C'est le phénomène incontournable du moment. Si vous vous intéressez ne serait-ce que de loin au jeu vidéo, vous n'avez pas pu passer à côté de la déferlante Playerunknown Battleground, PUBG pour les intimes, le Battle Royale qui n'en finit plus d'enchaîner les records depuis sa sortie – pourtant récente – qui remonte à mars 2017 seulement. Mais si aujourd'hui le titre de Blue Hole occupe une large part de l'actualité et qu'il semble indétrônable, doit-on penser que son ascension se pérennisera ou qu'il ne se résumera qu'à un simple feu de paille médiatique et public ?
Pour un simple rappel des faits, sachez que PUBG est un Battle Royale dans lequel le joueur se trouve propulsé sans armes sur une carte de 64km² en même temps que 99 autres joueurs. Son but ? Trouver de l'équipement afin de survivre jusqu'à être la seule personne vivante en lice. Une zone, mortelle, se rétracte à mesure que la partie avance afin de contraindre les joueurs à s'orienter vers le même espace de jeu, évitant ainsi de voir seulement une poignée de participants se chercher sur une carte absolument immense.
Le titre a été développé par Brendan Greene, déjà responsable d'un mod similaire sur ArmA II et qui avait été consultant sur le projet H1Z1 : King of the Kill, version « Battle Royale » du survival d'origine de SOE : H1Z1 : King of the Kill. Après avoir surfé sur la vague des survival, le genre « Last man standing » a commencé à émerger et c'est à H1Z1 : King of the Kill qu'est revenu l'honneur de mettre le pied à l'étrier à un registre qui a connu un engouement rapide et exponentiel. Toutefois, dans l'ombre, Brendan Greene (ayant quitté son boulot de consultant chez Sony Online Entertainment) a été approché par Bluehole, Inc. , éditeur coréen de jeux multijoueurs, afin de donner naissance à un nouveau concept de Battle Royale, qui deviendra rapidement PUBG. Annoncé mi-2016, le jeu est finalement arrivé en accès anticipé sur Steam le 23 mars 2017 et n'a cessé depuis de connaître une popularité croissante qui lui a permis de bousculer petit à petit un podium de nombre de joueurs simultanés sur Steam que l'on croyait réservé aux mastodontes de Valve.
Et pourtant, affichant en moins d'un an 10 millions de copies vendues, parvenant même à réaliser ce que nombre de AAA pensaient impensable à savoir détrôner DOTA 2 en termes de nombre de joueurs concurrents, PUBG semble engagé sur la route d'un succès colossal. Mais les joueurs sont néanmoins versatiles et il convient de se poser la question de savoir si PUBG connaîtra un succès à la longévité équivalente à celle des jeux qu'il concurrence en terme d'audience. Et si le titre a toutes les raisons de connaître le succès, il lui reste encore pas mal de travail pour s' assurer de rester indétrônable en dépit de l'assurance manifeste de son créateur qui affirmait dans les colonnes de GameSpot :
La courbe des ventes ne fait que se dresser ; les ventes ne faiblissent pas. J'attends toujours qu'elles se stabilisent, et ce n'est visiblement pas encore au programme. Quand vous parlez de croissance sur PC, je pense à League of Legends. Il a 100 millions de joueurs actifs par mois je crois, quelque chose de fou dans le genre. Si nous jouons bien nos cartes, peut-être que nous pourrons avoir autant d'utilisateurs.
Adrénaline, immédiateté... Des concepts qui savent retenir les joueurs
La force de PUBG , c'est la simplicité de son concept et les sensations universelles qu'il provoque pour garder le joueur dans son giron. Le titre de Blue Hole ne s'encombre pas de lore ou même d'un design recherché : il va droit à l'essentiel et s'appuie sur sa communauté croissante pour assurer un matchmaking rapide en cas de mort... ce qui arrivera très régulièrement. En outre, l'aspect compétitif, avec ce qu'il comporte de statistiques et de leaderboards cumulés à la possibilité d'engranger des points pour ouvrir des caisses débloquant des éléments cosmétiques, a déjà largement fait ses preuves par le passé. Les bases du jeu sont donc suffisamment éprouvées et facilement assimilables pour attirer massivement les joueurs en mal d'adrénaline.
Nous parlions d'émotions provoquées par le jeu et effectivement, le sentiment de pression qui plane au-dessus de chaque partie de PUBG garantit aux joueurs pas mal d'adrénaline. Lorsque vous rentrez dans le TOP 10 et que vous êtes sur le qui-vive pour détecter les joueurs susceptibles de vous tuer, la pression est forte et l'obtention du fameux Chicken Dinner (comprenez Top 1) est d'autant plus gratifiante que le jeu est sans pitié. Et à chaque fois que l'on se rapproche de la victoire, le sentiment que la partie suivante « sera la bonne » invite à urgemment presser à nouveau le bouton "Play" pour rapidement retrouver ce sentiment de pression qui habite les sessions de jeu.
