Elle approche à grands pas. Nombreux sont ceux qui l'attendent, espérant ressentir ce même frisson, cette même extase. Ce sentiment indicible de participer à quelque chose de plus grand que soi, qui concerne toute l'humanité, et son avenir. Elle, c'est la date de sortie de Deus Ex Mankind Divided, la suite tant attendue de Deus Ex Human Revolution. Alors que le titre sera disponible au public dans un peu plus d'un mois environ, Square Enix et Eidos nous ont permis d'approcher une nouvelle fois la bête. Et de découvrir manette en mains les six premières heures du titre, mais aussi de tester le mode Breach. Autant dire que ces huit heures de jeu furent instructives.
Attendu, Deus Ex Mankind Divided ? C'est peu de le dire. Square Enix l'a bien compris et mise gros sur le nouveau bébé d'Eidos Montreal. Il faut dire qu'en 2011, Human Revolution avait claqué quelques paires de joues. Après sept ans d'absence, la franchise faisait son retour sur le devant de la scène, et avec la manière. La copie était imparfaite, mais tellement séduisante. Alors, forcément, sans trop oser y croire, on espérait secrètement que les aventures d'Adam Jensen trouveraient un jour une suite. Et là voilà qui approche doucement, se laissant découvrir petit à petit, dans un effeuillage qui frôle l'indécence, tant Mankind Divided se laisse désirer. Et après huit heures de jeu, nous n'avons qu'une hâte : retrouver le titre, et poursuivre sa découverte.
Une ambiance toujours aussi soignée
Il faut dire que pour quiconque ne serait capable de résister au charme d'une bonne direction artistique, ou aux sirènes du cyber-punk, la suite de Human Revolution est une gourmandise au goût exquis. Deus Ex Mankind ne tarde pas à plonger le joueur dans un monde aussi séduisant qu'intimidant. Bienvenue en 2029, à l'heure où les humains n'ont tiré aucune leçon du passé et reproduisent des schémas que trop connus. C'est une époque de discrimination, de haine, où les contrôles d'identité et les abus policiers sont monnaie courante. Les Augmentés subissent une véritable ségrégation et l'on découvre très rapidement un monde où la condition personnelle de Jensen ne sera pas toujours un avantage, loin de là.
Et ce dès les premières minutes de jeu. L'ex-chef de la sécurité de Sarif Industries est à bord d'un hélicoptère et accompagne une escouade de soldats qui s'apprêtent à intervenir à Dubai. Une sombre affaire de trafic de pièces détachées et d'agents infiltrés. Plus que la mission en elle-même, c'est la façon qu'ont les autres soldats de traiter leur nouveau collègue qui intrigue. Malgré ses capacités, Jensen subit sarcasmes et remarques dédaigneuses. L'incident sur lequel Human Revolution a pris fin est encore dans tous les esprits. Personne n'a oublié la frénésie meurtrière qui s'est soudainement emparée de tous les Augmentés de la planète, qui ont tué des milliers d'innocents. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur : ils haïssent. C'est particulièrement palpable lorsque l'on arrive à Prague, où les contrôles se multiplient, où les SDF disposent tous ou presque d'un membre artificiel. En arrivant à la gare de la capitale tchèque, la caméra, toujours à la première personne, se déplace d'elle-même et pointe du doigt tout ce qui ne va pas dans la société actuelle. Cette entrée en matière est particulièrement intéressante et se fait tout en subtilité. Eidos a multiplié, depuis Human Revolution, les références au mythe d'Icare, qui par l'entremise de son père Dédale, a oublié l'espace d'un instant sa condition d'être humain, et s'y est brûlé les ailes – littéralement. Eidos aurait-il peur du transhumanisme et de ses possibles dérives ? Sans doute. Leur vision de ce probable futur est pour le moins pessimiste et Mankind Divided s'applique particulièrement à nous mettre mal à l'aise. Avec succès.
Un sentiment qui a un impact direct sur notre façon de jouer puisque comme dit plus haut, Jensen fait lui aussi partie de ces « clanks » (le sympathique surnom donné aux Augmentés), les nouveaux rebuts de la société. Ses faits et gestes sont particulièrement surveillés et les policiers ne lui laissent que peu de liberté, notamment à l'abord de zones rouges, où sa présence n'est pas souhaitée. Il faudra donc user de votre cerveau ou de vos armes pour pénétrer en certains endroits. Par chance, le gameplay et le level-design s'y prêtent plus que bien.
