Arkane Studios est avant tout une aventure de passionnés. Son histoire débute à l’aube des années 1990 avec la rencontre de deux amoureux du jeux vidéo, Rafael Colantonio et Harvey Smith. Le premier officie d’abord chez Electronics Art en tant que designer sur des séries telles que FIFA ou sur l’adaptation du jeu Warcraft sur PlayStation. Harvey Smith passe la majeure partie de son temps de travail à débugger des jeux tels qu'Ultima VIII pour le compte d’Origin System. Est-ce un hasard si leur destin professionnel les fait se rencontrer en 1995 pour plancher sur la traduction d’un certain System Shock ? Ce qui est certain, c’est que cette rencontre marque le début d’une grande amitié bâtie autour d’une vision commune des expériences de jeu immersives en vue subjective.
Le début d'une histoire
Bridé dans sa créativité chez EA, Rafael Colantonio ne tarde pas à quitter son poste en 1997 pour aller tenter sa chance chez Infogramme. De l’autre côté de l’atlantique, Harvey Smith saisit la géniale opportunité de rejoindre les équipes d’Ion Storm, studio dirigé par Warren Spector, en pleine préparation d’un projet de grande envergure : Deus Ex. Nous sommes en 1999 quand, en quête d’indépendance et d’envie de réaliser sa propre vision créative, Colantonio ouvre les portes d’Arkane Studio à Lyon avec en tête l’idée de créer une suite spirituelle à Ultima Underworld. Si le premier prototype du jeu est reçu très favorablement par le studio Looking Glass, l’éditeur Electronic Arts impose des modifications de gameplay incompatibles avec la philosophie du jeune studio. Tant pis pour les droits de la licence Ultima, Arkane ne signera pas le contrat.
L'équipe de développeurs utilisera tout de même la base de son travail pour créer ce qui allait devenir l’un des monuments du RPG d’action en vue subjective : Arx Fatalis. Sorti en 2002, le titre porte déjà en bandoulière la patte Arkane, ce credo d’immersion qui leur est si cher. Sans être vraiment FPS, les productions du studio adoptent toujours une caméra à la première personne, à mi-chemin entre l’action pure et les mécaniques de choix et de conséquences des RPG, ils accordent aussi une place de choix à l’infiltration comme dans Dishonored, Dark Messiah of Might and Magic ou encore le prochain Prey.
Ces hybrides qualifiés d’ « Immersive Sim » offrent au joueur la possibilité de combiner leurs pouvoirs afin d’aborder chaque situation de manière très créative. Avec son système de magie orignal (où il fallait tracer devant soi le signe du sort à envoyer), son ambiance sombre, l’implication totale du joueur au sein des mécaniques de gameplay, Arx Fatalis permet à Arkane de se forger une réputation au sein de l’industrie et surtout du public. La jeune pousse lyonnaise évolue à cette période dans une douce ambiance de garage, Colantonio et ses quatre collaborateurs porte tous plusieurs casquettes, ils discutent, conceptualisent, rebondissent sans cesse sur leurs idées et bâtissent ensemble une série de piliers de game design encore utilisés aujourd’hui dans les projets du studio.
L'aventure américaine
Arkane est ensuite approché par Valve qui lui propose d’utiliser son moteur graphique Source pour le développement de leur second projet. Si à l’origine le studio s’orientaient vers une suite directe d’Arx Fatalis, le relatif échec commercial du premier opus freine les investissements des éditeurs. C’est à ce moment là qu’Ubisoft, intéressé par le travail de l'équipe, propose au studio d’utiliser la franchise Might and Magic afin de transformer Arx Fatalis 2 en action-RPG. Ainsi naissait Dark Messiah of Might and Magic, titre où l’immersion du joueur passe par un riche système de combat à l’arme blanche à la première personne. Nerveux, maniable, ce nouvel exemple flamboyant d’hybride de genres prouve une nouvelle fois que le mélange équilibré de plusieurs formules de gameplay constitue les bases solides de la patte Arkane.
Nous sommes en 2006 et le studio profite du succès commercial de Dark Messiah (plus d’un million d’exemplaires vendus) pour ouvrir une antenne américaine à Austin au Texas. L’idée est de capitaliser sur le savoir-faire des jeunes talents d’une ville fortement marquée par la culture du jeu immersif (on y retrouve les studios à l’origine de Deus Ex et de System Shock). Les propositions et les idées affluent et Arkane se met au travail sur The Crossing, un projet crossplay mélangeant à sa manière des éléments de FPS solo et de contenus multijoueur dans une expérience multi-univers dotée d’une solide patte graphique. Soutenu par Valve, le titre a néanmoins bien du mal à trouver un éditeur partageant une vision commune avec Arkane.
