Saga vidéoludique ayant participé à l'émancipation de l'horreur et de la survie dans le 10ème art, Resident Evil et sa corporation Umbrella hantent depuis plus de deux décennies PC, consoles portables et de salon. En 2012, le dernier épisode canonique en date avait divisé la communauté. Resident Evil 6 était un jeu d'action « Over The Top » généreux étalant un fan service de chaque instant au détriment de la peur, ce qui contraria une partie des fans de la première heure. Conscient de cela, Capcom annonça en juin dernier lors de l'E3 2016 un septième opus aux antipodes de son prédécesseur. Resident Evil 7 renoue avec le frisson qui faisait la sève d'une expérience à la fois survivaliste et horrifique. Vue subjective, ambiance pesante et poisseuse… ce RE7 semble plonger à corps perdu dans l'horreur pour le plus grand plaisir des addicts de l'angoisse que nous sommes. Après plusieurs expériences et démo, il est enfin temps de découvrir l'aventure principale. Resident Evil 7 tient-il toutes ses promesses ? Verdict une lampe-torche tremblante à la main !
Resident Evil 7 : Le survival-horror tant attendu se dévoile
Ce Press Tour organisé par Capcom prit place dans les locaux japonais de l'éditeur situés à Osaka au Japon. Nous avons ainsi pu parcourir l'univers de Resident Evil 7 durant près de 5 heures manette en mains sur une version PS4, tester les versions PlayStation VR et PS4 Pro et rencontrer le temps d'une série d'interviews différents membres de l'équipe en charge du développement du titre (Executive Producer – Jun Takeuchi, Producer – Masachika Kawata, Director – Koshi Nakanishi, Lead Level Designer – Lead Game Designer – Scenario Director – Audio Director).
La petite maison dans la folie
Après avoir parcouru les quatre coins du globe dans la peau de personnages aussi charismatiques qu'expérimentés, la saga Resident Evil retourne enfin sur les terres de la première trilogie, les États-Unis et son arrière-pays dans la peau d'un néophyte. L'Afrique, l'Europe et les grandes métropoles laissent place au milieu rural de la Louisiane et ses immenses exploitations agricoles s'étendant sur des dizaines de kilomètres, un lieu propice aux mystères et source d'inspiration pour de nombreux films d'horreur. Fort de ce lieu atypique et austère, Resident Evil 7 puise allégrement dans la culture populaire pour alimenter sa vision de l'effroi. Massacre à la Tronçonneuse, La Dernière Maison sur la Gauche, Shining, The Devil's Rejects, L'Exorciste, Outlast, Amnesia… RE7 fait appel à nos souvenirs cinématographiques et vidéoludiques et caresse une vision nostalgique, mais modernisée de la peur à l'écran.
Et la tribu Baker, principale antagoniste de cet opus, en est la preuve la plus évidente. Sans s'encombrer de cinématiques à rallonge, la folie se dégageant de ces énergumènes fait froid dans le dos. Clichés des bouseux ayant embrassé leurs pulsions meurtrières, Jack, Marguerite, Lucas & Co. formaient une jolie petite famille il y a encore peu de temps. Fuite en avant constante rythmée à la note près, entre affrontements acharnés, instants de répit et la découverte des lieux, la mise en scène se veut intimiste à l'exception de quelques scènes marquantes ou d'exposition nécessaires au déroulement de ce conte morbide. Le scénario de Resident Evil 7 s'étalant sur une quainzaine d'heures ne s'embarrasse d'aucune séquence grandiloquente. Une photo usée, une note abandonnée sur un frigo, un journal jeté sur un vieux canapé, un mystérieux personnage distillant quelques informations par téléphone… la narration se fait avant tout par touche et laisse l'imagination fertile du joueur aux commandes de ce drame familial dans lequel vous incarnez Ethan, un néophyte du surnaturel et de l'horreur.
