Six ans après sa renaissance miraculeuse, Final Fantasy XIV tient toujours debout. Misant sur un scénario dense, un univers copieusement développé dopé au fan service et un contenu PvE (Joueur contre l'environnement) généreux, le MMO theme park de Square Enix se dresse fièrement parmi les rares représentants du genre qui maintiennent une forte communauté d'abonnés actifs, toujours assoiffés de nouveautés. Fidèle à ses habitudes, la firme nippone les abreuve comme il se doit avec Shadowbringers, troisième extension porteuse de promesses. Les aventuriers d'Eorzéa embarquent vers un monde à sauver de l'extinction pour vivre la suite d'une épopée au souffle épique, plus que jamais riche en moments forts, en révélations et en affrontements grandioses.
Six mois avant la sortie de la prochaine extension Endwalker, Square Enix a publié une mise à niveau PS5 pour Final Fantasy XIV. D'abord accessible en bêta à la mi-avril, cette version next-gen a été lancée officiellement à l'occasion de la sortie du patch 5.55. En un mois, les différences entre la bêta et le lancement ne sont donc pas flagrantes. Évidemment, s'il n'y a strictement aucune différence de contenus entre les versions PS5, PS4 et PC, les nouveaux ajouts se font surtout au niveau de la technique et des graphismes. Ainsi, cette mise à niveau next-gen propose trois formats de résolutions : 4K (2160p), WQHD (1440p) et Full HD (1080p). Évidemment, plus la résolution est élevée, moins la fréquence d'images par secondes est haute. En résumé, le WQHD et le Full HD offrent du 60 i/s tandis que le 4K se cantonne à du 40 i/s. Tout dépend alors de ce que vous privilégiez, la netteté ou la fluidité, mais le rendu reste quoiqu'il arrive plus agréable à l'oeil que sur PS4. Pour vous donner des éléments de comparaison ci-dessous, le screenshot de droite est en 4K et le second en WQHD.
Dans tous les cas, peu importe la résolution choisie, les remarques sur le framerate sont identiques : en combat, que ce soit dans des donjons à 4, des raids à 8 ou 24 ou même sur le Front Sud de Bozja qui accueille encore plus de joueurs, la fréquence d'images reste stable malgré les nombreux effets à l'écran. Cependant, dès que l'on arrive dans certaines zones sans affrontements mais remplies de plusieurs dizaines voire centaine de joueurs, comme la Place de l'Ethérite de Limsa Lominsa, le framerate reste stable, mais à 30 i/s. Au-delà de ces options graphiques, le grand ajout de confort de cette version PS5 se situe au niveau des temps de chargement. Comparés à la PS4, ces derniers ont été drastiquement réduits grâce au SSD de la console, ce qui rend de nombreuses téléportations instantanées. Cependant, il ne faut pas non plus oublier que la durée de ces chargements dépend de votre connexion internet et du nombre de joueurs présents dans la zone.
Visuellement, les améliorations ne s'arrêtent pas là, puisque l'interface a été retravaillée pour des résolutions plus élevées. Un choix peu étonnant puisque les icônes et polices ont d'abord été pensées pour un affichage en 720p. Du côté de la manette, les spécificités de la DualSense ont été prises en compte. Ainsi, on ressent les retours haptiques essentiellement à dos de monture ou lors d'actions de récolte et de crafting. Mais pour ce qui est des combats, ils sont quasiment absents hormis si l'on déclenche une transcendance. En revanche, les gâchettes adaptatives sont un peu délaissées puisqu'elles ne servent que lors des rares séquences scriptées à la première personne. La sortie 3D de la console semble également utilisée pour donner une meilleure ambiance sonore au titre.
En soi, cette mise à niveau apporte surtout de nombreuses options de confort. Les possesseurs de PS5 et joueurs de FFXIV n'ont donc aucune raison de bouder cette version next-gen. Désormais, on attend la "future mise à niveau des textures du jeu" évoquée par les développeurs dans ce post sur le blog de PlayStation pour que l'expérience de jeu soit encore plus agréable.
Test réalisé après environ 60 heures de jeu, dont une bonne quarantaine pour passer du niveau 70 à 80 et boucler l'épopée avec un Chevalier Noir, le reste pour tâter du contenu endgame (défis EX) et découvrir les nouveaux jobs Danseur et Pistosabreur ainsi que les ajustements de gameplay.
