La remise en question de la neutralité du Net par l'autorité de régulation des télécommunications américaine devrait-elle concerner les joueurs ? Oui, sans doute. Si le sujet ne vous est pas familier, sachez que la neutralité du Net est tout simplement un principe qui pour l'heure garantit l'accès sans limite de bande passante et sans discrimination aux données du Web. Quel que soit le site consulté, quel que soit votre fournisseur d'accès, vous aurez le même flux de données qu'un autre selon la qualité de votre ligne. Il y a un gros tuyau global par où transitent les données et tout le monde se le partage. C'est également la neutralité du Net qui interdit à un fournisseur d'accès d'orienter ses internautes vers un site plutôt qu'un autre, par exemple parce qu'il aurait des intérêts dans le site en question.
Ce principe, les fournisseurs d'accès ne l'aiment pas beaucoup et ils tentent depuis longtemps de le contourner. Verizon a notamment fait grand bruit cet hiver aux Etats-Unis mais c'est à présent la toute puissante Federal Communication Commission américaine qui vient semble-t-il de mettre à mort ce principe d'égalité. La FCC autorise en effet les fournisseurs d'accès américains à faire payer les gros consommateurs de bande passante afin qu'ils bénéficient d'un "plus gros tuyau", un deal permettant aux internautes d’accéder plus rapidement à leurs données. Dans les faits, cela revient à créer un Net à deux vitesses, ceux pouvant payer profitent d'un boost de leur bande passante, les autres non, et dans la mesure où la bande passante n'est pas infinie, en donner plus à l'un, c'est en retirer à l'autre. De fait, si vous avez vos habitudes sur un site qui ne paie pas, votre accès pourra en être ralenti. D'un côté, un site puissant donne un accès quasi immédiat à une vidéo, de l'autre une société plus modeste voit ses chargements traîner en longueur. En France, même si la chose n'a jamais été officiellement prouvée, Free est fortement soupçonné de brider la bande passante allouée à Youtube sur son réseau. L'autre problème possible, c'est que certains fournisseurs de services ne répercutent ce surcoût sur les utilisateurs...
Il va de soi que cette décision de la FCC va faire fondre les opérateurs américains sur quelques cibles prioritaires comme Youtube ou Netflix qui consomment presque 50% de la bande passante aux USA. Mais un acteur plus proche de nous pourrait lui aussi attirer l'attention : Twitch, qui lors de ses pics de fréquentation devient le quatrième générateur de trafic aux USA et consomme plus de bande passante dans le secteur du streaming que la WWE ou même ESPN. Et si le streaming vidéo ne vous intéresse pas, il vous reste à penser à vos téléchargements Steam, Xbox Live ou PSN qui ne se privent pas pour engorger les tuyaux du Net et pourraient donc eux aussi taper dans l'oeil des fournisseurs d'accès.
Si pour l'heure il n'est pas question d'appliquer ce genre de règles en Europe, la décision de la FCC reste un premier pas dans une direction que d'autres pays pourraient vouloir emprunter, d'autant que l'influence des Etats-Unis sur le devenir du Web est colossale. Aux dernières nouvelles cependant, la commission européenne tend plutôt à renforcer le principe de neutralité de notre côté du Monde.