Construite sur le succès de sa saga des Soulsborne (Demon's/Dark Souls, Bloodborne), la réputation de From Software ne semble aujourd'hui plus à prouver. Avec Sekiro Shadows Die Twice, le studio japonais perpétue son savoir-faire d'artisan spécialisé dans les jeux au challenge élevé. Il prend néanmoins un malin plaisir à jouer avec les codes d'un genre qu'il a largement contribué à populariser au cours de ces dernières années. Une dose d'infiltration à la Tenchu par ici, une liberté de déplacement exacerbée par là, des combats à la technicité omniprésente, si Sekiro semble être en premier lieu une relecture dynamisée de la formule des Souls, le titre ne tarde pas à révéler sa propre identité. Une expérience faites de duels mortels entre fines lames, de séquences aussi épiques qu'exigeantes et de victoires sur le fil du katana…
L'esprit Tenchu, l'âme des Souls
Hidetaka Miyazaki, le créateur des Souls à la double casquette de président de From Software et de directeur des plus gros succès du studio nous le confiait au cours d'un récent entretien, Sekiro Shadows Die Twice est né d'une profonde envie de renouer avec un cadre typiquement japonais porteur d'une expérience de jeu qualifiée de "ninja fantasy". Avec plusieurs opus de la saga Tenchu à son actif entre 2003 et 2009, titres dans lesquels le joueur incarnait déjà un shinobi, From Software réinvestit le secteur de l'action/infiltration et l'abreuve de l'âme des Souls. Il en résulte un jeu où la discrétion porte régulièrement ses fruits, mais où le combat se fait tout de même inévitable. Comme pour marquer ce renouveau, le studio renoue son partenariat d'édition avec Activision, l'éditeur des précédents Tenchu.
Exit l'étape de création de personnage propre aux dernières productions du studio, Sekiro nous plonge dans la peau de "Loup" en vf (Sekiro en vo), un shinobi maître dans l'art du katana et du pas feutré au service d'un jeune seigneur héritier du sang du Dragon. L'heure est aux guerres intestines et à la révolte dans ce japon médiéval du 15 ème siècle tourmenté par les grands bouleversements de l'ère Sengoku. Si ce cadre historique sert de base à la trame narrative du jeu, il ne contraint néanmoins pas From Software à s'imposer un réalisme de tous les instants. Les environnements ainsi que le bestiaire renouent bien vite avec la patte artistique très sombre du studio dans un souci de diversité et d'esthétique.
La phase de tutoriel donne le ton, notre héros est doté de la parole (chose rare dans un jeu From Software) et dispose de quelques choix de dialogues lors des interactions avec les PNJ du jeu. Ne vous attendez toutefois pas à taper le brin de causette pendant des heures à tous les coins de pagode, Loup n'est pas du genre très loquace et se contente du minimum verbal lors des échanges. L'occasion pour nous de revenir sur la localisation du jeu, traduit en plusieurs langues dont le français, à l'écrit comme pour les pistes audio. Malgré la bonne qualité du doublage dans la langue de Molière, le japonais reste le choix par défaut dans l'optique de se plonger au mieux dans l'univers de Sekiro.
Côté scénario, ce héros équipé de cordes vocales fonctionnelles laisse un peu plus de marge de manœuvre à From Software pour rendre son titre moins cryptique que ses précédents jeux. Il existe certains choix de dialogue lors de nos échanges avec les PNJ et des cinématiques viennent rythmer la progression à certains passages clés. Ne vous attendez toutefois pas à tout comprendre de suite, l'ombre plane sur de nombreux éléments du jeu et nos interlocuteurs restent souvent aussi évasifs que mystérieux. Difficile sur ce point de jauger la durée de vie d'un titre dont la durée sera aussi extensible que votre compteur de morts, comptez tout de même entre 25 et plus de 40 heures pour venir à bout d'une première partie en mode découverte.
