Il avait été teasé et avait fait grand bruit il y a deux ans, puis silence radio. L'année dernière Doom campait les planches de l'E3 2015. Durant la conférence de Bethesda, les fans le voyaient enfin vivre et s'animer dans une séquence de gameplay engageante. Le studio de Zenimax offrait à son assemblée l'annonce d'un retour que beaucoup n'espéraient plus. Nous sommes partis avec nos valises visiter le studio texan. Doom allait-il tenir toutes ses promesses ? Pour rappel le jeu est prévu au printemps sur PC, PlayStation 4 et Xbox One. Retour sur notre petit périple en enfer.
Premières images et premiers trailers, DOOM se trouvait de nouvelles pistes de réflexions quant à son gameplay. Déjà, les phases contextuelles; sortes de QTE implémentées ingame nous donnaient presque la nausée. Personne ne pensait que le jeu d'id allait se transformer en Heavy Rain, loin de là, mais pour l’aficionado, DOOM rime avec gameplay organique où la mitraille pleut comme un ouragan sur la Floride. Les herses étaient posées de notre côté, nous y allions presque en Moonwalk. DOOM allait-il ralentir sa cadence, allait-il perdre en nervosité et en activité frénétique ? Le jeu deviendrait-il un simple reboot facile ou au contraire allait-il diluer son ADN dans de nouvelles pistes ? Est ce qu'id allait flinguer son bébé, Carmack désormais parti jouer les apprentis sorciers avec la réalité virtuelle bien loin des terres matricielles ?
C'est un fait, lorsqu'un studio essaie de se réapproprier un jeu, il y a toujours cette tendance narcissique pour ses acteurs, de montrer qu'ils voulaient pousser le concept plus loin, quitte à dénaturer complètement le gameplay historique des opus originaux. Bien sûr il arrive par bonheur, et heureusement, que la réappropriation d'un concept soit convaincante. Mais pour le coup lorsque l'on ne sait rien d'un jeu sinon un ressenti vécu par procuration via une vidéo annonce, on reste toujours sujet à l'expectative. Et "l'angoisse n'est que pensée du futur" comme le diait Plotin. Nos questions allaient vite trouver des réponses dans les locaux d'id.
Doom, le retour d'entre les morts
Des idées de softwares à la résurgence du oldschool moderne
Nous débarquons chez Zenimax. Le mois de décembre au Texas se vit presque en tee-shirt. Il fait dans les 25°, les barbecues ne s'arrêtent jamais de tourner, et c'est dans un fumet de viandes carbonisées que nous allons retrouver la Bête immonde. Pour le coup, on est bien. Là les locaux high tech des propriétaires d'id nous rappellent qu'il est loin le temps où par simple courrier, aussi timbré que nous soit dit en passant, nous pouvions récupérer nos versions complètes d'un jeu après nos découvertes des dernières productions PC dans les sharewares achetés avec nos magazines de l'époque. Id a son étage attitré. A la réception c'est Dona, la mama du studio qui nous accueille.
Dona c'est un peu l'histoire d'id. Jamais bien loin des vitrines du studio dans lesquelles trônent des versions de Shadow Knights ou Catacomb d'époque, comme pour nous rappeler que certains dinosaures sont encore présents. Elle nous observe puis nous met vite à l'aise : « Je vois que certains sont aussi vieux que moi, vous savez de quoi il va être question ». Après quelques rires partagés, elle s’éclipse, en nous laissant aux mains de Marty Stratton.
L’exécutif d'id n'est pas un nouveau de la boîte puisqu'il a à son tableau de chasse de producteur des jeux comme Quake Live, Rage ou encore ce nouveau Doom. Arrivé dans la boîte en 1997, il nous fait faire le tour des studios. Juste le temps de comprendre que les mecs d'id sont un peu fêlés, car niveau lumière, ils laissent passer le strict minimum dans leurs locaux. C'est dans la pénombre irisée par quelques rayons que les démons s'affichent sur les écrans des tables des animateurs, au milieu de l'open space une partie des devs hurlent. On demande si ça se passe toujours comme ça dans les locaux, on nous répond que oui, ces derniers testant le multi du jeu. Ambiance. Direction notre petite salle de test dans laquelle sont alignés les PC. Mars n'est pas loin, son ambiance typique non plus.
Mars, toujours aussi rouge, Doom aussi brutal
Débarquement sur Mars. Les couloirs déroulent leur métal dans une ambiance ocre virant au rouge carnassier. Les premiers cris de succubes se font entendre au loin. Sur notre PC armé comme il se doit, notre personnage file vers son premier combat, la pétoire à la main. Petite rafale pour admirer les jets de particules d'hémoglobine, quelques strafs et un double jump plus loin, on a compris. Doom ne va pas jouer la carte aimable du jeu qui va entamer les présentations trop longtemps, son but il le justifie de manière brutale et claire. Le massacre est son credo, son univers est directement corrélé à Doom premier du nom et sa suite. Les bruits de pas dans les couloirs mêlés aux râles des démons attendant impatiemment votre visite nous remémorent très vite des souvenirs qui rejaillissent aussi vite que les balles que l'on distribue. Ça va être horizontal quand les hordes vont se déchaîner, mais le double saut indique très vite que Doom a gagné en souplesse. Les mouvements contextuels permettant de grimper sur le décor via quelques animations succinctes donnent une dimension nouvelle au jeu. Allez on tente quand même le rocket jump, histoire de voir. Quelques bumps plus loin on sait que les petits gars d'id ont fait le boulot. C'est maniable et ça fleure bon la tripaille, même si les premières impressions de claustrophobie se font sentir.