Ce jeu homme débrouillard apprend ainsi à la dure l'existence d'un monde horrifique peuplé de créatures cauchemardesques et d'êtres humains belliqueux. Capcom souhaite se débarrasser de ce sentiment de toute-puissance émanant de Leon, Chris, Claire… et opte donc pour un protagoniste fraîchement débarqué. Au-delà de la simple identification par le joueur, ce personnage incarne cette vision moderne de la saga et découvre ce qu'il est advenu du monde en 2017 après les événements de Resident Evil 6. RE 7 se déroule bel et bien dans l'univers de la franchise. Et pourtant, les liens restent encore à l'heure actuelle bien flous. Resident Evil 7 n'a de Resident Evil que le nom d'un point de vue purement scénaristique à l'heure où nous écrivons ces lignes. Affaire à suivre !
En marge de la trame principale, de nombreuses séquences de jeu dévoilent l'univers de Resident Evil 7 par l'intermédiaire de cassettes vidéo à dénicher sur le domaine des Baker. Vous souvenez-vous de vos parents filmant vos faits et gestes étant petit avec un camescope cassette dernier cri ? Il en va de même pour Jack et Marguerite imprimant sur pellicule leur vie de famille. Tout au long de l'aventure, diverses séquences sont jouables et lèvent le voile sur les personnages de Mia, Ethan et le monde qui les entoure. La démo « Lantern » n'est qu'un avant-goût et ces séquences déconnectées de l'histoire principale pourraient lier RE7 à la saga. De quelle manière ? Cela reste encore à déterminer.
Bande-annonce de Resident Evil 7 à l'E3 2016
L'héritage d'une saga horrifique
Saga survivaliste « nanardesque » par excellence devenue au fil des productions une suite de jeux d'action shootés au fan service, Resident Evil renoue enfin avec ses origines et se rappelle aux bons souvenirs des nostalgiques ayant arpenté les ruelles de Raccoon City et les couloirs du manoir Spencer. Dans Resident Evil 7, la survie est synonyme d'exploration et de fuite. La seule présence d'un ennemi peut vous forcer à reculer et à fouiller les décombres de la maison des Baker à la recherche de munitions ou de soins appropriés. Enfin ! Après plus de 10 ans, le manque de cartouches est de retour et avec lui cette tension palpable à chaque ouverture de porte, à chaque nouveau couloir exploré.
Structurée en grandes demeures prenant des airs de labyrinthe à l'architecture torturée, la progression se fait par la résolution d'énigmes rappelant celles de la première trilogie. Que ce soit par la présence de clins d’œil presque forcés ou par la simple construction des puzzles à résoudre, ces derniers prenant bien souvent la forme d'objets à dénicher et à replacer au bon endroit, cette version 2017 hume le bon vieux Resident Evil d'antan. « C'est dans les vieilles peaux qu'on fait la meilleure soupe » murmurerait un Jack Baker affûtant sa hache sur les murs de la maison et il aurait parfaitement raison. Inventaire limité, combinaison de ressources, coffre pour ranger le trop-plein d'items… Capcom singe la première trilogie et tend à caresser le fan dans le sens du poil et grand bien lui en fasse.
Le survival-horror est de retour et ce dans son plus simple appareil au point de resservir une mécanique oubliée depuis des années, la sauvegarde manuelle via des Enregistreurs disposés dans des zones « sécurisées » où le héros peut reprendre son souffle. Et ce système ne s'encombre plus des rubans encreurs qui ralentissaient la progression. A la manière d'Alien : Isolation, sauvegarder est synonyme de survie tandis que la tension monte à mesure que vous vous aventurez des les méandres de la bâtisse des Baker sans pouvoir atteindre un Enregistreur, au risque de tout perdre et de devoir « tout » recommencer, tout du moins en partie.
Un renouveau survivaliste
Capcom ne se contente pas de recycler sa gloire passée. La série Resident Evil se rapproche toujours plus de l'avatar et gagne ainsi en immersion. Après les plans fixes et la caméra derrière l'épaule, la vue subjective fait son entrée. Cette vue à la première personne assure une immersion accrue et projette le joueur dans la peau d'Ethan. Il ne s'agit plus d'un personnage distant, mais de vous percevant le monde à travers vos propres yeux et non l'objectif d'une caméra sans vie. Outlast en avait démontré tout l'intérêt et RE7 surfe sur cette récente vague horrifique tout en s'appropriant la formule.
