Certains l’aiment glauque et dépressif, d’autres fou et coloré : le post-apo vient maintenant se mêler à la licence Far Cry dans un épisode s’attardant sur les conséquences à long terme des événements de fin du précédent opus. Un moyen pour Ubisoft de boucler un arc narratif étonnant, mais aussi d’orienter la série vers davantage de mécaniques de jeux de rôle.
Capitaine d’un groupe de personnes oeuvrant pour rebâtir des poches de civilisation en Amérique, vous êtes appelé en renfort par Prosperity, une communauté attaquée par un groupe de motards nomades : les ravageurs. Sans surprise, l’affaire tourne mal et vous voilà donc obligé de faire face aux deux jumelles à la tête de ce groupe.
Une trame principale peu inspirée
S’en suit alors une longue croisade face à l’envahisseur en deux-roues reprenant une grande partie des codes de la série, entre infiltration, fusillades nourries, et trips hallucinés. Si Far Cry 5 conservait un véritable intérêt par l'audace de son final, New Dawn est plus à la peine sur l’ensemble de son aventure. Le retour de personnages majeurs de l’épisode précédent est certes appréciable et offre une opposition tripartite (Survivants du culte - Ravageurs - Prosperity) dont l’apport narratif est intéressant. Le scénario donne toutefois l’impression de ne pas avoir grand-chose à raconter au delà de cet affrontement post-apocalyptique, éludant même certaines sujets - au potentiel narratif pourtant indéniable - laissés en suspens à la fin de Far Cry 5 ou n’allant pas au bout de ses réflexions sur les tourments des différents personnages.
De même, s’il faut reconnaître l’effort réalisé pour offrir une succession de missions variées au cours de la trame principale, celles-ci sont de qualité très inégale. Le premier acte s’avère aussi classique qu’efficace, mais le second souffre de choix discutables de game design. Nous pensons notamment à cette succession de mini-énigmes environnementales sans grand intérêt ou la remontée d’un canal semblant durer une éternité, qui cassent bien trop le rythme d’un titre orienté action/infiltration. Même la séquence hallucinatoire de l’acte concerné se paie le luxe d’offrir une boucle de gameplay redondante prolongeant là aussi inutilement l’ensemble. Notons tout de même que le 3e acte est bien plus inspiré sur son démarrage et nous offre enfin un affrontement de boss prometteur sur le papier… Avant d’également tomber dans le piège de la phase qui s’étire, puisque les ennemis concernés s’avèrent être de véritables sacs à PV. Un combat qui reste toutefois bien plus inspiré que l’affrontement final, pas vraiment aidé par la construction sans aspérité du niveau.
L'introduction du jeu en vidéo
Light RPG en approche
Malgré ce constat peu reluisant sur la trame principale, New Dawn a tout de même de sérieux atouts sur le reste de ses ajouts. Le plus visible d’entre eux, c’est l’arrivée de quelques mécaniques atténuant légèrement la dimension “action” du titre au profit d’une approche qualifiée par les développeurs eux-même de “Light RPG”. Vous pouvez d’une part améliorer les différentes sections du domaine de Prosperity pour disposer de bonus de santé, de mercenaires améliorés, ou pouvoir acheter véhicules et armes de niveau supérieur, entre autres, mais aussi être confronté à des ennemis dont le niveau d’équipement est désormais signalé par la couleur de leur jauge de vie. Sans surprise, c’est donc en améliorant votre propre matériel que vous pourrez mettre votre équipement à niveau pour venir à bout d’ennemis plus coriaces.
