En 2012, Lionel Gallat s’est lancé corps et âme dans un projet périlleux : quitter son poste clé dans un studio d’animation de renommée mondiale (Illumination Mac Guff, à Paris) pour réaliser en solitaire son propre jeu vidéo. Une initiative passionnée qui a accouché, en mars 2018, d’un titre débordant de charme : Ghost of a Tale. Programmeur, game designer, animateur 3D, scénariste… le Français est un artiste, un créateur qui a su apprendre à porter plusieurs casquettes pour donner vie à son imaginaire.
Lionel Gallat présente Ghost of a Tale comme un mélange entre aventure, action-RPG et infiltration. Nous y incarnons une souris ménestrel nommée Tilo. L'objectif : s'échapper des cachots du donjon de Fort Deruine et explorer un environnement ouvert labyrinthique dans le but de découvrir ce qui est advenu de sa bienaimée, Merra. Ici, pas de combats : la ruse, la capacité à agir rapidement, et un système de costumes à compléter pièce par pièce sont les principaux alliés du joueur dans cette aventure faisant la part belle à l'exploration d'un monde immersif et visuellement attrayant.
De Perpignan à Los Angeles
Créer un jeu vidéo seul et sans aucune expérience dans le domaine au préalable, cela peut paraître effrayant, voire tout simplement irréalisable. Pour Lionel Gallat, arrivé au sommet des plus grands studios d’animation Hollywoodiens, il s’agissait simplement d’une nouvelle étape dans sa carrière. Une aventure personnelle, motivée par cette soif d’apprendre et cette envie de créer qui l’anime depuis ses débuts. Tout commence dans le Sud-Ouest de la France, d’où il est originaire. Après quelques années passées aux Beaux-Arts de Perpignan et une tentative échouée d’entrée à l’école de bande dessinée d’Angoulême, il se redirige, sans certitude, vers le cinéma d'animation, sous l’impulsion de ses amis.
Deux amis aux Beaux-Arts m’ont dit qu’ils allaient passer les concours de l’école de l’image Gobelins, à Paris (l’une des écoles d’animation les plus renommées en France, NDLR). Nous y sommes allés, c’était énorme, il y avait des centaines de candidats. Je ne croyais absolument pas en mes chances.
Ironie du sort : des trois, Lionel est le seul à réussir le concours. Nous sommes en 1994, et le Catalan se retrouve à Paris pour apprendre les ficelles du métier d'assistant animateur. Dans cette prestigieuse école, il n'y reste finalement qu’un peu plus d’un an, avant de profiter du "coup de chance" qui se présente à lui.
Des gens qui venaient de Dreamworks, à l’époque où ils travaillaient sur leur premier film (Le Prince d’Egypte, NDLR), sont passés aux Gobelins. J’ai montré mes travaux sans trop y croire et finalement, ils m’ont dit « c’est exactement ça qu’on veut ». J’ai dû donner ma démission aux Gobelins pour quitter la France, et deux mois après (en 1996, NDLR) je débarquais à Los Angeles, sans vraiment parler anglais.
Gravir les échelons
À tout juste 22 ans, Lionel découvre le job de sa vie, au sein d’un studio qui vient à peine de naître sous l’impulsion du mythique trio Steven Spielberg / Jeffrey Katzenberg / David Geffen. Dans un contexte d’effervescence, au sein d’une équipe cosmopolite, il apprend le métier à un rythme effréné et ne tarde pas à se faire remarquer.
Il y avait une énorme communauté européenne. Dreamworks a été fondé sur les bases d’Amblimation (studio londonien à l’origine des films d’animation Balto et Fievel au Far West, NDLR). J’ai pu rencontrer des animateurs extraordinaires, des gens de nationalités différentes qui ont un talent fou pour apprendre le métier à leurs côtés. J’étais censé être assistant animateur sur le film Le Prince d’Egypte, mais j’ai finalement pu m’occuper d’une séquence entière. Une opportunité extraordinaire.
Les productions s’enchaînent alors très vite : La Route d’Eldorado, Spirit, l’Etalon des Plaines, Sinbad : La Légende des Sept Mers…Dreamworks s'impose vite comme une référence dans son domaine, et Lionel monte rapidement les échelons. Arrive ensuite Gang de Requins, son premier film en 3D. Un "choc" pour l’artiste.
En 2D, tu dessines, tout dépend de ta main. Quand tu passes à la 3D, tu deviens un marionnettiste, tu dois concevoir davantage ce que tu fais de manière abstraite. On retrouve moins le côté "feeling" immédiat de la main qui dessine sur le papier. C’était un peu traumatisant pour de nombreux animateurs. La transition était pénible, mais la 3D m’intéressait puisque j’étais joueur de jeux vidéo.
