Les fêtes étant maintenant passées, on devrait logiquement se tourner vers 2015 et ses hits. Cela n'empêche toutefois pas de regarder en arrière l'espace d'un instant afin de vous proposer un petit voyage dans le temps. Vous nous voyez venir ? Eh oui, c'est l'heure de la news BTG* !
Vous connaissez désormais le principe des news BTG : on retourne dans le passé afin de voir quelle information faisait les gros titres il y a 10 ans. Cela nous emporte donc en janvier 2005, période chargée durant laquelle un sujet agitait tout particulièrement le monde du jeu vidéo, mais aussi les médias économiques et généralistes, allant même jusqu'à faire intervenir les plus hautes sphères de l'Etat. Il s'agit bien évidemment du rachat d'Ubisoft par l'ogre Electronic Arts.
David contre Goliath
Si aujourd'hui Ubisoft fait office de géant intouchable avec ses 29 studios un peu partout dans le monde produisant des titres aussi rentables qu'Assassin's Creed, Far Cry ou Just Dance, le constat était bien différent en 2005. Certes l'éditeur français pouvait déjà s'appuyer sur des licences comme Rayman ou Prince of Persia, mais la comparaison avec EA était tout sauf flatteuse. Avec une capitalisation de 13,3 milliards de dollars, le géant américain pesait à l'époque 27 fois plus lourd que le "petit" éditeur français. Cela en faisait une proie facile qu'EA a essayé de s'offrir.
Electronic Arts était en effet dans une période faste qui s'est traduite par une volonté de racheter un maximum de sociétés afin d'étendre son offre. Toujours en janvier 2005, on parlait ainsi du rachat de la société Optisp, alors acteur majeur du jeu en ligne basé à Hong Kong. Avec ses jeux de sport multimillionnaires, les jeux grand public d'Ubi et la dimension multi d'Optisp, EA était en mesure de créer là un véritable empire capable de contrer toute concurrence éventuelle.
Une acquisition contestée
D'abord évoqué fin 2004, le rachat d'Ubisoft a pourtant rencontré de vives hostilités en France et à l'étranger durant tout le mois de janvier 2005. De nombreuses sociétés ont en effet proposé leur soutien financier à Ubi, à commencer par Vivendi et Infogrames, mais aussi des acteurs importants du millieu comme Activision et Take-Two. Des rumeurs annonçaient que l'Etat lui-même pourrait intervenir pour contrer les ardeurs d'EA. Yves Guillemot, PDG d'Ubi, affirmait de son côté que ces tentatives de rachat avaient été perçues comme une aggression, mais qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter puisque Ubi avait un plan secret.
Seulement voilà, l'Etat n'a finalement pas pu, ni souhaité, intervenir, affirmant par l'intermédiaire du ministre délégué à l'Industrie, Patrick Devedjian, que seul l'emploi était important, pas la nationalité de l'entreprise. Vivendi n'a pas non plus apporté son aide, tout comme Infogrames en raison de dettes trop importantes. Le rachat de 19,9% des parts d'Ubi par Electronic Arts a donc été finalisé début février 2005 pour environ 95 millions de dollars.
Un partenariat bien discret
Néanmoins, et contre toute attente, EA annonçait alors vouloir être simplement un bon actionnaire, mais en aucun cas une force décisionnaire. Plus surprenant encore, le géant américain se déclairait prêt à tout revendre à prix d'or. Du côté d'Ubi, on craignait qu'il ne s'agisse là que d'un enfumage constituant une première étape avant un rachat complet de la société. Guillemot affirmait même qu'il ne s'opposerait pas à cette éventualité "si l'offre était respectueuse des employés".
Bref, l'ambiance n'était pas au beau fixe, et les choses ont encore empiré en 2007 quand EA a étendu ses droits de vote au conseil d'administration d'Ubi à hauteur de 25%. Pourtant, malgré cette majorité, EA n'a jamais vraiment exercé de pouvoir sur Ubisoft. La raison ? Les résultats étaient excellents, ce qui limitait l'intérêt de toute intervention. Cela a en prime rendu plus difficile l'éventualité d'un rachat complet dans la mesure où les actionnaires n'étaient que peu enclins à céder leurs parts. Logique, pourquoi revendre ce qui rapporte ?
La suite, on la connaît, Ubisoft a récupéré son indépendance en 2010 quand EA a mis en vente ses parts. Cela a mis fin à quasiment 6 ans d'une collaboration qui s'est avérée assez étrangement bien discrète. Imaginez pourtant la puissance qu'aurait aujourd'hui un éditeur combinant les forces de frappe d'Ubi et EA. D'ailleurs, de votre côté, pensez-vous qu'il aurait pu s'agir d'une bonne ou d'une mauvaise chose ?
*L'expression BTG est l'acronyme de "Bien ta grotte" qui exprime l'idée du retard en faisant comprendre à quelqu'un qu'il a manqué une information, importante ou non, connue du plus grand nombre.