Trailer du projet annulé The Crossing
Le studio commence à travailler en parallèle sur un blockbuster vidéoludique chapeauté par Steven Spielberg en personne : LMNO. Le réalisateur souhaite utiliser ici les interactions propres au jeu vidéo pour susciter l’émotion chez le joueur à travers la mise en place d’une étroite relation entre un agent secret et Eve, une alien avec laquelle interagir de milliers de façon différentes. Notre article "A la recherche de..." revient sur le destin de cet ambitieux projet. Les deux productions sont malheureusement annulées après plusieurs longs mois de travaux laissant le studio dans une situation financière plus que délicate. Pour se maintenir à flot, l’équipe ne lâche rien et accepte divers projets de sous-traitance tels que la prise en charge du mode mutlijoueurs de Call of Duty : World at War, le projet d’un épisode 4 intitulé Return to Ravenholm pour Half-Life 2 (annulé lui aussi) ou encore un rôle d’assistance pour la conception des animations et du level-design de Bioshock 2.
Et Dishonored sorti des ombres...
Les nuages se dissipent au-dessus d’Arkane lorsque l’éditeur ZeniMax Media (Bethesda Softworks) rachète le studio en 2010. L'équipe saisit alors l’opportunité de revenir à ses premières amours avec l'acquisition de la licence Dishonored. Si, à la base, le projet devait se dérouler au Japon médiéval, les Lyonnais s’entourent de nombreux talents (Harvey Smith, Viktor Antonov, Sebastien Miton) pour y déverser leurs idées et transformer l’essai en l’un des jeux les plus appréciés de l’année 2012 (notre test). Avec son gameplay calibré et sa direction artistique inoubliable, Dishonored est la preuve même de la réussite de la formule Arkane dès lors qu’on laisse carte blanche à ses esprits créatifs.
Face au succès du premier volet, le studio se lance dans l’exercice périlleux d’une suite dès 2012 avec le développement de Dishonored 2. Sorti en novembre dernier, les nouvelles aventures furtives de Corvo se dotent d’un second personnage jouable, Emily Kaldwin, une manière de plus de promouvoir la variété des choix accordés au joueur. En parallèle, Arkane décide une nouvelle fois de s’appuyer sur sa branche texane pour un second projet d’envergure, le reboot de la licence Prey. De prime abord, l’idée pouvait sembler étrange, éloignée des précédents travaux du studio, mais force est de constater que l’ADN Arkane semble avoir imprégné le jeu depuis ses racines.
Prey où la synthèse immersive d'Arkane
Avec Rafael Colantonio à sa tête, Prey se dote d’un solide cadre narratif secondé par un environnement riche et détaillé. Les créatifs indiquent y avoir porté une attention toute particulière aux moindres détails afin d’offrir au joueur un environnement crédible. Si beaucoup de choses ont changé depuis l’époque où Arkane travaillait dans une ambiance de garage, le studio n’a pour autant pas perdu son impératif de flexebilité et d'immersion. Dans son mélange d’influences, la station Talos 1 de Prey reprend à son compte des éléments réalistes et fantastiques afin de créer de toutes pièces un cadre de jeu crédible à nos yeux. L’architecture néo-futuriste des lieux renvoie à son passé glorieux et aux promesses de futur radieux vanté par la société TranStar.
Le futur alternatif dans lequel se déroule les péripéties de Morgan Yu mélange les styles et les courants de pensée, on y retrouve la vision dystopique d’un projet scientifique tel qu’il aurait pu être mis en place si le président Kennedy n’avait pas été assassiné en 1963. Cette réalité alternative est combinée à un univers où une étrange race d'aliens, les Typhons, ont envahi les lieux après une mystérieuse catastrophe. Il en résulte un contexte à la mesure de ce que le joueur a déjà pu arpenter dans une série telle que Dishonored, un équilibre basé sur des fondations réalistes accordant pourtant une place de choix à des éléments plus fantaisistes. Côté gameplay, si Prey et Dishonored partagent là encore la philosophie globale du studio, la furtivité ne jouera pas un rôle central dans le jeu. Certains Neuromods extraterrestres offrent tout de même la possibilité de se transformer en objets du décor pour se déplacer grimé en accessoire inoffensif au nez et à la barbe des Typhoons.
Le gameplay de Prey reprend à son compte le principe de boîte à outil offerte au joueurs, ce même panel de possibilités que l’on retrouvait déjà à l’œuvre dans des jeux tels que Deus Ex, System Shock ou encore Arx Fatalis. Libre à nous d’expérimenter des combinaisons au sein d’un bac à sable dédié à la simulation et à l’immersion. Comme ses prédécesseurs, Prey s’inscrit donc la lignée des productions frappées du sceau Arkane, un titre fidèle aux valeurs qui ont bâti la solide réputation d’un studio d’amoureux d'expériences immersives.
Prey présente son ennemi, les Typhoons