- 1998 : Le Prince d'Égypte (animateur de Moïse)
- 2000 : La Route d'Eldorado (animateur de Tulio)
- 2002 : Spirit, l'Étalon des Plaines (animateur superviseur)
- 2003 : Sinbad : La Légende des Sept Mers (animateur de Sinbad)
- 2004 : Gang de Requins (animateur superviseur)
- 2006 : Souris City (animateur superviseur)
- 2010 : Moi, Moche et Méchant (directeur de l'animation)
- 2012 : Le Lorax (directeur de l'animation)
Dans les années 80, Lionel jouait déjà : sur MSX d’abord (une famille de micro-ordinateurs d'origine japonaise, NDLR), puis sur Atari 520 ST avant de passer aux premiers PC 286 / 386. Même au sein de Dreamworks, il continuait de "jouer tout le temps", en portant logiquement son attention sur l’aspect visuel du jeu vidéo.
La 3D commençait vraiment à devenir sympa cette époque. Je me souviens des sorties de The Elder Scrolls IV : Oblivion (2006), et surtout de Doom 3 (2004). C’était une révélation, avec pour la première fois l'utilisation du "normal mapping" (une technique utilisée pour feindre le relief d'une texture, NDLR). Mais le jeu qui m’a vraiment convaincu, c’est Crysis (2007). Cette qualité de la lumière et des ombres, cette impression de douceur dans l’image.... là, je me suis dit « wow, c’est vraiment super beau ». J'ai pris conscience de la qualité visuelle qu’on peut obtenir avec le jeu vidéo.
À ce moment-là, alors qu'il travaille encore chez Dreamworks, l’univers animalier de Ghost of a Tale commence déjà à germer dans un coin de sa tête.
Retour à l’apprentissage
Une douzaine d’années passent depuis son arrivée aux États-Unis, et la lassitude pointe le bout de son nez. Surtout, l’envie de rentrer au pays et de travailler en France se fait sentir. De retour à Paris, l’opportunité idéale se présente alors : Janet Healy, une ex-productrice de Dreamworks, est en train de fonder un nouveau studio d'animation. Elle cherche quelqu’un d’expérience, rompu aux méthodes de management à l'américaine, et qui parle français. Lionel est tout désigné et rejoint Illumination Mac Guff, filiale de Universal Studios, pour travailler sur Moi, Moche et Méchant en tant que directeur de l’animation. Un rôle qu’il retrouve également sur Le Lorax, et qui déclenche chez lui une prise de conscience.
Au lieu de m’occuper de séquences spécifiques, j’ai pu diriger et contrôler la cohérence de films entiers. Je voulais avoir cette expérience, atteindre cette place où tu comprends vraiment comment tout fonctionne. Mais j’ai aussi pu comprendre que cela ne me rendrait pas heureux, que toutes les décisions sont prises par le studio, ceux qui ont l'argent, et qu'un réalisateur ne décide de rien. Plus tu montes dans une structure, moins tu fais le travail par toi-même. J’en ai vu beaucoup devenir amer, aigri, parce que la routine leur pèse. Quand j’ai quitté Dreamworks, j’avais enchaîné production sur production. Le moment était venu de faire mon propre projet, malgré le risque de se planter.
Après avoir fait le tour de sa carrière d'animateur, Lionel voulait de nouveau créer, sortir de sa routine, ne plus être un simple rouage d’une machine colossale huilée à la perfection. Et pourquoi pas en développant un jeu vidéo ? Avant même la sortie de Crysis, il mettait déjà son nez dans le CryEngine, le moteur de jeu du studio allemand Crytek. Le succès rencontré par ses mods, postés sur les forums de fans sous le pseudo «SeithCG», finissent de le convaincre.
Crytek avait été sympa avec moi, ils m’ont invité à Francfort quand ils travaillaient sur Ryse : Son of Rome. Ils m’avaient remarqué car j’avais créé un plugin pour Maya (outil d’animation communément utilisé dans l’industrie du cinéma, NDLR) permettant d’exporter des éléments dans le moteur de jeu. Ça les a impressionnés. Ils auraient bien aimé que je vienne m’occuper de l’animation chez eux, mais ce n’était pas ce que je cherchais. J’avais déjà passé quinze ans dans l’animation. Je voulais apprendre et raconter des histoires par le medium jeu vidéo, tout en gardant une forme de liberté. Pouvoir changer d’avis, essayer des choses, faire des erreurs. Je n’étais pas dans une optique « aller, je vais fonder un studio ».