Car en définitive, la mort est une composante essentielle du jeu et n'a finalement pas une grande importance, pas suffisamment du moins, pour frustrer ad nauseam le joueur et ainsi le désintéresser du titre. Au contraire, la mort est le moteur de votre adrénaline, PUBG parvenant, à l'inverse de la plupart des shooters, à donner beaucoup de poids à la vie de votre avatar et la peur de passer l'arme à gauche pimente largement les parties. Une chose assez unique là où le respawn est la norme. Le décès est ici brutal et définitif, et personne n'a envie de perdre un équipement performant d'une simple balle de sniper. La prudence comme une légère paranoïa sont donc de mise, sensation inédite dans le milieu du shooter multi.
Par ailleurs, en dépit du concept simple du jeu, chaque partie est différente, que vous vous adonniez aux joies des sessions en squad ou en solo. Si le jeu est punitif et pardonne rarement les erreurs, la qualité générale de son gameplay permet à chacun de progresser d'une partie sur l'autre, d'enchaîner plus de frags et de se rapprocher peu à peu du Top 10 et finalement du Top 1. Les morts se font de plus en plus rares et paraissent de moins en moins injustes, incitant ainsi le participant à s'acharner pour ne pas inverser sa courbe de progression.
Ainsi, si vous adhérez au concept du Battle Royale, PUBG est idéal car il repose sur des bases très solides et sur un concept addictif offrant des sensations terriblement grisantes, qui invitent le joueur à systématiquement relancer une nouvelle partie pour tenter l'obtention du précieux TOP 1. La construction du jeu est telle que vous alternez entre phases d'accalmie et déchaînement de violence d'un instant à l'autre, garantissant pas mal de rythme à chaque session qui se répètent sans se ressembler, et qui créent parfois des situations plutôt cocasses, absolument idéales pour être diffusées sur Twitch.
Un impact retentissant en streaming
Si PUBG s'écoule par palettes entières, de nombreuses autres personnes connaissent bien les mécaniques du jeu et le déroulement de ses parties sans jamais avoir posé les mains dessus, grâce à la popularité de Twitch. A l'heure où nous écrivons ces lignes, PUBG est regardé par 146 817 spectateurs, loin devant LoL et ses 83 684 viewers. Et il faut reconnaître que l'engouement pour le titre sur la plate-forme de streaming ne devrait pas immédiatement prendre du plomb dans l'aile. En dépit de la prolifération de streamers qui diffusent leurs parties du Battle Royale, PUBG ne perd rien de son aspect divertissant grâce – là encore - à un concept qui permet à chaque joueur de jouer à sa manière. Ainsi, le joueur agressif offrira aux spectateurs son lot de frags tandis que le compétiteur prudent proposera des streamings chargés d'adrénaline. Mais d'une manière comme d'une autre, le potentiel comique des morts infligées ou subies reste une quasi-constante et les viewers en quête de situations tendues et / ou comiques trouveront pour longtemps chaussure à leur pied.
https://www.youtube.com/watch?v=Pjs1pWOQwvwUn premier pied assuré mais imparfait dans l'e-sport pour s'offrir la longévité
Le public, très friand de PUBG sur Twitch a également répondu présent sur la destination presque obligée de tout shooter multi / compétitif, celle qui mène à l'e-sport. Les mastodontes, qui sont joués depuis des années avec le même degré de ferveur tiennent leur succès jamais démenti d'une dimension compétitive bien assise, permettant au public de vibrer au rythme des matchs et des différents championnats. PUBG a clairement l'ambition de creuser son trou dans ce secteur en plein boom et s'y est essayé avec un certain succès à l'occasion de la gamescom 2017. Les audiences parlent d'elles-mêmes : pas moins de 400 000 viewers se sont réunis autour de l'événement, preuve du vif intérêt que porte le public au titre de Blue Hole qui montre sa capacité à rentrer directement dans la cour des grands en fédérant un large public.
Si l'événement a été imparfait, c'est aussi parce que PUBG, comme H1Z1 avant lui, bouscule les codes des jeux eSport. Son format de 100 personnes lâchées sur une seule carte et le système de classement demandera quelques ajustements pour rendre la compétition équitable (la dimension aléatoire du loot pourrait poser problème) et agréable à regarder, mais l'originalité du jeu mêlée à son côté parfois franchement spectaculaire pourrait assurer la pérennité du jeu, qui rappelons-le, n'est toujours pas sorti en version définitive. De plus, ses mécaniques, à l'inverse des grands pontes de l'eSport sont particulièrement simples à comprendre et permettent à tous ou presque de prendre plaisir à regarder les meilleurs joueurs du titre s'affronter pour le dîner au poulet. Ce simple fait pourrait offrir une belle longévité à PUBG, qui devra toutefois évoluer et travailler dur pour résister aux outrages du temps et à une concurrence qui ne devrait pas rester pour longtemps endormie.