Un gameplay mieux maîtrisé
Si beaucoup n'hésitent pas à affirmer que Deus Ex Human Revolution est l'un des meilleurs jeux de la génération précédente, il ne faut pas oublier pour autant que le titre était marqué par certains défauts un peu agaçants, à commencer par ses phases de shoot. Il fallait un long temps d'adaptation pour réussir à utiliser correctement le système de couverture, et s'infiltrer dans les zones les plus protégées sans être repéré. Le tout était assez rigide et peu intuitif. C'est chose corrigée avec Mankind Divided.
Rappelons pour ceux qui prendraient le train en marche que Deux Ex Mankind Divided, comme ses prédécesseurs, est un hybride de FPS et d'infiltration, dans lequel vous aurez la plupart du temps le choix entre deux approches complètement différentes. Soit de tuer un peu tout le monde et de foncer dans le tas, soit de choisir la méthode plus subtile et donc de passer par des chemins de traverse, avec force piratage et exploration de conduit d'aération. Le nouveau titre de Eidos a une qualité (parmi tant d'autres) : il parvient à magnifier la formule en développant son côté FPS, sans délaisser la partie infiltration. Comprenez par là que les phases de shoot sont beaucoup plus agréables que par le passé. Cela passe par un meilleur feeling avec les armes, au système de couverture plus intuitif, qui matérialise à l'écran vos possibilités de déplacement. On est donc souvent tenté d'utiliser la manière forte, mais pourtant : jouer les cyber-ninja est tellement plus gratifiant que l'on ira plus facilement fouiller les niveaux de fond en comble pour trouver une porte, un passage, quoi que ce soit qui nous permette d'arriver à nos fins, et ce sans encombre.
Afin d'étendre les possibilités, les développeurs ont dû améliorer la formule, ce qui passe notamment par un level-design plus vertical. Si cela n'est pas particulièrement probant dans les premières heures de jeu, à Prague, les choses se compliquent en arrivant à Golem City, qui regorgent de petits passages, disposés sur 8 niveaux. Bien entendu, les escaliers et les ascenseurs ne seront pas toujours le moyen de plus sûr d'atteindre votre objectif, il faudra donc trouver d'autres passages, par exemple en faisant un peu de grimpette. Si l'on ne sait pas encore ce que donneront les niveaux suivants, Prague comme Golem nous ont convaincu : y évoluer est vraiment agréable et excitant, tant les villes contiennent des petits secrets et multiplient les pièces inutiles... posées ici et là simplement pour perdre le joueur et multiplier les fausses pistes. Un méli-mélo hypnotisant, et il ne tient qu'à vous de tout démêler.
Reste une interrogation sur la disposition des commandes. Lors de cette preview, nous avons joué sur PlayStation 4, et la prise en main nous a paru par moment assez peu naturelle. Par exemple, il faut appuyer sur Triangle pour faire sprinter Jensen, alors qu'on aurait tendance à vouloir cliquer sur L3. Mais les deux joystick sont déjà utilisés pour faire apparaître un système de pause active permettant d'interagir avec les armes (R3) et les augmentations (L3). Ces dernières sont activées via la croix directionnelle de la Dualshock 4, R3 servant principalement à choisir la façon dont sont disposées les pouvoirs de Jensen sur les croix boutons du D-pad. De fait, l'utilisation de l'un des deux sticks paraît sous-optimale, la gestion des augmentations aurait pu se faire par le menu standard (gestion de l'inventaire, carte du jeu, arbre de compétences, etc) qui s'ouvre en cliquant sur le pad tactile de la manette. Dans le même genre d'idée, il est possible de maintenir enfoncée la touche Carré pour déplier un menu correspondant à l'arme que l'on utilise. Il permet notamment de changer de type de munitions, mais il manque un peu de lisibilité. À l'usage, cet inconfort devrait disparaître mais l'ensemble reste peu lisible et peu pratique ; une sensation qui disparaîtra sans doute avec la pratique, mais tout de même.
Une intrigue complexe
Si jusqu'à présent nous n'avions pas encore suffisamment d'éléments en mains pour juger de l'intérêt de l'intrigue de ce Deus Ex Mankind Divided, les choses sont aujourd'hui bien différentes, puisqu'après plus de six heures de jeu, nous avons pu en avoir un bon aperçu. C'est avec un certain plaisir que l'on constate que le titre évite un manichéisme opposant humains « normaux » et augmentés, faisant passer ces derniers pour d'innocentes victimes. Adam Jensen se retrouve au milieu d'un conflit dont on ne connaît pas encore tous les protagonistes, mais ils sont nombreux, et aucun n'est vraiment blanc ou noir, loin de là. Complots, trahisons, taupes, on nous annonçait dès le titre du jeu une « humanité divisée », et c'est bel et bien le cas. Pris dans l’œil de la tornade, Jensen ne peut faire confiance à personne, ou presque, et sa situation particulière devrait lui valoir bien des migraines. Son sen moral, son sens du devoir, et ses convictions personnelles seront en permanence remis dans la balance.
