C'était à prévoir et les frères Guillemot, fondateurs d'Ubisoft et de Gameloft, ne pouvaient pas y faire grand chose face à l'agressivité des investissements de Vincent Bolloré : Vivendi vient de lancer une OPA sur Gameloft.
Par l'intermédiaire d'un communiqué diffusé par l'AFJV, Gameloft a déclaré ne faire de commentaires sur cette OPA hostile qu'à l'issue de son conseil d'administration qui se tiendra la semaine prochaine.
"Les dirigeants de Gameloft ont appris par la suspension de la cotation de son titre que Vivendi déposait ce jour une offre hostile sur 100 % du capital de la société. Une réunion du conseil d'administration a été convoquée la semaine prochaine. La Société fera part de sa réaction après la tenue de son conseil.
D'ici là aucun commentaire ne sera fait sur cette offre non-sollicitée."
Depuis fin 2015, Vivendi a frappé fort à la porte d'entrée de l'éditeur de jeux vidéo à grands coups de porte-monnaie, autant chez Ubisoft que chez Gameloft, société jumelle centrée sur le jeu mobile. L’ascension du groupe de Vincent Bolloré a été fulgurante, à tel point qu'il a dépassé récemment le seuil des 30% du capital de Gameloft, "contraignant" ainsi Vivendi à lancer une Offre Publique d'Achat sur l'entreprise.
Le prix proposé par Vivendi s'élève à 6€ par action, soit un peu plus de 20% du cours moyen de l'action. Dans son communiqué, Vivendi exprime ses ambitions :
Les jeux vidéo occupent aujourd’hui une place fondamentale et porteuse dans le secteur des contenus et des médias où Vivendi entend conforter et développer ses positions.
La surprise ne doit donc pas être totale chez les Guillemot même si l'opération doit sans nul doute faire frémir côté Ubisoft, également dans le collimateur de Vivendi qui détient désormais 14.9% de son capital. Le géant aux dents longues, pour lequel nous ne faisons pas trop de souci côté portefeuille, a d'ailleurs récemment eu un bel apport de trésorerie en vendant le restant de ses actions chez Activision-Blizzard ce qui lui a sans doute permis de monter sans sourciller au capital de Gameloft voire d'entretenir les mêmes ambitions pour le leader français de l'édition de jeux vidéo.
Alors que les Guillemot ne cessent de réaffirmer leur opposition à cette intrusion et leur volonté de conserver l'indépendance d'Ubisoft. les perspectives s'assombrissent quelques peu tant les objectifs de Vivendi à court terme semblent limpides, comme en témoigne cette déclaration peu équivoque, même si pour l'heure, le jeu mobile semble être la priorité du groupe :
Le projet d’acquisition s’intègre parfaitement dans la stratégie de développement du groupe comme leader mondial des contenus et des médias. (Le secteur des jeux mobiles est) celui qui devrait connaître la plus forte croissance dans l'industrie du jeu vidéo.
Reste alors à savoir quelles sont les offensives qui pourront être lancées par les Guillemot pour enrayer l’ascension de Vivendi au sein d'Ubisoft, qui a connu une chute en bourse suite aux mauvaises ventes réalisées sur le troisième trimestre de son exercice fiscal, mais la situation n'est pas pour autant figée.
Dans la tourmente, Ubisoft fait front et a déclaré pas plus tard que mercredi ambitionner de tripler son résultat opérationnel en 3 ans, visant un chiffre d'affaire de 2,2 milliards d'euros pour l'exercice 2017-2018, soit plus 60 % de plus qu'en 2015-2016. Cette prise de parole a eu un impact direct sur le cours de l'action d'Ubisoft. L'action augmentant et Vivendi proposant une OPA sur Gameloft, la perspective d'une opération similaire devient financièrement plus délicate pour le groupe de Vincent Bolloré, quand bien même elle serait techniquement réalisable.
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L'OPA de Vincent Bolloré sur l'éditeur Gameloft annonce a priori une vague de départs volontaires ou non de certains employés de la société. Entre restructurations des équipes du siège, fermetures de studio, changements de ligne éditoriale... Vivendi a transformé Activision par le passé et s'apprête à poser la main sur l'un des éditeurs historiques de l'Hexagone. Quant aux employés se sentant pousser des ailes, la division Mobile d'Ubisoft est toute trouvée à condition que cette dernière puisse accueillir un tel arrivage de migrants. L'avenir est synonyme de grisaille en ce vendredi 19 février. Gameloft fut un pionnier du jeu vidéo sur mobiles et le voir tomber dans l'escarcelle Vivendi blesse mon cœur de joueur d'une langueur en rien monotone.