Avant toute chose, si vous envisagez de commencer FF XIV depuis zéro, soyez prévenus : un long périple vous attend. Avant de toucher à Shadowbringers, il vous faudra impérativement terminer l'histoire principale du jeu de base (A Realm Reborn), souvent laborieuse entre les nombreux allers-retours imposés, le gameplay qui tarde à se dynamiser et la progression lente, ainsi que les extensions Heavensward et Stormblood. Au bas mot, cela représente une bonne centaine d'heures de jeu, selon votre rythme et votre propension à passer ou non les - très nombreux - dialogues et cinématiques. Les plus impatients peuvent dégainer la carte de crédit et acquérir des contes de job, permettant d'atteindre immédiatement le niveau 70, ainsi que des contes d'aventures pour passer le scénario principal. Un gain de temps considérable, certes, mais vous aurez ensuite l'impression de démarrer une série en commençant par la saison 4. La meilleure option reste de vivre l'histoire complète afin d'apprécier pleinement Shadowbringers, la preuve qu'un MMO peut s'accompagner d'un scénario digne des plus grands RPG.
Blinded by Light
Là où Heavensward et Stormblood accusaient quelques creux dans leur intrigue, celle de Shadowbringers captive de bout en bout. Les enjeux sont grands et ils sont posés d'emblée : tandis que le conflit entre l'empire de Garlemald et l'alliance Eorzéenne s'enlise, notre avatar est appelé par l'Exarque du Cristal, figure énigmatique et gardien de Norvrandt, unique région d'un monde parallèle en péril dont l'anéantissement n'occasionnerait rien de bon en Eorzéa. L'opposition symbolique entre lumière et ténèbres est ici inversée : la lumière représente un mal dévastateur répandu par les purgateurs, des créatures aux allures angéliques mais non moins démoniaques. Une menace contre laquelle il faut tant bien que mal se dresser afin que la nuit puisse à nouveau tomber.
Pour ce faire, toute la bande des Héritiers de la Septième Aube, nos fidèles compagnons PnJ, se réunit à mesure que l'on découvre ce monde à l'agonie, son histoire et celles des peuples qui y habitent. Nous sommes en terre inconnue et chaque quête ou cinématique représente une source d'informations précieuse. Les scénaristes se sont surpassés pour livrer un récit rythmé, qui développe à la fois les différentes trames majeures, les conflits en jeu et les histoires personnelles de personnages remarquablement exploités pour la plupart. Même notre avatar, habituellement muet, peut maintenant s'exprimer par le biais de choix de dialogues sans influence sur le scénario, mais qui renforcent artificiellement l'implication du joueur. En une extension, l'histoire de FF XIV fait un bond de géant à grands coups de révélations inattendues et les moments marquants s'enchaînent sans quasiment aucun temps mort jusqu'à un final qui ne déçoit pas.
Comme toujours, la narration passe par des murs de texte à avaler, mais les efforts de mise en scène, la qualité de l'écriture et la structure de la progression permettent de digérer le tout sans problème. Linéaire, l'aventure nous porte de zone en zone de manière fluide au fil de la quête principale et des donjons directement intégrés au scénario... jusqu'au moment où le jeu impose de s'écarter des sentiers battus, le temps d'atteindre le niveau requis pour reprendre l'épopée. De courtes phases de grind durant lesquelles il suffit d'accomplir quelques quêtes annexes, donjons ou ALÉAS, ces évènements particulièrement rentables en gain d'XP qui apparaissent de manière aléatoire sur la carte. Au bout du compte, on monte au niveau 80 sans trop se prendre la tête après une quarantaine d'heures. Choix judicieux des développeurs, les nouvelles quêtes secondaires, dont certaines se révèlent être des mines d'informations sur le lore, sont synchronisées à notre niveau. Vous voulez retourner dans une zone déjà parcourue pour en apprendre plus sur son histoire tout en gardant un solide gain d'XP ? C'est désormais possible.