A l'image du titre développé par Red Barrels, un jeu du chat et de la souris se met en place entre les membres de la famille Baker et vous-même. Se dissimuler dans le décor est une alternative à ne négliger sous aucun prétexte. Au-delà d'une économie de munitions, l'expérience gagne dès lors en intensité. La survie est ainsi faite de fuite, de frisson… mais aussi d'affrontements. Dans ce domaine, le survival-horror de Capcom se donne les moyens de ses intentions. Combat de mêlée et gunfights agrémentent ce périple survivaliste de la meilleure des manières. Bestiaire varié et armes en tout genre s'affrontent sur le domaine des Baker. Le ressenti armes en main est de très bonne facture par ailleurs sans pour autant atteindre la maestria des cadors du genre. Pistolet, fusil à pompe, lance-flamme, lance-grenade... font face à des insectes, des humanoïdes aux capacités régénératrices… et ce n'est que la partie immergée d'un iceberg tapi dans l'ombre. Le héros lui-même aura l'opportunité de s'améliorer et de gagner en combativité en récoltant des « pièces antiques » libérant armes (44 MG) et power up (stéroïdes, stabilisateurs…). Sans jamais frôler la complexité d'un RPG et ce n'est en aucun cas le propos, Resident Evil 7 pioche dans différents genres et enrichit une expérience d'ores et déjà dense.
Le seul bémol est à piocher du côté des combats de boss et autres moments scriptés. Intéressants sur le papier et pensés pour être traversés de plusieurs façons différentes selon les choix effectués par le joueur, ces derniers s'avèrent bien trop imprécis pour laisser un souvenir impérissable. Bien souvent le plaisir de découvrir ces séquences s'estompe et seule la frustration demeure. Malgré tout, les intentions sont à saluer tout comme la mise en scène inspirée des plus grandes heures des films d'horreur des 30 dernières années.
Bande-annonce de Resident Evil 7 au TGS 2016
La peur lui va si bien
Par une vitre brisée, le vent s'infiltre dans une demeure aux papiers peints décrépis et aux plinthes rongées par la moisissure. Les rideaux dansent. Le plancher couine au moindre pas. L'humidité s'infiltre partout et détruit lentement la bâtisse. L'ambiance de Resident Evil 7 dénote des derniers épisodes pour revenir à cette atmosphère vétuste et pesante, joyau de la première trilogie. Pour ce faire, les artistes puisent dans les chefs-d’œuvre de l'horreur et dans nos peurs les plus profondes pour concevoir des environnements ravivant cette frousse enfantine des insectes, du noir… Les simples fluides recouvrant les murs et hoquetant à votre approche sont à même de vous figer d'effroi. La dégénérescence des individus peuplant ce lieu morbide transpire par le visuel. La Louisiane est un lieu propice à l'horreur et la ferme des Baker incarne à la perfection ce mortel environnement devenant un antagoniste à part entière.
Graphismes et sound design dansent à l'unisson espérant foudroyer de peur le pauvre Ethan. Un volet qui grince, le vent qui siffle dans la toiture, le grognement sourd d'un générateur, les cris psychotiques de Marguerite, les grommellements de Jack et de sa pelle aiguisée… le moindre son est synonyme de frisson, de gouttes de sueur perlant sur un front crispé. Et la présence timide de musique exacerbe le poids de chaque pas, de chaque décision prise avant d'éclater dans un râle de notes annonçant un combat à venir ou une menace approchant. La musique de par sa simple présence est une aide à ne pas négliger et un élément indispensable à cette peur s'insinuant par chaque pore de votre peau.
