En pleine restructuration, qui pourrait l'amener à délaisser les consoles, Sega pédale depuis des années pour maintenir la barre. PDG de Sega of America jusqu'en 1996, Tom Kalinske n'a pas que des mots tendres pour la société et ses décisions stratégiques.
Tom Kalinske a dirigé Sega of America de 1990 à 1996, après avoir dirigé Mattel (et fait exploser la marque Barbie). Depuis, l'homme a pris en main LeapFrog, un fabricant de tablettes pour enfants et d'ordinateurs-jouets éducatifs que les oreilles des parents ont appris à redouter, mais ne quitte pas son ancienne boîte des yeux. Et pour lui, comme il l'explique à Games Industry, Sega "semble avoir pris les mauvaises décisions depuis 20 ans". Une période qu'il ne choisit pas au hasard puisqu'il fait remonter la première erreur de Sega aux années 90, lorsque ses dirigeants ont refusé l'offre d'un partenariat avec Sony dans la conception et la commercialisation d'une console commune.
L'histoire est peu connue, Kalinske l'avait détaillée en 2013 à MCVUK, mais après avoir été quelque peu refroidi par l'idée de travailler avec Nintendo à la conception d'une console, Sony, via Olaf Olafsson (président de Sony Electronic Publishing qui présentera la PlayStation à l'E3 1995) et le PDG de Sony America, a approché Sega et Tom Kalinske dans l'idée d'associer leurs talents, Sony se chargeant du hardware, Sega du software. Une idée que Kalinske avait bien l'intention de valider puisqu'elle permettait de limiter les risques et les coûts, avec la perspective de réaliser des bénéfices conséquents. Le conseil d'administration de Sega rejettera finalement la proposition, l'une des raisons du départ de la société de Kalinske et surtout, selon lui, la première erreur du groupe.
L'une des principales raisons pour lesquelles j'ai quitté Sega, c'est que nous avions eu l'opportunité de travailler avec Sony, quand Olaf Olafsson, Mickey Schulhof et moi-même nous sommes mis d'accord sur le fait que nous allions créer une plate-forme, partager les coûts de développement, partager les pertes probables pendant 2 ans mais engranger tous les bénéfices que nous pourrions tirer du software sur cette plate-forme. Evidemment, à l'époque nous étions bien meilleurs en software qu'ils ne l'étaient, j'ai donc vu ça comme une victoire majeure. Nous sommes allé voir Sony et ils ont approuvé.
Nous sommes allé voir Sega et le conseil a refusé, ce qui est je pense la décision la plus stupide jamais prise dans l'histoire des affaires. Et depuis ce moment, je n'ai jamais eu l'impression qu'ils étaient capables de prendre une décision correcte au Japon.
On pourrait ajouter que Sega commettra une autre erreur peu de temps après, quand, en 1995, durant le tout premier E3, le constructeur tentera de damer le pion à Sony en annonçant la sortie anticipée de 3 mois de la Saturn aux Etats-Unis et en Europe, sans avoir pris le soin d'en avertir les développeurs et surtout les revendeurs (hormis une poignée d'enseignes) qui lui en tiendront fortement rigueur au point, pour certaines, de refuser de stocker la machine. Le tout à un tarif de 399 dollars. Quelques heures plus tard, Sony se contentera de lâcher un très laconique "299", prix de lancement de la PlayStation. La précipitation de Sega pèsera lourd dans l'échec de la Saturn : problèmes de distribution, tarif élevé, catalogue de jeux trop maigre et aucune couverture médiatique du lancement seront les conséquences d'une annonce faite au micro par... Tom Kalinske (mais pas nécessairement de son fait).