Un vide de concurrence qui ne saurait tarder à être comblé
Si le Battle Royal est issu de simples mods, PUBG est parvenu à enterrer tout ce qui occupait l'espace avant lui dans ce domaine. Si H1Z1 a incontestablement mis le pied à l'étrier au genre, PUBG en est aujourd'hui le plus fier représentant, occultant sans trop forcer la concurrence qui, si elle conserve son noyau dur de fans, n'est pas parvenue à endiguer la déferlante causée par le titre de Blue Hole. Avec ses millions de ventes et sa prochaine ouverture au parc Xbox One, la popularité du jeu ne devrait d'ailleurs pas s'essouffler de sitôt. Mais si l'hégémonie de PUBG n'est pas à discuter aujourd'hui, il faudra faire preuve de vigilance à l'avenir si d'aventure des acteurs majeurs de l'industrie se penchaient sur le cas du Battle Royale. Il est effectivement difficile d'imaginer des studios d'envergure regarder seulement d'un œil distant ce genre qui recueille les faveurs de millions de joueurs.
Ainsi, il ne serait pas étonnant que d'ici une poignée de mois nous voyions apparaître pléthore de Battle Royale dont certains seraient distribués par des éditeurs de poids dans l'industrie, ce qui pourrait provoquer, si le concept suscite toujours l'intérêt des joueurs à ce moment, une guerre essentiellement basée sur les moyens plutôt que sur le principe. Difficile pour l'heure d'imaginer une révolution pure et simple du principe même du Battle Royale et sauf surprise, la promesse de cartes plus variées, de graphismes plus léchés et d'optimisation améliorée pourrait peser dans la balance et laisser PUBG sur le carreau à grand coup de marketing et de bandes-annonce tonitruantes. Si nous ne doutons plus de l'excellente santé financière de Blue Hole, rivaliser avec les acteurs principaux du marché pourrait s'avérer délicat et détrôner celui qui paraît aujourd'hui indéboulonnable. Rockstar, par exemple, a déjà flairé le filon et a introduit dans son mode online Guerre Motorisée, sorte de revisite véhiculée de PUBG. Il suffirait qu'un Electronic Arts ou qu'un Activision lui emboîte le pas et que l'un d'entre eux porte une licence de poids dans le battle royale pour que PUBG ait du mal à soutenir la charge. Reste à savoir si les différents studios sont actuellement à l'oeuvre pour tenter de s'imposer sur un marché pas encore saturé par une abondance de représentants. Et à ce niveau, l'heure est au silence radio.
Si PUBG a encore une large marge de manœuvre et qu'il devrait gagner en stabilité et en contenu d'ici sa sortie définitive, il lui faudra d'autres arguments que le fait d'avoir été le premier à s'imposer sur le secteur pour espérer perdurer.
La nécessité de se renouveler pour durer
Les exemples de jeux étant parvenu à s'imposer sur la durée sont légion et c'est très souvent en raison de leur propension à se renouveler pour autant garder les joueurs d'origine qu’embrigader un nouveau public que l'on doit leur longévité. World of Warcraft multiplie les patchs et extensions tout en tentant de coller avec son époque, Dota 2 s'étoffe de nouveaux héros, s'offre une nouvelle façade graphique et Counter-Strike a su à travers les années s'enrichir en nouveau contenu tout en continuant à peaufiner la formule de base.
Il se pourrait toutefois que ce soit justement la formule de PUBG qui pose problème sur le long terme, le principe même du Battle Royale n'étant pas nécessairement le plus fertile pour des évolutions drastiques. Si l'on peut sans peine imaginer un PUBG agrémenté de nouvelles cartes, armes, véhicules ou même de nouvelles contraintes pour pimenter un peu les parties, il ne sera pas évident de faire évoluer le concept du jeu sans en dénaturer à outrance la nature. Il faudra pourtant que PUBG parvienne à ne pas trop stagner dans l'étroitesse de son propos et qu'il sache, à mesure que les besoins des joueurs changent, évoluer avec eux, sous peine de retomber dans l'oubli passé une poignée d'années.
PlayerUnknown's Battlegrounds : On fait le point sur la mise à jour d'été !
S'il est aujourd'hui délicat d'affirmer avec certitude que PUBG parviendra à être davantage qu'un feu de paille dans l'industrie, il dispose toutefois d'arguments suffisamment solides pour tenter de s'imposer sur le long terme. Il lui faudra pour cela faire preuve d'une belle capacité de renouvellement, asseoir sa crédibilité dans l'eSport et tenter de sans cesse s'adapter aux exigences de l'industrie pour conserver sa base de fans et attirer de nouveaux joueurs. Il devra sans doute faire face à une concurrence féroce s'engouffrant dans un style qu'il a lui-même démocratisé et pourrait tout aussi bien durer dans le temps tout comme s'éteindre de sa belle mort, quitte à ce qu'on se souvienne de lui seulement comme celui qui a lancé la mode des Battle Royale.