Il s’initie alors en autodidacte à la programmation informatique, d'abord sur son temps libre… avant de se heurter aux limites de ce qu’un artiste solitaire peut réaliser avec le CryEngine. On lui conseille judicieusement de jeter un œil à Unity, qu’il apprend à utiliser en se gavant de livres et de tutoriels sur la toile. S’il perd en qualité visuelle par rapport au CryEngine, une référence sur ce point-là, il gagne en facilité de création.
Ça m’a pris cinq à six mois pour apprendre à programmer et faire ce que je voulais avec Unity. C’était intense, mais mon expérience dans l’animation m’avait donné des bases et des repères.
Ghost of a Tale, une épopée de six ans
En 2012, Lionel franchit le pas, quitte le domaine du film d'animation et se consacre à plein temps au développement de Ghost of a Tale. Le 2 avril 2013, le jeu est présenté pour la première fois au grand public. Par le biais d’un trailer, le néo-développeur montre Tilo, cette petite souris ménestrel emprisonnée dans un gigantesque château gardé par des rats hostiles, menaçants, qui se comportent comme des humains. L’idée de base du projet était claire :
Je voulais retrouver cette ambiance "conte animalier" qui m’avait impressionnée quand j’étais gamin, dans les premiers films Disney ou encore dans Brisby et le secret de Nimh (sorti en 1982, NDLR), avec cette héroïne principale, une souris veuve. Quand tu es gamin, ça surprend. On dirait que ça parle de choses vraies et adultes, mais en même temps, c’est du dessin animé. L’aspect visuel ne veut pas dire que c’est simpliste ou bête. Ça peut être touchant tout en restant simple. Cette idée me motivait pour l’histoire de GoaT. Je préfère les jeux qui invitent au voyage, au dépaysement. C’est ce qui m’attire, avant les mécaniques de jeu.
Il tente sa chance sur le site de financement participatif Indiegogo, sans trop savoir dans quoi il s’embarque… et séduit finalement 1190 contributeurs pour 48 700€ récoltés (dont 36 000€ environ réellement utilisables après envoi des t-shirts, figurines et autres cadeaux proposés aux backers).
C’était folklorique, mais très excitant en même temps. Hormis la vidéo, je n’avais rien préparé et j’étais seul. J’ai dû créer les modèles, les textures, les personnages du jeu, tout en alimentant la page en actualités pour tenir au courant les contributeurs. Mais cela m’a permis de lancer le projet, et surtout, de rencontrer mes collaborateurs. Notamment Paul Gardner, avec qui j'ai travaillé sur les dialogues, le programmeur Cyrille Paulhiac, qui m’a aidé sur des points très techniques de programmation, et l’illustrateur Jérôme Jacinto. Ce sont eux qui m'ont contacté pour travailler sur le projet, ils avaient bien aimé ce qu'ils ont vu. On a commencé à travailler ensemble à distance, et le courant est bien passé.
Au total, seulement sept personnes ont travaillé de près ou de loin sur Ghost of a Tale, dont deux à plein temps (Lionel et Cyrille). Une équipe restreinte, mais suffisante pour porter ce projet au budget limité.
Il y avait environ 80 animateurs, il me semble, sur Le Lorax. La transition était un peu violente mais ça s'est bien passé, j'avais ce besoin de revenir à l'apprentissage, de découvrir de nouvelles choses. (...) Pendant une bonne partie du développement, je me rémunérais 500 euros par mois. Je préférais payer mes collaborateurs. J'ai vécu sur mes économies, sans m'en plaindre publiquement puisque c'était mon choix.
Repéré par Microsoft, Lionel se voit proposé de sortir son jeu sur Xbox One en échange d’un petit pécule, mais sans que le constructeur n'intervienne sur la création du jeu. De quoi alimenter la machine, mais pas assez pour tenir face à ce développement qui s'étale sur la durée. Il se tourne donc vers une option souvent décriée par les joueurs, mais qui s'est révélée vitale pour le développeur : l’accès anticipé, lancé sur Steam et Xbox One (Game Preview) en juillet 2016.