Si l'on n'échappe pas aux habituelles quêtes FedEx et autres missions redondantes aux objectifs sans grande fantaisie, évoluer dans les six environnements de Norvrandt est un plaisir de chaque instant. Des plaines féériques d'Il Mheg à la forêt luxuriante de Rak'Tika, en passant par la beauté éclatante de Cristarium et de Grand-Lac, chaque zone brille par une ambiance unique tant sonore que visuelle, à l'exception peut-être d'Amh Araeng et son étendue désertique qui donne une impression de déjà-vu. La qualité des textures fait parfois un peu tâche, mais la direction artistique compense sans peine cette technique vieillissante. Ne vous fiez pas aux apparences : derrière les allures de paradis se cache une réalité sombre, parfois malsaine. Le parfait exemple est Eulmore, ville de débauche où vit une noblesse résignée qui profite des plaisirs de la vie tout en exploitant les plus pauvres. Sans tomber dans les clichés que l'on pourrait imaginer ou dans le manichéisme, le ton de cette extension est sérieux, pour notre plus grand plaisir.
Trust me
Avec Shadowbringers, FF XIV continue d'assumer son côté "MMO solo" / "vrai" JRPG Final Fantasy en intégrant le système d'adjuration ("Trust system" en anglais), qui permet de former un groupe composé de PnJ pour parcourir les donjons de l'extension. Un ajout bienvenu pour éviter les files d'attentes ou pour les anxieux qui souhaitent d'abord s'entraîner sans subir de pression. Réactive, l'I.A. remplit efficacement son rôle même si elle reste logiquement moins performante que de vrais joueurs. Le seul regret est l'impossibilité de mettre à profit cette fonctionnalité pour les donjons pré-Shadowbringers, mais elle est amenée à évoluer au fil des mises à jour.
Rassurez-vous : le jeu nous incite toujours à prendre notre dose de social via les roulettes quotidiennes (donjons et défis aléatoires) pour des bonus d'XP considérables. S'ils conservent une structure conventionnelle (de longs couloirs et trois boss espacés par des groupes de monstres), les huit donjons inédits (dont deux débloqués au niveau 80) s'inscrivent dans le haut du panier grâce aux circonstances qui nous amènent à les parcourir, à leur ambiance, et aux combats de boss engageants qu'ils renferment. Le point culminant du jeu reste les défis / Primordiaux (au nombre de trois actuellement), ces affrontements PvE à huit joueurs rythmés par une mise en scène spectaculaire. L'occasion de faire une parenthèse sur la bande-son et d'exprimer tout notre amour pour Masayoshi Soken, qui livre à nouveau un travail exemplaire et hétéroclite. Plus électriques, à l'image du Battle Theme, parfois étonnantes comme le thème de Titania, les musiques accompagnent toujours avec brio les différentes situations de jeu, que ce soit les phases d'exploration ou les combats.
Dancing Mad
Si vous attendiez que Square Enix innove et bouleverse sa formule pour le contenu endgame, cimentée depuis la version 2.0, vous serez sans doute déçus. Shadowbringers s'inscrit dans la plus parfaite continuité et votre quotidien de joueur niveau 80 sera sensiblement le même qu'à l'époque de Stormblood. Hormis le crafting toujours aussi riche, rien de neuf à signaler pour faire sortir les joueurs HL de leur hub une fois l'aventure terminée ou côté PvP et housing ; il va falloir attendre les premières mises à jour pour cela. Reste l'éternelle course à l'équipement par le biais des mémoquartz, cette ressource que l'on récupère en répétant les défis et donjons dans l'optique de se préparer aux patchs à venir ou, si vous acceptez le challenge, de tenir tête aux versions extrêmes des Primordiaux Titania et Innocence. Le moment pour les plus investis de mettre à profit leur apprentissage des mécaniques, inculquées au fil des combats importants avec ces indices visuels qui indiquent comment réagir. La cohésion d'équipe et la rigueur deviennent primordiales, le moindre faux pas étant durement puni : du bon contenu PvE, exigeant sans être insurmontable, comme on l'aime.
Il faudra attendre le 16 juillet pour mettre les pieds dans le raid à huit joueurs Eden en difficulté normale, tandis que la difficulté sadique et un neuvième donjon seront ajoutés le 30 juillet. À l'horizon, d'ici quelques mois, le patch 5.1 apportera trois grandes nouveautés : la Reconstruction d'Ishgard, soit des quêtes de haut niveau pour les artisans et récolteurs, le première partie du raid à 24 joueurs NieR Automata, scénarisé par Yoko Taro en personne, et le mode New Game+, qui permettra de revivre les quêtes déjà terminées de l'épopée. Un programme prometteur.