Pas de création de personnage donc et pas de choix de classes non plus, Loup est un shinobi, un ninja maître de son art, équipé d'un Katana en main droite et d'une prothèse mécanique au bras gauche sur laquelle différents outils de combat s'ajouteront au fil de l'aventure. Là où les Souls nous permettaient d'incarner différents archétypes à partir de zéro, jusqu'à proposer au joueur une classe de mendiant sans aucune orientation de base, Sekiro Shadows Die Twice nous place aux commandes d'un combattant déjà entraîné, un assassin rôdé à son art, capable de venir à bout d'un adversaire en une seule contre-attaque bien sentie dès le début du jeu. Et quitte à faire évoluer sa formule, From Software laisse aussi sur le bas-côté toute forme de fonctionnalités online ou multijoueur ; il n'y a ni messages laissés au sol par les autres joueurs, ni système d'invasion, pas de coopération non plus, vous êtes seuls face au challenge.
Rien ne sert de frapper, il faut contrer à point
Et ce fameux challenge ne tarde pas à pointer le bout de sa lame, dès le premier adversaire pour être plus précis. Dans Sekiro, chaque ennemi représente une menace potentiellement mortelle si le joueur ne se plie pas aux spécificités du système de combat. Oubliez les moulinets sauvages à l'arme blanche et la protection au calme derrière un bouclier, tout est affaire ici de parades et de contres actifs ouvrant des opportunités de finish move souvent mortels. La gestion de l'endurance propre aux expériences du genre est ici remplacée par une barre de posture qui grimpe à mesure de vos parades au sabre. Si cette jauge atteint son maximum, notre personnage est déstabilisé durant quelques secondes ouvrant ainsi sa garde à de cuisantes corrections.
Vos adversaires disposent aussi de cette fameuse gestion de la posture, du trash mob le plus faible au boss le plus coriace, la plupart peuvent épuiser leur garde en cas de bon timing dans vos contres. La danse mortelle propre aux productions du studio japonais gagne ici en intensité. Nous n'affrontons plus de simples "sacs à PV" sans défenses, mais de véritables combattants à ne jamais aborder à la légère. La boucle de gameplay créée par la dynamique des affrontements révèle assez vite tout son potentiel jouissif, les passes d'armes sont toujours tactiques, jamais brouillonnes et misent toute leur réussite sur un excellent timing de la part du joueur.
Un timing qui à tendance à se corser de manière parfois exponentielle sur certains sous-boss comme nous les appellerons. Ces adversaires, à ne jamais prendre à la légère, jalonnent la progression et diffèrent du reste du casting d'ennemis. Ils ne disposent pas de leur propre zone de combat fermée à la manière des boss majeurs du jeu, mais sont placés sur notre chemin, en plein cœurs des environnements ce qui autorise la fuite en cas de mauvais quart d'heure. À la différence des adversaires basiques, leur barre de vie gagne une jauge de santé supplémentaire, il est donc nécessaire de leur porter deux coups "mortels" pour en venir à bout. N'espérez pas les terrasser sans un minimum de concentration, leur puissance et leur palette de mouvements font un sérieux bond en avant côté challenge. Ces adversaires obligent le joueur à donner le meilleur de lui-même pour ne pas mordre la poussière en quelques secondes seulement.
Car la santé tombe en un rien dans de temps dans Sekiro et les gourdes de soin, en nombre limité, à la manière des fioles d'Estus des Souls ne se rechargent qu'à la condition d'aller se reposer face à l'une des sculptures de créateurs, des statues de Bouddha symboles de checkpoint entre lesquelles le joueur peut voyager pour faciliter ses déplacements dans le monde. Notez que tous les ennemis du jeu, hormis les boss et les sous-boss réapparaissent lorsque l'on décide de se reposer face à une idole. Bref, pour venir à bout des adversaires les plus compliqués, la tactique et la patience seront vos meilleures alliées.
Un combat face à un puissant boss
Connais ton ennemi
L'une des approches possibles face aux différents défis de Sekiro réside dans l'infiltration. À aucun moment obligatoire, elle est tout de même un outil fort pratique de la panoplie de notre shinobi. On s'accroupit alors pour se faufiler dans les hautes herbes et tromper la vigilance de l'adversaire, on se colle dos au mur en mode ninja, on bondit sur les toits grâce à notre grappin dans l'idée de prendre de la hauteur afin d'observer le terrain. Là un groupe de soldats peu armé, ici un ogre armé d'une lourde masse qu'il vaudrait mieux éliminer rapidement. L'introduction du grappin ouvre de nouvelles perspectives de gameplay.