Pour améliorer toutes ces sections, la récupération de matériel en tout genre s’avère nécessaire : New Dawn laisse donc une plus grande place au loot et à la fouille des zones explorées, sans que l’ensemble ne paraisse pour autant trop redondant. L’éthanol servant à améliorer Prosperity se trouve en vidant les avant-postes de leurs occupants, qu’il est d’ailleurs possible de rejouer en choisissant de piller intégralement l’avant-poste : vous obtiendrez plus d’éthanol, mais de nouveaux ennemis de niveau supérieur reviendront alors à la charge. Pour le reste, les composants se trouvent partout, même s’il faudra sans doute passer par les expéditions pour obtenir les plus rares : ces dernières vous permettent de profiter de l’hélicoptère de Roger Cadoret - personnage canadien haut en couleur - pour explorer plusieurs lieux des Etats-Unis. Elles aussi rejouables avec une difficulté progressive à chaque nouvel essai, elles ont la bonne idée de proposer des objectifs légèrement différents à chaque fois pour explorer différemment les maps concernées.
Tout comme les trames de missions principales, le contenu annexe a également fait l’objet d’une attention prononcée sur la question de la diversité. Les caches se ressemblent peu entre elles, les expéditions offrent des paysages et des niveaux au level design varié, et même les avant-postes disposent chacun de légères subtilités permettant d’alterner entre différentes approches. Quant aux missions permettant de recruter des compagnons d’arme ou des spécialistes venant rejoindre votre camp, leur scénarisation suffit à apporter un soupçon de consistance à l’univers. Nous l’évoquions plus haut, mais ce modèle suffit donc à éviter que l’alternance entre missions principales et annexes, ainsi que la recherche de composants ne s’avèrent trop redondantes.
Gameplay : Libération et pillage d'un avant-poste
Le post-apo lui va si bien
Far Cry New Dawn est également agréable à parcourir grâce à son univers, mariage de raison entre les codes typiques de la série, et la vision post-apocalyptique empreinte de folie d’autres oeuvres majeures du genre : difficile de ne pas retrouver du Mad Max, pour ne citer que lui, dans le style et les codes de conduite des ravageurs. Revoir Hope County sous une telle forme offre une relecture intéressante de la map de Far Cry 5, loin d’être dépourvue d’humanité grâce aux nombreux écrits ou audiologs laissés ça et là qui permettent une nouvelle fois d’enrichir l’univers via des tranches de vie. D’une manière générale, le titre est également très réussi sur la modélisation pure ou la partie technique, seulement entachée dans notre aventure par quelques bugs de scripts et accessoirement une IA ennemie toujours aussi peu crédible. Nous aurions pu penser qu’avec plus de statistiques, le titre aurait compensé cet habituel défaut en rendant simplement ses IA plus agressives, mais celles-ci continuent d’être peu farouches en infiltration et adeptes de déplacement illogiques lors des phases d’action.
Points forts
- Far Cry et post-apo à la sauce Mad Max, un mariage de raison
- Les éléments “Light RPG” qui rafraîchissent la licence
- Un gros effort dans la variété des quêtes annexes (caches, expéditions, camps)
- Quelques très bonnes idées de missions principales...
Points faibles
- … Qui côtoient d’autres séquences mal pensées
- Une trame principale convenue avec un final peu inspiré
- Boss “sacs à PV” même avec un excellent équipement
- IA adverse aussi peu crédible en infiltration qu’en action
Il faut reconnaître à Far Cry New Dawn une certaine volonté de casser les codes. En proposant notamment quelques éléments RPG qui viennent atténuer l’action omniprésente dans les précédents, en s’appuyant sur des phases plus originales ou offrant un rythme différent, en misant sur plusieurs séquences annexes rejouables venant “challenger” les joueurs… S’il convainc par son contenu varié ainsi que par quelques passages inspirés, il se prend aussi occasionnellement les pieds dans le tapis. En témoignent ces phases traînant en longueur et utilisant un mécanisme jusqu’à l’écoeurement, des boss tombant dans le piège pénible du sac à PV, même avec un équipement approprié, le tout enrobé d’une trame principale à la narration convenue et en panne d’idées sur son scénario. Reste une prise en main solide et un mariage d’univers heureux entre la licence Far Cry et le post-apo façon Mad Max, qui suffisent à passer un moment amusant à défaut de faire de cet opus un must-have de la série.