L'autre grande occupation des joueurs de FF XIV, c'est la montée des jobs. Ils sont désormais au nombre de 17 avec l'arrivée du Danseur (DPS à distance) et du Pistosabreur (tank), qui apportent chacun à leur façon une certaine fraîcheur. Le premier, plutôt simple à jouer, est particulièrement plaisant grâce à ses animations gracieuses, son kit polyvalent (buffs de soutien, attaques à distance et au corps-à corps, dash pour se déplacer...) et son système de "pas", des actions à enclencher dans un ordre précis pour booster ses coéquipiers tout en infligeant des dégâts. Si vous êtes du genre malchanceux, ne vous y risquez pas : quasiment toutes ses attaques ont une chance de permettre le lancement d'actions additionnelles puissantes. Un système de "procs" qui gomme la linéarité d'un cycle défini, au risque d'avoir des moments de creux à bourriner inlassablement les deux mêmes touches en attendant que quelque chose se déclenche. Tel un vrai danseur, il faut rester actif en permanence et suivre le rythme.
De son côté, le Pistosabreur se démarque avec un cycle dynamique riche en options et son utilité de groupe. Capable de stocker jusqu'à deux cartouches grâce à deux combos basiques, l'un monocible, l'autre en zone, il peut ensuite faire parler la poudre en lançant des attaques plus puissantes. On retrouve notamment un combo rappelant le Renzokuken de Squall (FF VIII), basé sur un enchaînement de trois coups que l'on peut chacun espacer par une attaque hors global cooldown nommée "Consécution". On peut lui reprocher un sound design moins explosif qu'escompté, mais les sensations de jeu sont là. Si vous aimez infliger de gros dégâts en tant que tank, tout en ayant la possibilité d'aider vos coéquipiers (en partageant un bouclier et un soin sur la durée), le Pistosabreur est une option plus qu'appréciable.
Si vous n'êtes pas tentés par ces nouveaux jobs, vous aurez fort à faire avec les ajustements de gameplay opérés. Les développeurs ont tranché dans le vif en supprimant une bonne poignée de compétences et en retravaillant - parfois en profondeur - les mécaniques des classes dans une optique de simplification et d'homogénéisation. Les Bardes, Invocateurs, Machinistes ainsi que l'ensemble des tanks et soigneurs sont principalement concernés. De manière globale, les jobs sont devenus moins fouillis et plus simples à appréhender (retrait des PT et des débuffs physiques...), tout en conservant leur cœur de gameplay. Dans certains cas, les habitudes sont légèrement bousculées. On pense notamment aux cartes de l'Astromancien, qui disposent désormais d'effets identiques (buff de dégâts) dont la puissance varie selon l'équipier dont vous en faites bénéficier, ou aux tanks qui perdent leurs combos d'inimitié. D'autres jobs gagnent en fluidité d'action, tels que le Chevalier Dragon et l'Invocateur. Du bon et du moins bon, mais après une petite période d'adaptation, le gameplay fonctionne toujours aussi bien.
Points forts
- L'épopée de Final Fantasy XIV à son sommet : longue, prenante et bien écrite
- Des zones variées servies par une ambiance et une direction artistique soignées
- Deux nouveaux jobs plaisants à jouer
- Des donjons, boss et défis réussis
- La bande-son, l'excellence dans la continuité
- Le système d'adjuration
Points faibles
- Une formule sans grande nouveauté
- Des ajustements sur les jobs qui peuvent déplaire
Avec Shadowbringers, Final Fantasy XIV semble avoir atteint sa maturité. Square Enix maîtrise plus que jamais son sujet et excelle dans ce qu'il souhaite apporter aux joueurs : un univers riche, une histoire aussi profonde que captivante, des combats épiques et une bande-son dignes des plus grands jeux Final Fantasy. Pour peu que vous accrochiez à la formule FF XIV et que vous n'êtes pas du genre à passer tous les dialogues pour foncer jusqu'au niveau maximum, Shadowbringers devrait dépasser vos attentes. Reste à connaître l'avenir de cette troisième extension, dont l'épopée s'affiche déjà comme la plus mémorable.