Notre héros à la prothèse pleine de potentiel peut bondir et s'accroche à une foule de points symbolisés par une icône verte à l'écran. Branches d'arbres, rebords de toits, crochets, on se prend très vite à ce petit jeu bondissant exacerbé par le level design tout en verticalité imaginé par From Software. Sekiro est un titre bien plus fluide dans ses déplacements que ses prédécesseurs, bien plus libre aussi au point même de régulièrement permettre au joueur de traverser des zones entières en quelques secondes seulement sans même avoir à se soucier des combats.
Les adversaires disposent tout de même d'une barre de détection dont la couleur indique votre degré de visibilité. Suspicieux lorsqu'elle est jaune, ils passent à l'attaque dès qu'elle vire au rouge. Il est donc conseillé d'avancer avec prudence dans Sekiro, de tendre l'oreille à certains dilaogues des PNJ à la cherche d'indices stratégiques et de l'opportunité idéale pour placer une attaque aussi furtive que mortelle. Surprendre un ennemi de dos ou depuis les airs offre, ni plus ni moins, que l'assurance d'une attaque mortelle. Pratique dans un jeu où le moindre combat peut mal tourner. Ces mêmes éliminations discrètes vont d'ailleurs retirer une barre de vie complète aux fameux sous-boss du jeu, motivant ainsi le joueur à ne jamais foncer tête baissée dans la mêlée.
Tout irait pour le mieux dans cette approche au doux parfum de Tenchu si l'infiltration n'était pas quelque peu alourdie par une intelligence artificielle somme toute très basique. Sekiro se prend régulièrement les pieds dans le tapis de l'IA au comportement imprévisible. Si l'on profite beaucoup du champ de vision très réduit des adversaires, qui autorise les approches les plus risquées sans se faire trop de souci, si l'on passe sur leur incapacité à réagir à la présence des cadavres alliés, on subit en revanche trop souvent certains aléas fâcheux comme des détections à travers les murs ou des adversaires parfois soudainement omniscients. Cela autorise certes le joueur à profiter des faiblesses de l'IA pour faire basculer certaines situations en sa faveur, mais induit à la longue un sentiment de frustration.
Prothèse nous du mal
En plus de son katana et de son grappin, Loup possède un outil fort pratique en lieu et place de son bras gauche, une prothèse sur laquelle vont venir se greffer différents outils. Il faudra avant tout aller les dénicher à travers le monde dans des lieux parfois pas toujours évidents à repérer du premier coup (nous reviendrons sur le level design très réussi du jeu dans un prochain paragraphe). Une fois l'amélioration en votre possession, direction le Sanctuaire en ruine, sorte de HUB du jeu où vous attendent différents PNJ dont une doctoresse liée à l'amélioration de la capacité de soin de votre gourde, un entraineur qui vous aidera à peaufiner votre art du combat et le sculpteur, un vieil homme desséché, personnage central de Sekiro puisque c'est auprès de lui que vous allez installer et améliorer votre bras mécanique.
Du lancé de shurikens, à la lourde hache en passant par un lance-flamme ou une volée de pétards, chaque outil de prothèse trouve son utilité face à un type d'adversaire donné. Il est possible d'alterner en combat entre trois types de mécanismes de bras pour s'adapter au mieux à la situation. La hache va par exemple briser les boucliers de bois, les flammes vont affaiblir les ennemis aux yeux rouges, la lance sera idéale pour maintenir une certaine distance avec vos opposants. La prothèse n'est pas qu'un simple gadget, elle est un atout de plus dans notre arsenal stratégique et certaines batailles de boss sont grandement facilitées par son bon usage.
Attention toutefois, son utilisation n'est pas illimitée, chacun de ses usages puise dans votre réserve d'emblèmes spirituels à récupérer en butin sur certains mobs, dans certains niveaux ou disponibles à l'achat auprès des idoles de sculpteur. Avec un nombre de charges limité, les outils de prothèse s'utilisent avec stratégie et offrent à Sekiro un degré supplémentaire de tactique et de personnalisation du build du personnage.
