Duels de regards, mains frémissant sur la crosse d’un revolver, plaines s’étalant jusqu’à l’horizon, chevaux sauvages s’ébrouant sur fond de soleil couchant, le western profite depuis toujours d’une imagerie à nul autre pareil et surtout terriblement marquante. Alors que le cinéma nous a offert quantité de chefs-d’œuvre se déroulant à cette période, c’est tout le contraire dans le jeu vidéo. Bien que certains titres comme Desperados : Wanted Dead or Alive, Call of Juarez, ou, dans une certaine mesure, Oddworld : La Fureur de l'étranger, ont tenté de rééquilibrer la balance, il faudra néanmoins attendre 2010, avec Red Dead Redemption, pour avoir droit à un jeu offrant au western ses véritables lettres de noblesse vidéoludique. 8 ans plus tard, Rockstar se penche à nouveau sur le genre, un rictus aux lèvres, la barbe mal rasée, les revolvers chargés et l’envie de dégainer l’un des jeux les plus marquants de cette fin d’année.
Après une présentation de 40 minutes sur PS4 Pro, nous avons pu, pad en main, nous essayer au titre pendant un peu plus d’une heure.
Bien que Rockstar soit conscient que Red Dead Redemption 2 n’égalera probablement pas les ventes d’un GTA, le moins qu’on puisse dire après nous être essayés au titre pendant une bonne heure est que cette lucidité mercantile n’a en rien interféré avec les ambitions du studio et le degré qualitatif de l’œuvre. Plus vaste, plus profond, mettant en avant des personnages haut en couleurs, Red Dead Redemption 2 nous aura littéralement bluffé alors que tout ou presque reste encore à découvrir. Un signe qui ne trompe pas d’autant qu’en l’espace de quelques minutes, nous nous sommes retrouvés happés dans un univers régi par la vengeance, la violence et l’appel du Grand Ouest.
Il Était une fois dans l’Ouest
Alors que le premier Red Dead Redemption nous contait la vie de John Marston, bien décidé à se ranger après avoir passé de nombreuses années parmi une bande de hors-la-loi, sa suite choisit de revenir 12 ans en arrière. C’est en 1899 que l’histoire s’installe alors que l’ancienne équipe de John, dirigée par Dutch Van Der Linde, est en cavale depuis plusieurs semaines suite à un braquage qui a mal tourné dans la ville de Blackwater. Traqué par les fédéraux, Dutch choisit alors de faire un dernier coup avant de s’évaporer dans la nature et de pouvoir profiter d’une vie plus paisible. Ceci aura d’ailleurs servi de point de départ à la présentation à laquelle nous avons été conviés, l’introduction rappelant furieusement le début des Huit Salopards de Tarantino avant de se poursuivre par l’attaque d’un train.
Bien que nous ne doutions pas vraiment que Rockstar peaufinerait l’ambiance et les personnages de son jeu, on est malgré tout surpris d’être sous le charme de l’ensemble dès les premières minutes, qui plus est dans le cadre d’une preview chez l’éditeur. De vraies gueules, des dialogues tirés au cordeau, le plan de la dernière chance, tous les éléments du western sont là, le tout embelli par une mise en scène plus cinématographique que jamais. La volonté d’en faire un produit à la croisée des chemins du jeu vidéo et du cinéma est d’ailleurs extrêmement visible à travers de somptueux panoramas ou bien encore une bande-son composée de plus de 192 pistes dynamisant parfaitement les différentes séquences dialoguées ou d’action. De plus, la possibilité d’opter pour une vue cinémascope et de choisir plusieurs angles de caméra lors de cavalcades (lorsqu’on doit par exemple se rendre à un point donné afin de débuter une mission) accentue encore cette impression d’autant que les personnages ne perdent jamais une occasion de parler en s’envoyant des lignes de dialogue bien senties.
Si rien n’est acquis pour le moment, on est donc enclins à faire confiance aux scénaristes pour nous proposer un scénario qui usera habilement des liens unissant Dutch et Arthur Morgan. Personnage central de cet opus et accessoirement bras droit de Van Der Linde, Arthur devra en effet choisir entre la loyauté envers l’homme qui l’a recueilli dans la rue et élevé comme un père et les doutes quant aux décisions de Dutch concernant l’avenir de la bande.
La Horde Sauvage
Le concept de bande sera d’ailleurs plus central que dans le précédent volet. Logique puisque si nous tenions le rôle de chasseur dans RDR, nous serons cette fois les chassés, ceci impliquant la survie et l’entraide. De fait, outre le plaisir de retrouver les différents membres du groupe et leur personnalité associée, l’idée de voyager avec sa bande devrait également procurer un sentiment très différent dans RDR2, la notion de groupe se subsistant à la solitude de John. Bien entendu, comme dans chaque famille, on imagine que des tensions ne tarderont pas à naître et que cela mènera à des scènes épiques à travers gunfights, chevauchées à bride abattue ou échanges verbeux dignes d’un Sergio Leone.
