Après ses petites parenthèses Warhammer et Thrones of Britannia, Creative Assembly revient aux fondamentaux avec son premier vrai Total War historique depuis 6 ans. Mieux, c’est un tout nouveau contexte qui nous est proposé ici, ce qui n’était plus arrivé depuis Empire et son standalone Napoléon, sortis respectivement en 2009 et 2010. Pour toutes ces raisons, Three Kingdoms cristallise énormément d’attentes, mais aussi des craintes chez certains joueurs vétérans. Voyons tout de suite s’il se montre à la hauteur.
Dong Zhuo se révèle
Total War : Warhammer s'exporte en Chine
Avec Three Kingdoms, on plonge dans la Chine de la fin du troisième siècle ou tout du moins dans celle dépeinte dans le roman Les Trois Royaumes. C’est donc une réalité teintée de quelques mythes et élans homériques qui nous est dépeinte ici afin de mieux tirer parti des nouveautés apparues dans les précédents opus. On pense notamment à la gestion des héros et seigneurs de guerre typée RPG dont le fonctionnement est directement hérité de Total War Warhammer. En bref, chaque personnage dispose d’un arbre de compétences et d’un équipement propre qu’il faut glaner au fil de batailles, quêtes ou négociations diplomatiques afin de se doter de quelques pouvoirs spécifiques surpuissants à utiliser sur le champs de bataille et susceptibles de renverser le cours de l’histoire.
Three Kingdoms va toutefois nettement plus loin en matière de gestion de héros puisque chacun a désormais des aspirations propres et entretient des liens plus ou moins étroits avec chaque personnage croisé. Certains se détestent et doivent donc être éloignés au maximum les uns des autres sous peine de voir leur satisfaction diminuer, ce qui peut à terme aboutir à une guerre civile. De manière générale, le bonheur de nos héros est très important dans un contexte où les allégeances peuvent être fluctuantes. Il faut donc réfléchir soigneusement avant d’attribuer les différents postes de responsable dans la faction, d’autant que chaque personnage peut potentiellement être un espion. C’est d’ailleurs là l’un des gros points forts de cet opus : on peut choisir d’envoyer un de nos héros en espionnage dans une autre faction dans laquelle il va faire son trou, développer son réseau au fil des années et potentiellement obtenir des poste de prestige, de simple commandant à ministre, voire carrément héritier de faction. Libre alors à nous d’utiliser ses talents pour nuire grandement à l’ennemi, en essayant de ne pas compromettre sa couverture. On peut par exemple discréditer un autre héros, bloquer les réapprovisionnements d’une armée, etc. C’est un outil vraiment sympathique qui pourrait sembler anodin en début de partie, puisqu’il met longtemps à se mettre en place, mais qui peut s’avérer utile sur le long terme et va bien plus loin que tout ce qui avait été vu dans la série auparavant.
Une diplomatie améliorée
Autre système largement remanié, la diplomatie constitue également un point fort. Malgré des réactions encore surprenantes de l’IA, qui nous offre régulièrement ce qu’elle a refusé de notre part au tour précédent, il faut avouer que les possibilités ont été largement étoffées pour coller avec le contexte historique. Outre les traditionnels accords commerciaux ou autres pactes de non agression, on trouve une myriade de nouvelles options, certaines impliquant des échanges d’objets, d’autres des mariages permettant de récupérer au passage un nouveau héros (voire carrément une faction), un système de vassalisation complet dans lequel il n’est pas si inintéressant que cela d’avoir un bon suzerain, ainsi que des coalitions plutôt bien foutues. On y vote la plupart des décisions (incorporer un nouveau membre, fixer une cible militaire, etc), ce qui s’avère assez intéressant et productif. En revanche, il est dommage qu’on nous soumette énormément de propositions pendant la simulation du tour des adversaires sans qu’on puisse accéder à l’onglet diplomatie complet et donc de savoir à qui on a réellement à faire parmi les dizaines de seigneurs aux noms parfois très proches.
En parlant des seigneurs disponibles justement, venons-en aux différentes factions jouables qui sont initialement au nombre de 11 plus éventuellement trois supplémentaires pour ceux qui auraient le DLC des turbans jaunes et enfin un dernier (Dong Zhuo) qui se débloque en jouant. Chacun dispose évidemment de bâtiments et unités uniques, mais également d’une mécanique de gameplay qui lui est propre. Par exemple Cao Cao peut compter sur une ressource appelée Crédibilité qu’il peut utiliser pour changer les relations entre les autres factions, manipuler la diplomatie et pourquoi pas provoquer une guerre. C’est d’ailleurs de loin l’option la plus intéressante à jouer, le reste n’étant finalement que des petits bonus par ci par là (augmentation des revenues des accords commerciaux, vitesse de progression accrue si on favorise le bonheur de nos héros, etc). Finalement, les différences entre les factions ne sont pas si marquées que cela, ce qui impacte négativement la rejouabilité.