Ninja théorie
Car si le jeu de From Software ne propose pas de système d'équipement lié à des statistiques, il compense cette absence par l'introduction de plusieurs arbres de compétences où investir l'expérience acquise à la sueur de nos duels. Le premier arbre concerne la partie combat au katana de Loup et débloque certaines nouvelles techniques appelées arts de combat à équiper dans l'emplacement prévu à cet effet (une seule technique peut être active en même temps). La seconde branche couvre la partie prothèse et propose une série d'améliorations et de nouvelles techniques avancées très utiles sur le terrain. Des bonus passifs sont aussi de la partie et viennent peu à peu améliorer le potentiel offensif et défensif de notre shinobi. En explorant le monde et ses secrets où après la défaite de certains boss, le joueur va découvrir des parchemins de techniques liées à d'autres écoles d'arts martiaux.
Le titre dispose ainsi d'une diversité d'approche satisfaisante dans les builds disponibles, même s'il n'est pas possible de transformer Sekiro en autre chose qu'un manieur de sabre, nous ne sommes pas dans un Souls rappelez-vous. Une autre branche concerne les outils de prothèse et nécessite d'investir à la fois des minerais à dénicher dans les différents butins du monde et des Sens, la monnaie du jeu que la plupart des ennemis libèrent à leur mort.
L'acquisition des points de compétences reste néanmoins liée à une mécanique de jeu au potentiel de frustration bien réel pour certains joueurs. Chaque ennemi tué fait progresser une barre d'expérience qui, une fois remplie, accorde un point de compétence et nous fait passer au palier suivant. Le scénario idéal implique donc de tuer suffisamment d'adversaires afin d'accumuler les points et d'aller ensuite les dépenser dans un arbre de compétences où les techniques avancées coûtent entre trois et six points.
Six points de compétences, cela signifie qu'il est nécessaire de prendre six niveaux de suite durant une phase de jeu. Sauf que chacune de nos morts dans Sekiro nous fait perdre 50% de l'expérience et de l'argent accumulés. Le joueur va donc régulièrement perdre une bonne partie de sa progression sans possibilité de la récupérer. Or, les situations où le challenge se corse de manière drastique sont légions dans Sekiro, boss, sous-boss, trash mobs ultra coriaces, la mort fait partie intégrante de notre voyage. On se sent alors presque obligé d'utiliser la bonne vieille technique du farm répété de mobs dans certaines zones pour accumuler les points avec un minimum de sécurité.
On retourne ensuite à l'idole du sculpteur pour faire repoper tout ce joli monde, répétez l'opération et à vous les points d'expérience assurés. Cette mécanique de perte est un ingrédient de l'équilibre entre challenge et satisfaction, un pilier de game design dans les productions From Software. Il n'était pas rare de farmer dans les Souls pour accumuler les âmes et monter en niveau, il en est de même dans Sekiro à la différence près que le challenge élevé du titre vous forcera bien plus à le faire.
Une mécanique appelée "Protection divine" vient néanmoins parfois nous éviter toute perte en cas de mort. Elle est liée aux performances globales du joueur et ses chances d'apparition sont indiquées dans le menu des idoles de sculpteur. Moins vous allez mourir au combat, plus ce pourcentage augmentera ; l'inverse est tout aussi valable…
Certains objets récupérés à la mort des boss et sous-boss du jeu augmentent aussi notre potentiel d'attaque et de survie. Récupérer quatre perles de chapelet augmente par exemple notre jauge de vie et de posture tandis que les souvenirs de combat font progresser d'un palier la puissance d'attaque. Il est donc nécessaire d'aller se frotter aux défis les plus élevés du jeu pour réellement progresser, dans la douleur souvent et au prix de dizaines de morts sur certains adversaires qui vous donneront sans nul doute du fil à retordre.
