L'arrivée d'Internet à haut débit fut une véritable aubaine pour le jeu vidéo, annihilant de plus en plus les distances et frontières entre les gamers. Alors qu'il y a 25 ans, on ne pouvait jouer qu'avec ses proches voisins, il est désormais possible de se fragger entre purs inconnus à travers le monde, et ce en quelques instants. Et tout ça dans la joie et la bonne humeur ? Pas si sûr...
Très légère mise en garde, compte tenu du thème de ce billet, vous y trouverez quelques termes insultants à peine censurés. Ils sont présents pour appuyer le propos, mais si cela vous gêne, nous vous invitons à ne pas lire cet article. Notez que comme tous les autres billets, il ne véhicule que l'opinion de son auteur, auquel vous pouvez répondre dans les commentaires ou via Twitter, @Anagund.
Un constat amer
Nous y avons tous eu droit : vous jouez tranquillement en ligne à votre jeu préféré quand, sorties de nulle part, les insultes se mettent à fuser à cause d'un frag un poil trop humiliant ou d'une simple erreur de jugement. Vous enchaînez deux headshots miraculeux sur Rainbow Six Siege ? Vous devenez soudainement un « fils de p*te de cheater ». Vous ratez un ballon dans Rocket League ? « sale noob de merde, uninstall ». Des violences verbales qui sont tellement récurrentes aujourd'hui qu'elles font partie de notre quotidien, aussi acceptées que sur le reste du net. Soyons clairs, je ne suis pas là pour apporter une solution à ce problème, car comme vous, je n'en ai pas. Mais je pense qu'il est important de souligner le véritable impact de ce type de comportement.
Je sais ce que certains d'entre-vous peuvent se dire en lisant ses lignes. Des choses qui pourraient se résumer en « pfff, petite nature va, c'est la vie, grandis un peu ! ». Ce à quoi je répondrais quelque chose qui pourrait être condensé en ceci : « non ». Faire fi des violences verbales n'est pas la solution. Quand je joue en ligne, c'est pour me détendre, ce qui peut s'avérer compliqué dans un climat de haine palpable. Ceux qui ont joué en ligne lors des débuts d'Internet il y a 20 ans le savent : l'ambiance était beaucoup plus sereine à l'époque. Et c'est justement ce qui est inquiétant aujourd'hui, notamment pour la jeune génération. Voici une question hypothétique : j'ai beau adorer et défendre le jeu vidéo, est-ce que je souhaiterais que mon fils de 8 ans joue à Rocket League en ligne, un jeu pourtant PEGI 3 ? J'en doute fortement. Je ne voudrais pas le soumettre à de potentiels barrages d'insultes, des mots à la puissance inimaginable pour un gamin. Alors que le jeu vidéo est censé, initialement, être un territoire d'amusement, il est parfois difficile de le voir comme tel sur les serveurs online du monde entier et nombreux sont ceux qui préfèrent jouer avec des potes, ou à des titres dont le gameplay ne nécessite pas de communiquer (notamment les jeux 1v1 comme les jeux de cartes par exemple).
Il est difficile de vraiment définir ce qui fait du jeu vidéo online des terres hostiles... Pourquoi est-il si fréquent de se faire insulter quand on joue en ligne alors que l'on réussit à acheter du pain sans entendre « C*ka Bl*at » en écho ? En restant très succinct, disons que c'est un constat récurrent quand on parle d'Internet : si vous voulez vraiment entrapercevoir les tréfonds de l'humanité, donnez lui un mégaphone et l'anonymat. Aussi vrai que cette technologie rapproche des gens très éloignés et favorise la communication, elle déshumanise les interactions avec autrui, à travers un écran. C'est beaucoup plus facile de traiter quelqu'un d'enc**é quand on ne voit pas ses réactions et quand on en craint pas les conséquences. Mais justement, puisque l'on parle de conséquences, quelles sont-elles pour le jeu vidéo en tant que média ?
Quel futur ?
Outre l'impact personnel, il faut bien comprendre aussi l'impact global de la situation. Beaucoup de gamers se plaignent du traitement des jeux vidéo dans les autres médias, notamment à la télé ou à la radio, où il a souvent été diabolisé. Si nous avons tous des exemples d'énormités qui ont été dîtes sur le gaming, il faut bien avouer que les joueurs savent donner le bâton pour se faire battre. Notre incapacité à accepter ceux qui ne baignent pas constamment dans l'univers du jeu vidéo, les « noobs », se ressent dans pratiquement chaque partie de n'importe quel jeu en ligne à travers le monde. Une fermeture que nous payons cher aujourd'hui et qui continuera de faire des gamers une communauté refermée sur elle-même, malgré les améliorations notables de ces dernières années.
Le plus dommageable dans tout cela, c'est que les joueurs sont parfaitement au courant du problème. Non, toutes les parties en ligne ne finissent pas en volée d'insultes et il est même possible de passer quatre heures d'affilées online sans voir l'ombre du moindre quolibet. Mais il suffit d'une fois pour gâcher une expérience, et de plusieurs pour nous rappeler que le jeu vidéo aura bien du mal à passer un cap social afin d'être traité comme, par exemple, le cinéma, où on peut encore aller voir des films sans subir de violences verbales de la part des autres spectateurs. Sauf si vous mangez vos popcorn la bouche ouverte, mais bon, vous cherchez aussi.
Notons tout de même que les éditeurs prennent de plus en plus conscience du problème depuis ces cinq dernières années. Ubisoft, notamment, a beaucoup communiqué à ce sujet et essaie tant bien que mal de trouver des solutions automatiques, faute de mieux. Les jeux Nintendo ne disposent pas de chat intégré, ce qui s'avère idéal pour le contrôle parental, bien qu'un poil trop radical pour certains. Bien que selon moi, le problème existera toujours, espérons tout de même que la conscience collective, aidée par d'éventuelles technologies, évoluera un jour afin de faire du jeu en ligne un milieu adéquat pour tous, un vrai lieu de divertissement.