Sorte d'évolution logique à un univers qui a, depuis 2004, su évoluer comme aucun autre au sein du microcosme vidéoludique français, Dofus – Livre I : Julith a la lourde tâche de s'adresser à une large audience : les joueurs du MMO, ceux de la série animée et le grand public. Idée louable mû par un retour sur investissement mais aussi et surtout par l'envie absolue de se rapprocher encore plus de ses fans en leur offrant un beau cadeau de début d'année. Toutefois, en parallèle de ces bonnes intentions, ce Livre I donne-t-il envie de feuilleter jusqu'au bout de la nuit ou de rapidement utiliser un marque-page avant de passer à autre chose ?
Dofus – Livre I : Julith se veut donc une ouverture sur le monde de Dofus sans pour autant laisser de côté les fans des nombreux contenus transmedia qui ont apporté de la richesse à cet univers. Comment faire dans ce cas pour ne pas décevoir ce beau monde tout en gardant en tête une certaine cohérence au niveau de l'histoire ? Eh bien tout simplement en piochant allégrement plusieurs éléments issus des divers médias. Ainsi, autant le dire tout de suite, le film Dofus est un véritable OFNI (Objet filmique non identifié) comme aiment à le rappeler ses propres créateurs. Et il faut avouer que dès les premières minutes, on comprend ce que les co-réalisateurs Anthony Roux et Jean-Jacques Denis veulent dire par là.
Un film indéfinissable
De fait, le long-métrage s'évertue dès le départ à brouiller les pistes tout en reprenant les codes du film d'aventure traditionnel dont le pitch semble découler d'une longue, très longue tradition de RPG japonais elle même bâtie sur le concept immuable du monomythe. Pour faire simple, Joris, le jeune héros du film, va devoir passer par moult rites initiatiques afin de contrer la dénommée Julith bien décidée à anéantir la cité de Bonta. Pour se faire, il devra lutter aux côtés de compagnons d'armes dont les personnalités distinctes serviront le récit afin de lui insuffler action, humour et grands sentiments. En soi, le scénario de ce Livre I n'a rien de transcendant même si il pâlie souvent ses carences par un rythme effréné durant plus d'1h40. Est-ce un mal ? Pas vraiment bien qu'il faille un moment pour véritablement plonger dans ce maelström de références où les blagues grivoises côtoient des personnages kawaï à souhait.
A ce titre, la composition de notre petit groupe d'aventuriers est assez caractéristique de l'aspect hétéroclite du film. On y trouve Lilotte, petite orpheline ayant fait les 400 coups et inséparable amie de Joris, Bakara, une apprentie mage un brin coincée mais aux immenses pouvoirs ou bien encore Khan, star de Boufbowl (le sport national de l'univers Dofus), imbu de lui-même, charmeur et très intéressé par ladite Bakara. Rajoutons à ce casting Kerubim, vieil homme-chat renvoyant au Yoda de Star Wars et cachant lui aussi d'immenses pouvoirs qu'il mettra à profit pour affronter Julith.
En somme, on oscille constamment entre des scènes « Ghibliesques », des passages beaucoup plus durs contrebalancés la séquence d'après par de multiples sous-entendus graveleux et l'humour très en dessous de la ceinture de Khan. Bref, un mélange (d)étonnant surtout quand les réalisateurs choisissent sciemment de court-circuiter une scène épique par des éléments comiques.
Il y a donc à boire et à manger même si étrangement, c'est bel et bien ce mariage improbable de styles, de personnages, qui donne vie au long-métrage en lui offrant un charme à nul autre pareil.
Une animation hybride entre série TV et film à gros budget
Cet état hybride se retrouve également dans les techniques d'animation optant, à l'instar de la série TV, pour le flash, le numérique ou bien encore l'animation traditionnelle. Sur ce point, et bien qu'on soit impressionné par ce travail 100% réalisé dans le nord de la France, l'homogénéité globale s'en retrouve quelque peu alterée.
Cependant, ne boudons pas notre plaisir, le film restant très agréable à l’œil, extrêmement riche dans ses décors (dont le niveau de détail et les tonalités donnent à l’ensemble un exotisme certain) auxquels il faut ajouter des scènes d'action ultra détaillées et dynamiques.
Entre errances, savoir-faire et sincérité
En définitive, Anthony Roux et Jean-Jacques Denis ont réussi leur pari de transposer à l'écran un univers établi en le rendant accessible à tout un chacun à travers une mise en scène élégante et suffisamment solide. Si le rythme soutenu permet de ne jamais s'ennuyer, mentionnons tout de même une fin trop longue d'au moins 20 bonnes minutes basées sur un climax prévisible car relativement consensuel malgré les libertés prises afin de casser les codes de la comédie-aventure à destination du jeune public.
Pour autant, le plus important est qu'on ressent l'envie de bien faire et de proposer un résultat digne des plus grands studios malgré des moyens bien moindres. Sur ce point, rien à redire, le savoir-faire français n'est plus à prouver et transparaît à l'écran via l’animation pure ou certains choix esthétiques à l'image des flashbacks façon crayonné.
Dofus – Livre I : Julith assure donc le spectacle et si il se perd parfois en chemin dans sa narration un peu lambda ou sa réalisation, l'énergie qu'il déploie est telle qu'on a du mal à ne pas être enthousiaste. Espérons simplement que les partis-pris assumés ne jouent pas en sa défaveur. C'est tout le mal qu'on lui souhaite car mine de rien, on aimerait bien d'ores et déjà retrouver cette joyeuse bande.
Reportage sur la réalisation du film Dofus