L’accès anticipé nous a permis de lever le budget nécessaire pour boucler le développement. Ce n’était pas dans l’idée de faire de l’argent facile, mais une question de survie, de dire « voilà, ça commence à tenir debout, on va écouter vos retours et tenir jusqu’à la sortie du jeu ». Ça a été juste, mais on a tenu. (...) D'autres éditeurs m’ont approché, mais ça ne m’a pas intéressé. C’est eux qui contrôlent ce qui se passe. Il y a des deadlines, des dates de rendu précises, ce n'était pas du tout mon optique. Je ne voulais pas dépendre d’énormes infrastructures où tout est remis en cause, ce qui est normal puisqu'il y a énormément d'argent derrière.
Jeu d’auteur
Avec sa petite équipe, Lionel reste attentif aux retours des joueurs et expérimente, avec l'avantage de "ne pas avoir à attendre les directives d'un producteur", comme dans un studio traditionnel de jeu vidéo. Ici, il est le seul à implémenter les fonctionnalités. Dès la première présentation du jeu, au salon allemand gamescom 2013, il comprend son potentiel de "charme". Comment ne pas craquer en posant le regard sur la bouille de ce rongeur soigneusement animé, aussi adorable... qu'inoffensif. S'il cite Dark Souls dans ses sources d'inspiration, et plus largement des RPG à l'ancienne comme Gothic (2001), Risen, et la série des Elder Scrolls, il affiche clairement dès le départ que Ghost of a Tale ne serait pas similaire à ce genre de titres, tant au niveau de l'échelle que du gameplay.
Ce qui était primordial pour moi, c’était la manipulation du personnage : que ce soit simple, agréable, pas compliqué à prendre en main. Pouvoir bouger, courir, sauter facilement. Ça m’agace quand les choses ne sont pas faites pour aider le joueur à rentrer dans le jeu. Dans la première vidéo, on voit Tilo taper sur des squelettes avec une branche. Ça n'était pas réussi, j’ai eu des retours par rapport à ça et j’ai compris que je n'arriverais pas à faire un Dark Souls. Tilo étant une souris, j'ai donc décidé de miser sur l’aspect furtif et de « non combat », en tirant profit de ses aptitudes, sa rapidité et son côté malin, d'où le système de costumes (en rassemblant les différentes pièces d'un costume, Tilo peut tromper les gardes sur son identité et débloquer des compétences ou des interactions avec les PnJ, NDLR).
Avec cette dimension "action" en retrait, redoubler de créativité pour impliquer le joueur dans l'aventure était nécessaire. Il ne voulait toutefois pas tomber dans le piège de simplement proposer un "jeu d'animateur", bombardé de cinématiques qui en mettent plein la vue. Il n'y en a même quasiment aucune dans le produit final. Ghost of a Tale joue plutôt la carte de la subtilité.
Le propos est discret. On parle de l’histoire de ces animaux anthropomorphes, des problèmes qu’ils rencontrent, on lève le voile sur le monde, mais on ne met pas ça à la figure du joueur. Si tu avances dans le jeu et que tu ne lis pas les notes, tu peux simplement continuer. On laisse la liberté au joueur de jouer comme il veut. Les jeux extrêmements bavards et pas forcément intéressants ni bien écrits, ça m'agace. Je préfère qu'il y ait du sous-texte, avec des phrases plus courtes, ponctuelles, mais travaillées. Le joueur comprend les choses par lui-même en lisant les notes, et grâce aux interactions entre les personnages. Ça repose sur l’empathie. On présente des choses, elles sont là, si tu veux lire et comprendre, tu trouveras ton compte.
Avec des personnages attachants, des dialogues ciselés et un univers qui dévoile sa profondeur aux yeux du joueur investi, Lionel réussit à apporter suffisamment d'épaisseur à son jeu malgré un gameplay limité et des défauts évidents (I.A. peu fûtée, caméra parfois capricieuse ...). Mais la plus grande force du titre reste avant tout son identité unique, son level design malin et la beauté des lieux, qui rendent les nombreux allers-retours moins pénibles.
Pour créer ce château, j'ai visité beaucoup de lieux réels, de ruines, de villes fortifiées, comme les châteaux cathares dans le Sud-Ouest. Ça m'a aidé à rendre le monde crédible d'un point de vue structurel, architectural, même si cela reste un univers de conte de fées stylisé. (...) Le rendu graphique final, on l'a atteint dans les derniers mois de production. C'était un vrai travail au niveau des textures et de la lumière. Proposer un monde condensé était nécessaire, je ne voulais pas tomber dans le piège de vouloir faire un Skyrim ou un The Witcher, ça n'aurait pas eu cette densité, ce sens de présence, cette impression d'évoluer dans un décor de cinéma. On voit beaucoup de jeux très grands, mais vides, avec peu de choses à faire.
