavy Rain sur PC s’achète seul, du moins pour le moment. Vendue au prix de 19,90 euros, cette version est l’occasion de (re)plonger dans ce polar interactif qui a remis le QTE au centre des attentions.
PC oblige, la particularité de cette mouture vient des contrôles souris/clavier. Les actions contextuelles se déroulent à la souris et les QTE s’exécutent (majoritairement) avec ZQSD, les mêmes touches que pour mouvoir les personnages principaux. Évidemment, la maniabilité peut être configurée selon les préférences du joueur. Les déplacements sont cependant un peu délicats au clavier. Nous aurions aimé voir une option pour activer le “déplacement 3D” à l’instar de certains Resident Evil, permettant ainsi au joueur d’aller droit devant lui quand il appuie sur “z”, plutôt que de diriger le protagoniste en fonction de l’angle de la caméra. De plus, les actions à réaliser avec la souris ne sont pas vraiment ergonomiques, surtout lorsqu'il faut se mettre à agiter l'accessoire dans tous les sens. Heureusement, il est possible de brancher une manette provenant des machines conçues par Sony et Microsoft afin d’avancer dans l’enquête. Jouer à Heavy Rain avec un pad Xbox One est donc parfaitement envisageable.
Shelby enquête
Les graphismes ne sont pas de première fraîcheur malgré les options faisant nettement gagner en confort visuel (anti-aliasing, multisample, occlusion ambiante). Les configurations bien équipées pourront même afficher le jeu en 4K et en 60 images par seconde. La grande netteté qui se dégage met en exergue les textures parfois moins détaillées ainsi que les petits glitchs graphiques. Néanmoins, le rendu général reste plus que satisfaisant grâce à des effets spéciaux maîtrisés et à un cadrage qui met les niveaux en valeur.
Pour ceux qui n’ont jamais joué à Heavy Rain et qui souhaiteraient approcher l’ennemi à l’origami, cette version PC est un bon moyen de découvrir son histoire captivante. Il demeure regrettable de constater que le DLC “The Taxidermist” est une fois de plus le grand absent de cette édition. Heavy Rain sur PC est tout simplement une version plus nette, plus fluide et sans réelle nouveauté du titre arrivé en 2010 sur Playstation 3.
Le test complet de Heavy Rain par Logan (01/02/2010)
Fils légitime de Fahrenheit, Heavy Rain mise, tout comme son paternel, sur une implication totale du joueur. Mettant en exergue l'immersion et l'émotion, David Cage multiplie les clins d'oeil à ses modèles cinématographiques en nous offrant un récit interactif non seulement basé sur un drame mais aussi les réactions de ses acteurs virtuels. Mais au-delà des promesses et des beaux discours, que vaut réellement ce titre autant dans la forme que dans le fond ? Voici donc un avis parmi tant d'autres n'ayant pour ambition que d'entrouvrir la porte d'une autre vision du jeu vidéo...
Plutôt que de s'affirmer comme un prolongement au cinéma ou au jeu vidéo, Heavy Rain mélange ces deux univers pour se poser tel un produit hybride. Bâti sur les fondations de Fahrenheit, le titre de David Cage se présente comme un clone parfait de son grand frère tout en accentuant un peu plus le réalisme de ses situations. Pour autant, et bien que le jeu entend plonger le joueur dans le quotidien de ses avatars, il n'omet pas de raconter une histoire, certes grandement inspirée par le cinéma hollywoodien mais aussi et surtout mû par la volonté d'offrir au joueur une expérience inoubliable. De fait, parler d'un titre comme Heavy Rain n'est pas aisé car sorti du contexte technique, il convient plutôt de s'étendre sur les rouages d'une histoire, les relations entre les personnages, la réalisation et l'émotion qui s'en dégage.
Si la narration et a fortiori le déroulement de l'aventure vous intéressent, c'est de l'autre côté de l'Atlantique qu'il faut se rendre afin de dénicher les influences directes ou indirectes. On touche ici un point sensible puisque si l'histoire en elle-même est somme toute intéressante, on pourra regretter que David Cage se soit trop imprégné de l'ambiance de Seven sans jamais chercher à acquérir une identité propre. Vu la qualité exceptionnelle du long-métrage, on ne s'en plaindra pas d'autant qu'Heavy Rain profite de la même atmosphère pluvieuse, maussade et sombre tranchant radicalement avec un début de jeu baignant dans des teintes lumineuses synonymes de bonheur et d'innocence. Pourtant, on sera un peu plus étonné de retrouver des répliques quasi exactes de certaines scènes du film de Fincher ceci dénotant d'un manque d'ambition et d'originalité. On se demandera alors pourquoi, quitte à "innover", Cage n'a pas cherché à créer ses propres codes et à immerger le joueur dans un monde totalement inédit afin de l'étonner. Certes, le spectre menaçant de la deuxième moitié fantasmagorique de Fahrenheit aurait, lui aussi, pu menacer le nouveau projet de Quantic Dream mais ceci n'explique en rien le classicisme certain de la structure narrative d'Heavy Rain. Peur d'une éventuelle prise de risque compte tenu de l'importance du budget alloué à l'équipe française ? Frustration vis à vis du 7ème art ? Difficile à dire...