La hitbox et la hit-detection marchent au poil. Cette impression de toucher sa cible dans un FPS c'est aussi ce qui relie un joueur à un jeu de tir. Sans ce feedback utile, il est très difficile de se projeter dans un univers où la moisson de corps est le catalyseur de sensations multiples pour les utilisateurs. Les Imps jouent les sauvages, parfois farouches, quand ils vous rappellent le travail accompli sur Rage et ses mobs qui pouvaient éviter certains de vos pruneaux. Pas loin du bunker dans lequel vous vous réveillez au début du jeu, on se dirige rapidement vers un chemin de fer entrant dans la base. C'est de là que semble provenir l'invasion démoniaque, et ça va être « carpaccio time ». Une roue d'armement vient parachever l'immersion. Celle-ci se déploie en temps réel sans qu'à aucun moment le jeu ne s'arrête. Les switchs doivent être pensés en fonction des munitions de chaque arme et du nombre d'admirateurs aux yeux fous qui veulent vous faire la peau.
Car c'est une constante de Doom, il va falloir en nettoyer des mètres carrés avant de pouvoir respirer. Le jeu agresse le joueur constamment, comme pour lui rappeler la nature de cette base inhospitalière. Les niveaux sont toujours constellés de pièces secrètes où l'on peut à la marge découvrir de nouvelles armes. Ici une gatling, là un Super Shotgun comme à la grande époque, on mitraille en plus de remarquer que certaines armes sont upgradables. Un peu comme les perks qu'on peut embarquer, le jeu joue de la surcouche RPG histoire de complexifier son arborescence de fonctionnalités dans un monde où la sanction est létale Plusieurs approches pour éliminer la crasse sont possibles. D'abord le jeu rectiligne avec des switchs pensés selon la topologie du terrain. Pas question d'utiliser son lance roquette dans un couloir sous peine de manger dans la seconde des dégâts de zones. Les hordes attaquent de toutes parts, sorte de mix entre le Doom à l'ancienne et un Serious Sam qui aurait échangé ses espaces contre un milieu plus confiné. En jouant de cette roue, il est possible de gérer les flux des attaques tout en esquivant les démons grâce à la souplesse du moteur. Mais ce qui fait aussi la nouveauté du jeu, ce sont aussi ses « finishing moves ».
Baron des Enfers, soldats possédés et Pinky Demons, la totale
Chaque ennemi peut entrer dans une sorte d'état « stasique ». Comprendre qu'en touchant leur weak points (points faibles) ces derniers sont assujettis à voir leurs mouvements diminués au strict minimum. C'est à ce moment, et selon la position que vous avez par rapport au mob (car en fonction du côté où vous l'attaquez les animations de mise à mort seront différentes), que vous pourrez en faire de la chair à saucisses. Ces agencements sanglants ont été dévoilés dès la présentation du jeu à l'E3 et il faut dire que c'était une des choses qui pouvait terrifier le puriste. A en croire les vidéos, cela donnait mêmel'impression de casser le rythme du jeu. Clavier et souris en main, c'est autre chose. A chaque utilisation d'un finishing move ou d'un bon vieux coup de tatane bien placé, le personnage gagne un buff de vitesse. Mieux encore, le tout peut être linké, créant ainsi une chaîne de combos d'une rare frénésie. Nous qui pensions que Doom allait se diluer dans la mollesse et la surexposition cinématique de la violence via ces petites saynètes obscènes, il nous est très vite apparu que ces actions servaient complètement le gameplay du jeu. Ces dernières pouvant alternativement rétribuer le joueur avec des bonus de santé ou munitions.
Pas de régénération de santé automatique dans Doom, ça aurait été un comble. Il faudra donc constamment être dans l'action pour se voir offrir de précieuses unités de soins. Un peu à la manière d'un time attack où chaque checkpoint donne du temps bonus dans un jeu de bagnole arcade, Doom suit la voie magistrale du mouvement, du tir précis, et de l'identification rapide de l'aire de jeu dans laquelle on se trouve pour donner le plus de possibilités et d'angles de tirs aux joueurs. Comme entrée en matière on se dit que ça a de la gueule. C'est au point, pas de chichi, ça ne blablate pas entre deux commérages de marines ou de soldats en proie à la tourmente, ça fusille sec et ça a du caractère. Ressource Operation et Titan's Realm, les deux niveaux testés démontraient à chaque fois une approche pensée du gamedesign. Doom ne se jouera pas d'une main, il est perclus de secrets et n'oublie pas de prouver qu'en 2016 le système de loop a encore sa place dans un jeu vidéo moderne.