Cette dimension familiale étant très importante dans RDR2, à chaque fois que nous nous déplacerons au sein de la map (la plus grande jamais vue dans un jeu Rockstar), nous aurons la possibilité de revenir à notre camp qui changera de place en fonction de l’intrigue, notre base n’étant jamais bien loin des villes traversées. Notons que celles-ci gagnent en réalisme grâce à bien plus de détails visuels, une topographie moins uniforme et des habitants plus nombreux vaquant à leurs occupations, les plus imbibés d’alcool pouvant vous provoquer au moindre accrochage. Il sera donc primordial de faire attention à notre comportement, une simple bousculade, alors qu'on chevauche trop rapidement dans les rues, pouvant par exemple mener à une bagarre. Notre conduite influencera ainsi notre sens de l’honneur qui lui-même influera sur notre environnement, de l’argent qu'on pourra récupérer lors d’un braquage à notre niveau d’intimidation. Veillez par exemple à ne pas vous balader le colt à la main et si l’idée saugrenue de loger une balle dans la tête du boucher vous titille, vous pourrez être sûr que tout le monde vous prendra en chasse, qu’une prime tombera sur votre tête et que vous aurez fort à faire pour regagner la confiance des habitants. Une fois compris ceci, libre à vous de visiter chaque échoppe pour profiter de superbes décors embellis par des éclairages de toute beauté, d’analyser chaque objet achetable, d’aller chercher des contrats chez le shérif, de profiter d’un bain spécial (wink wink) à l’hôtel ou d’y prendre une chambre afin d’y dormir ou de vous changer. Les interactions s’annoncent très nombreuses et participeront à une immersion de chaque instant d’autant que vous pourrez à loisir braquer des diligences, intimider des témoins d’un crime pour les voler… Mais revenons au camp.
C’est à cet endroit qu'on pourra obtenir différentes quêtes en discutant à droite, à gauche. Si certaines nous permettront d’obtenir de meilleurs équipements (après avoir chassé et ramené des peaux par exemple), d’autres seront assujetties à l’approvisionnement du camp ou feront évoluer le scénario. Bien que facultatives, ces tâches pourront néanmoins nous offrir des bonus comme davantage de points de Déplacement rapide ainsi que des caches supplémentaires de nourriture, remèdes ou munitions. Le camp, qui pourra changer d’apparence en fonction de vos actions, nous permettra également de nous reposer, taper le carton avec vos compadres, jouer aux dominos, discuter de nos aventures autour d’un feu, etc. Les développeurs ayant pensé le tout comme une sorte d’entité vivante au sein de laquelle nos relations évolueront avec nos camarades, nos actions auront un impact sur notre environnement et principalement sur le niveau d’amitié que nous aurons avec les membres de notre bande. Par exemple, si l'on est sobre ou éméché, nos interactions et dialogues différeront et les personnes réagiront en fonction. On voit ici à quel point, Rockstar a misé sur la crédibilité de son univers, le tout étant renforcé par une myriade de détails passant par la personnalisation extrêmement poussée de notre avatar. Outre les nombreux vêtements (chapeaux, chemises, vestes, pantalons, bottes), nous pourrons modifier le visage d’Arthur en changeant sa coupe de cheveux ou en modifiant la pilosité de son visage, la barbe du personnage poussant aussi naturellement. Précisons d’ailleurs qu’au-delà de l’aspect cosmétique, il nous faudra par moments choisir la bonne tenue pour passer inaperçu dans certains lieux et faire attention à ce qu'on mangera pour ne pas prendre trop de poids (ou l’inverse) afin de toujours rester en forme à l’image de ce qu’on trouvait dans GTA San Andreas.
Traverser RDR2 passera donc par cette customisation peaufinée à l’extrême et ces très nombreuses interactions (via une touche liée à plusieurs actions) avec les personnes alentours, villageois, soldats, membres de notre gang mais aussi notre monture. Sur ce point, on note plusieurs améliorations. Bien qu’il soit toujours possible de capturer des chevaux sauvages, il sera bon de se rappeler que plus on en gardera un, plus on pourra nouer des liens avec lui en le brossant, le nourrissant, en lui changeant de selle… Ces petites attentions permettront à notre cheval d’être plus résistant, de courir plus longtemps sans s’épuiser, d’être moins effrayé par les coups de feu et donc d’avoir moins de chances de désarçonner Arthur. Notons tout de même que ces corvées sont rapidement minimisées par les vrais liens nous unissant à notre monture. En effet, grâce à une animation beaucoup plus réaliste et le côté pratique de l’animal (sur lequel on conserve objets et armes qu'on ne peut porter), il deviendra très vite un personnage à part entière sur lequel il faudra compter.