Quoiqu'il en soit, l'autre point commun entre Heavy Rain et Seven se situe au niveau des musiques, composante essentielle de la bande-son par ailleurs excellente dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui. En somme, si l'ensemble du titre baigne dans des sonorités pesantes renvoyant parfois au score de Howard Shore, elles sont ici légèrement surexploitées. En effet, si l'élément sonore supporte constamment les images en accentuant les émotions véhiculées, l'usage du thème principal, via plusieurs déclinaisons, devient au fil du jeu moins percutant. Il faut dire que l'entendre lors d'une découverte morbide est une chose, y avoir droit quand on cuit une omelette dans sa cuisine en est une autre. Tout ceci mis bout à bout aura donc tendance à nous sortir parfois de l'intrigue alors que c'est justement l'un des points les plus importants du titre. Ainsi donc, à l'image de Fahrenheit, il est possible de réaliser moult gestes du quotidien, que ce soit avec l'un ou l'autre des quatre personnages jouables se succédant tout au long des 60 chapitres afin de démasquer un tueur d'enfants.
L'action anodine devient dès lors aussi importante que le fait d'opter pour certains choix moraux comme de tirer sur un suspect ou de prendre un petit remontant. L'idée est d'immerger pleinement le joueur en lui donnant l'impression d'évoluer dans un univers familier ou du moins dans celui des protagonistes. Le hic est que l'ensemble des gestes couplé à des actions contextuelles, défini à l'intérieur de chaque chapitre, ne force jamais à l'empathie. Pire, elles ont souvent tendance à faire pouffer l'audience et, une fois encore, à nous sortir du jeu. Toutefois, si certaines actions ne servent à priori à rien (boire un verre de jus d'orange, prendre une douche, aller aux toilettes, répondre au téléphone...), l'abondance de "banalité" permet de masquer l'action qui va déclencher un élément important permettant au scénario de suivre son cours. En somme, si l'implication du joueur dans la destinée de ses personnages est bridée par le bon vouloir du réalisateur, la progression de l'histoire devient plus limpide même si paradoxalement il conviendra d'effectuer une action précise pour que le fil de l'intrigue se dénoue.
A ce sujet, on pourra être surpris par le déséquilibre existant entre les séquences d'action à base de QTE et les scènes plus posées durant lesquelles on pourra déplacer son héros et interagir avec des éléments. Dans un cas, le tout profitera d'une mise en scène cinématographique, d'un découpage millimétré, de cadrages dynamiques et de vraies montées d'adrénaline alors que dans l'autre, le joueur reprendra la main et devra faire face à la triste réalité, celle découlant d'un véritable gameplay. En somme, si Heavy Rain se montre très à l'aise avec sa narration basée sur un enchaînement de séquences contextuelles, il l'est beaucoup moins dans les déplacements soumis au bon vouloir du joueur. Les personnages ont en effet tendance à traîner la patte et il n'est pas rare de pester pour se rendre d'un point A à un point B afin de se retrouver devant la prochaine action contextuelle. Peu instinctif et en cela très proche d'une jouabilité à la Resident Evil, celle-ci contraste d'autant plus avec le reste que les mouvements des personnages manquent cruellement de réalisme. Affichant une raideur cadavérique, ou des postures dignes d'un Playmobil, nos avatars ont également la manie de bouger dans un premier temps leur bassin puis leurs jambes lorsqu'il s'agit d'effectuer un simple retournement. Enfin, outre un univers de carton synonyme d'éléments sans aucune consistance, les interactions entre les héros restent elles aussi très limitées. Un peu hors propos pour un jeu prônant le réalisme à tout prix, le tout pouvant rapidement faire sombrer une scène pleine de tendresse dans une sorte d'ébat amoureux entre deux mannequins de cire.