Difficile de vous en dire plus sans prendre le risque de vous spoiler et l'on préfère vous laisser le bonheur de découvrir tout cela le 23 août prochain. Mais après six heures de jeu, il fut bien difficile d'abandonner la manette, d'autant que Mankind Divided a le bon goût de distiller ça et là des missions secondaires très intéressantes, notamment en ce qui concerne les nouvelles augmentations d'Adam. Figurez-vous qu'après les événements de Human Revolution, le monsieur est resté un moment inconscient, et il ne se rappelle pas de tout... ni de ce qui a pu lui arriver, à lui et à son corps, pendant qu'il était dans le coma. Un mystère de plus qu'il vous faudra éclaircir, parmi les nombreuses quêtes annexes que semble proposer le jeu. Notez qu'elles ne vous tomberont pas toutes cuites dans l'assiette puisque la plupart devront être dénichées, par exemple en interrogeant des PNJ.
Deus Ex Breach, la bonne surprise
Introduit auprès du public juste avant l'E3, le mode Breach avait été présenté à notre brave 87 qui n'avait hélas pu y jouer. Cette fois, pas de problème puisque nous avons pu jouer environ deux heures à ce mode de jeu qui vous propose en fait d'utiliser le gameplay de la partie solo, pour une suite de mini-missions très prenantes. Si le style visuel, particulièrement épuré, sert autant de cache-misère qu'à donner une identité graphique bien différente à Breach, le reste n'a pas subi le même régime intensif.
Vous incarnez donc un hacker qui devra s'introduire sur des serveurs et y voler des données confidentielles, appartenant à de grands groupes plus ou moins impliqués dans de sombres affaires. À l'écran, cela prend donc la forme de séquence d'infiltration, dans laquelle votre avatar jouit ses mêmes possibilités de déplacement et d'action que Jensen. Vous aurez là aussi la possibilité de débloquer des augmentations, et de peaufiner votre technique, car ici, le maître mot, c'est le skill ! Car si voler des données n'a rien de bien complexe, il faudra en revanche éviter ou repousser les attaques des IA ennemis, et parvenir à vous extraire du serveur dans les temps. On prend vite du plaisir à faire les meilleurs chronos, et l'on ressent régulièrement quelques petits moments de stress pas désagréables.
À chaque mission réussie, le joueur obtient une récompense, qui se matérialise sous la forme de cartes. Il y a parfois des armes, parfois des modificateurs (arme plus puissante, vitesse de déplacement améliorée, etc), parfois des munitions... Il existe plusieurs catégories de rareté et Breach dispose également d'une boutique dans laquelle il est possible de dépenser la monnaie gagnée en partie. C'est l'occasion de, peut-être, mettre la main sur une arme plus puissante, qui sait. Cela rappelle vaguement ce que l'on a pu voir récemment dans Gears of War 4, ou l'année dernière avec Halo 5. Du coup, on ne serait pas étonné de trouver, à la sortie du jeu, un système de micro-transactions, même si dans l'état actuel des choses, cela n'a pas l'air d'être au programme.
Riche en contenu et bien pensé, le mode Breach devrait permettre de prolonger l'expérience et surtout de s'amuser entre amis, puisque le mode embarque bien entendu un leaderboard qui vous permettra de comparer vos chronos et vos performances. Une jolie addition à un jeu qui ne manquait déjà pas d'attraits.
Les images utilisées dans cet aperçu ont été fournies par l'éditeur.
Sans être une véritable révolution, Deus Ex Mankind Divided pue l'amour du beau jeu vidéo ; Eidos avait trouvé la bonne formule avec Human Revolution et a semble-t-il préféré ne pas prendre trop de risques, ce dont on lui sait gré. Cette suite corrige de nombreux défauts du troisième Deus Ex, tout en se bâtissant une identité personnelle très forte, notamment grâce à la ville de Prague, si envoûtante avec son mélange de vieilles pierres et de technologies beaucoup plus évoluées. La vision qu'il nous donne d'un futur proche est aussi sombre que pessimiste, et c'est sans doute pour cette raison que l'on a tant envie d'y retourner, car les thèmes abordés sont passionnants, primordiaux. Plus riche et mieux pensé, Mankind Divided prend la forme d'une très bonne suite. Seule vraie ombre au tableau, le jeu (sur PS4 tout du moins) n'impressionne pas par ses graphismes ; d'aucun dira qu'au vu des autres qualités du jeu, ce n'est pas un vrai problème. Vivement le 23 août prochain, en espérant que ces bonnes impressions seront confirmées, ou mieux, confortées.