La mort vous va si bien
Comme le laisse supposer son sous-titre, les ombres meurent deux fois dans Sekiro. From Software souhaite bien faire comprendre aux joueurs qu'ils risquent de mourir régulièrement au cours du jeu, mais qu'ils auront la possibilité de se relever. Issu de la lignée du Dragon, notre personnage possède l'étonnante capacité de se relever d'entre les morts afin de reprendre le combat. Une sortie de "continue" à deux charges dont la première se reconstitue de manière automatique à chaque repos aux idoles et la seconde se régénère petit à petit lorsque vous tuez des ennemis. Cette tolérance à la mort rend-t-elle Sekiro Shadows Die Twice plus simple que ces prédécesseurs ? La réponse dépendra de votre aisance au combat et de votre bonne compréhension des mécaniques de jeu. De notre côté, nous considérons le challenge global de ce Sekiro plus corsé que celui des Souls. Plus technique dans son approche, il se montre bien plus intransigeant à la moindre erreur ; chaque ennemi un minimum avancé n'aura aucun mal à vous mettre à terre entre en une ou deux attaques.
Cet avantage de résurrection doit donc être perçu comme un outil supplémentaire dans la panoplie des actions du Loup. Face aux ennemis basiques, il offre l'opportunité de se relever discrètement dans leur dos afin de leur asséner une attaque mortelle. Génial me direz-vous, voilà une bonne technique pour éliminer un boss. Que nenni malheureux shinobi mangeur de poussière, From Software a tout prévu puisque les boss ne vous perdent jamais de vue lorsque vous êtes à terre. On se relève ainsi pour mieux reprendre le combat en cours avec une barre de santé remplie seulement à la moitié de son maximum. Revenir d'entre les morts ne fait pas perdre de points d'expérience, seule la mort, la vraie, celle qui nous fait réapparaître au dernier checkpoint induit cette perte.
On pourrait alors penser que la peur de la mort plane moins sur Sekiro que sur les autres productions From Software. Ce serait oublier une petite surprise préparée par le studio japonais : la Peste du Dragon (ben tiens !). À chaque mort durant votre aventure, ce mal mystérieux aura une chance d'affecter les PNJ amicaux croisés jusqu'alors. Pris d'une violente toux, recroquevillés sur eux-mêmes, ces derniers auront de plus en plus de mal à communiquer avec le joueur, le privant ainsi de certaines interactions nécessaires à la complétion des missions annexes de Sekiro. La peste réduit aussi considérablement les chances de déclenchement de la bénédiction divine. Une épée de Damoclès plane ainsi à tout moment au dessus de la tête du joueur ; plus il va mourir, plus sa progression sera entravée. Fort heureusement, il existe en jeu un moyen de contrer les effets de ce mal, méthode dont nous vous laissons la surprise de la découverte afin d'éviter le spoil.
Une grande liberté d'exploration dans les combats
Vers les sommets
Au vu des premières bandes-annonces et compte tenu de son cadre historique situé en pleine époque Sengoku, nombreux se posent la question de la diversité des environnements traversés dans Sekiro. Si les premières heures de jeu nous font évoluer dans des décors typiques de cette époque, villages dévastés, forteresses balayées par le vent et la neige, la suite du programme nous réserve son lot de panoramas sublimes et d'environnements bien plus crasseux à la From Software. Le studio a laissé libre court à son imagination pour nous conduire au sein d'ambiances variées. Époustouflant de grandeur comme lors de la partie dans les montagnes abritant un vieux temple peuplé de moines aux pratiques douteuses, fourmillants de détails dans ce village enflammé aux allures de films de samurai du cinéma japonais des années 60, le titre n'hésite pas à explorer des pans bien plus sombres de ses décors avec de noires cavernes empoisonnées peuplées de créatures défiant elles aussi les lois de la vie et de la mort.
