Jeune studio espagnol créé en 2009 et basé à Madrid, Tequila Works s’est fait connaître des amateurs d’apocalypse en 2012 avec Deadlight, un survival-Horror ayant reçu un excellent accueil auprès de la presse et du public. Malgré une gestation “compliquée” et un changement d’éditeur, le titre passant des mains de Sony à Grey Box Games, Rime fut mis en chantier. Ce jeu d’action/aventure coloré aux faux airs de Ico, Journey... nous invite à prendre part à un voyage initiatique et onirique dans un univers entouré de mystères. Mais Rime est-il le digne héritier des références dont il s'inspire ?
Gaming Live Preview de Rime : Un voyage énigmatique et poétique
Lors d’un Press Tour organisé à Madrid dans les locaux du studio Tequila Works, nous avons eu la chance de découvrir le jeu d’aventure Rime durant une session de plus d’une heure sur PlayStation 4 et ainsi parcourir partiellement les 2 premiers chapitres. Par la suite, nous nous sommes entretenus avec les développeurs durant des interviews individuels.
Un voyage initiatique
Il était une fois… un jeune garçon dépourvu de nom arpentant une île à la recherche de réponses. Le monde de Rime est avare en information et chaque bribe de savoir se paye manette en mains via une progression ponctuée d’énigmes. L’univers imaginé par les créatifs de Tequila Works se focalise sur un récit narré par le gameplay, à l’exception de quelques cinématiques éparses introduisant les nouvelles features. A la manière de Bound ou encore Fossil Echo, le récit se transmet par le visuel et non les mots tandis que les personnages ne s’embarrassent d’aucune scène de dialogue.
Rime est un voyage initiatique à la fois pour le héros et le joueur contrôlant ses faits et gestes. La force du titre vient de cette narration lapidaire et cette invitation à faire de ce périple le vôtre. Le ressenti et l’interprétation qui en découle n’appartiennent qu’à vous. Certains y verront les archétypes du voyage du héros, d’autres le passage de l’enfance à l’âge adulte… Les niveaux de lecture s’enchevêtrent et laissent le joueur libre de ses pensées et de ses actes sans jamais pointer du doigt la marche à suivre ou apporter un amas de réponses préconçues. Seul un guide prenant la forme d’un renard (en référence à "Le Petit Prince" de Antoine de Saint-Exupéry) guide nos pas dans ces zones ouvertes où exploration et découverte font la sève de l’expérience.
Une aventure évolutive
Le terme liberté définit l’aventure concoctée par Tequila Works. Catapulté sur une île inhabitée à première vue, ce jeune héros tente de lever le voile sur les mystères entourant cet endroit atypique. Rime est une ode à l’exploration et pousse tout à chacun à gambader dans les environnements à la recherche d’un artefact détenant une information, un collectible indéterminé… pour une durée de vie dépassant les 8h en ligne droite (12h pour les complétionnistes). Avec des mouvements rappelant l’aventurier Nathan Drake (voir la saga Uncharted du studio Naughty Dog), le héros s’agrippe aux corniches, saute de « plate-forme » « en plate-forme », active des trappes et autres mécanismes… avec aisance et dextérité.
La progression nécessite tout de même un brin de jugeote et certaines énigmes donnent du fil à retordre. S’amusant du temps, du cycle jour/nuit, des sons, voire des perspectives, ce titre prend des allures de casse-tête à de nombreuses reprises. Et pourtant, la résolution de ces puzzles se fait sans que la moindre explication textuelle ne soit nécessaire. Activer des « runes » par la voix, déplacer un objet, etc... énigmes et solutions coulent de source bien qu’elles puissent vous amener à vous creuser les méninges. Et l’enfant lui-même s’avère bien souvent une partie de la solution en projetant son ombre sur un mur ou en jouant le rôle de statue. Rime ne néglige aucune composante de gameplay pour renouveler ses énigmes.
Principal écueil des aventures mêlant réflexion et onirisme, la redondance n’est pas à l’ordre du jour une fois Rime entre les mains. Game Designer, artistes et développeurs offrent un renouvellement constant à la fois du gameplay, du ton et des environnements. Le jeu évolue ostensiblement d’un chapitre à l’autre et transpose à l’écran ce voyage initiatique entraperçu. Tandis que le premier stage est ensoleillé et respire la joie de vivre, le second se veut bien plus sombre aussi bien dans ses palettes de couleurs que dans les événements qui s’y déroulent. Un Némésis apparaît et distille un sentiment constant de danger lors des phases d’exploration. Il n’est désormais plus possible de gambader le brin d’herbe au bec et le moindre déplacement est un risque à prendre. Et cette évolution se ressent également dans le level design. Les décors aérés et aériens de la première heure laissent place à des tombeaux plongés dans l’obscurité, mais également à la découverte des fonds marins. Rime surprend, se joue des règles mises en place au préalable et réécrit perpétuellement son univers sans jamais perdre en cohérence.
Gaming Live Preview de Rime : Un univers inspiré et créatif
Des inspirations oniriques
Dès les premières images, la première bande-annonce, le projet avait interpellé la presse et le public par sa seule direction artistique. Patchwork de couleurs chaudes donnant vie à des environnements chaleureux, Rime nous invite au voyage. Les artistes de Tequila Works se sont inspirés du travail de Joaquin Sorolla y Bastida, peintre espagnol reconnu pour ses œuvres mêlant réalisme et lyrisme et son utilisation de la couleur blanche dans des tableaux s’attardant sur le quotidien. Et ce style qualifié de luministe se retrouve dans les décors imaginés pour Rime. Abondance de couleurs et jeux de lumière dépeignent des îles aux inspirations multiples allant de Lanzarote (et ce contraste total entre un sol calciné par la lave et des maisons blanches couvertes de chaux) à Chypre (où verdure et sable coexistent) en passant par les ruines et les architectures antiques (grecques, égyptiennes et précolombiennes).
Aphone à la limite du muet, Rime n’en reste pas moins une œuvre musicale, les compositions y sont donc essentielles. L’émotion passe par la vue, mais également par l’ouïe et la bande originale se marrie parfaitement avec l’atmosphère générale se dégageant du jeu. Les morceaux composés par l’artiste David Garcia piochent dans les œuvres cinématographiques pour apporter par le son cette touche d’épique et accompagner l’expérience. De Clint Mansell (The Fountain « Together We Will Live Forever ») à Trevor Jones et Randy Edelman (The Last of the Mohicans « Promontory »), le titre de Tequila Works est un régal pour les oreilles, et pour les sens de manière générale.
Seule ombre au tableau à l’heure où nous écrivons ces lignes, Rime souffre de quelques chutes de framerate par moment (probablement durant des chargements d’assets) et de certains changements de caméra abrupts lors de scènes nécessitant un point de vue fixe.
Petite perle débarquant en mai 2017 sur PC, PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch, Rime est à surveiller de près tant l’expérience a su nous convaincre en l’espace d’une heure. Le jeu de Tequila Works allie le fond et la forme dans une aventure enivrante où exploration et narration muette fusionnent à la perfection. Et ce renouvellement de gameplay, de ton et de tonalité à chaque chapitre estompe cette peur de la redondance inhérente aux œuvres dites « Arty » privilégiant la forme au détriment du fond.