Atteindre une telle qualité visuelle n'a évidemment pas été de tout repos, et le projet a amplement évolué au fil de son développement. Six longues années, ponctuées de moments difficiles et autres problèmes techniques difficiles à résoudre seul, mais durant lesquelles Lionel a su conserver sa motivation intacte.
C'était un travail de longue haleine, mais c'est aussi l'avantage de travailler seul : je pouvais changer de casquette, programmer pendant trois semaines puis faire de la modélisation, faire du level design, voir comment on fait un château, une tour, ce genre de chose. Ça m’a permis de ne jamais être lassé. Je voulais toujours tenter des choses en me levant le matin. Sur la durée, c’est indispensable. Créer un jeu, c’est passionnant, excitant. Dans un grand studio, ça doit être plus pénible d’être focalisé sur un seul élément. Être seul, ça demande bien entendu beaucoup de discipline. Si je n’avais pas eu ce bagage professionel derrière moi, ça aurait sans doute été plus difficile. Mon rythme de travail était régulier : je faisais des journées longues, typiquement de 8h à 22h, mais en prenant de grosses pauses au milieu quand j'en ressentais le besoin. GoaT n'est jamais devenu une charge pénible pour moi.
Souris à la vie
Le 13 mars 2018, Ghost of a Tale sort enfin en version 1.0. La fin d'un long périple ? Pas vraiment. Criblé de bugs (sauvegarde, caméra, quêtes impossibles à terminer, keybinding...), le jeu s'attire vite les foudres d'une partie des joueurs.
Les bugs au lancement ont été un problème, c'était très dur. On a travaillé avec Cyrille quotidiennement pendant une dizaine de jours, avec une ou deux nuits blanches dans le lot, pour rectifier le tir. On ne l’a pas vu venir, les tests que nous avons faits n'étaient pas suffisants par rapport au fait d'avoir des milliers de gens qui jouent au jeu. C'était une énorme leçon. Sur Steam, j’ai expliqué clairement que si j’avais pu le faire, j’aurais remis le jeu en accès anticipé pour corriger les bugs. Aujourd’hui, GoaT est l’un des jeux Unity les plus stables. Ce que je regrette, c’est que les critiques qui ont descendu le jeu pour ses bugs ne sont pas actualisées. Je suis tout de même satisfait de l'accueil rencontré. Bien sûr, on est loin des gros succès indés comme Firewatch. Mais on n’avait pas du tout de marketing ou de communication, zéro contact dans la presse ou dans le milieu et le jeu était en développement pendant très longtemps. Tous les jours, on reçoit des messages de gens qui se demandent pourquoi ils n'en ont jamais entendu parler. J’espère que la sortie sur consoles va aider à sa visibilité. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai lancé ce projet. Plutôt pour la satisfaction personnelle de mener à bout de bras un projet de zéro jusqu’à sa complétion. Même si je n’avais pas été payé, je l'aurais fait.
Désormais, Lionel et sa petite équipe, aidée par un studio externe (Seaven Studio), peaufinent les derniers détails pour que Ghost of a Tale puisse débarquer sur PS4 et Xbox One, dès le 12 mars prochain. Des versions "très proches de celle sur PC" d'un point de vue technique, nous assure-t-il. La Nintendo Switch ? Il ne ferme pas la porte à l'idée d'un portage, mais avoue ne même pas savoir "si c'est possible techniquement" compte tenu des limites de la machine. "Il faudrait faire appel à un autre studio car c'est difficile comme travail. Ça serait bien si on pouvait le faire cette année". En parallèle, il trouve à nouveau le temps de jouer. Le jeu qui l'a le plus impressionné récemment ? "Sans conteste God of War, d'un point de vue artistique et technique", nous confie-t-il. Bien entendu, il pense également à l'avenir. Que les fans de Tilo se rassurent : nous risquons d'entendre à nouveau parler de lui.
J’ai une énorme envie de continuer dans le jeu vidéo. Ce serait dommage de ne pas se servir de toute l’expérience emmagasinée pour faire encore mieux. Il y a encore plein d’histoires à raconter dans ce monde-là. Rien de précis pour l’instant, mais je réfléchis. On se donne quelques mois après la sortie sur consoles pour voir ça, le temps que tout soit défini et clair d'un point de vue ambition et budget. Je réfléchis aussi à engager d’autres personnes pour pouvoir me décharger de certaines tâches. Mais je ne veux pas monter de studio : Ghost of a Tale, ça reste une aventure personnelle.
Interview réalisée par nos soins début février 2019.
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Ghost of a Tale : l'avis de la rédaction en 3 minutes