Impitoyable
Au-delà de l’aspect narratif passant par sa réalisation et les efforts fournis pour rendre le monde de RDR2 plus vivant que celui de son prédécesseur, Rockstar a également apporté quantité de petites améliorations en termes de gameplay afin de rendre l’expérience plus souple et agréable. Si nous reviendrons bien plus en détail sur cet aspect dans notre test, notez d’ores et déjà que via une pression continue sur la Touche L1, nous pourrons toujours choisir nos armes en passant par une roue dédiée mais bien plus pratique. La touche R1 étant, elle, dévolue à l’utilisation de différents objets, de fortifiants à notre bandana en passant par notre journal dans lequel on trouvera diverses informations sur les animaux et personnages qui auront croisé notre route. Une façon comme une autre de pousser le joueur à crapahuter pour tout découvrir d’autant que les animaux légendaires, synonymes de tenues rares, rempilent dans cet opus.
Pour parer à toute éventualité, face à un alligator ou un membre d’un gang rival, Arthur aura la possibilité d’avoir en permanence sur lui deux armes secondaires et deux fusils (l’un d’entre eux pouvant être remplacé par un arc). N’oubliez pas que vous aurez aussi à votre disposition un poignard ou des couteaux de lancer pour éliminer vos adversaires en silence et qu’en appuyant sur la touche L2, il sera maintenant possible de donner des ordres sommaires à nos compagnons afin qu’il se postent à des endroits clés pour augmenter les chances de réussite de nos assauts. Toujours dans un souci de réalisme, outre leur personnalisation, il faudra entretenir nos armes en les nettoyant ou les modifiant pour une plus grande efficacité. Sur ce point, bien qu’on nous annonce un chargement et un recul des armes améliorés, j’avoue ne pas avoir noté de grosses différences avec le précédent volet. A voir ce que cela donne sur la longueur.
Bien sûr, pour faciliter le boulot, le Dead Eye sera toujours au rendez-vous. Bénéficiant désormais de 5 niveaux d’utilisation (afin de profiter d’un ralenti plus ou moins long, d’un ciblage manuel ou auto…), la compétence sera toujours aussi classieuse lors de duels et pratique pour dégrossir les rangs adverses ou chasser proprement les animaux sauvages afin de ramener des peaux en bon état. A ce sujet, vous pourrez user d’un simili sixième sens pour pister vos proies, une sorte d’effluve vous renseignant sur le chemin emprunté par les bêtes tout en mettant en surbrillance les objets récupérables.
Inutile de le nier, bien que toujours un peu rigide dans ses déplacements, le gameplay fait très bien le taf. Les gunfights percutants au possible (cette impression étant renforcée par une bande-son immersive) deviennent encore plus délectables grâce à la Kill Cam embellissant aléatoirement certains tirs et à la jouabilité peaufinée permettant d’alterner facilement entre nos armes ou le combat rapproché lui aussi amélioré. A ce sujet on attendra tout de même d’en voir un peu plus car si on nous a annoncé davantage de coups, des contres et autres choppes, nous n’avons pas eu le temps de trop nous attarder sur ce point, les quelques rixes que nous avons faites ne nous ayant pas laissés une impression plus mémorable que cela.
Autant dans son somptueux univers (qu’il sera permis de visiter en vue TPS ou FPS) que son gameplay, Red Dead Redemption 2 semble donc exploser le précédent volet en y adjoignant un souci du détail hallucinant. Alors qu’on pouvait se demander si les développeurs allaient privilégier le multijoueur (disponible après la sortie du jeu via une beta) au solo, cette session nous aura prouvé tout le contraire.
Immersif, aucun jeu n’aura autant mérité ce qualificatif que Red Dead Redemption 2. En ayant soigné son univers jusque dans ses moindres détails, Rockstar semble vouloir proposer le western de pixels le plus dense jamais vu sur nos machines. Tour à tour féroce et contemplative, cette suite s’annonce sous les meilleurs auspices, poussiéreux, teintés de sang et servis par des personnages et dialogues maîtrisés. Préfigurant une histoire qu’on espère à la hauteur sur la durée, RDR2 se présente d’ores et déjà comme le fils légitime des meilleurs classiques cinématographiques du genre, l’interaction en plus. Autant dire que fin octobre, les balles fuseront et que les corps tomberont… Espérons simplement être du bon côté du revolver.
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