Techniquement parlant, Resident Evil 7 n'a pas à rougir face aux performances de la concurrence. Le titre de Capcom assure l'essentiel en misant sur une ambiance soignée et une stabilité à toute épreuve. Visuellement, RE7 est une réussite. Un environnement dynamique, des éclairages soulignant l'horreur, des effets de particules utilisés avec parcimonie et des hectolitres de sang donnent vie aux péripéties d'Ethan tandis que l'absence de bug majeur protège ce plaisir de vagabonder chez les Baker et ne frustre à aucun moment le joueur.
Au-delà du virtuel : PlayStation VR & PS4 Pro
Technologie désormais disponible auprès du grand public, la réalité virtuelle fait grand bruit depuis les lancements successifs de l'Oculus Rift, du HTC Vive et dernièrement du PlayStation VR. Simple gimmick pour les uns, révolution pour les autres, la VR fait couler beaucoup d'encre et à raison. Des titres tels que RIGS : Mechanized Combat League, EVE Valkyrie et Robinson : The Journey ont démontré le pouvoir immersif de cette nouvelle manière de jouer. Et Resident Evil pourrait être le « Seller System » tant attendu.
La réalité virtuelle prend tout son sens une fois la vue subjective ajoutée à l'équation. La survie et l'horreur vues à travers les yeux du protagoniste prennent une saveur toute particulière et la VR intensifie ce ressenti. La distance avec les événements imaginés par Capcom s'estompe une fois le PS VR vissé sur la tête. Le monde réel s'efface et laisse place à la Louisiane. Il ne s'agit plus d'un univers fait de pixels. Vous êtes véritablement plongés dans celui-ci, vous débattant pour survivre quelques minutes de plus. Ce qui arrive à Ethan vous arrive. Aucun moyen de détourner le regard et fermer les yeux ne signifie qu'une seule chose, une longue agonie à venir. Resident Evil 7 est un titre éprouvant et la réalité virtuelle accentue la formule au point de retirer le casque et mettre le jeu en pause à certains moments afin de reprendre son souffle et ses esprits. Et les sceptiques ne pourront invoquer la sacrosainte technique pour argumenter. Certes le titre ne peut rivaliser avec un Uncharted 4 : A Thief's End ou un The Witcher 3 : Wild Hunt. Et pourtant, le rendu est on ne peut plus plaisant, l'immersion faisant le reste.
Quant à la version PS4 Pro, les différences bien que présentes ne justifient aucunement l'achat de cette mise à jour hardware. Oui le jeu est plus fluide et donc plus agréable à parcourir. Et bien entendu les graphismes profitent de ce surplus de puissance pour se faire une beauté. L'aliasing, déjà peu présent sur la version PlayStation 4, répond aux abonnés absents. Les textures gagnent en finesse tout comme les effets de particules, le sang en première ligne. Le gain s'avère indéniable une fois l'éclairage pris en compte. La réflexion sur les surfaces réfléchissantes gagne en précision et les ombres lorgnent sur le photoréalisme. Sans changer radicalement l'expérience, la version PS4 Pro a le mérite d'améliorer l'expérience tout du moins visuellement. Les pointilleux pourront donc communier dignement avec leur nouvelle console.
https://www.youtube.com/watch?v=x0PZQiuOym8Sans être véritablement surpris après avoir traversé tremblotant de peur les précédentes démos, la découverte de Resident Evil 7 fut un moment à l'intensité rarement égalée. La survie prend tout son sens dans cet épisode en revenant aux fondamentaux qui faisaient la force de la saga par le passé, tout en innovant afin de convenir aux besoins du marché moderne. Attendre d'un survival-horror de finir traumatisé est un droit et le titre de Capcom relève le défi haut la main. Épuisant à parcourir et déconseillé aux cardiaques, RE7 se donne les moyens de ses ambitions et cherche avant tout à plaire aux fans de la première heure. Après un épisode 6 porté sur l'action, il est temps de prendre son courage à deux mains, recharger la pétoire de grand'pa et d'affronter nos peurs primaires. Et les versions VR et PS4 Pro ne font que confirmer l'intérêt que nous portons à ce survival-horror.