Heureusement, ces passages ne servant la plupart du temps qu'à relier deux points essentiels du scénario, on aura tôt fait de se focaliser à nouveau sur l'histoire. Encore plus vrai qu'à certains moments il s'agira de prendre des décisions rapides pour obtenir ou non des aveux, trouver l'élément déclencheur, etc. A ce stade, Heavy Rain prend alors des allures de jeu d'aventure même si très rapidement la narration automatique reprend ses droits. Néanmoins, au détour de séquences nous proposant plusieurs choix pour orienter une conversation ou pour débloquer une situation explosive, on appréciera cette semi-liberté débouchant le plus souvent sur un dénouement unique essentiel à la bonne marche de l'histoire. Nonobstant, de ces choix ressortiront quelques embranchements afin de proposer une relecture partielle, ou totale, d'Heavy Rain. De fait, bien que le jeu de Quantic Dream ne se vive pleinement qu'une seule fois (dixit David Cage), l'idée d'avoir éclaté sa narration afin d'appréhender la fin de plusieurs façons semble intéressante de prime abord. Cependant, les limitations d'un tel procédé sont évidentes dans le sens où l'intérêt d'Heavy Rain se situe principalement dans la promesse d'un twist final synonyme de révélation fracassante. En somme, une fois déballé son sac, l'idée de tout ranger afin de défaire différemment son baluchon n'aura que peu d'intérêt, du moins d'un point de vue émotionnel. On ne se refera donc pas une nouvelle "séance" pour mieux comprendre ce que l'on vient de vivre mais plutôt pour chercher l'action contextuelle permettant de voir tel ou tel chapitre d'une manière différente. Ici, c'est donc bel et bien la quête, très terre à terre, de l'embranchement perdu qui prévaudra à nouveau sur l'émotion inhérente à l'histoire.
Néanmoins, on aura tôt fait de se prendre d'affection pour les quatre protagonistes principaux évoluant en parallèle afin de démêler le vrai du faux. Certes, on ne pourra s'empêcher de soupirer devant certains personnages caricaturaux ou quelques maladresses de mise en scène nous donnant dès le départ de gros indices sur l'identité du tueur mais dans l'ensemble, les acteurs de ce drame virtuel sont bien croqués. De plus, si chaque personnage possède sa propre personnalité, ses propres convictions, c'est le joueur qui choisira à un moment ou à un autre d'opter pour telle ou telle décision vitale pour l'enquête et parfois la vie de son avatar. Que ce soit avec Madison au passé soigneusement dissimulé, Ethan désirant plus que tout retrouver son enfant, le détective privé Scott Shelby issu d'une aventure de Philip Marlowe ou son contraire, l'agent du FBI Norman Jayden lié à la vie à la mort à son travail, l'implication du joueur sera partie prenante de ces destins croisés. Pourtant, on ne pourra que regretter que certains personnages aient été délibérément sous-exploités afin d'inciter le joueur à acheter de futurs contenus téléchargeables pour en connaître un peu plus sur la cicatrice de Norman, les insomnies de Madison, etc. Si le procédé est de plus en plus exploité dans le milieu, il devient fortement problématique dans le cas d'Heavy Rain, oeuvre centrée sur ses personnages. En effet, ils auraient tous mérité un véritable background dès le départ afin qu'on puisse mieux s'identifier à eux ou, tout simplement, s'émouvoir de ce qu'il leur arrive.
En définitive, outre des carences techniques et une émotion recherchée n'arrivant jamais à la cheville de celle véhiculée par des titres profonds comme Ico ou bien encore Braid, il vous faudra également accepter le fait que ladite implication passe non pas par cette reproduction cloisonnée de la réalité mais plutôt par des choix de narration oeuvrant pour le retour du Sixaxis et de la QTE. Loin d'être un porte-étendard pour l'innovation vidéoludique ou une quelconque leçon de maturité, par ailleurs déjà apprise par nombre de ses aïeuls (In Memoriam en tête), le jeu de Quantic Dream n'en reste pas moins un jeu bien construit, peu original dans les directions empruntées mais suffisamment solide pour proposer une expérience à la croisée des chemins du 7ème art et du jeu vidéo. Qu'on aime ou non, Heavy Rain reste bon gré mal gré un bon petit film interactif à défaut d'être un jeu génial.
Points forts
- Techniquement, la version la plus aboutie de Heavy Rain
- Un scénario toujours agréable à suivre
Points faibles
- Le DLC "The Taxidermist" n'est pas intégré
- Une maniabilité délicate avec l'ensemble clavier/souris
- Rien de bien nouveau à se mettre sous la dent
L'arrivée de Heavy Rain sur PC est forcément une bonne nouvelle pour ceux n'ayant jamais essayé le thriller interactif conçu par les équipes de Quantic Dream. Techniquement, le jeu s'en sort toujours bien grâce à des personnages modélisés avec soin et à des effets spéciaux réussis. Il est cependant regrettable de constater l'absence du DLC "The Taxidermist" ainsi que celle de vraies nouveautés. Si vous souhaitez tenter les mésaventures d'Ethan sur PC, préférez brancher une manette plutôt que d'y jouer avec l'ensemble clavier/souris, cela vous évitera bien des incommodités.