La narration au coeur du gameplay
Si au niveau du gameplay, on a droit à peu de variété, Creative Assembly a toutefois essayé de mettre l’accent sur la narration afin de rendre chaque faction unique. C’est une évolution logique de la série, entreprise depuis les Warhammer et qui ici prend la forme d’une multitude d’événements issus du roman. On peut alors choisir de suivre le cours de l’histoire ou bien prendre des décisions différentes et emprunter son propre chemin. Cela a le mérite de rythmer les parties, mais il est toutefois dommage que ces événements ne soient pas toujours en rapport direct avec l’action. Par exemple il m’est arrivé qu’un de mes généraux soit assassiné par un autre seigneur alors qu’il est en train de faire la guerre à l’autre bout de la map. L’idée reste néanmoins louable et permet en outre de donner une certaines progressivité à la partie qui faisait un peu défaut à la série il y a de cela quelques années. Ici, on est non seulement guidé par les événements, mais on débloque aussi la plupart des options au fur et à mesure. On gagne en effet du prestige qui nous permet d’élever notre rang et donne par la même occasion accès à plus d’options diplomatiques (la vassalisation notamment), à la possibilité de nommer des ministres, des espions, etc. Finalement, on a vraiment l’impression de gagner en puissance au fil de la partie, ce qui est plutôt positif et offre un peu plus de motivation pour continuer à jouer que le traditionnel « je veux tuer tout le monde ».
Au niveau des batailles en temps réel qui font le charme tout particulier des Total War depuis des années, sachez qu’on a droit cette fois-ci à deux modes de jeu bien distincts appelés Romance et Historique. Si on choisit la première option, l’action est plus proche de ce qui est décrit dans les romans avec des héros qui sont dépourvus de gardes et se battent à eux-seuls comme 200 soldats adverses. On n’est évidemment pas dans Dynasty Warriors, mais leur importance est capitale, tout comme l’utilisation à bon escient des pouvoirs (formation spécifique, boost d’attaque, de moral, etc) qu’on a pu débloquer durant la Campagne. On peut également décider d’affronter un héros adverse en duel, ce qui est assez sympathique à voir. Toutes les troupes à proximité cessent de combattre et admirent les prouesses de leur général, en sachant que celui qui perdra sera non seulement mis hors jeu, mais donnera en prime à l’adversaire d’énormes bonus. On a finalement droit à des batailles animées et intenses, mais ne croyez pas pour autant que les choses seront facile ou que la stratégie passera au second plan, puisque ce n’est pas le cas. On a simplement plus d’action et de vitesse que dans le mode Historique qui s’avère lui plus traditionnel. Creative Assembly conseille d’ailleurs d’utiliser en priorité le mode Romance, mais a le mérite de proposer le choix au joueur qui peut donc faire selon ses envies et sensibilités.
Ecrivons avant de conclure quelques mots sur les graphismes qui, il faut bien l’avouer, stagnent un peu. Total War a par le passé été loué pour ses prouesses à ce niveau, mais ce n’est plus le cas désormais. Durant les batailles notamment, le niveau de détails semble à peine meilleur que sur les épisodes précédents. Certes, afficher des centaines d’unités à l’écran peut être difficile à gérer pour certains PC, mais on aurait tout de même aimé avoir la possibilité de profiter de quelques chose qui serait un peu plus dans l’air du temps. Reste qu’on peut bénéficier d’un nombre de soldats revu à la hausse, mais avec 240 guerriers par unités, on est encore bien loin du côté épique des champs de bataille des Trois Royaumes. Evidemment, cela n’entache en rien la qualité du titre qui malgré ces défauts possède d’énormes qualités ainsi qu’une myriade de petites améliorations et bonnes idées parmi lesquelles on peut citer des sièges plus équilibrés en partie Campagne et sur lesquels il devient parfois nécessaire d’attendre la reddition plutôt que d’attaquer frontalement, un arbre de recherche très chouette qui arbore des fleurs au fil des avancées et réformes entreprises, ce qui à défaut d’être original est très beau à voir, etc. L’interface reste également un modèle du genre dans lequel on trouve assez rapidement ses marques. Bref, on est face à un opus qui ne fera pas l’unanimité mais qui n’en reste pas moins solide.
Points forts
- Le système d'espionnage
- L'aspect RPG et la gestion des héros encore améliorés
- Une diplomatie largement étoffée
- Plus de progressivité dans la partie grâce au système de prestige
- On nous laisse le choix entre des batailles orientées action ou plus réalistes
Points faibles
- Peu d'améliorations visuelles
- Des factions finalement assez peu variées, ce qui limite la rejouabilité
- Narration pas toujours en accord avec l'action
Le choix de l'univers des Trois Royaumes pour ce nouveau Total War s'avère être une bonne idée puisqu'il permet de conserver la touche de fantasy nécessaire à l'incorporation des nouveautés de Warhammer dans un épisode historique plus traditionnel. Le mélange est cohérent et fonctionne bien, tout comme les nouveaux systèmes d'espionnage et de diplomatie. Tout n'est pas parfait néanmoins, à commencer par les graphismes qui stagnent un peu et la rejouabilité qui est entachée par une faible diversification des factions. Il manque également à ce Three Kingdoms le petit plus, ou la feature incroyable qui le rendrait indispensable, ce qui ne l'empêche bien évidemment pas d'être un jeu solide à conseiller aux fans comme aux néophytes.