D'une cohérence folle, le level-design de Sekiro offre au joueur la possibilité d'explorer la totalité de son aire de jeu avec une liberté inédite pour un jeu du studio, et ce, sans temps de chargement (sauf s'il décide d'utiliser les points de téléportation). Comme pour souligner ce travail d'orfèvre sur les environnements et afin d'accompagner les possibilités décuplées offertes par le grappin, tout est ici affaire de verticalité. Loup peut bondir, s'accrocher à des branches pour découvrir une foule de recoins inédits, progresser dos à certains murs, et même nager. Rien ne semble pouvoir l'arrêter si ce n'est quelques légères imprécisions de collision rencontrées sur certains points d'accroche du jeu (comme les rebords de quelques murets). Des bas-fonds les plus poisseux de la carte, aux sommets les plus majestueux, la direction artistique de l'ensemble, dont les teintes oscillent entre les couleurs automnales et hivernales, confère à Sekiro un attrait visuel tout particulier à même de nous faire oublier une technique pourtant très proche de celles des Souls. Côté bestiaire, le studio japonais abat de très bonnes cartes avec un casting varié allant du samurai débraillé aux créatures les plus inattendues voire carrément dérangeantes.
Sans gros défauts apparents, le moteur graphique ne s'impose pas comme un ténor du genre ; Sekiro ne compte de toute manière pas concourir au titre des plus beaux jeux de sa génération. Mais la technique ne fait pas tout et même si certaines textures manquent en effet de finesse, l'ensemble dégage une très agréable impression visuelle. Une fois de plus, From Software met un point d'honneur à peaufiner ses animations dont on reconnaît sans mal l'ADN (observez l'ouverture des portes lorsque vous y jouerez.). Les mouvements d'attaque de notre personnage et de ses ennemis impressionnent par leur fluidité et leur style, tout comme les rencontres de boss majeurs, à la mise en scène toujours aussi classieuse. Seule la caméra, secondée par le lock automatique du grappin parfois un peu capricieux viennent ajouter une ombre au tableau, notamment dans les espaces confinés où le combat contre plusieurs adversaires démontre les limites de ces deux aspects du jeu. Le sound-design et la bande-son sont aussi de haute volée, plongeant instantanément le joueur dans ce Japon médiéval si plaisant à découvrir.
Testé sur PS4 Pro, le titre affiche un framerate satisfaisant dans la plupart des situations (entre 40 et 60 fps en de très rares occasions). Si quelques légères chutes se font parfois ressentir, on tient ici une version solide dotée de temps de chargement peu nombreux et surtout assez rapides. La version PC, testée lors de notre preview dans les locaux de From Software affichait 60 images par seconde de manière constante sur une GTX 1080. Nous reviendrons prochainement sur la technique du jeu pour les différentes plateformes disponibles.
Points forts
- Des combats nerveux et très techniques
- La folle liberté conférée par le grappin
- Une fluidité dans les mouvements qui fait plaisir
- Bestiaires et boss variés
- Des environnements d'une verticalité impressionnante
- Une maîtrise du level design qui nous enchante toujours autant
- Les différents arbres de compétences
- Les animations très travaillées et cette direction artistique !
- Sound design et bande-son qui plongent directement dans l'ambiance
Points faibles
- L'intelligence artificielle très basique des ennemis
- Système de progression souvent frustrant
- Caméra parfois dans le mal en environnements clos
- Lock automatique du grappin perfectible
- Certains soucis de collision à pointer du doigt
Si la capacité de pouvoir se relever d'entre les morts pour reprendre le combat pourrait induire certains en erreur sur l'accessibilité de Sekiro, le jeu du studio japonais ne tarde pas à révéler sa véritable nature de pur jeu issu de l'ADN From Software. Technique, exigeant, souvent intransigeant face à l'erreur, il n'en demeure pas moins toujours aussi gratifiant après la moindre réussite. D'un dynamisme exacerbé par l'arrivée de mécaniques de combats pensées pour nous offrir la sensation de contrôler un shinobi, Sekiro puise autant dans Tenchu pour une partie infiltration correcte mais sans éclats, que dans les Souls pour ses affrontements mémorables. Les lames des katanas s'entrechoquent avec une classe folle, tandis que le joueur progresse dans le sang face à un défi de plus en plus corsé ; une route parfois frustrante sur certains aspects, mais où chaque petit pas fait tellement de bien à notre ego de joueur. Une expérience qui, si elle pourrait en décourager certains, n'en demeure pas moins hautement recommandable. Bref, comme le dirait si bien le slogan de ses grands frères : Prepare to die…