Oh tiens, un Mancubus avec un lance-flamme, ne serait-ce pas là un Cacodemon ? La mythologie de Doom fait son œuvre, certains nouveaux mobs font d'ailleurs leur apparition dans le jeu. Mais ce qui nous aura le plus rassuré, c'est cette dimension des levels à piéger les joueurs dans leurs dédales labyrinthiques jusqu'à voir apparaître des key cards pour donner du corps à la balade satanique. Les niveaux demanderont à la fois pas mal d'agilité pour les segments de type plate-forme aux joueurs, avec une verticalité jouant des couches architecturales pour nous perdre un peu plus.
On tourne parfois en rond, on revient sur ses pas, la santé dans le rouge et on sait qu'au détour d'un couloir on peut se prendre un mollard acide sur le paletot. Après avoir arpenté les galeries sinistres du jeu, on se dit que Doom ne brillera peut être pas au niveau de sa technique, car graphiquement il existe des FPS bien plus impressionnants. L'IDtech 6, le moteur propriétaire du studio fait en tout cas admirablement le travail au niveau de la fluidité des déplacements. Ça tourne nerveusement en plus d'offrir un niveau de détails assez satisfaisant pour immerger son monde dans le noir rougeâtre de Mars. C'est la fin de la session, et déjà le jeu fait bonne figure.
SnapMap et Multi, la tendance 2016 pour doom
Arrive Tom Mustaine dans la salle dans laquelle nous sommes, il nous regarde et nous demande « ça vous a plus ? Si c'est le cas, sachez que tout ce que vous avez vu sera réalisable par les joueurs. Je vais vous présenter le mode Snap Map. » Tom Mustaine est la personne à qui l'on doit entre autres les Master Levels de Doom 2 en 1995. Le bonhomme nous parle alors de cet outil qu'il a créé pour la communauté. Ce dispositif permet de modder le jeu à volonté, de créer des automates donc des IA, de définir leurs patterns, de créer un niveau, des mécanismes, d'y ajouter tout le bestiaire du jeu et cerise sur le gâteau de partager ses créations avec les joueurs via le SmartHub du jeu. Ce SmartHub fera office de ludothèque où tout possesseur de Doom pourra venir voter pour les meilleurs niveaux ou tout simplement créer des modes de jeu alternatif, voire même des jeux à part entière grâce à cet instrument discret du soft. La preuve est faite avec cette sorte de Tower Defense conçu en 10 heures d'après Mustaine par un des internes du studio. Le but avoué ? Etendre au maximum la durée de vie du jeu d'id. Si la prise en main nécessite tout de même un minimum de patience, le tout est accompagné de tutoriels vidéos afin d'expliquer toutes les ficelles de la plate-forme. De quoi donner des idées aux plus barrés et sadiques concepteurs se lançant à l'assaut de la Tour de Babel.
Ne restait plus qu'à faire un tour sur le multi. Son originalité ? Incarner un Démon en se ruant au bon spot de la map à un certain moment de la partie que nous avons pu apprécier en Warpath, sorte de mode Domination où les équipes s'affrontent pour s'adjuger un point. C'est un peu cette sensation que nous avons vécue sur ce mode de jeu en particulier, puisque la transformation est un vecteur tactique important pour s'adjuger la victoire en fin de partie. La créature tout en muscles développe des capacités spéciales, comme si elle sortait d'Evolve et faisait ses courses un jour de marché. Plus intéressant, le mode Clan Arena est un mode de jeu sans respawn où le skill est maître. Sur les deux cartes testées, Sacrilegious et son décor infernal ou Helix prenant place dans la base martienne, c'est définitivement là que le jeu prenait tout son sens. Avec une utilisation ingénieuse des équipements embarqués, un choix d'armes adéquate et une bonne communication, Doom prenait une dimension inattendue. Un tour plutôt complet d'un jeu qui s'annonce plutôt solide.
10 minutes de gameplay sur le nouveau Doom
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Le Doom nouveau annonce la couleur. Vif, puissant et racé, le jeu d'id Software démontre qu'un retour en arrière n'est pas synonyme de régression. Avec son outil qui permettra à la communauté de créer des niveaux jusqu'à plus soif : le SnapMap, le nouvel épisode de la franchise est armé pour s'inscrire dans la longévité. Un mode multijoueur vient compléter la proposition du studio texan qui s'avère pour le moins alléchante. Si le jeu édité par Bethesda parvient à concrétiser toutes ses promesses, à n'en pas douter il figurera parmi les meilleurs FPS de 2016. Allez id, faites nous rêver avec un mode solo complet, à la durée encore jamais vue pour un épisode de la série, et nous serons aux anges. L'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ?